Alger, 26 mars 1962 – Paris, 26 mars 2012
Trois points de rassemblement
étaient prévus, porteurs d’une forte symbolique nationale : messe à Notre-Dame
de Paris, à midi ; cérémonie au Mémorial national de la guerre d'Algérie et des
combats du Maroc et de la Tunisie du quai Branly, à 14h30 ; ravivage de la
flamme et dépôt de gerbe à l’Arc de Triomphe, à 18h30.
Un regret, tout d’abord :
l’absence de toute caméra et le silence total de la presse écrite et
audiovisuelle sur ces rassemblements. On devait s’y attendre, hélas. Mais trois
raisons de réconfort: la foule nombreuse, soigneusement filtrée, emplissant la
nef de la cathédrale, isolée des bas-côtés à cet effet ; la participation
officielle de soldats et de fanfares rendant les honneurs au quai Branly et à
l’Étoile ; la présence d’une personnalité officielle, le délégué aux rapatriés,
à l’exclusion de toute autre personnalité politique de quelque bord que ce
soit.
Timides signes d’un début de
reconnaissance de la France des drames vécus par les Pieds-Noirs?
Ou simple concession opportuniste, en période électorale présidentielle ? À cet
égard, on peut noter que S.E. le Cardinal Vingt-Trois, invité d’honneur, en
novembre 2009, d’un colloque intitulé « Charles de Gaulle, chrétien, homme d'Etat
», n’a pas daigné faire lire le moindre message de compassion par le Recteur de
la cathédrale de Paris. Ce dernier concélébrait la messe avec deux prélats
fortement liées à notre histoire : Mgr Jean-Yves Molinas,
natif de Zéralda et Vicaire général du diocèse de
Toulon-Fréjus, et Mgr Pierre Boz, archimandrite du
rite melchite catholique et auteur de Fragments d’Histoire des chrétiens en
Algérie.
Le moment le plus poignant de
cette cérémonie religieuse, qui se déroula sous les auspices de la statue de Notre-Dame
d’Afrique, fut sans contexte l’homélie de Mgr Molinas qui évoqua la tragédie des dernières semaines de l’Algérie française en
traçant, étape par étape, un parallèle saisissant avec la liturgie du jour, la
fête de l’Annonciation, à laquelle il rattacha la venue du Christ et sa montée
inéluctable vers le Golgotha. Jamais on n’entendit, dans un lieu saint,
prononcé par un homme d’Église, une telle dénonciation de l’abandon de
l’Algérie et ses suites tragiques, et un tel réquisitoire contre ceux qui auraient
pu, qui auraient dû, éviter tant de morts. Jamais, non plus, on n’entendit,
sous les voutes de Notre-Dame, prononcer, haut et fort, les noms de nos
martyres de l’Algérie française, fusillés pour avoir été fidèles à la parole
donnée : Piegts, Dovecar, Degueldre, Bastien-Thiry. Personne n’oubliera la force
accusatrice avec laquelle Mgr Molinas clama, en forme
de conclusion, les dernières paroles du Christ : « Père, pardonnez-leur, ils ne
savent pas ce qu’ils font ! »
La lecture des noms des victimes
du 26 mars fut un autre moment poignant de cette matinée. La même litanie fut
reprise au quai Branly où la sonnerie aux morts, suivie d’une minute de
silence, résonna à 14h50, à l’heure même où éclata la fusillade, rue d’Isly. La
cérémonie se termina par le dépôt de fleurs par les familles. La présenced’une délégation d’enfants des écoles, à l’Arc de
Triomphe, apportait un signe d’espoir de transmission mémorielle. Symbolique
aussi, le Chant des Africains, entonné a capella, (car la clique
des forces interarmes présente se tut, à moins qu’elle n’eût pas le droit de le
jouer ?). Ce chant retentissait dans le lieu le plus représentatif de la
République française, comme une forme de réintégration de ses enfants oubliés
depuis cinquante ans.
C’est du moins ce que les Pieds-Noirs, dans la chaleur des retrouvailles et le
partage d’une même émotion au souvenir de moments déchirants, voudraient
pouvoir espérer. Il faut noter la parfaite dignité des familles des victimes et
de leurs représentants qui se sont exprimé tout au long de cette journée. Il
est d’autant plus regrettable que le dernier rendez-vous de la journée ne put
réunir tous les participants du matin puisque, à la même heure, une autre messe
était célébrée à Saint-Nicolas-du-Chardonnay. Il n’est pas question de discuter
des choix de chacun. Un autre horaire aurait pu éviter une division, en ce jour
de rassemblement. Nos ennemis, si nombreux et présents dans les media, ne
peuvent que s’en réjouir.
Danielle
Pister-Lopez Homélie de Mgr J.Y. Molinas ![]() Mis en page le 30/03/2012 par RP. |