CEREMONIES A PARIS - Lundi 26 MARS 2012

Alger, 26 mars 1962 – Paris, 26 mars 2012


     Différentes associations de Rapatriés, et de défense de la mémoire de leurs victimes, ont appelé, pour commémorer le cinquantenaire de la fusillade de la rue d’Isly, à Alger, à un rassemblement national à Paris, le lundi 26 mars 2012. L’atrocité de cet événement avait confirmé, de façon brutale, l’inanité des pseudos accords d’Évian, applicables depuis le 19 mars précédent, et le cynisme du pouvoir politique français, déterminé à bâillonner la protestation des Pieds-Noirs abandonné par la métropole, par tous les moyens.

    Trois points de rassemblement étaient prévus, porteurs d’une forte symbolique nationale : messe à Notre-Dame de Paris, à midi ; cérémonie au Mémorial national de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie du quai Branly, à 14h30 ; ravivage de la flamme et dépôt de gerbe à l’Arc de Triomphe, à 18h30.

     Un regret, tout d’abord : l’absence de toute caméra et le silence total de la presse écrite et audiovisuelle sur ces rassemblements. On devait s’y attendre, hélas. Mais trois raisons de réconfort: la foule nombreuse, soigneusement filtrée, emplissant la nef de la cathédrale, isolée des bas-côtés à cet effet ; la participation officielle de soldats et de fanfares rendant les honneurs au quai Branly et à l’Étoile ; la présence d’une personnalité officielle, le délégué aux rapatriés, à l’exclusion de toute autre personnalité politique de quelque bord que ce soit.

    Timides signes d’un début de reconnaissance de la France des drames vécus par les Pieds-Noirs? Ou simple concession opportuniste, en période électorale présidentielle ? À cet égard, on peut noter que S.E. le Cardinal Vingt-Trois, invité d’honneur, en novembre 2009, d’un colloque intitulé « Charles de Gaulle, chrétien, homme d'Etat », n’a pas daigné faire lire le moindre message de compassion par le Recteur de la cathédrale de Paris. Ce dernier concélébrait la messe avec deux prélats fortement liées à notre histoire : Mgr Jean-Yves Molinas, natif de Zéralda et Vicaire général du diocèse de Toulon-Fréjus, et Mgr Pierre Boz, archimandrite du rite melchite catholique et auteur de Fragments d’Histoire des chrétiens en Algérie.

 Le moment le plus poignant de cette cérémonie religieuse, qui se déroula sous les auspices de la statue de Notre-Dame d’Afrique, fut sans contexte l’homélie de Mgr Molinas qui évoqua la tragédie des dernières semaines de l’Algérie française en traçant, étape par étape, un parallèle saisissant avec la liturgie du jour, la fête de l’Annonciation, à laquelle il rattacha la venue du Christ et sa montée inéluctable vers le Golgotha. Jamais on n’entendit, dans un lieu saint, prononcé par un homme d’Église, une telle dénonciation de l’abandon de l’Algérie et ses suites tragiques, et un tel réquisitoire contre ceux qui auraient pu, qui auraient dû, éviter tant de morts. Jamais, non plus, on n’entendit, sous les voutes de Notre-Dame, prononcer, haut et fort, les noms de nos martyres de l’Algérie française, fusillés pour avoir été fidèles à la parole donnée : Piegts, Dovecar, Degueldre, Bastien-Thiry. Personne n’oubliera la force accusatrice avec laquelle Mgr Molinas clama, en forme de conclusion, les dernières paroles du Christ : « Père, pardonnez-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ! »

     La lecture des noms des victimes du 26 mars fut un autre moment poignant de cette matinée. La même litanie fut reprise au quai Branly où la sonnerie aux morts, suivie d’une minute de silence, résonna à 14h50, à l’heure même où éclata la fusillade, rue d’Isly. La cérémonie se termina par le dépôt de fleurs par les familles. La présenced’une délégation d’enfants des écoles, à l’Arc de Triomphe, apportait un signe d’espoir de transmission mémorielle. Symbolique aussi, le Chant des Africains, entonné a capella, (car la clique des forces interarmes présente se tut, à moins qu’elle n’eût pas le droit de le jouer ?). Ce chant retentissait dans le lieu le plus représentatif de la République française, comme une forme de réintégration de ses enfants oubliés depuis cinquante ans.

     C’est du moins ce que les Pieds-Noirs, dans la chaleur des retrouvailles et le partage d’une même émotion au souvenir de moments déchirants, voudraient pouvoir espérer. Il faut noter la parfaite dignité des familles des victimes et de leurs représentants qui se sont exprimé tout au long de cette journée. Il est d’autant plus regrettable que le dernier rendez-vous de la journée ne put réunir tous les participants du matin puisque, à la même heure, une autre messe était célébrée à Saint-Nicolas-du-Chardonnay. Il n’est pas question de discuter des choix de chacun. Un autre horaire aurait pu éviter une division, en ce jour de rassemblement. Nos ennemis, si nombreux et présents dans les media, ne peuvent que s’en réjouir.

Danielle Pister-Lopez
Vice-présidente du Cercle algérianiste de Champagne et du Grand-Est

Homélie de Mgr J.Y. Molinas
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Mis en page le 30/03/2012 par RP.