Discours de Robert Ménard, maire de Béziers, prononcé lors
de la cérémonie organisée à la mémoire des Français victimes du massacre de la
rue d'Isly :
26 mars 2016 cimetière neuf de BEZIERS
"Mesdames, Messieurs, Voilà exactement 54 ans, le 26 mars 1962, l'armée française
tirait sur des Français d'Algérie. 67 morts, 200 blessés.
Le soir même, le général de Gaulle prenait la parole à la
télévision. Il exhortait les Français à dire oui au référendum sur
l'autodétermination – l’indépendance en fait - de l'Algérie.
Le président d'un État dont les forces de l'ordre venaient
d'assassiner 67 civils prononçait, osait prononcer ces mots : « En faisant sien
ce vaste et généreux dessein, le peuple français va contribuer, une fois de
plus dans son Histoire, à éclairer l'univers ».
Mots grandiloquents, mots emphatiques, mots de morgue, mots
de mensonge. En fait d'univers éclairé, c'était une nuit sans étoiles et sans
lune qui s'abattait sur les Français d'Algérie et sur les harkis. Une nuit
d'effroi et d'agonie, de rapts, d'égorgements, de viols. Pour tout un peuple,
il n'y aura plus jamais d'aurore sur cette rive de la Méditerranée.
Trois mois plus tard, c'était l'exode d'un million de
Français fuyant les couteaux et les balles des barbares avec lesquels ce même
général de Gaulle avait signé un accord. Trois mois plus tard, des dizaines de
milliers de harkis étaient abandonnés à leurs assassins. Ils allaient mourir
dans une orgie de violence…
Un demi-siècle a passé. Deux générations. Beaucoup sont morts
qui n'auront jamais revu leur terre natale, goûté ses fruits gorgés de soleil,
senti de nouveau l'odeur des eucalyptus, ri à gorge déployée sur les plages de
leur enfance.
Pourquoi revenir sur cette période autrement qu’en déposant
symboliquement, protocolairement, une artificielle couronne d'hommage, sertie
de phrases creuses et mornes ? Pourquoi se livrer à ce qui peut ressembler à un
combat d'ombres évanouies contre des spectres sans linceul ? Pourquoi ? Parce
que rien n'est achevé. Rien n'est clos. Tout revient.
Le passé, vous savez, le passé se déverse dans l'avenir. Il
est un torrent qui n'oublie rien et qui charrie en ses eaux toutes les fautes,
tous les renoncements, tous les mensonges. Un jour, le torrent resurgit à la
surface et l'on s'aperçoit alors que ce que l'on croyait disparu voyageait,
souterrain, en silence. Il n'est pas rare dans l'histoire - car l'histoire n’a ni morale ni fin - qu'une génération doive payer pour
une autre. C’est bien ce qui nous menace aujourd’hui…
Le massacre de la rue d'Isly, comme le dieu Janus, a, au
fond, deux visages. Isly est à la fois un commencement et une fin. Une porte
d'entrée et une porte de sortie. Isly est la puissance et la gloire, mais aussi
la faiblesse et la honte.
Puissance, car s'il existait à Alger une rue d'Isly, c'est
parce qu'auparavant, il y avait eu une bataille d'Isly. Le 14 août 1844, aux
confins de l'Algérie, 11 000 Français avaient vaincu 25 000 Marocains. Battus,
en déroute, ces Marocains abandonnèrent l'émir Abdel Kader et ses tribus épuisées.
L'Algérie pouvait devenir française. Isly, c'est donc une victoire fondatrice,
c’est l'Empire, c'est la France sûre d'elle, de sa force, de sa langue, de sa
civilisation.
Mais, depuis le 26 mars 1962, Isly est aussi le symbole de
la France qui fuit, de la France qui se ment à elle-même, de la France qui
meurt…
A cinquante ans de distance, nous vivons des faits
similaires. Les événements de 2015 à Paris – ou à Bruxelles - sont l'écho
des événements d'Algérie de 1954 à 1962. Hier déjà, le fanatisme islamiste
galvanisait ceux qui s'appelaient entre eux, non pas des fellagas, mais des
moudjahidines.
Ce fanatisme qui a fait le tour de l'Orient campe désormais
dans nos villes. Le dire n'est pas faire un contre-sens historique, mais un
raccourci libérateur qui mène d'une vérité à une autre, pour faire comprendre
les liens qui existent et qui expliquent ce qui se passe et ce qui risque de se
passer.
Certains nous accusent d'instrumentaliser l'histoire au
prétexte que nous lui donnons un sens qui n'a pas le bonheur de leur plaire.
Mais il y a une différence entre ces gens et nous. Pour la plupart d'entre eux,
l'histoire, ce sont des livres, des films, des cours... Pour nous, l'histoire,
cette histoire, c'est notre histoire. Nos familles ont payé du prix de l'exil,
du prix des larmes, du prix du sang, le droit de dire cette histoire.
Eux parlent ou écrivent, nous, nous avons vécu. Et ils
voudraient encore, ils voudraient en plus que nous nous taisions ? Que nous les
écoutions nous expliquer la guerre d'Algérie tout en nous excusant de ne pas
être morts comme tant des nôtres ?
Nous ne nous tairons jamais. Et encore moins au regard des
événements de 2015 et de ce début d'année. Et encore moins devant, face à ce
qui vient à nous.
L'islamisme, cela commence par des insultes - « sale
français » -, cela continue par des mosquées fanatisées, ça se termine par des
attentats. Croire que nous n'avons en face de nous que quelques fous, commandés
de loin, c'est se leurrer. L'islamisme se cache dans chacune de nos villes, chaque
jour renforcé par l'afflux de migrants. Les musulmans qui refusent leur loi
seront les premiers à devoir fuir ou mourir. Puis - ou en même temps - ce sera
notre tour. La France est en première ligne. C'est donc de France que partira,
que doit partir la résurrection de l'Europe.
Voilà pourquoi nous sommes ici aujourd'hui. Voilà pourquoi
nous n'étions pas là, il y a une semaine, pour le 19 mars.
Nous ne commémorons pas le 19 mars parce que nous ne sommes
pas des traîtres.
Nous ne commémorons pas le 19 mars parce que nous ne
crachons pas sur nos morts.
Nous ne commémorons pas le 19 mars parce que nous nous
voulons des Français dignes de ce nom.
Chers amis, mes amis, ceux de la rue d'Isly sont morts en
martyrs de l'Algérie française. D'autres sont tombés en héros pour sauver
l'honneur de la France sur cette terre abandonnée. Ne les oublions jamais.
Dans les temps qui viennent, nous devons conserver en nous
la mémoire des uns et l'exemple des autres. Et alors, nous saurons que nous ne
marcherons jamais seuls sur le chemin du combat.
Vive la France ! Vive la plus grande France ! Vive la France
toujours et encore !"
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Mis en page
le 27/03/2016 par RP |