Frères et surs Pieds-Noirs, chers amis,

Il y a cinquante-cinq ans, alors que s'amorçait le dernier printemps de l'Algérie Française –mais pouvions-nous alors le croire ? - Alger allait vivre le jour le plus horrible de son histoire. Jour de violence, jour de cruauté, mais surtout jour où le « crime d'état »  allait marquer de son sceau la trahison dont notre peuple allait être la victime.

Depuis cette date et l'exode qui s'en est suivi, nous vivons, nous les Pieds-Noirs et les Harkis, dans l'espérance mille fois déçue d'une reconnaissance de ce que fut notre histoire. Sachons bien que si nous n'avions pas persévéré dans le combat pour la sauvegarde de notre mémoire, aujourd'hui nous n'existerions plus. Non seulement nous n'existerions plus mais, d'une manière définitive, l'histoire de l'Algérie française serait reléguée dans les coins les plus sombres de l'histoire de France, et avec elle l'honneur de nos aïeux, de nos soldats ; celui aussi des fusillés du 26 mars 1962, des victimes des massacres qui ont ponctué le long chemin de croix de cette guerre sans nom, et de tous ceux qui ont donné leur vie et souvent leur sang pour l'édification d'un monde nouveau.

Or, ce que nous constatons aujourd'hui c'est que l'oubli dans lequel on veut nous enfermer ne suffit pas à certains. Il faut la diffamation, le travestissement grossier de l'histoire pour continuer une basse besogne qui semble ne pas être achevée. Et l'on va donc parler de la colonisation comme d'un crime contre l'humanité. Une telle insulte infamante ne concerne pas seulement la politique d'une époque donnée, elle atteint tous ceux qui ont travaillé pour la venue au monde de pays nouveaux et d'énergies nouvelles. C'est à dire que ce mensonge salit la mémoire de nos ancêtres et chacun de nous personnellement si nous voulons rester fidèles à l'œuvre qu'ils ont accomplie.

Et ne soyons pas dupes. En effet, si de telles paroles peuvent être prononcées, et dans le contexte que l'on connait, c'est que leur auteur en a mesuré les risques. N'est-il pas persuadé finalement qu'une grande partie de nos concitoyens, pour ne pas dire la majorité d'entre eux, accepteront une telle mystification sans réagir ? Depuis plus de cinquante ans on ment à la France et aux Français.

Les consciences sont annihilées ou, au mieux, endormies. Le maréchal Juin avait déclaré face à l'abandon de l'Algérie : «  La France est en état de péché mortel. Un jour elle aura à le payer.  »

Notre grand homme avait sans doute raison, mais je continue de croire, même au point où nous en sommes, que la rédemption est toujours possible. Continuons donc de nous battre pour l'honneur et la mémoire de nos martyrs, pour le respect de notre histoire et pour le salut de la France, notre patrie. Ne perdons jamais courage ? Poursuivons le combat jusqu'au dernier d'entre nous en espérant que, d'une manière comme d'une autre, le relais sera passé à des générations de jeunes français qui auront à cœur de rétablir la vérité.

Aujourd'hui nous prions pour les victimes de la rue d'lsly, sans oublier bien sur tous ceux qui sont tombés durant ces sept années de folie destructrice. Notre cœur se tourne vers la ville blanche ensanglantée en ce funeste jour du 26 mars 1962. Frères et sœurs Pieds-Noirs, chers amis, restons forts dans la foi et prions pour la France. Que Dieu sauve la France !

Mgr Jean-Yves Molinas

Le 26 mars 2017, à Caraquet - Acadie - Nouvelle France


Mis en page le 30/03/2017 par RP.