M. Flinois, ancien président
de l'Assemblée Algérienne, définit «
le rôle immense » du président de la Commission
de Finances et se félicite d'y voir accéder M. Baujard,
dont il loue la modestie, la volonté de travail et le sens
pratique du terrien, par quoi il fera d'excellentes finances.
M. Imalhayène,
que chacun des orateurs n'a pas manqué d'associer à
l'hommage rendu à M. Baujard, se lève
pour apporter à ce dernier un nouveau témoignage
de sa fidèle amitié.
« Pourquoi suis-je amené
à éprouver en ce moment une joie profonde ? »
déclare en préambule le sympathique Délégué.
« Tout simplement -
répondra-t-il - parce que s'il y a parfois des déboires
et des vicissitudes dans la vie politique d'un élu, j'ai
le sentiment qu'aujourd'hui, étant en communion
totale d'esprit et de coeur avec vous tous, nous assistons
à un de ces moments fastes dont on aime à ne souvenir
lorsque d'aventure on se heurte à l'adversité.«
Rappelant alors ses débuts
dans la vie politique active, M.
Imalhayène rend hommage « à cette grande
dame qu'est l'Ecole française, à cette grande dame
qui a permis aux Musulmans de participer à la vie publique,
à cette grande dame à laquelle il demeure particulièrement
attaché»
S'adressant alors à M, Baujard
« Vos qualités de
travailleur et votre sens de l'intérêt général,
point n'est besoin mon cher Président, de les vanter à
Blida. En vous choisissant, non seulement pour Délégué,
mais encore pour Maire, l'instinct profond et sûr des habitants
de cette Cité avait déjà, avant même
notre Assemblée découvert le meilleur et le plus
digne.
« Aussi, me permettrez-vous
simplement de dire publiquement
ma joie d'être
le Vice-Président de votre Commission des Finances,
de cette Commission qui, sous votre direction ferme et éclairée,
poursuivra, j'en suis sûr, le
travail fécond entrepris par vos prédécesseurs,
ce travail dont dépend pour une grande part, l'expansion
économique et la paix sociale dans notre belle Algérie
».
* * *
M. Baujard, très ému
par les marques de sympathie dont il était l'objet, voulut
tout d'abord récompenser deux braves travailleurs qui pendant
plus dee trente ans ont collaboré avec lui'
Il remit à MM. Camps François
et Safia Aknoun la Médaille du Travail.
Puis il remercia les personnes présentes
de leur sympathie.
Ce sera par la suite des exemples
qu'il citera pour démontrer que l'Algérie, terre
bien française, n'a pas besoin de recevoir de leçons
d'aucune puissance pour mener à bien son action sociale.
Dans ce pays où nous avons
intérêt à travailler dans la concorde, à
nous unir pour notre propre bien, seuls les hors-la-loi qui ont
partie liée avec des puissances étrangères,
doivent être exclus de la communauté.
La France, bonne enfant, a fait beaucoup
; elle est prête à faire davantage, mais dans la
paix, dans la concorde, et non pas devant la menace, devant les
crimes et les assassinats.
« Il faut dans ce pays,
beaucoup de crédits, ajouta M. Baujard. Je ne connais
pas encore le moyen de créer du bonheur dans le travail
sans argent.
« Les communistes promettent
le bonheur à tous sans peine pour personne. Moi, le vous
avoue que je n'ai pas encore trouvé la formule idéale
et je ne pense pas que mes prédécesseurs à
l'Assemblée Algérienne aient laissé un testament
m'indiquant le moyen d'y arriver.
« Si les élus métropolitains
acceptent d'investir de l'argent en Algérie, ils ne le
feront qu'autant que nous pourrons le consolider dans une atmosphère
de paix.
« Il nous faudra sans aucun
doute faire appel aux capitaux privés. On ne mettra pas
en valeur les grandes richesses, on n'aidera pas l'industrialisation
de ce pays, on n'entreprendra pas tous les travaux qui restent
à faite, avec seulement les fonds d'Etat.
« Ce programme ne peut se
réaliser qu'en offrant la sécurité à
ceux qui nous aideront. Nous ne pourrons rien faire, nous ne pourrons
jamais demander à des financiers métropolitains
ou européens d'investir des fonds dans ce pays pour créer
plus de bonheur, plus de richesse, plus de travail, si nous ne
leur apportons pas la certitude que rien ne viendra troubler l'ordre
public.
« Notre rôle est donc
tout tracé : d'abord faire respecter la loi française.
« Mais aujourd'hui nous
avons à faire à des hors-la-loi. En plus de la loi
républicaine, qu'ils violent constamment, il faut employer
les mêmes méthodes qu'eux pour faire cesser la terreur
qu'ils inspirent aux populations.
« Les gens qui jouent la
partie contre nous emploient des cartes faussées. Nous
ne pouvons ni l'admettre, ni l'excuser. Voilà ce que j'ai
à dire !
« Mon passé me permettra
de dire, comme je l'ai déjà dit au Gouverneur Général
: je ne suis pas suspect d'avoir dans ce pays manqué de
bienveillance ; j'en appelle au témoignage des Blidéens
des deux collèges pour dire si je n'ai pas toujours tendu
à tous une main loyale, si je n'ai pas essayé de
faire régner ici la paix et la solidarité. Mes amis
ont rendu hommage à ma volonté d'union des cœurs.
Les uns après les autres ils ont eux aussi parlé
de leur désir d'entente entre les hommes de bonne volonté.
« Avec Imalhayène,
avec nos collègues de l'Assemblée Algérienne,
avec tous les élus, avec tous ceux qui représentent
une parcelle de responsabilité dans ce pays, je demande
simplement que tout le monde se mette au travail, que tout le
monde oublie ses querelles, que tous viennent dans un élan
de fraternité s'associer à la patrie commune.
« Les paroles de fermeté
que j'ai prononcées tout à l'heure ne seront jamais
des paroles de haine ; je ne sais pas ce qu'est la haine, j'ai
trop souffert pour boit quiconque, au contraire, l'aime mon prochain,
j'aime les hommes de ce pays, je voudrais qu'ils soient heureux
avec nous, car notre bonheur est commun.
« C'est un appel à
l'union, un appel à la fraternité que je lance.
le voudrais qu'au-delà de cette salle, les habitants de
la ville que j'ai l'honneur d'administrer l'entendent.
« Je pense surtout à
nos amis musulmans qui n'ont pas hésité à
se joindre à nous, le leur demande de rapporter fidèlement
mes paroles à leurs coreligionnaires et de leur dire que
le Maire voudrait que règne dans sa ville cet esprit de
fraternité qu'il porte dans son coeur.
« Et je sais, Blidéennes
et Blidéens, qu'étant des femmes et des hommes de
cœur, vous m'approuverez ; vous avez vécu dans ce pays,
vous y avez vos aïeux, vous y avez vos tombes, vous y avez
vos enfants et comme moi, vous penserez : nous n'avons rien pris
à personne, au contraire, nous avons apporté notre
civilisation qui est toute faite d' amour ; nous avons voulu faire
bénéficier des bienfaits de notre passé et
nos enfants et nos frères musulmans »
.* * *
Les dernières paroles du Délégué-Maire,
qui demande à nos concitoyens de « former une
chaîne d'amour et d'union » d'où seuls
seront exclus ceux qui ne reconnaissent pas la loi française,
sont saluées de vifs et longs applauudissements, préludant
aux nombreuses marques de sympathie que M. Baujard reçoit
de ses amis, empressés à lui renouveler leurs félicitations.