Relevé dans la

Revue municipale de Blida. Mai-Juin 1955

M. Flinois, ancien président de l'Assemblée Algérienne, définit « le rôle immense » du président de la Commission de Finances et se félicite d'y voir accéder M. Baujard, dont il loue la modestie, la volonté de travail et le sens pratique du terrien, par quoi il fera d'excellentes finances.

M. Imalhayène, que chacun des orateurs n'a pas manqué d'associer à l'hommage rendu à M. Baujard, se lève pour apporter à ce dernier un nouveau témoignage de sa fidèle amitié.

« Pourquoi suis-je amené à éprouver en ce moment une joie profonde ? » déclare en préambule le sympathique Délégué.

« Tout simplement - répondra-t-il - parce que s'il y a parfois des déboires et des vicissitudes dans la vie politique d'un élu, j'ai le sentiment qu'aujourd'hui, étant en communion totale d'esprit et de coeur avec vous tous, nous assistons à un de ces moments fastes dont on aime à ne souvenir lorsque d'aventure on se heurte à l'adversité.«

Rappelant alors ses débuts dans la vie politique active, M. Imalhayène rend hommage « à cette grande dame qu'est l'Ecole française, à cette grande dame qui a permis aux Musulmans de participer à la vie publique, à cette grande dame à laquelle il demeure particulièrement attaché»

S'adressant alors à M, Baujard

« Vos qualités de travailleur et votre sens de l'intérêt général, point n'est besoin mon cher Président, de les vanter à Blida. En vous choisissant, non seulement pour Délégué, mais encore pour Maire, l'instinct profond et sûr des habitants de cette Cité avait déjà, avant même notre Assemblée découvert le meilleur et le plus digne.

« Aussi, me permettrez-vous simplement de dire publiquement ma joie d'être le Vice-Président de votre Commission des Finances, de cette Commission qui, sous votre direction ferme et éclairée, poursuivra, j'en suis sûr, le travail fécond entrepris par vos prédécesseurs, ce travail dont dépend pour une grande part, l'expansion économique et la paix sociale dans notre belle Algérie ».

* * *

M. Baujard, très ému par les marques de sympathie dont il était l'objet, voulut tout d'abord récompenser deux braves travailleurs qui pendant plus dee trente ans ont collaboré avec lui'

Il remit à MM. Camps François et Safia Aknoun la Médaille du Travail.

Puis il remercia les personnes présentes de leur sympathie.

Ce sera par la suite des exemples qu'il citera pour démontrer que l'Algérie, terre bien française, n'a pas besoin de recevoir de leçons d'aucune puissance pour mener à bien son action sociale.

Dans ce pays où nous avons intérêt à travailler dans la concorde, à nous unir pour notre propre bien, seuls les hors-la-loi qui ont partie liée avec des puissances étrangères, doivent être exclus de la communauté.

La France, bonne enfant, a fait beaucoup ; elle est prête à faire davantage, mais dans la paix, dans la concorde, et non pas devant la menace, devant les crimes et les assassinats.

« Il faut dans ce pays, beaucoup de crédits, ajouta M. Baujard. Je ne connais pas encore le moyen de créer du bonheur dans le travail sans argent.

« Les communistes promettent le bonheur à tous sans peine pour personne. Moi, le vous avoue que je n'ai pas encore trouvé la formule idéale et je ne pense pas que mes prédécesseurs à l'Assemblée Algérienne aient laissé un testament m'indiquant le moyen d'y arriver.

« Si les élus métropolitains acceptent d'investir de l'argent en Algérie, ils ne le feront qu'autant que nous pourrons le consolider dans une atmosphère de paix.

« Il nous faudra sans aucun doute faire appel aux capitaux privés. On ne mettra pas en valeur les grandes richesses, on n'aidera pas l'industrialisation de ce pays, on n'entreprendra pas tous les travaux qui restent à faite, avec seulement les fonds d'Etat.

« Ce programme ne peut se réaliser qu'en offrant la sécurité à ceux qui nous aideront. Nous ne pourrons rien faire, nous ne pourrons jamais demander à des financiers métropolitains ou européens d'investir des fonds dans ce pays pour créer plus de bonheur, plus de richesse, plus de travail, si nous ne leur apportons pas la certitude que rien ne viendra troubler l'ordre public.

« Notre rôle est donc tout tracé : d'abord faire respecter la loi française.

« Mais aujourd'hui nous avons à faire à des hors-la-loi. En plus de la loi républicaine, qu'ils violent constamment, il faut employer les mêmes méthodes qu'eux pour faire cesser la terreur qu'ils inspirent aux populations.

« Les gens qui jouent la partie contre nous emploient des cartes faussées. Nous ne pouvons ni l'admettre, ni l'excuser. Voilà ce que j'ai à dire !

« Mon passé me permettra de dire, comme je l'ai déjà dit au Gouverneur Général : je ne suis pas suspect d'avoir dans ce pays manqué de bienveillance ; j'en appelle au témoignage des Blidéens des deux collèges pour dire si je n'ai pas toujours tendu à tous une main loyale, si je n'ai pas essayé de faire régner ici la paix et la solidarité. Mes amis ont rendu hommage à ma volonté d'union des cÏurs. Les uns après les autres ils ont eux aussi parlé de leur désir d'entente entre les hommes de bonne volonté.

« Avec Imalhayène, avec nos collègues de l'Assemblée Algérienne, avec tous les élus, avec tous ceux qui représentent une parcelle de responsabilité dans ce pays, je demande simplement que tout le monde se mette au travail, que tout le monde oublie ses querelles, que tous viennent dans un élan de fraternité s'associer à la patrie commune.

« Les paroles de fermeté que j'ai prononcées tout à l'heure ne seront jamais des paroles de haine ; je ne sais pas ce qu'est la haine, j'ai trop souffert pour boit quiconque, au contraire, l'aime mon prochain, j'aime les hommes de ce pays, je voudrais qu'ils soient heureux avec nous, car notre bonheur est commun.

« C'est un appel à l'union, un appel à la fraternité que je lance. le voudrais qu'au-delà de cette salle, les habitants de la ville que j'ai l'honneur d'administrer l'entendent.

« Je pense surtout à nos amis musulmans qui n'ont pas hésité à se joindre à nous, le leur demande de rapporter fidèlement mes paroles à leurs coreligionnaires et de leur dire que le Maire voudrait que règne dans sa ville cet esprit de fraternité qu'il porte dans son coeur.

« Et je sais, Blidéennes et Blidéens, qu'étant des femmes et des hommes de cÏur, vous m'approuverez ; vous avez vécu dans ce pays, vous y avez vos aïeux, vous y avez vos tombes, vous y avez vos enfants et comme moi, vous penserez : nous n'avons rien pris à personne, au contraire, nous avons apporté notre civilisation qui est toute faite d' amour ; nous avons voulu faire bénéficier des bienfaits de notre passé et nos enfants et nos frères musulmans »

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Les dernières paroles du Délégué-Maire, qui demande à nos concitoyens de « former une chaîne d'amour et d'union » d'où seuls seront exclus ceux qui ne reconnaissent pas la loi française, sont saluées de vifs et longs applauudissements, préludant aux nombreuses marques de sympathie que M. Baujard reçoit de ses amis, empressés à lui renouveler leurs félicitations.

 

 

Mr BAUJARD était maire de Blida et Président de la commission des Finances de l'Assemblée algérienne

Mr IMALHAYENE était membre de l'Assemblée Algérienne et vice-président de la commission des finances.

Il était père de Fatma-Zohra IMALHAYENE plus connue actuellement sous le nom de Assia DJEBAR, élue il y a peu à l'Académie française.

La mémoire est ainsi volatile qui fait oublier à Assia DJEBAR les paroles du père de Fatma-Zohra IMALAHYENE, son père.
Et pourtant cette même Assia DJEBAR, pendant les années scolaires et lycéennes de Fatma-Zohra, a bien su bénéficier des manes de la Grande Dame dont le père était si reconnaissant.

 

Mis en page par RP le 11/10/2007