Etre de quelque part

Etre de quelque part est un doux sentiment

Quel que soit son pays, son village ou son bled

Pouvoir dire c'est chez moi, j'y ai vécu longtemps

Pêcher dans sa rivière, traverser son oued

Etre de quelque part mais n'y pas retourner

Conserver pour toujours l'image de jadis

Certains petits détails qu'on ne peut oublier

Une rue, un baiser, un parc d'éléis

La villa musulmane cernée de hauts murs blancs

Qu'on ne visite pas mais laisse imaginer

Le bleu moucharabieh, le jet d'eau jaillissant

Une cour carrelée qu'ombrage un oranger

Du haut de ces remparts le jasmin odorant

Les lauriers roses et blancs, rouge bougainvillée

Débordant des murailles caressent le passant

Leur parfum enivrant, la rue ensoleillée

Garder en soi longtemps un ciel bleu nuit, brillant

De tellement d'étoiles la nuit sur une plage

Le réveil au matin tout près du feu de camp

Les vagues, toujours les vagues dans leur mouvement sage

Etre de quelque part c'est ne pas oublier

Les visages de ceux qui longtemps avant nous

Ont marché dans les rues et on su nous donner

L'amour de cet endroit, simplement de chez nous

Ceux qui nous ont appris à lire et à écrire

Comment n'y pas penser ils ont été nos maîtres

Avec sévérité ou avec leur sourire

Notre dette envers eux ne peux pas disparaître

Etre de quelque part c'est savoir conserver

Les racines qui nous lient à tant de nos anciens

Que nous avons suivi pour les accompagner

D'une poignée de terre, d'un geste de la main

Puis quand le soleil monte, deviner la journée

Radieuse et divine que nous aurions là-bas

Si c'était un dimanche quand la cloche est sonnée

Retrouver ceux qu'on aime autour d'un bon repas

Etre de quelque part quand on est éloigné

C'est dire la passion que l'on peut éprouver

Pour un lieu ou un autre que l'on a tant aimé

Qui parle de jeunesse, de joie et d'amitié

Mais nous n'y sommes plus c'est dans l'ordre des choses

Si notre - quelque part - a souffert de la guerre

Seuls y sont revenus les lilas et les roses

Nous laissant amoureux d'une si belle terre.

Viviane Coudurier