Lettre au Président (FaceBook Cercle Algérianiste)

Monsieur le Président

Vous venez de confier, vendredi 24 juillet 2020, à Benjamin Stora une mission sur « la mémoire de la colonisation et de la guerre d'Algérie », en vue de favoriser « la réconciliation entre les peuples français et algérien »
Cette mission, dont les conclusions sont attendues à la fin de l'année, « permettra de dresser un état des lieux juste et précis du chemin accompli en France sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d'Algérie, ainsi que du regard porté sur ces enjeux de part et d'autre de la Méditerranée »

Comment cet état des lieux pourra-t-il être « juste » ?

« Le président algérien Abdelmadjid Tebboune a annoncé, dimanche, avoir nommé le docteur Abdelmadjid Chikhi, directeur général du centre national des archives algériennes »
Or, Abdelmadjid Chikhi est aussi un ancien combattant de la guerre d'indépendance, donc comment attendre une quelconque objectivité de sa part ?
C'est aussi « un intransigeant sur le principe de la restitution des archives détenues par la France. » (Jeune Afrique du 21 juillet) : Abdelmadjid Chikhi évoque les archives classifiées relatives aux disparus de la guerre d'Algérie et aux essais nucléaires de la France en Algérie.

Faisant suite à votre discours du 13 septembre 2018 sur la disparition de Maurice Audin, Je vous avais d'ailleurs interpellé, ainsi que M. Villani, concernant les disparus français, messages sans réponse à ce jour.

A propos d'archives, le principe d'égalité des citoyens dans la République voudrait que les Français d'Algérie aient accès à l'intégralité des actes d'état-civil pour la période 1830-1962, disposition prévue par les déclarations gouvernementales d'Evian, mais jamais respectée par l'Algérie.
Le 1er novembre 2013, Abdelmadjid Chikhi a précisé qu'entre 1830 et 1860, les armées françaises ont tué pas moins de 7 millions d'Algériens des 10 millions existant à cette période « l'objectif des Français était de décimer tout un peuple ... »
Le premier recensement en Algérie date de 1856, qui comptabilise 2,3 millions de musulmans.
« La population totale de l'Algérie en 1830 a été estimée en 1954 par M. Xavier Yacono à la suite d'une étude critique très poussée à 3 millions d'habitants. »

De son côté, Benjamin Stora, bien que né en Algérie, est parti avec sa famille en juin 1962 à l'âge de 11 ans ½ : pourquoi sa famille a-t-elle quitté le pays de ses ancêtres alors que les déclarations gouvernementales d'Evian lui garantissait la sécurité ?
Benjamin Stora est qualifié de « trotskyste » mais, surtout, l'ensemble de son « oeuvre » dénote un esprit partisan ... au profit du FLN !

Pourquoi ne pas avoir choisi Jean-Jacques Jordi, Guy Pervillé, Robert Vétillard ...

Le 22 décembre 2012, j'écrivais une lettre au président de la République François Hollande suite à son discours lors de son voyage à Alger le 20 décembre 2012 et son discours : " Pendant 132 ans, l'Algérie a été soumise à un système profondément injuste et brutal : ce système a un nom, la colonisation ... Je reconnais ici les souffrances que cette colonisation a fait subir au peuple algérien. "

Le 14 février 2017, », dans une interview à la chaîne algérienne Echorouk News, vous avez « surenchéri » en qualifiant la colonisation de « crime », de « crime contre l'humanité » et de « vraie barbarie » !

Dans la première partie de ma lettre, je rappelais au président Hollande qu'il confondait colonisation et colonialisme, colon et colonialiste.
1) Le colon n'était pas colonialiste
2) Tous les pieds-noirs n'étaient pas des colons ... loin s'en faut
3) Tous les colons n'étaient pas de « gros colons »
4) Enfin, même les gros colons n'étaient pas forcément de mauvais ou méchants colons

Suite au discours du président Hollande, Nadja Bouzeghrame, éditorialiste du quotidien El Watan écrivait déjà : « C'est très important pour les Algériens d'entendre que c'est toute la colonisation qui est en cause, pas seulement l'administration ou l'armée. »

Dans une deuxième partie, je rappelais au président Hollande le bilan de la présence française en Algérie à savoir que les Français d'Algérie ont créé de zéro :
- une infrastructure de transports (routes, lignes régulières de transports de voyageurs en autobus, chemins de fer, ports, aéroports,
- des usines, de grandes entreprises (Orangina, pâtes Ferrero et Ricci, cigarettes Bastos ...)
- 31 centrales hydroélectriques
- des mines (plus de 3.5 millions de tonnes en 1954) : plomb, phosphates ...
- l'exploitation du gaz et du pétrole (8 millions de tonnes en 1962)
- 156 hôpitaux de 33 000 lits qui recevaient au minimum 300 000 musulmans par an, médecine « coloniale » qui a lutté contre paludisme, trachome et glaucome, la mortalité infantile ...
- plusieurs milliers d'écoles qui scolarisaient près de 800 000 musulmans en 1960, les instructeurs (comme mon père à 19 ans) étant à la fois enseignants,écrivains publics, assistants sociaux et même infirmiers-pharmaciens, pour leurs élèves mais aussi pour les parents de ces derniers
- la liberté de culte

Les Européens d'Algérie ont aussi développé la pêche et surtout l'agriculture, céréales, primeurs, agrumes ... faisant passer les terres cultivées de 1/2 million d'hectares en 1830 à plus de 10 millions au début des années 1960, notamment en asséchant les marais de la Mitidja et en utilisant les matériels et les méthodes les plus modernes d'exploitation (dry-farming, moissonneuses-batteuses ...)

Dans une troisième partie, je revenais sur les massacres de Sétif et Guelma de mai 1945, dénoncés par le président Hollande alors qu'il ne parlait pas des assassinats des femmes et des enfants français (plus de 100) quelques jours avant et qui avaient déclenché ces représailles.
Le général de Gaulle, le 10 mai 1945, écrit pourtant : « Veuillez transmettre aux familles des victimes de l'agression de Sétif la sympathie du général de Gaulle et du gouvernement tout entier. »

Le 23 avril 2015, j'avais d'ailleurs écrit à Madame Simonnet suite à son « voeu » pour la reconnaissance des massacres du 8 mai 1945.

Ni le président Hollande ni vous n'avez évoqué les massacres de Philippeville et de la mine d'El Halia en août 1955.
Ni le président Hollande ni vous n'avez évoqué les attentats à la bombe du FLN qui ont fait des centaines de morts et des milliers de blessés
Ni le président Hollande ni vous n'avez évoqué le 10 juillet 1960 le mitraillage par le FLN des voitures qui se rendent à la plage du Chenoua et qui fait 14 morts, pour la plupart des jeunes gens, et 8 blessés.

Toutes ces victimes se seraient retournées dans leurs tombes si elles avaient pu entendre votre discours, mais elles auraient été dans l'incapacité de le faire, leurs sépultures ayant été pour la plupart sinon profanées, « regroupées » : c'est le terme politiquement correct pour la fosse commune ...

Si vous voulez vraiment apaiser la mémoire, et pas seulement celle des Algériens, je vous demande de revoir votre décision et de nommer un autre historien français, moins partial que M. Stora.

En vous remerciant par avance du temps et de l'attention que vous voudrez bien consacrer à ma requête

Veuillez recevoir, Monsieur le Président, l'expression de mes salutations

Eric Safras, fils de pied-noir et fier de l'être

Mis en page le11/08/2020 par RP