Notre-Dame de Matemore à Toulon |
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Ici, j’aimerais citer, ô, non pas un saint de
l’Eglise d’Afrique du Nord, saint Augustin, saint Cyprien ou sainte Monique que
nous vénérons, mais un laïc qui disait ne pas croire en Dieu et qui, en fait,
le regrettait. Je veux parler d’Albert Camus. Ecoutons-le : « J’ai
aimé avec passion cette terre où je suis né, j’y ai puisé tout ce que je suis,
et je n’ai jamais séparé dans mon amitié aucun des hommes qui y vivent, de
quelque race qu’ils soient. Bien que j’aie connu et partagé les misères qui ne
lui manquent pas, elle est restée pour moi la terre du bonheur, de l’énergie et
de la création ».
Bien sûr, tout n’était pas parfait sur cette terre de
conquêtes, de feu, de passion, d’amour et de haine. Mais il y avait là comme le
bouillonnement d’une étrange alchimie qui, malgré tout, laissait espérer
l’éclosion d’un monde nouveau. Malheureusement, les idéologies, les beaux
parleurs, les philosophes discoureurs et la soif de pouvoir surent transformer
l’impatience de certains en violence, et notre terre en champ d’affrontements
sanglants : le terrorisme finirait donc par séparer les communautés.
Que de familles éplorées Notre de Lourdes à Matemore a-t-Elle vues se grouper dans la petite église où
on l’avait placée. Son cœur de Mère fut sans doute transpercé par toutes ces
souffrances. Toutes, bien sûr toutes. Car comment aurait-Elle pu oublier, Elle
la Mère de Dieu, que ses enfants étaient aussi ceux qui ne fréquentaient pas ce
lieu, sauf parfois, furtivement, ces femmes recouvertes de leur haïk qui, comme
à Notre d’Afrique ou à Notre Dame de Santa Cruz, venaient confier à Lala Myriam
leur demande pour un enfant malade, un mari infidèle ou violent.
Et puis ce fut la fin. Les nouveaux maîtres du pays
firent comprendre, de différentes manières, que certains algériens, dont nous
étions, n’avaient plus leur place sur cette terre où ils étaient nés, eux
et souvent leurs parents, leurs grands-parents et leurs arrière-grands-parents.
Des églises furent saccagées, les statues brisées…Mais,
à Matemore, une famille recueillit dans une des
valises de l’exil, la petite statue de Marie. Et, avec une partie de son peuple
éploré, Elle traversa, Elle aussi, la méditerranée.
Des années et des années plus tard, un membre de
cette famille, qui en hérita, pensa qu’il ne lui appartenait pas de garder chez
lui cette petite statue. Il crut avec raison que sa place était dans une église
où tout le monde pourrait la retrouver. On pensa à la cathédrale de Toulon
justement dédiée à Notre Dame. Rien que ça ! pensèrent certains. Et puis il y a déjà bien des représentations de la Vierge Marie en ce
lieu. Une de plus, où la mettre ? Oh, elle est si petite, elle ne prendra
beaucoup de place. Et puis, s’il y en a d’autres, n’avons-nous pas les uns
et les autres de nombreuses photos de nos mamans. Et chacune nous rappelle un
événement particulier, une époque, une joie ou un chagrin. Non, il n’y a là
aucune contradiction.
Et finalement, voilà, elle est là, la Vierge Marie de Matemore. Toute joliment repeinte ; un visage et
un regard étonnants où l’on voit percer joie et tristesse en même temps. La
tristesse, car Elle sait beaucoup de ses enfants encore dans la peine du pays
perdu et de tous ceux qui sont disparus, un époux, un enfant, un frère, une
sœur, un ami, enlevés, tués, jamais retrouvés ; le sourire : le même
que celui de Notre Dame de Lourdes lorsque s’adressant à Bernadette, elle lui
dit : « Je ne vous promets pas le bonheur en ce monde, mais dans
l’autre. »
Voilà, Elle est là ; Elle vous attend ; Elle vous appelle à la prière pour le salut et la paix du monde. Elle nous appelle tous à la conversion. Amen. Mgr MOLINAS |
Mise en page le 28/02/2016 par RP |