Béziers - Congrès Véritas 2017 Discours de Robert Ménard |
Veritas. La vérité. Exiger la vérité. Se battre
pour la vérité. Défendre la vérité.
Depuis plus de cinquante ans, depuis plus d’un
demi-siècle, les pieds-noirs, le peuple pied-noir et
nos amis harkis se mobilisent pour que la vérité soit dite. Mais vous le savez,
il y a des vérités qui dérangent, qui viennent troubler la bonne conscience de
ceux-là même qui nous ont trahis et qui, à travers nous, ont trahi la France.
Et ce n’est pas prêt de changer ! Ayons un peu
de mémoire. N’est-ce pas notre nouveau chef de l’État qui expliquait, il y a
quelques mois à Alger, que la colonisation avait été un crime contre l’humanité
? Et vous par conséquent, des criminels, des malfaiteurs, des scélérats.
Voilà comment vous dépeint celui qui incarne aujourd’hui notre pays ! Voilà comment vous juge un homme qui
affirme, « en même temps », qu’il faut en finir avec la repentance ! En finir
avec la repentance mais continuer à dénigrer, à travestir, à mentir, à salir.
Parfois j’ai le sentiment de prêcher dans le
désert. De plaider devant un tribunal qui nous a condamnés avant même de nous
entendre. En Algérie, nous n’aurions apporté que le malheur, nous n’aurions que
dépouillé les plus pauvres, nous n’aurions que maltraité, qu’exploité, que
torturé ! Qui peut croire pareils mensonges ?
Personne ne dit que tout était parfait dans
l’Algérie française que nous chérissons. Mais personne ne peut la réduire à cet
enfer que des historiens politisés, que des politiciens pétris dans une sorte
de haine de soi dépeignent à longueur de livres et d’émissions de télévision.
Mais assez de se plaindre. Nous ne sommes pas
du genre à pleurnicher, à quémander. Parce que la vérité, on a beau la
travestir, est bien là, au fond de nos mémoires, qui déborde de nos cœurs
meurtris. La vérité et la fierté de ce qu’ont fait nos ancêtres, nos familles.
Ma mère, ma vieille mère qui continue à égrener
ses souvenirs n’est pas une criminelle. Elle n’a aucune raison d’avoir honte de
ce qu’elle a fait, de ce qu’elle a vécu.
Alors pour nos mères, pour ces
milliers des nôtres qui n’ont même plus de tombes où aller se recueillir, pour
les victimes de la rue d’Isly, pour les disparus du 5 juillet à Oran, pour
toute notre grande famille qui n’était pas faite que de petits saints, c’est
vrai, mais pas de criminels non plus, pour eux tous, pour leur mémoire, pour
leur honneur, je veux rendre ici hommage à votre action, à votre entêtement, au
combat de Veritas, au combat parfois désespéré de Veritas.
Vous le savez, je suis des vôtres. Pas
seulement parce que je suis né de l’autre côté de la Méditerranée. Pas
seulement parce que jamais – et Dieu sait que j’ai voyagé – jamais,
je n’ai connu de sable aussi doux que celui des Andalouses ou du Cap Falcon.
Pas seulement parce que mon père, mon grand-père, mon arrière grand-père ont
chéri cette terre qui, à leurs yeux, était la leur. Pas seulement pour tout ça.
Mais parce que, comme vous, je ne me résigne pas, je ne me résignerai jamais à
ce qu’on travestisse ce qui n’est pas seulement ma vérité, notre vérité mais la
vérité.
« À lire une certaine presse, écrivait Albert
Camus en 1955 dans l’Express, il semblerait vraiment que l’Algérie soit peuplée
d’un million de colons à cravache et à cigare, montés sur Cadillac. » Oui,
comme vous, je suis du côté de Camus, c’est-à-dire du refus de ces retouches,
de ces accommodements, de ces silences qui construisent une histoire dans
laquelle nous ne nous reconnaissons pas.
Alors, mes amis, comme vous, souvent je suis
meurtri de la réputation qui nous est faite. Mais nous sommes là, mais vous
êtes là et rien n’est jamais perdu. Rien ? Ce qui est essentiel, encore bien
plus que nos souvenirs, que nos regrets, que les rires partagés, que les
souffrances enfouies. L’essentiel ? Ce qui fait que demain, je pourrai dire à
ma fille : ton papa est pied-noir, tu l’es aussi. Et sois en fière !"
Maire de Béziers
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Mis en page le 25/09/2017 par RP. |