INAUGURATION de la STELE des
"MARTYRS TOMBES POUR L"ALGERIE FRANCAISE"
AU CIMETIERE DE PERPIGNAN
Le 5 Juillet 2003
Petit reportage réalisé par J.P. Bartolini
avec l'amabilité de J.F. Collin

ADIMAD SUD
Association de Défense des Intérêts Moraux et Matériels des Anciens Détenus et Exilés politiques de l'Algérie française
68, traverse des Loubes
83400 HYERES LES PALMIERS
Courriels : adimadsud@wanadoo.fr

Le 5 juillet 2003 à 10 heures, plus de 1.500 personnes on assisté à cet événement, dans un profond recueillement, devant les drapeaux d'associations patriotiques et un parterre de fleurs.
Après le rassemblement de nos compatriotes à l'entrée du cimetière et l'annonce que les gerbes, les drapeaux et signes distinctifs de partis politiques, les écharpes d'élus doivent rester dans leurs vestiaires, l'ordre de départ était donné.
Le cortège emmené cérémonieusement par les porte-drapeaux et les porteurs de gerbes d'associations s'est dirigé vers la place réservée aux stèles de l'Algérie Française, située au centre du cimetière.
Un premier arrêt devant le monument dédié aux Harkis avec un dépôt de gerbes par L'ADIMAD Sud avec une minute de silence.
Ensuite le cortège s'est dirigé vers le Monument des Rapatriés et victimes du 26 mars et 5 juillet où M. Philippe CASTILLE annonce le discours de M. Martin président de la Maison du Pieds-Noirs de Perpignan.

M. MARTIN, prononce son discours et le dépot de gerbes a lieu en mémoire des victimes du 5 juillet 1962 sous la haie d'honneur des drapeaux. Une minute de silence est observée.
La mise en place des porte-drapeaux autour de la Stèle est exécutée militairement avec un respect pour les martyrs dont les jeunes générations doivent prendre pour exemple.
M. PUJOL, Pieds-Noirs et 1er adjoint au Maire de Perpignan prononce à son tour une brève allocution.
M. Jean-François COLLIN, Président de l'ADIMAD, s'avance et entame son allocution. (Ci-dessous dans son intégralité).

"Chers Camarades, Monsieur le Premier Adjoint représentant Monsieur le Maire, Mesdames et Messieurs les Présidents d'Associations, Messieurs les Porte-Drapeaux, chers Ami(e)s,
C'est un grand honneur, et une grande joie, de nous compter si nombreux pour honorer la mémoire de ceux qui nous réunissent ici, aujourd'hui.
Et tout d'abord, je tiens à remercier du fond du cœur Jean-Pierre Prévoteaux, Délégué de l'Adimad pour les Pyrénées Orientales. Seul, durant des années, il a gardé l'espoir de faire aboutir cette magnifique réalisation qui nous rassemble maintenant. Jean-Pierre, ce pupille de la nation dont le père est tombé pour la libération de la Métropole, Jean-Pierre qui a sacrifié ses dix-huit ans pour la défense de l'intégrité de la France, qui a connu durant de longues années les geôles gaullistes. Sans toi, rien n'aurait été possible et je ne peux que très simplement te dire combien est grande notre gratitude.
Je tiens ensuite à remercier très vivement Jean-Paul Alduy, Maire de Perpignan ainsi que Jean-Marc Pujol, son Premier Adjoint. Ils ont eu le courage, je dis bien le courage, d'accepter que ce monument soit érigé sur leur commune. Ce geste d'humanité vis-à-vis d'une part importante de leurs concitoyens restera dans les mémoires. Ils ont ainsi contribué à apaiser un peu le feu des plaies toujours ouvertes apràs tant d'années. Monsieur Alduy, Monsieur Pujol, nous n'oublierons pas ce geste de réconciliation, Soyez-en bien certains.
Comment ne pas féliciter Gérard Vie, le sculpteur de cette oeuvre magnifique, qui a su restituer de manière si poignante les derniers moments terrestres de nos camarades abattus par la plus grande des injustices ? Il y a mis tout son cœur, toute sa foi. Et sa récompense la plus grande est la vision de cette foule qui se presse pour cette inauguration. Gérard Vie, vous pouvez être fier, votre oeuvre si évocatrice vous survivra et vous survivrez grâce à elle...
Encore quelques mots de remerciements pour les membres du Comité de la Stèle, déjà cités par Jean-Pierre Prévoteaux. Leur travail acharné a été couronné de la plus grande des réussites et leur efficacité a été exemplaire.
Et puis c'est à vous tous enfin que je m'adresse, vous tous qui avez été des milliers à verser votre obole pour le succès de notre projet. C'est votre succès. Et je pense à ceux qui aujourd'hui sont avec nous par la pensée, éloignés par l'âge, la maladie et je leur adresse notre salut le plus fraternel.
Comment ne pas être ému en vous voyant ici, vous tous qui êtes parfois venus de si loin : de Corse, d'Espagne, de La Réunion même, pour l'inauguration de ce Mémorial dédié à nos morts. A vous, les parents et les amis de ceux qui ne sont plus là, qui êtes-là pour les honorer, qui cachez vos larmes qui n'ont pourtant cessé de couler depuis plus de quarante ans.
Et maintenant je veux vous dire combien, tous mes camarades et moi-même, sommes émus d'être là aujourd'hui. Depuis plus de quarante ans nous nous souvenons... Du fond de nos prisons où nous apprenions, les larmes aux yeux, le supplice de nos amis, nous avons découvert ce qu'était un vrai silence de mort : même les matons, même les droits communs avaient respecté le sacrifice de nos camarades en observant, à chaque fois, une journée complète de silence dans ces grands vaisseaux si bruyants d'ordinaire...
Et durant toutes ces années qui ont suivi nos libérations, où nous avons survécu la rage au cœur, nous nous disions : " Nous sommes là et eux où sont-ils ? Qui pense à eux encore ? Qui peut les honorer ? Et où ? "
Depuis ces temps si cruels des dernières années de notre Algérie française, une terrible pensée revenait sans cesse en moi, lancinante : qui pense encore à tous nos camarades tombés les armes à la main ? Qui les honore ? Qui même les connaît tous, parmi nous qui étions pourtant si près d'eux, et qui avons eu la chance de survivre ?
Bien sur, nous pensons tous à ceux-là qui furent les figures emblématiques de notre combat et qui l'acquittèrent de leur vie, dans des culs de basse-fosse, au terme de procès iniques délivrés par des juges qui " sous leurs galons de militaires ou leur robe couleur de sang " payaient " d'un peu de sang leur carrière et leur nourriture ".
Mais aussi, dans notre combat, combien d'anonymes qui furent abattus par la soldatesque gouvernementale, les polices parallèles, les terroristes FLN ? Oui combien ?
C'est en pensant à eux que nous avons décidé de retrouver leurs noms à demi effacés dans nos mémoires, ravivant peut-être des plaies mal cicatrisées ; mais comment ne pas leur rendre hommage ? Un hommage solennel, face à cette mer qui fut le chemin de notre exil, face à notre si chère Algérie dont la lave bouillante brûle toujours en nous.
Cent de nos combattants sont morts libres, les armes à la main. Quatre autres sont morts les pieds chargés de chaînes...
Aujourd'hui, ce sont leurs cent quatre noms qui sont gravés, publiquement, pour la première fois en France, offerts à la mémoire de notre peuple comme autant de remords, mais aussi comme autant d'espérance. Demain, ce seront peut-être, hélas, d'autres noms qui viendront s'ajouter à ceux-là. Leur sacrifice n'aura pas été vain : nous sommes là. Nous n'avons rien oublié. Nous ne nous tairons jamais.
"Seigneur voici couler le sang de nos garçons,
Il a tout recouvert la patrie déchirée.
Quand verrons-nous jaillir, ô tardive saison,
De tout ce sang versé la moisson désirée ?"
ET MAINTENANT, NOUS ALLONS APPELER TOUS NOS CAMARADES ASSASSINÉS, UN A UN, ET, APRÉS LE DERNIER, NOUS DIRONS TOUS ENSEMBLE, DEBOUTS, UNE SEULE FOIS, MAIS POUR CHACUN D'ENTRE EUX, DE TOUT NOTRE CŒUR : "MORTS POUR L'ALGERIE FRANCAISE, MORTS POUR LA FRANCE".
Joseph d'ABUNDO
Julien AGULLO
Francis ANDRÉ
Pierre AOUSTIN
Cdt BAZIN
Guy BENDAOUD
Roger BENDAOUD
Vincent BERENGUEZ
Michel BEVILACQUA
Jean-Luc BIBERSON
Ange BIONDI
Pierre BOHN
Paul BOILET
Robert BOISSIÉRES
Madame BOSC
Jean de BREM
André BURINI
Robert CASATI
Jacques CHAMPION
Dominique CORSO
Gilbert CORTÉS
Geoges COUMES
Charly DAUDET
Guy DERAUW
René DESCAMPS
DI RAGO
Antoine DI ROZA
Jean DI ROZA
François DUBREUIL
Jean-Pierre EMOURGEON
Lucien ESCOLANO
Roland ESCRIVA
Pierre ESPINOZA
ESPOSITO
Jean FEIGNA
Louis FERREIN
Pierre FORESTIER
Jean FOURVEL
Jacques FRIBURGER
Gilbert GAMBA
Georges GARCIA
Roland GARCIA
Paul GATT
Lt GAVALDA
Axel GAVALDON
Jean-Pierre GERMAIN
Georges GODARD
Antoine GUGLIELMI
Pierre GIUDICELLI
Roger HAAS
Robert HARO
Fritz-Karl HEISE
Michel HENDERICKSEN
Jean-Louis HOLSTEIN
Lt JACQUOT
André KANDEL
Roger LA BERENNE
Henri LAPISSARDI
Marcel LEBATUT
LEBEGUE
Philippe LE PIVAIN
Michel LEROY
Brigadier LICHTLET
Mal logis chef LIEGEOIS
Jean-Marie LLOBET
Lucien LOPEZ
LORET
Jean-Claude MARQUÉS
Michel MASSENET
Noel MEÏ

Jean-Georges MENTHER
MESLOT
Jean MIRA
MORÈRE
Alain MOUZON
Christian MUNOZ
Henri NIAUX
Vincent ORIA
Lucien PALANGIAN
Adrien PASTOR
Henri PENY
PEROPADRE
Camille PETITJEAN
Sgt PETROZ
Sauveur PORTELLI
Joseph PROUX
Claude PULCINA
Jacques du ROUCHET
Aimé SAGE
Sgt SANDOR
Jean-Yves SANTAMARIA
Jacques SCHERER
André SERALTA
Marcel SERRE
Armand SORIA
Ernest SORIANO
André TURIELA
Marc VALLIER
Marius VIALLA
René VILLARD


ET, Roger DEGUELDRE
ET, Jean BASTIEN-THIRY
ET, Claude PIEGTS
ET, Albert DOVECAR

AVEC MOI, TOUS ENSEMBLE: " MORTS POUR L'ALGERIE FRANCAISE, MORTS POUR LA FRANCE "

JF Collin -- Président Adimad sud

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Après ce discours et l'appel des 104 Martyrs, M. P. CASTILLE fait entendre le chant "Je ne vous garde pas rancune, je vous plains" de Jean Pax Mefret.M.
Jean-François COLLIN fait une allocution concernant Roger DEGUELDRE "FUSILLE LE 6 JUILLET 1962" sur un texte de Jean Pax MEFRET. (texte intégral ci-dessous)

 

ROGER DEGUELDRE

6 juillet 1962, 3 heures 56 du matin. Une salve désordonnée secoue la brume. Au même instant, sur l'autoroute du Sud, la France, insouciante, part en vacances.
Pourtant, à quelques centaines de mètres à peine, un second coup de grâce claque et fait tressaillir l'homme qui tient dans sa main un petit drapeau tricolore. Le sang coule sur sa tenue léopard. Il souffre, il souffre dignement.
Devant ce militaire que la mort hésite à prendre, à l'écoute des plaintes émises par le blessé, un colonel déclare froidement que ce sont là les spasmes de l'agonie. Maître Tixier-Vignancour et Maître Denise Macaigne, soutenus par l'aumônier de la prison de Fresnes, s'opposent à cette honteuse constatation et forcent les autorités à appeler un médecin. Ce dernier confirme bien les affirmations des avocats : l'homme vit toujours. Alors, alors il faut l'achever.
A 4 heures 04, l'adjudant-bourreau tire par trois fois sur l'officier blessé, mais ses mains tremblent et les trois coups de grâce ratent leur but. Armé d'un autre revolver qu'il est allé chercher, le sous-officier revient et, comme il le fit précédemment, et comme I'exige la loi, en plaçant le canon de son arme à 5 centimètres de l'oreille du parachutiste. Il est 4 heures 08, la boucherie a pris fin.
Le corps est placé dans un cercueil en bois blanc. Le pouvoir vient d'obliger son armée à accomplir un nouveau meurtre. Apràs 11 minutes de calvaire, frappé d'une seule balle sur les 11 tirées par le peloton d'exécution d'une armée française, le lieutenant Roger Degueldre, officier au Premier Régiment Etranger de Parachutistes, est mort au 6ème coup de grâce, en criant: "Vive la France". Mais ce cri qu'il a poussé ne peut être entendu par la France dont il souhaite la vie au moment-même où elle lui donne la mort.
La France, allongée sur les plages de l'Atlantique et de la Méditerranée conserve ses oeillères, ne se souciant nullement de regarder ceux qui l'entourent, ceux que l'on juge, que l'on condamne, que l'on assassine, ceux qui pleurent, qui ragent et qui désespèrent.
La France, égoiste, dort... au soleil. Ce soleil qui apporte aux estivants la chaleur qui manque à ceux que l'exode vient de jeter brutalement en Métropole : les Pieds-Noirs.
Car, en ce mois de juillet 1962, ils sont là, les Pieds-Noirs, meurtris, surpris, écœurés.
Sur les quais de Marseille, de Port-Vendres et de Sète, ils découvrent la France, cette terre dont ils refusèrent la mutilation, ce pays qu'ils avaient visité en uniforme pour lutter contre l'envahisseur. La France, la France qui par lâcheté et par ignorance, par désintéressement ou par cynisme leur tourne le dos, les laissant seuls. Seuls avec l'allégresse du 13 mai, la douleur du 24 janvier, l'espoir du 22 avril, la stupeur du 26 mars, l'effroi du 5 juillet, dates mémorables de leur histoire dont les générations à venir se souviendront et dont les responsables conscients et inconscients rougiront.
Ils sont seuls, les Pieds-Noirs. Pourtant dans leurs maigres bagages - un glorieux passé baigné de sang - ils observent la récompense de leur patriotisme : l'apaisement de leurs vicissitudes, le cadeau de bienvenue du pouvoir, il est là : c'est le cadavre d'un officier français, c'est un corps criblé de balles, c'est Delta. Delta ! L'homme qui avait quitté l'armée parce que trop militaire, il refusait de s'y écarter du chemin de l'honneur, l'homme qui les avait défendus, réconfortés, aidés à reprendre espoir, le lieutenant Roger Degueldre qui, quelques minutes avant sa mort leur avait transmis son ultime message en déclarant : " Si je ne suis pas de leur race, ni né sur leur sol, je les ai beaucoup aimés et je les aime toujours ".
L'officier parachutiste mort en chantant la Marseillaise rejoignait ses compagnons de combat, victimes eux-aussi des balles françaises. D'abord Claude Piegts, un des plus nobles exemples des Français d'Algérie, mort à 27 ans, victime de la ferveur patriotique au cri de : "Visez au cœur, Vive l'Algérie française"
Et Albert Dovecar, sergent-chef au 1er REP, mort à 25 ans, Dovecar qui, à l'audience, déclarait encore : " J'ai trouvé à la Légion tout ce qui me manquait dans le civil : une maison, des camarades ". Mais la maison était détruite et les camarades étaient morts.
Le colonel Jean Bastien-Thiry n'allait pas tarder, lui aussi, à rejoindre les martyrs de l'Algérie française.
Le lieutenant Roger Degueldre le précédait de peu.
Lieutenant Roger Degueldre, tu es mort pour nous.
Lieutenant Roger Degueldre, nous vivons par toi.

Jean-Pax Méfret
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M. J.F. COLLIN fait un appel pour Jean BASTIEN-THIRY "FUSILLE LE 11 MARS 1963" et M. P. CASTILLE fait entendre le chant "Fort d'Ivry à la fraîche" par le coeur Monjoie Saint-Denis.
M. Lajos MARTON, membre du commando du Petit Clamart, prononce une allocution concernant BASTIEN-THIRY.

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M. J.F. COLLIN fait un appel pour Claude PIEGS "FUSILLE LE 7 JUIN 1962" et M. Jean-Paul GAVINO chante en direct sa chanson "Pour l'Honneur de la Parole Donnée".
M. Yves PIEGS, cousin de Claude PIEGTS fait une allocution sur Claude

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M. J.F. COLLIN fait un appel pour Albert DOVECAR "FUSILLE LE 7 JUIN 1962" et M. P. CASTILLE fait entendre le chant "Dors Vieux Soldat" par Albert SANTONI.
M. Jacques ZAJEC, membre de Delta 1, sous les ordres d'Albert DOVECAR, fait une allocution concernant son chef.

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M. J.F. COLLIN demande à la foule de répéter après lui, tous ensemble, une seule fois, mais pour chacun d'entre eux, de tout notre coeur :
" MORTS POUR L'ALGERIE FRANCAISE, MORTS POUR LA FRANCE "

Puis une minute de silence est observée à la mémoire des fusillés et combattants de l'Algérie Française morts au combat.
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M. Albert SANTONI chante à Capella "Le Miserere" qu'il dédie à sa défunte femme.

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Mme MATHIEU-GALLET dépose de la terre d'Algérie au pied de la stèle.
Ensuite c'est le dépôt de diverses gerbes des associations, entre autres :
- par Jordan PEREZ (petit fils de J.P. PREVOTEAUX) pour l'ADIMAD
- par M. Pierre SIDOS pour Jeune Nation
- Par M. EBERHARDT pour l'ARRAN
- Par Mme Eveline COSTAGLIOLA pour les Enfants de l'Algérois
- Etc...
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M. P. CASTILLE invite l'assistance à entonner "Le Chant des Africains" avant de clore cette cérémonie émouvante et magnifique.
Avant la dispersion, beaucoup de monde se précipitait vers les héros présents dans la foule, pour les congratuler ou pour faire une photo souvenir en leur compagnie.
Jean-Pierre BARTOLINI
Les photos de cette page sont de Jean RODA et Jean Pierre BARTOLINI