Assemblée générale du Cercle Algérianiste d’Aix-en-Provence
le 16 juin 2011

 

 

L’assemblée générale du Cercle Algérianiste 2011 s’est tenue en présence d’un grand nombre de ses adhérents. La présidente, Evelyne Joyaux, a rappelé les diverses activités du Cercle au cours de l’année passée, les comptes ont été approuvés, et les membres du conseil d’administration dont le mandat était échu, ont été renouvelés à l’unanimité .
Dans son rapport moral, la présidente, comme elle en a le secret s’est livrée à une analyse sur le sens et l’utilité de notre action qu’elle soumet à votre réflexion (extrait).

 

 « …… Nos adhérents de longue date savent que nous avons créé un  Cercle Algérianiste ici en partie pour réagir contre le risque de voir les archives du dépôt d’Aix remises à l’Algérie ; c’était dans les années 1985. Mais notre association constituée  dans ces circonstances ne fut pas la première à l’être dans la ville.

 Il en existait aussi beaucoup d’autres sur tout le territoire français….

 

… Nous tentons parfois de justifier leur existence en faisant référence au tissu associatif français particulièrement dense. Mais est-ce judicieux ?

… En effet, les Bretons ou les Savoyards vivant à Paris,  qui se retrouvent le samedi soir pour dîner ou danser, n’ont pas vu disparaître leur pays d’origine et leur « exil » relatif qui peut être du à des obligations d’ordre personnel, professionnel ou familial, dépend tout de même de leur choix.

En ce qui concerne  les  Français d’Algérie, les amicales de villes et de villages ont d’abord constitué une résistance à la dispersion qui leur fut imposée comme une épreuve supplémentaire, après l’exode de 1962.

 

Qui a oublié  les dispositions prises au niveau de l’Etat pour que les Rapatriés soient éparpillés ? Les aides financières dépendant du choix du lieu géographique, les affectations pour les fonctionnaires, et les messages dissuasifs comme ceux du Maire de Marseille. . »

Après s’être attardée sur la notion de « nostalgie », qui fit, par exemple, le succès de Claude Nougaro chantant sa ville Toulouse, mais qui suggère un passéisme revanchard dès qu’elle est associé aux Rapatriés, ces « nostalgiques de l’Algérie française », Evelyne Joyaux poursuit :

« … Nous pourrions énumérer les multiples origines de nos associations. D’abord celles qui nous permirent de faire face aux difficultés matérielles, celles qui apportèrent leur soutien aux familles des militaires et des civils, emprisonnés et démunis de toutes ressources en raison de leur engagement pour l’Algérie française, les associations  de Harkis qui se sont organisées pour la défense de leurs droits matériels et moraux  et d’autres, constituées  par les familles des « Disparus ». D’autres encore qui s’attachèrent à la sauvegarde des cimetières que l’on profanait en Algérie, et celles qui, comme le Cercle Algérianiste, s’opposèrent à ce que l’on appela « la désinformation. » etc.. 

Toutes, nous pouvons le constater, correspondent à une réaction, expriment une forme de volonté de survie, un engagement d’honneur, non une tentative de fuir le présent et de se réfugier comme dit le poète « dans le vert paradis des amours enfantines ».

 

 ….50 ans se sont écoulés depuis.

Un demi-siècle, cela paraît beaucoup à l’échelle d’une vie.

Aujourd’hui les Français d’Algérie ont tous vécu plus longtemps en France que sur leur terre d’origine. Les autres ont disparu.

Voilà qui justifierait une question qui peut passer pour exprimer de la compassion et que l’on nous pose souvent : « Le temps n’est-il pas venu pour vous, de tourner enfin la page? »

En vérité est-ce vraiment de nous qu’il s’agit ?

En effet, le silence sur nos activités qui sont pourtant nombreuses, est quasi total dans les domaines qui comptent pour l’opinion publique : celui de la politique, de l’information, de la culture.

Ainsi les Français d’Algérie ont beaucoup écrit sans trouver d’éditeurs. Combien d’entre eux ont bénéficié d’un article dans le Monde ou Le Figaro ? Manque de talent ! N’est-ce pas ce que l’on prétend pour expliquer le phénomène.

Mais en constatant le niveau d’un grand nombre de publications émanant d’acteurs, de sportifs, ou de vedettes, et le soutien publicitaire dont elles bénéficient, faut-il vraiment admettre que le refus d’édition auquel se sont heurtés nos auteurs durant toutes ces années vient réellement, et seulement, du manque de qualité des ouvrages.

 

Dans ce même ordre d’idées combien de Français d’Algérie, dont les activités sont directement liées à la mémoire de l’Algérie française, sont-ils invités à participer à des débats  pourtant fréquents qui les concernent au premier chef ?

Autrement dit, les français d’Algérie sont accusés d’alimenter de vieilles querelles dépassées, d’être les responsables d’une guerre des mémoires alors qu’ils n’ont pas les possibilités matérielles de se faire entendre et donc de les provoquer.

Les innombrables retours sur l’utilisation de la torture pratiquée par l’Armée française, les débats sur les rapports de la mémoire et de l’histoire, la production de films partisans, les lois qui modifient les données historiques de « la guerre d’Algérie », les commémorations du 19 mars …Aucun de ces sujets qui mettent le feu aux poudres ne sont de notre initiative.

…En France on multiplie les musées, on tourne les anciens films avec de nouveaux acteurs, on chante les sixties,  on nourrit l’imaginaire des hauts faits de la Résistance, on construit de nouvelles règles morales à partir du devoir de mémoire, mais on condamne le passéisme des Pieds-Noirs.

 

Dans la société où nous vivons tout nous pousse donc à renoncer….

Il reste pourtant  cette révolte quasi instinctive devant la falsification actuelle des faits passés.  Nous savons que les évènements n’ont pas commencé, ne se sont pas enchaînés le 8 mai 1945, dans l’Est algérien, comme ils sont aujourd’hui présentés et analysés, que le 19 mars 1962 ne correspond pas au début d’une ère de paix, et que des milliers de personnes proches des milliers de celles qui furent enlevées peuvent en témoigner; nous savons que les campagnes d’Italie et de France ne furent pas remportées exclusivement par le sacrifice des partisans français d’une part et des soldats de confession musulmane de l’autre…

Nous  avons été témoins de cela. Alors ?....

Alors il faut dire la vérité ….

Elle n’est sans doute pas facile à connaître, mais si nous ne savons pas vraiment où elle est, nous savons où elle n’est pas, comme le prouvent les quelques exemples de mensonges concernant le 8 mai 1945, le 19 mars 1962 ou le silence imposé sur les milliers de personnes enlevées que nous venons de citer.

 

Tout aussitôt pourtant la question s’impose : la vérité sur ce qui s’est réellement passé en Algérie est-elle utile à connaître ? Qui la demande ?

Après tout, au XXème siècle, le mensonge a été sanctifié puisque le processus qui aboutit à l’indépendance de l’Algérie, considérée aujourd’hui comme une victoire morale, a commencé, en 1958, par un mensonge clamé devant des foules, des caméras et des micros.

Remarquons d’ailleurs que depuis, lorsqu’il réussit, le mensonge fait au peuple est mis au crédit de celui qui l’utilise, de son pragmatisme et de son habileté politique.

Pourtant, le massacre des harkis, l’abandon des femmes, des hommes, des enfants enlevés en Algérie, et dont aucun gouvernement français, n’a voulu prendre le risque de se préoccuper, sont aussi les fruits de ce mensonge. Des fruits assez amers pour qu’on veuille aujourd’hui en masquer ou même en oublier le goût.

N’est-ce pas la preuve que ce mensonge fut, quoi que l’on prétende, corrupteur des âmes autant qu’il a détruit des vies.

 

Alors, et même s’il faut laisser la recherche de la vérité aux philosophes, contre le mensonge nous pouvons tenter de saisir encore et toujours la réalité des faits que nous avons connus. C’est dans cette perspective que nous avons  construit le programme 2011/2012.

 

L’exposé s’est achevé par l’évocation des membres de l’association perdus en chemin au fil des années mais dont l’action demeure. Ce sont autant de sentinelles rassurantes vers le souvenir desquelles se tourner lorsque l’on s’interroge sur la route à suivre.

L’assistance observe une minute de silence en leur mémoire.

 

Par Cercle Algérianiste d'Aix en Provence