JEUNE PIED-NOIR
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Le 31 octobre 2005       

« L'Algérie avait été tirée d'une anarchie millénaire par la conquête française... L'œuvre accomplie est de celles dont nous pouvons être fiers. »
Charles De Gaulle -Déclaration remise à la presse le 18 août 1947

 

 

LETTRE OUVERTE

 

Monsieur Jacques CHIRAC
Président de la République
Palais de l'Elysée
55, rue du Faubourg Saint-Honoré
75008 PARIS

 

Monsieur le Président de la République,

Depuis plusieurs mois les médias français et algériens annoncent la signature, avant la fin de cette année, d'un traité d'amitié entre la France et l'Algérie. Depuis quelques semaines circulent l'annonce du voyage que vous effectueriez au mois de novembre en Algérie pour signer ce traité et la rumeur que vous y ferriez repentance au nom de la France.

Nous tenons à souligner que nous ne sommes pas contre un rapprochement des populations algérienne et française dont les liens humains et affectifs, encore très forts, sont l'héritage d'une longue histoire commune. Mais un traité d'amitié, qui engagerait la France et tous les Français, ne peut être à sens unique. Le Parlement français doit être impliqué dans sa préparation et le Peuple français, notamment les Français d'Algérie directement concernés, doivent être consultés sur son contenu avant qu'il soit ratifié entre les deux Pays.

Nous tenons à vous faire part de nos préoccupations et des points qui nous paraissent indispensables pour que ce traité, s'il doit se faire, renforce réellement les liens d'amitié des populations française et algérienne.

  • - Le respect des Droits de l'Homme. L'Algérie est signataire de la Chartre de 1948. La France peut-elle accepter que des citoyens français soient refoulés ou insultés lors de leur arrivée en Algérie? La libre circulation sans contrainte des harkis et de leurs enfants est la première des conditions d'un traité équilibré. D'une façon plus générale, la France peut-elle apporter sa caution au gouvernement actuel de l'Algérie alors que les atteintes aux Droits de l'Homme touchent tous les jours la population algérienneet que ce pays conna”t une guerre civile permanente ayant fait ces dix dernières annéesplus de 200.000 morts?
  • - L'amitié c'est en premier lieu le respect mutuel. Le Président et les autorités algériennes doivent s'engager à ne plus tenir de propos insultants et affirmer des contre-vérités historiques dans leurs relations avec la France. Les 132 années de présence française en Algérie, pays dont la France a créé le nom et les infrastructures modernes, font partie de l'histoire commune de ceux qui ont vécu et vivent sur ce territoire.
  • - La reconnaissance des sacrifices des Français d'Algérie de toutes origines dans la libération de la France de l'occupation nazie. La Légion d'honneur que vous avez attribuée à la ville d'Alger, capitale de la France combattante en 1942-44, peut-elle être remise tant que le monument aux Morts d'Alger n'a pas été réhabilité ou reconstruit? Peut-elle avoir lieu en l'absence des anciens combattants Français-musulmans, pieds-noir et métropolitains du CEFI, de la 2eDB et de la 1e Armée française?
  • - Il ne peut y avoir de quelconque repentance de la France. Toute repentance à sens unique retirerait toute valeur au futur traité d'amitié. La présence française, même si elle n'a pas été parfaite et parfois marquée de violences, n'a pas été la succession de crimes et massacres dont l'accuse le Président algérien, comme le soulignait déjà très justement en 1947 le général De Gaulle. La première guerre d'Algérie (1954-1962) n'a pas été une guerre "sans nom" entre nations, elle a été une guerre civile pour la conservation ou la prise du pouvoir entre des hommes aimant la même terre. Comme toutes les guerres civiles, elle ne pourra se conclure que par une reconnaissance commune des victimes des deux parties. Actuellement les deux pays commémorent leurs morts séparément. Est-il et comme le fait le Maire de Paris pour la répression par le gouvernement du Général De Gaulle de la manifestation FLN du 17 octobre 1961 ? Le Maire d'Alger envisagerait-il d'honorer les victimes de la fusillade de la rue d'Isly du 26 mars 1962 en apposant une plaque sur la Grande Poste d'Alger? Le Maire d'Oran accepterait-il qu'un monument soit édifié dans sa ville en mémoire des victimes du massacre des pieds-noirs du 5 juillet 1962? L'Algérie serait-elle prête à faire graver dans son mémorial aux Martyrs d'Alger les noms des 150.000 harkis massacrés par le FLN après le 19 mars 1962?

Ces crimes et massacres sont désormais reconnus en France par la loi du 23 février 2005. Cette loi est l'expression de la volonté de la Nation traduite par les parlementaires. Les opposants à cette loi ont eu plus de deux ans de débats publics pour s'exprimer. Ils ne l'ont pas fait. Quelques historiens "militants", comme ils se désignent eux-mêmes, sans mandat électif, et des intellectuels, qui ont été silencieux durant 40 ans sur les crimes dont ont été victimes les Français d'Algérie, peuvent-ils prétendre être les juges d'une loi qui est l'expression de la volonté populaire? La France peut-elle accepter que le Chef de l'Etat et les parlementaires algériens interviennent dans les affaires intérieures françaises sans réagir? Comme toute loi votée, elle s'impose à tous les Français. Les Français d'Algérie que nous représentons vous demandent qu'elle soit mise en oeuvre dans son intégralité dans les meilleurs délais. Notre association et tous ceux qui la soutiennent s'engagent à veiller à sa bonne application.

Le futur traité d'amitié ne doit pas être de nouveaux accords d'Evian, c'est à dire un texte plein de bonnes intentions mais inapplicable concrètement. Un tel accord doit être signé dans le cadre d'une relation totalement équilibrée, marquée de gestes positifs des deux Pays. Nous ne comprenons pas la nécessité de précipiter sa signature ce qui le ferait appara”tre aujourd'hui comme un accord de circonstance et non d'amitié. N'est-il pas souhaitable de le différer à fin 2006, voire même à début 2007, année qui marquera le 45e anniversaire de l'Exode des Français d'Algérie? En 2003 il y a eu l'Année de l'Algérie en France. L'année 2007 ne pourrait-elle pas être celle de la France en Algérie? Ce geste de réciprocité de l'Algérie serait fortement symbolique. Des deux côtés de la Méditerranée les populations ont commencé un lent travail de mémoire. Elles doivent être en cela aidées par les historiens dont le rôle est d'apporter une vision exacte du passé et par les intellectuels dont la réflexion doit permettre d'apaiser les drames vécus en proposant une vision positive de l'avenir. La Fondation de la Mémoire de la Guerre d'Algérie et des Combats du Maroc et de Tunisie, prévue pour 2006 dans la loi du 23 février 2005, ne devraitelle pas, dans ce but, être élargie à l'ensemble de l'histoire de l'Afrique du Nord française? Elle permettrait ainsi aux victimes, aux associations, aux historiens, aux chercheurs et aux hommes politiques français de préparer les bases de nouveaux liens entre la France et l'Algérie.

Compte tenu de l'importance que vous semblez apporter à la signature rapide de ce traité, nous vous demandons respectueusement de bien vouloir recevoir avant votre voyage en Algérie une délégation de membres du nouveau Haut Conseil des Rapatriés et de personnalités qualifiées. Les deux millions de Français d'Afrique du Nord et d'Outre-mer, les Anciens Combattants d'Algérie et leurs nombreux amis attendent de vous des réponses aux questions qu'ils se posent et auxquelles leurs parlementaires ne peuvent répondre.

Dans cette attente, nous vous prions de croire, Monsieur le Président de la République, à l'assurance de notre très haute considération.

Bernard COLL -Secrétaire général de JPN

  • Copies:
    -M. Le Premier Ministre, Mme La Ministre de la Défense, M. Le Ministre Délégué aux Anciens Combattants, M. Le Ministre des Affaires Etrangères,
    - Mesdames et M. Les Députés et Sénateurs, les historiens, les Intellectuels et les médias.
    - MM. Les Présidents de la MIR des Associations de Français d'AFN et d'Anciens Combattants

Mis en page le 3/11/2005 par RP