" UNE PANTALONNADE GROSSIEREMENT ORCHESTREE "

 

   " France 2 " avait programmé un débat à propos du brûlot accusateur de Georges-Marc BENHAMOU " Un mensonge français " le 3 novembre dernier, à " une heure de grande écoute , on s’en doute !!! , pour la majorité des français : de 0010 à 2 heures du matin… "

   Le choix de cette tranche horaire, au milieu de la nuit, pour traiter " d’une affaire d’Etat ", met en lumière le souci de la chaîne de noyer dans l’œuf la genèse du livre. La gravité des faits incriminés peut déboucher sur une nouvelle affaire Dreyfus.

   Arlette CHABOT , dont on connaît " la neutralité objective tant dans le fond que dans la forme ", a suffisamment pourri le débat pour anéantir l’infortuné G.M. BENHAMOU isolé et désarçonné par une coalition promptement dressée allant du perfide Chevènement, ancien ministre d’Etat à M.Jean-Luc BARRE, historien, thuriféraire gaulliste en passant par M. Fouad Soufi , agent boutéflikien et surtout Zora DRIFF, égérie diabolique, héroïne des tueurs clandestins du F.L.N.

   Une radiographie des interventions de chacun des coalisés suffoque l’auditeur des plus avertis.

   Monsieur CHEVENEMENT, dans une prestation volontairement nuancée, s’est toutefois trahi, marquant une hostilité larvée aux assertions du livre…

   Jeune sous-lieutenant de l’armée française, dit-il, il se trouve à ORAN le 5 Juillet sanglant. Sans ambages, il se déclare partisan de l’indépendance algérienne depuis toujours. Il condamne ORAN qui brûle dans les affres du désespoir. Il ne peut pas ignorer le massacre des français mais il n’en dit pas un mot. Sans doute, doit-il déjà penser qu’il faut, en cette occurrence, excuser " de jeunes sauvageons désemparés " !!! Enfin, il déplore par deux fois dans ses interventions la présence française en Algérie, feignant d’ignorer l’insécurité permanente de nos bateaux dûe aux multiples corsaires, pilleurs en méditerranée et installés sur les côtes du Sahel, notamment à El—djezaïr, l’arrogance et la cupidité de leur protecteur turc HUSAYN IBN AL HUSAYN d’ALGER (dès le début du 19è siècle). A cette époque, la France, malgré de nombreuses tentatives plénipotentiaires, ne parvient pas à résoudre par la négociation, le lourd contentieux méditerranéen et l’odieux trafic des redoutables barbaresques (abordages, prises d’otages revendus au prix fort etc etc ).

   Enfin, le contempteur de l’Algérie française accorde du bout des dents une certaine réalisation dans un pays dit-il, de plus de deux millions de km2. L’ancien ministre ignore-t-il que l’Algérie n’existait pas avant 1830 ? et que la France a livré, clefs en mains, au FLN en 1962, un pays moderne et structuré ?!!!

   Dernière et suprême pirouette du nébuleux ancien ministre : il suggère qu’une réunion d’historiens algériens et français travaillent en commun pour planifier les rapports et rédiger une histoire de l’Algérie. Il ressort que M. CHEVENEMENT d’une façon assez suffisante et hautaine qu’il croit subtile, condamne finalement " un mensonge français ".

   Moins nuancé, le suppôt gaulliste nie en bloc l’évidence. Il fait partie de ceux qui ont compris le " je vous ai compris ". Il absout à la fois les mensonges, la trahison, la haine du Néron français. Peu lui importe le massacre des harkis, le long et douloureux calvaire qu’il a infligé à ceux qui ont, contre sa volonté, franchi la méditerranée et gagné la métropole.

   Il ne veut rien savoir de l’effroyable tuerie d’ORAN que le " chef prestigieux " a consenti comme il veut ignorer la grotesque mascarade des accords d’Evian. Nul n’ignore, sauf lui, que le " Gourou " s’opposa, par tous les moyens, à l’exode des français d’Algérie en France.

   Il juge avec indifférence que le " grand homme " a laissé se développer, à leur égard, l’hostilité voir le mépris. A noter que les archives de la guerre d’Algérie sont alors consignées pour plus de 40 ans.

   En résumé, il fait fi des déclarations officielles, des preuves accumulées confondant " le Parrain "…

   Le troisième volet de ce compte-rendu d’une " émission pagaille " orchestrée par une égérie incapable ou complice concerne Zorah Driff. Une aubaine pour l’outrancière virago algérienne qui, monopolisant l’antenne, s’est lancée dans une diatribe forcenée contre les harkis sans aucun sentiment de compassion pour les horribles massacres de 80.000 de ses compatriotes s’étant laisser prendre au mirage de la grandeur de la France du moment.

   Virulente, provocante, la mégère algérienne s’est comportée comme la maîtresse du débat, ne laissant à l’infortuné Georges-Marc BENHAMOU que le temps d’une respiration. Je suppose que la même violence de ton, le même temps de paroles sont sans doute possibles de la part d’un opposant français s’exprimant parmi les autochtones devant les écrans de la télévision algérienne.

   Comme je suis sûr du contraire, quel cinglant camouflet qu’à travers l’A 2, la France a reçu ce soir là. Ainsi, pour débattre d’un ouvrage accusateur, écrit par un français, mettant en cause la responsabilité française vis-à-vis des harkis, il a fallu avoir recours à l’ennemi d’hier pour condamner l’auteur du livre.

   A part cette évidence, nous retiendrons de l’émission la pitoyable cacophonie absorbant une bonne partie du temps imparti à ces " mots croisés " que les téléspectateurs ahuris n’auront pas réussi à déchiffrer.

   La touche finale revient encore à celle qui a mené les débats. Fustigeant la malheureuse mademoiselle Dalila KERCHOUCHE , auteur du livre " mon père, ce harki " qui est un plaidoyer en faveur de la douloureuse et cruelle destinée " des soldats maudits ", Arlette CHABOT eut cette réplique cinglante : " je regrette de ne pas avoir invité un harki qui serait venu à votre place ".

   Voilà… l’affaire Dreyfus-Benhamou est lancée. D’ores et déjà, nous savons, nous Français d’Algérie, à quoi nous en tenir. Ayant attendu plus de quarante ans pour qu’enfin la vérité éclose, en défendant " un mensonge français " nous défendons notre devoir de mémoire.

Pierre-Etienne MUVIEN



La Semaine de Georges Marc Benamou


(Nice-Matin du dimanche 9 novembre 2003)

 

Le dernier tabou

P.S.

A propos de mon livre Un mensonge français. Quelle semaine ! Quelle tempête ! Bien sûr, je m'attendais à ce qu'un débat s'ouvre comment le nier ? Un débat vigoureux peut-être mais pas au lynchage qu'ont tenté quelques éditorialistes bornés, antigaullistes de gauche ou antigaullistes de droite dans les années soixante qui, fraîchement convertis à la nouvelle religion gaulliste, refusent tout débat. Dressent des procès staliniens, manipulent les arguments, et les textes. Mais n'ont en fait qu'à me reprocher qu'une ou deux broutilles. Etrange époque où ces « nouveaux bigots » se réfugient derrière le Petit Larousse je plaide coupable pour deux erreurs, et trois coquilles syntaxiques sur 380 pages ! pour éviter que se posent les questions toujours gênantes pour eux. Refus de s'expliquer sur l'extermination des harkis, et leur indifférence d'alors ; refus également de toute analyse critique du « totalitarisme du FLN », ce que même les historiens algériens arrivent à faire de l'autre côté de la Méditerranée c'est dire... Et enfin, refus religieux, sacré, presque superstitieux de toucher à la dernière statue du Père debout, le Père De Gaulle, voûte freudienne de leurs dernières certitudes. J'aurais commis un crime impardonnable à leurs yeux. Car pour ces « nouveaux bigots » bien plus que pour Pierre Messmer dont les propos abondent dans mon sens « On ne touche pas au dogme de l'infaillibilité gaulliste. »

A suivre

Mis en page le 9/11/2003 par RP