La Semaine de Georges Marc Benamou

(Nice-Matin du dimanche 21 septembre 2003)


Il aura fallu quarante et un ans pour qu'enfin une journée de commémoration aux trente mille soldats français, tombés durant la guerre d'Algérie, soit organisée par la République. Jacques Chirac vient d'en décider la date. Ce sera le 5 décembre, date bizarre, sans sens et sans symbole. Ce qui en dit long sur la gêne de la République, si longtemps après. Il aura fallu aussi trente-sept ans pour qu'enfin la Nation accepte de parler officiellement, non plus des "événements d'Algérie", mais ose employer le terme de "guerre d'Algérie", par une décision législative de 1999. Guerre sans nom. Guerre sans date de début, sans date de fin. La question algérienne continue de hanter la mémoire française. Si la décision présidentielle vient honorer les soldats disparus, elle continue de faire l'impasse sur toutes les autres victimes de la guerre d'Algérie. Car outre les victimes musulmanes du colonialisme, il y a aussi ce million de pieds noirs qui fut jeté dans "les basses fosses du silence" par la gauche comme par la droite, depuis les années 60. Il y a les cinq mille disparus de l'été 1962 , les centaines de morts européens et pro-français, les massacres d'Oran du 5 juillet 1962, les soixante-dix fusillés de la rue d'Isly à Alger. Et les harkis ! Cet autre million de musulmans que de Gaulle, Joxe, son ministre des Affaires algérien, et Pierre Mesmer et quelques généraux frivoles abandonnèrent à leur sort : cette extermination dont ˜je peux aujourd'hui le prouver˜ ils avaient connaissance au moment des faits. Pour reprendre une expression appliquée à Vichy, la guerre d"Algérie est une histoire qui décidément ne passe pas. La Nation chemine certes vers la vérité, mais à si petits pas, parfois même à reculons, quand elle permet, sur son territoire, que le Président Bouteflika traite les harkis de "miliciens" sans émettre la moindre protestation. Une journée pour les soldats perdus c'est bien. Une journée pour la mémoire française, encore endolorie de cette injustice d'Etat, serait à la hauteur de l'histoire terrible qu'on découvre à présent.

 

Créée le 21/09/2003 par RPr