La Semaine de Georges Marc Benamou


(Nice-Matin du dimanche 15 mai 2005)

 

Quand Bouteflika compare la France au nazisme

Le président Bouteflika est un diplomate d'expérience et un homme cultivé. Il sait ce que les paroles valent, et ce que pèsent les symboles aussi. C'est donc délibérément qu'il vient de s'en prendre à la France en des termes que n'aurait pas renié le très stalinien ex-président Boumediene. Le président algérien vient de comparer, lors des commémorations des massacres de Sétif en 1945, la colonisation française au nazisme; et certains aspects de la répression française « aux fours crématoires des nazis ».

Le dérapage est scandaleux. Il est d'abord une erreur, une approximation dangereuse. Le procès du colonialisme français a été fait; il doit se poursuivre; la France doit être intraitable sur sa mémoire particulièrement coloniale mais il est inacceptable de laisser dire que la France de Guy Mollet était l'Allemagne du temps du nazisme. Que l'armée française, malgré cette « sale guerre » et la torture, était la Wermacht ou la SS. Et que le FLN était comparable, en tous points, à la Résistance française. A ces deux différences notables - et fondamentales pour toute civilisation démocratique: la Résistance française refusa toujours la pratique du terrorisme civil ; la Résistance française croyait en la démocratie qu'elle restaura, à la libération, en 1944...

Le pire dans cette nouvelle affaire Bouteflika, ce n'est pas ce qui a été dit de l'autre côté de la Méditerranée. Après tout, le président Bouteflika est bien dans son rôle, en voulant ériger, sur le dos de la France, ce grossier mythe national. Ce qui est insupportable en revanche, c'est le silence des autorités françaises devant cette provocation, cette insulte.

Pas un mot du ministre des Affaires étrangères qui devait avoir tant d'autres choses à faire... Pas une réaction du Premier ministre qui se faisait opérer de la vésicule biliaire. Pas un communiqué de quelque personnalité du pouvoir, ou du ministre des Anciens Combattants.

Seule réaction notable, celle incompréhensible, et si indulgente du secrétaire d'État Muselier qui ne trouva rien à redire au discours de Bouteflika. A moins que le silence français ne soit justement très diplomatique. Un traité d'amitié entre les deux pays se prépare en effet. Le silence et l'insulte, est-ce là le prix à payer, selon nos éminences du quai d'Orsay en échange de ce Traité qu'on nous concocte ?

 

Mis en page le 18/05/2005 par RP