Permettez moi de vous communiquer mon point de vue envoyé au Monde et au Figaro... apparemment sans grand succès..
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Qu’elle est difficile à aimer.

Qu’elle est difficile à aimer cette France amnésique, sélective et versatile, ballottée aux vents  de l’opinion, aux humeurs de ses imprécateurs.

Exilés depuis près de cinquante ans, nous n’avions rien demandé sauf que nous fût accordée la paix de l’oubli.

Puisqu’elle était décidément rétive à panser nos cicatrices,

Puisque tous les génocides lui soulevaient le cœur, à l’exception de celui de 60 000 harkis et de milliers de civils français en 1962,

Puisque que tous les exilés du monde la trouvaient hospitalière, à l’exception de ceux qu’elle avait, elle-même, contraints à un exode massif et lamentable,

Puisqu’en un mot la France, je veux dire les français, ne les aimaient pas, il ne restait aux Pieds-Noirs qu’à espérer le silence et l’oubli de leur passé, de leurs souffrances, de leur drame.

Et voilà que devant le parti pris trop flagrant d’une dénaturation et du désaveu de leur passé, une poignée de députés courageux avaient osé réveiller les rayons de lumière d’un siècle et demi dont on ne suggérait que la nuit  ?

Alors se sont levés les « justes » ceux qui avaient armé les égorgeurs d’El Halia et les poseurs de bombes des villes algériennes.

Comment avait-on pu trouver des aspects positifs à cette « Sodome africaine » en 150 ans d’histoire française ?

Au nom de l’Histoire, ils ont craché leur haine, gommé les évidences positives, diabolisé jusqu’aux plus dignes des héros et des saints qui avaient eu la malencontreuse idée de naître français sur cette terre.

Oubliant que pas un d’entre eux n’était exonéré de la responsabilité de ce que fut l’Algérie, ces nouveaux inquisiteurs ont exigé et obtenu que fussent effacés de la Loi, quelques mots qui leur étaient insupportables.

Le premier des Français, oublieux lui aussi des années qu’il offrit pour garder l’Algérie à la France, n’a pas eu l’élémentaire courage de sauver cette parcelle d’honneur, ce détail qui disait l’évidence d’une histoire qui ne pouvait pas être totalement négative et qui devait bien receler quelques bienfaits, quelques progrès,  quelques sacrifices aussi pourvu qu’on fût assez honnête pour en convenir.

La cause est entendue, il ne peut être reconnu d’aspect positif à130 ans de présence française en Algérie.

Devrai-je me résoudre à partager avec des millions de compatriotes la tare rédhibitoire d’être nés de parents, de grands parents et d’arrière-grands-parents qui n’auraient été que des exploiteurs et des oppresseurs, sans que soit rendu justice aux « aspects positifs » de leur présence et de leur action sur la terre qui les vit naître  ?

Devrai-je me refaire une conscience repentante de mon histoire, en gommant, jusque dans ma mémoire, toute trace d’honneur et de dignité ?

Et quand mes petits enfants étudieront la nouvelle Histoire de France, devront-ils éviter de me demander de leur faire réciter les leçons ?

Je devrai m’efforcer aussi de continuer à aimer une France qui me méprise et qui le dit mais je confesse qu’il me faudra du courage.

Guy Bezzina
"La-Mahouna"
10, avenue Fouques
06130 - Grasse

Mis en page le 29/01/2006 par RP