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Clarisse BUONO
PIEDS-NOIRS DE PERE EN FILS. (Balland)

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Présentation de l'éditeur

Contrairement à une idée reçue, les pieds-noirs n'existaient pas comme tels durant la période de l'Algérie française. Ils n'apparaissent sous cette identité qu'en France, une fois rapatriée la population des Européens d'Algérie. A l'échelle de l'histoire, cette identité n'a donc eu qu'une brève existence : moins d'un demi-siècle. Elle est aujourd'hui forte et assumée, mais ne risque-t-elle pas de disparaître avec le dernier des rapatriés ? On entre ici au coeur de l'enquête de Clarisse Buono - cinq ans sur le " terrain "-, menée avec rigueur et passion par cette jeune sociologue, elle-même fille de pieds-noirs. Nés en France, les descendants de pieds-noirs, qui n'ont pas connu l'exil, ne peuvent se réapproprier une mémoire réduite à une expérience qui n'est pas la leur. Les éléments ayant fait la force de la communauté demeurent intimement liés au récit historique qu'elle a reconstitué pour répondre à une histoire nationale qu'elle juge partiale. Mais pourquoi les enfants reproduiraient-ils ce schéma, qui ne leur apporte en aucune façon de quoi se constituer en sujets de leur propre existence ? Ce qui a fait l'identité des parents ne peut ici constituer celle des enfants. D'où le paradoxe incontournable, que révèle cette plongée en profondeur dans l'univers des pieds-noirs de Marseille, de Lyon ou de Paris : plutôt que de reproduire la culture familiale, les descendants doivent s'en émanciper et effectuer un véritable travail de deuil identitaire. C'est ainsi qu'ils pourront avoir une chance de se construire... comme pieds-noirs, et qu'ils pourront éviter à l'identité de la communauté de disparaître.

Biographie de l'auteur

Clarisse Buono, docteur en sociologie, est chercheuse à l'EHESS, au CADIS (Centre d'analyse et d'intervention sociologiques), et enseigne à l'Université de Lille III.

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Dans un livre, au titre accrocheur, mais dérangeant, " Pieds-Noirs de père en fils ", 2004, Editions Balland, la doctorante en sociologie Clarisse Buono veut explorer la mémoire des rapatriés d'Algérie et pointe la quête d'identité de nos descendants.

Elle est fille de pieds-noirs et donc, dit-elle, bien placée pour savoir la difficulté éprouvée par les descendants des Français d'Algérie à se réapproprier une mémoire qui n'est pas la leur. Pour ces enfants nés en métropole, l'image parentale n'est souvent forgée que par l'exil, la trahison de l'Etat et la force d'un récit historique en rupture avec l'histoire nationale, jugée partiale. Elle a rencontré des dizaines de familles dans les années 1999 et 2000 : jamais les représentants de la deuxième ou de la troisième génération de rapatriés ne se revendiquent comme pieds-noirs écrit-elle. Au mieux, ils se disent descendants de pieds-noirs. En aucun cas ce qui a fait l'identité de leurs parents ne peut constituer la leur.

Le pied-noir serait l’avatar associatif du rapatrié d'Algérie. Le mot serait apparu pour la première fois dans le quotidien Le Monde en 1955. Auparavant, on parlait de "migrants", de "Français d'Algérie", voire d' "Algériens". L'exil et la nostalgie sont les deux piliers de l'identité pied-noire. Cependant pour elle l’utilisation de ce terme ne se fait en France qu’à partir des années 1970, à l’époque où nous perdons notre statut de Rapatriés.

Cette enquête sociologique dans ce milieu lui aurait demandé beaucoup de persévérance. On lui a très souvent demandé si elle comptait "réhabiliter" la communauté. Comme ce n'était pas son but, beaucoup de portes se sont fermées. On le comprendra aisément à la lecture de son analyse.

Nous n’avons pas d'autre ferment que l'amertume pour cultiver notre héritage ? Se demande-t-elle. Aujourd'hui, notre communauté se partagerait entre les "purs et durs", explique-t-elle - l'aile droitière les " nostalgiques ", pour simplifier - et les "reconstructeurs". Il faut donc être forcément de droite pour être nostalgique, et donc de gauche pour pouvoir se reconstruire. Ces derniers mettent en avant les valeurs de proximité, de fraternité avec la population algérienne durant toute la période qui a précédé la guerre. (L’assemblée algérienne n’était-elle pas presque toujours de gauche, lui demanderais-je ?) Notre héritage ? N’apprendre à nos descendants à parler quelques mots d'arabe où à connaître les traditions juives.( !) Et elle note avec attention que dans les familles de harkis, de membres du FLN, voire d'appelés, un travail similaire de reconstruction commence.

Il est intéressant de constater que le désir d’être éditée dans une grande maison conduit Clarisse Buono à adopter le même langage, le même raisonnement que tout ce que nous entendons depuis 40 ans. Et elle fustige comme d’autres " historiens " actuels, les PN, qui n’ont toujours pas adopté le sens de l’histoire et qui ne font éditer " leur mémoire " que par des maisons d’éditions de seconde catégorie. Nous pourrions plutôt dire, que nous le faisons, car les Majors de l’Edition, en France, ne veulent toujours pas écouter notre histoire et se réfugient par sécurité (économique) dans la facilité de l’idéologie en place depuis 1962.

Contrairement à une idée reçue, les pieds-noirs n'existaient pas comme tels durant la période de l'Algérie française (Je me demande alors pourquoi sur mon sac de sport un écusson Pied-Noir était cousu sous celui du RUA et des armes de la ville d’Alger). Ils n'apparaissent sous cette identité qu'en France, une fois rapatriée la population des Européens d'Algérie. A l'échelle de l'histoire, cette identité n'a donc eu qu'une brève existence : moins d'un demi-siècle. Elle est aujourd'hui forte et assumée, mais ne risque-t-elle pas de disparaître avec le dernier des rapatriés ? On entre ici au cœur de l'enquête de Clarisse Buono - cinq ans sur le " terrain ".

Nés en France, les descendants de pieds-noirs, qui n'ont pas connu l'exil, ne peuvent se réapproprier une mémoire réduite à une expérience qui n'est pas la leur. Les éléments ayant fait la force de la communauté demeurent intimement liés au récit historique qu'elle a reconstitué pour répondre à une histoire nationale qu'elle juge partiale. Mais pourquoi les enfants reproduiraient-ils ce schéma, qui ne leur apporte en aucune façon de quoi se constituer en sujets de leur propre existence ? Ce qui a fait l'identité des parents ne peut ici constituer celle des enfants. D'où le paradoxe incontournable, que révèle cette plongée en profondeur dans l'univers des pieds-noirs de Marseille, de Lyon ou de Paris : plutôt que de reproduire la culture familiale, les descendants doivent s'en émanciper et effectuer un véritable travail de deuil identitaire. C'est ainsi qu'ils pourront avoir une chance de se construire... comme pieds-noirs, et qu'ils pourront éviter à l'identité de la communauté de disparaître.

Elle nous reproche d’avoir échangé avec les indigènes mais pas de nous être mélangés. Clarisse Buono doit certainement ignorer que pour que mélange se fasse, il faut plusieurs protagonistes et qu’à la puberté, les adolescentes musulmanes étaient retirées de l’école, étaient voilées et disparaissaient du paysage ethno-sociologique. C’est pourtant à cette période de la vie que les " mélanges " sont les plus faciles. Mais, au fait, ce mélange existe-t-il, aujourd’hui, ici, malgré toutes les lois sur la laïcité ?

Elle accuse les Cercles Algérianistes de ne pas faire la promotion des talents de la collectivité Algérienne en France alors que seuls sont exploités ceux des PN. Nous pensons que Clarisse Buono se trompe d’Histoire et d’associations.

Elle ne semble mal comprendre notre amour de la France et du Drapeau Tricolore comparé à l’indifférence apparente des " métropolitains ", elle nomme cela la surassimilation car nous nous disons plus Français que les Français. Elle ne nous dit pas ce qu’elle a ressenti quand la Marseillaise était siffée lors du match contre l’Algérie, ni comment elle juge Monsieur Djamel Debouze qui ne fait rire que lui quand il interprète notre Hymne National ou du moins la parodie. Et ce qu’elle deviendra avec les paroles d’ " Allah A’kbar " dessus.

Il aurait été intéressant qu’elle nous fasse suivre par exemple en parallèle le cheminement identitaire des français du Québec, qui, eux, aussi ont été abandonnés par la Métropole. Doivent-ils choisir la France comme cible ou comme modèle ? (Peut-on prendre pour modèle la Nation qui nous oublie volontairement ?) Et, les québécois se demandent encore aujourd’hui s’ils sont " Français ", malgré cent cinquante ans de régime anglais, ou " Français ", malgré les Français qui les ont oubliés? Sont-ils restés Français en dépit des Anglais ou en dépit des Français ? Malgré les Anglo-Saxons, ou malgré les Franco-maçons? Car la France de la Commune, du Grand Orient et de la Loi Combes ne fut-elle pas plus dangereuse pour l'identité canadienne que la monarchie britannique et son Commonwealth ?

Loi Combes à mettre peut-être en vis à vis avec le décret Crémieux, qui aurait été, selon certains Séfarades une erreur historico-politique. Clarisse Buono ne s’en pose pas la question mais constate que la communauté israélite rapatriée d’Algérie ne s’est pas reconnue pour une grande majorité dans les associations PN.

Enfin, 200 pages pour nous convaincre qu’à la mort du dernier PN, il n’en restera plus, puisque leurs descendants nés ici, auront fait le deuil de l’identité qu’ils n’assument pas puisque leur terre de rattachement est la Provence, Le Languedoc-Roussillon, la région Parisienne ou même le Québec.

Jean-Pierre Ferrer