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Alain VIRCONDELET
Albert Camus fils d'Alger. (Librairie Arthème Faiilard, Pluriel)


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Pour la première fois, une biographie s'attache à éclairer le génie d'Albert Camus par le génie de sa terre natale, l'Algérie, et celui de sa ville tant aimée,  Alger, sans lesquelles, disait-il, il ne pouvait pas vivre...
L'Algérie est l'espace tout entier de son imaginaire et de son engagement. Avec le temps, le conflit et l'exil, elle est même devenue une sorte d'Eden illuminant cette part intime qu'il appelait « obscure ›› et dont il regrettait, un an avant sa mort, qu'elle ne fût pas davantage perçue.
Il fallait un autre fils d'Alger pour comprendre cette dimension sensible de l'écrivain. Alain Vircondelet a grandi dans un quartier populaire, il a fréquenté les mêmes écoles, les mêmes plages, les mêmes lieux qu'Albert Camus. Grâce à son ample connaissance de l'oeuvre, il raconte la douleur de l'exil et la nostalgie d'un pays devenu mythique, lieu de refuge et de consolation.

ISBN : 2-81815-0325-6

10,00 Euros

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Albert Camus, fils d’Alger

D’Alain Vircondelet aux éditions Librairie Arthéme Fayard Pluriel

 

La biographie de Camus rééditée en 2013 avec une préface nouvelle a reçu, lors de sa parution, le prix Méditerranée Essai 2010. Ecrit par un enfant d’Alger, ancien élève du lycée Bugeaud qui y récitait déjà des passages de « Noces », cet ouvrage fait la part belle à l’enchantement de cette terre d’Algérie qui distillait son charme si prenant que ses fils exilés n’ont jamais pu s’en défaire.

C’est sans nul doute la plus proche de ce qui fut la force et la faiblesse de Camus qui y est ici touché de la pointe du cœur.

On y trouve la candeur roublarde des gens de cette terre imprégnée des caractères des marchands phéniciens, des législateurs romains, des violences vandales, des mystiques arabes et juifs, des langueurs et des fureurs de cette méditerranée autant que des immensités sahariennes sous le vent du sable qui efface les pas mais garde l’empreinte au profond des dunes et des plages.

Cette dimension de l’œuvre de Camus autant que de sa vie même est parfaitement rendue par l’analyse de l’auteur. Elle devait être incomprise de nombreux lecteurs et surtout des « élites » germanopratines imbues du seul privilège d’être du bon côté de la Seine, leur conférant droit de vie et de mort intellectuelle, gens à œillères au quolibet grinçant dont Camus souffrit en espérant désespérément leur amitié condescendante.

Sa vie privée chaotique tient une grande part dans cette biographie ce qui est nécessaire car ce fut une quête exaltante et douloureuse dans laquelle il eut pourtant la chance de rencontrer, outre la délicieuse Francine Faure, des femmes d’une rare qualité comme Blanche Balain, Maria Casarès, Catherine Sellers, tant d’autres ; mais son attachement pérenne, le seul durable est son amour pour sa mère, icône presque muette chargée du même silence habité que Tipasa, celles qui, sans mot, disent tout de l’amour.

La maladie, cette tuberculose qui le mine est un protagoniste de la légende camusienne. Sans le sentiment de précarité qu’elle induit peut-être n’aurait-il pas mené avec tant de volonté farouche sa quête de vérité dans sa vie, dans son œuvre et dans le drame algérien.

Là est, à mon sens, la faille de l’analyse de Camus et de son biographe. Certes, la misère des masses musulmanes est une terrible réalité qu’ils serait fou de nier, mais jamais on ne trouve dans ce qui devient réquisitoire l’effort surhumain de la France, exangue au sortir de la guerre, pour scolariser le plus d’enfants possible comme en témoigne Augustin Ibazizen, effort digne du mythe de Sisyphe quand les flots d’enfants submergent les moyens d’une Education Nationale où les instituteurs et les institutrices font de chaque jour un miracle de survie et de savoir. Ce que le FLN craint si fort qu’il commencera par tuer les enseignants et brûler les écoles.

Effort aussi des institutions charitables largement payées par ces « colons » voués aux gémonies, ces « riches » européens, avocats, médecins, pharmaciens, magistrats qui permettaient les campagnes de vaccinations jusqu’au fond des douars et des oasis sahariennes complétant les chiches subventions venues de France... qui souvent ne pouvait pas faire mieux et laissait des villages de la province française dans des locaux moyenâgeux. Ces abandonnés là n’ont pas manqué de le faire douloureusement et injustement sentir aux « rapatriés » !

Camus qui avait des amis arabes fort instruits ne pouvait l’ignorer...mais il ne l’a pas écrit !

Ce qu’il n’a pu voir, puisque la mort l’a fauché trop tôt, c’est la fuite de cette élite arabe éduquée, diplômée, dés l’indépendance de l’Algérie, vers la France qu’ils avaient aidé à combattre, vers la Suisse et vers les Etats-Unis, achevant ainsi de priver l’Algérie, « leur   jeune patrie », de ceux qui auraient, peut-être, pu lui éviter le marasme, la guerre civile, et la décrépitude qu’elle connaît depuis un demi siècle...

                                                               Geneviève de Ternant