Champs-Elysées
: « En arrière, marche ! »…
TEXTE
ET DESSIN DE JEAN BRUA
L’armée algérienne sur les Champs-Élysées, il y a un moment que ça nous
tournait autour. Eh, bien, ce sera pour la prochaine Fête nationale, dans deux
mois.
L’hommage
aux « poilus » de toutes les communautés de l’ancienne Armée d’Afrique, si
souvent oubliée, allait de soi pour ce 14 Juillet du Centenaire. Sans vétérans,
par la force du temps. Tant que cela a été possible, les combattants restés
dans leur pays d’origine étaient invités à participer en personne aux
commémorations de leur propre gloire, en rangs de djellabas constellées de
décorations et sous les plis de drapeaux tricolores que nul d’entre eux ne
songeait à renier.
L’extinction
de la plus ancienne génération du feu a fermé le recours à cette représentation
directe. Dans des cas semblables, le protocole des Armées fait appel à une «
figuration » interne, c’est-à-dire à des détachements de jeunes soldats
costumés et entraînés en fonction de l’événement à commémorer (Austerlitz à
Saint-Cyr, Bazeilles dans les troupes de Marine, Sidi Brahim chez les
chasseurs, Camerone à la Légion, etc).
Pour
honorer les combattants algériens de 14-18, il suffirait donc de rassembler les
drapeaux des régiments dissous et de les faire défiler en rangs par douze,
comme tout le monde, aux mains de soldats— musulmans, si l’on y tient — en
activité dans les corps de tradition reconstitués, comme le 1er Régiment de tirailleurs d’Épinal ou le
1er Spahis
de Valence.
Ainsi
sauverait-on en même temps la vérité historique et l’honneur des armes. Mais ce
serait compter sans les réticences du « politiquement
correct » à faire incarner par des soldats français d’origine algérienne leurs
anciens, Algériens français. Selon la logique propre aux héritiers du FLN, du
gauchisme porteur de valises, des médias et historiens alliés et d’une grande
partie de l’opinion nationale, acquise de bonne foi à leur peinture en trompe-l’oeil de l’Histoire, il n’y a jamais eu d’Algérien
français, puisque l’Algérie n’était pas française, mais « coloniale ». Donc, en
conclusion de ce syllogisme militant, le tirailleur, spahi ou chasseur
d’Afrique musulman de 14-18 et
de 39-45 n’a pu être qu’algérien et ne saurait être représenté aujourd’hui sous
une autre nationalité qu’algérienne. CQFD.
Le
dessin ci-dessus veut symboliser cet escamotage de la mémoire historique au
profit d’une autre, idéologique. D’une part, le « Pavois » du sculpteur
Landowski, qui dominait le Monument aux morts d’Alger ; d’autre part, les trois
moudjahidine de l’A.L.N., détachés de leur bas-relief du Maqam E’Chadi, ou « monument aux martyrs ». D’où que l’on soit
dans la Ville Blanche, cette construction de 92 m. ne peut échapper au regard.
À l’inverse, même en mettant le nez sur l’ancien monument de l’avenue Pasteur,
impossible de distinguer une trace des trois cavaliers de la Grande guerre. Ils
ont été « sarcophagés » dans le béton, tandis que, pour
faire bonne mesure, les milliers de noms de « morts pour la France » gravés
dans les plaques de marbre du jardin étaient éliminés par des escouades de
gratteurs.
On
voit par là l’estime et le respect que l’Algérie nouvelle porte aux combattants
de l’ancienne, ceux-là même que la France officielle croit honorer en ouvrant
les Champs-Élysées à leurs insulteurs.
Pour
terminer sur un pied-de-nez, j’ai tiré de mes archives algérianistes la petite parodie (c’est de famille) de « Douce France » que j’avais faite en
2012 pour souligner l’incohérence d’un tel défilé, déjà envisagé par la gauche
nouvellement arrivée au pouvoir.
PÔVRE
FRANCE !
(Paroles
de Jean Brua
Musique
de Charles Trénet)
Je m’arapelle l’Histoire
que le maîte i nous lisait.
J’le re’ois le tableau noir
plein des bleu-blanc-rouge en craie.
Quâ mêm’ que les oss de nos
morts
I dormaient en Algérie,
qué fiers qu’on était,
alors,
d’être z’enfants de la Patrie !
Refrain
Pôvre France !
Ousqu’elle est l’Armée d’Afrique,
ses drapeaux et ses misiques,
ses turcos, ses espahis ?
À leur place,
c’est les katibas qui passent.
J’perds la face
Pour spliquer ça aux z’harkis… (bis