Compte-rendus des Journées de Clermont-Ferrand

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Clermont : des Journées... en famille !


Je sais que vous attendiez tous un compte rendu de ces journées et si j'ai attendu un peu avant de vous faire part de mes impressions, c'était surtout par souci de prendre un peu de recul et non pour récupérer comme certains le laissaient entendre..
Vous remarquerez aussi que j'abuserai du "je" car cet article est surtout très personnel et c'est bien ma perception de ces journées que je vais essayer de vous faire partager.

Si vous aviez pris connaissance du programme, vous sauriez que ces journées ont commencé le vendredi par une rencontre avec des historiens et des politiques. Pour les premiers, je n'ai rien appris que je ne connaissais déjà pour les avoirs suivis depuis longtemps. Surtout le plaisir de les "voir en vrai". Pour les seconds, je dirais quand on en a vu un, on les a tous vus. Et de toute façon les "médias" classiques étaient présents comme attachés de presse pour nous faire part de leur moindre soupir. Pour ma part, écouter quelqu'un tenter de nous expliquer que le 19 mars est tout sauf une négation du génocide Harki ne m'intéresse pas.

Quant à Monsieur Bayrou, la star de la journée, il a pensé nécessaire de nous faire un cour sur l'étymologie. Il nous a expliqué que génos signifie "race" et "cide" tuer. Pour lui, un génocide est un massacre commis par des personnes d'un autre groupe au motif que leur race serait différente. Dans ce cas, il se livre à la négation du génocide Rwanda puisqu'il a été commis entre personne de même "race". Loin de moins l'idée de penser que M. Bayrou est un négationniste mais j'ai seulement la volonté de démontrer que son jugement ne tient pas. Je ne reviendrais pas sur toutes les raisons qui ont décidé l'ONU à classer le massacre des Tutsis par les Hutus, mais si le sujet vous intéresse, vous pouvez vous rendre à cette adresse : rwanda.free.fr.

On sait depuis longtemps qu'il n'existe qu'une seule race, la race humaine et que donc ce qui peut pousser un groupe à exterminer un autre, c'est surtout l'idée ou la perception qu'un groupe se fait de l'autre. Pour les Harkis, je n'ai pas les capacités ni la prétention pour définir leur massacre comme un génocide mais je sais qu'il y a eu une volonté préméditée de les exterminer tous car ils représentaient un groupe différent de celui que leurs assassins voulaient pour l'Algérie. Des villages entiers avec toutes leurs familles ont été exterminés afin qu'il ne reste pas d'enfants qui vengeront leurs parents plus tard. C'était aussi une façon d'être sûr qu'il ne subsistera ni trace physique ni mémoire des Harkis. Quelqu'un m'a dit aussi que si c'était un génocide, nous ne serions pas là. Je répondrais qu'il y a toujours des Arméniens, des Juifs et Tutsis en me basant sur les trois reconnus par l'ONU. Mais M. Bayrou ne s'en est pas tenu qu'à ça : il a semé la confusion sur la loi Taubira en disant qu'il l'avait signé puis le contraire un peu plus tard. Il a continué son numéro en essayant d'expliquer qu'il peut exister des guerres sans coupables. Puisque les Harkis sont les seuls auxquels on ait jamais rendu justice, on peut déduire qu'il parlait de la guerre civile d'Algérie. Je suis prêt à accepter toutes les opinions dès lors qu'il y ait une logique et une sincérité. Je me rappelle aussi qu'en 2005, invité par M. Elkabach sur Europe1, Il a eu une réponse un peu bizarre lorsqu'il fut invité à donner son avis sur les massacres de Sétif : oui ben, il ne faut pas oublier le massacre des Harkis, avait-il tonné !

Comment pouvait-il justifier un massacre commis en 1945 par un autre survenu 17 ans plus tard ? N'était-ce pas le moment d'expliquer que c'était dû à la peur, à l'incompréhension et à la subversion ? Pourquoi mêler les Harkis alors qu'ils avaient sans doute pour certains des membres de leurs familles parmi les victimes ? Où il pense comme beaucoup que le sacrifice (sic) des Harkis n'est qu'une excellente monnaie d'échange pour les invectives entre les deux pays. Décidément, le politiquement correct est de plus en plus dur à assumer. Mais pas rancunier pour un sou, surtout en Auvergne pays très attaché à ce fameux sou, je le remercie pour ce cour de politique. Enfin je tiens ma définition de l'UDF : s'obstiner à avoir le cul entre deux chaises. Politocard, va ! (politocard : néologisme de circonstance ; a comme racine "poli" pour politique et "tocard" pour la personnalité, se dit aussi des chevaux de course qui n'arrivent jamais.

Je terminerai sur MES impressions sur les élus avec une mention pour Louis Giscard d'Estaing (zut ! il est de droite) qui a rappelé qu'il existait une Avenue de l'Union Soviétique impossible à débaptiser à Clermont car la municipalité de gauche soutien que c'est en hommage à l'Armée Rouge pour sa lutte contre le nazisme. Ils omettent de dire qu'ils n'ont fait que se défendre après l'attaque de Hitler et qu'avant ils se contentaient de respecter le pacte Germano-Soviétique. En tout cas c'est encore une belle preuve de l'écriture de l'Histoire par les politiques.

Je tiens à rassurer mon ami Smail Boufhal que je ne m'en prends pas qu'aux seuls politiques de gauche et que j'ai apprécié l'intervention plus équilibrée du député PS Jean Paul Bacquet. Quant à l'autre député PS Alain Néri, je ne peux pas le juger en deux minutes, temps que j'ai réussi à tenir avant de préférer la compagnie, oh combien plus sympathique des chevilles ouvrières d'Ajir. Des membres qui se sont distingués tout au long de ces Journées par leur chaleur, leur dévouement et qui ont réalisé un remarquable travail. La réussite de ces Journées est aussi la leur.

Le samedi, à 9 heures précises, nous avons assisté au bilan moral et financier présenté par l'ancien Président National Mohamed Haddouche. J'ai remarqué comme beaucoup d'autres qu'il fallait vraiment beaucoup de talent pour en assurer la gestion financière et le bon déroulements de ses activités avec de si petits moyens. Là aussi la République n'est pas très présente et l'on a du mal à comprendre que des associations qui prônent plus souvent leurs haines envers elle soient mieux loties. Les Harkis sont sans doute trop sages ou trop respectueux et dans ce pays, on le sait ça ne paye pas.

Puis vint la présentation des projets de Mémorial de Marseille et Rivesaltes. Pour le premier, je ne me fais guère d'illusion et j'ai la conviction que le drame Harki, dans la première ville maghrébine de France ne sera qu'une parenthèse de "son" histoire. A défaut de ghettoïser les mémoires, la nôtre sera diluée.

Celui de Rivesaltes est beaucoup plus intéressant pour nous car il va ressembler les mémoires de quatre populations internées dans ce camp dont les Espagnoles, les Juifs, les Tziganes et les Harkis. Les visiteurs voisins d'Espagne et le symbole fort que représente ce camp pour les victimes de la Shoah devraient lui assurer une affluence importante. Ses futurs visiteurs auront donc l'occasion de découvrir aussi l'histoire moins connue des Tziganes et des Harkis. La description du projet de l'architecte Rudy Ricciotti par le Président du Conseil scientifique et chef du projet, Denis Peschanski, directeur de recherche au CNRS a captivé toute l'assistance dans un silence de cathédrale. Comme un extrait de ce qui va être réalisé : un monument de silence pour Rivesaltes (lire).

J'aurais voulu terminer sur cette belle note, mais j'aimerais répondre à Denis Peschanski que je ne suis pas convaincu que tous les historiens respectent les règles scientifiques propres à leur métier. Que ça soit Gilbert Meynier qui a traité les Harkis de mercenaires ; Stora qui, en réponse à la question sur les responsabilités du massacre planifié des Harkis, il avait trouvé intelligent de se poser plutôt la question sur ce que les Harkis ont fait, justifiant donc leur massacre (lire) ; ou l'impossible Olivier le Cour Grandmaison au vocabulaire aussi limité que la portée historique de ses brochures, je n'ai jamais assisté à une remise en cause de leurs écrits par la "profession". Non M. Denis Peschanski, je pense au contraire qu'il est très dangereux de ne laisser l'Histoire qu'aux historiens. D'ailleurs vous avez remarqué que les vieux Harkis présents étaient choqués de ne pas retrouver ce qu'ils ont vécu dans ce qu'il faut bien admettre l'Histoire officielle de France.

L'après-midi était l'occasion de questions et réponses entre la salle et les différents intervenants. J'ai donc été heureux de prendre des nouvelles sur les affaires en cours et j'ai convenu avec Smail Boufhal de faire le point dans un futur proche. De même j'ai rencontré Dalila Naceri qui m'en a dit un peu plus sur l'affaire Frêche. Dali est vraiment quelqu'un de très gentille et après avoir écouté dans tous ses détails cette affaire et pour reprendre le langage imagé et excessif de Frêche, j'aurais été présent je lui aurais filé un pain.

J'ai aussi profité de l'occasion pour remercier et féliciter Maître Courbis et le représentant du Comité Véritas pour leur victoire sur De Gaulle (le fils, l'usus fruitier). Plus tard, nous avons parlé longuement en aparté avec M. Courbis, lequel a répondu avec beaucoup de gentillesse, de simplicité et de patience à toutes nos questions.

La réunion s'est poursuivie sur le dialogue Franco-Algérien avec des intervenants défendant tous leurs positions avec beaucoup de talent. C'était un peu long pour être résumé ici et trop intéressant pour faire l'injure aux participants de bâcler leurs interventions. Néanmoins j'ai aimé la façon que Jean Paul Bacquet a défendu ses positions tout en nous respectant ; j'ai été étonné de la prestance et de la rhétorique de Thierry Rolando lequel ne faisait aucune concession et pour finir j'ai aimé l'humanisme de Daniel Abolivier qui nous a parlé des Harkis restés en Algérie après 1962.

Ce fut ensuite le moment de rendre hommage à nos Justes, ces hommes et femmes qui ont risqué tout en désobéissant aux ordres de De Gaulle d'abandonner les Harkis. On sentait une émotion palpable parcourir toute la salle. Cette année, les Harkis ont présenté leurs remerciements aux représentants de la DBFM, au Secours de France dont le soutien aux Harkis est toujours d'actualité. Puis on a à nouveau senti un frémissement traverser toute la salle : c'était le tour du Général Mayer. J'ai senti qu'il y avait quelque chose de spécial qui se passait. Il était revenu au Président actuel de Ajir Auvergne Mohamed TAIFOUR de présenter l'hommage au Général Meyer. Après avoir décrit l'action du Général Meyer envers les Harkis, Mohamed Taifour a eu beaucoup de mal à retenir son émotion en évoquant son père aujourd'hui disparu et en nous apprenant qu'il faisait partie de ces familles de Harkis ramenées en France par ce jeune officier courageux et généreux : le lieutenant François Meyer. Mohamed avait tout juste un an.

Toute la salle s'est levée comme un seul homme et a longuement applaudi. L'émotion était si forte que j'ai vu beaucoup de personne essuyer des larmes ; et pas seulement des femmes.

Il ne faisait plus aucun doute que nous étions en famille, entre nous, et que nous partagions tous les mêmes sentiments.
Mohand Hamoumou qui a maîtrisé avec brio le déroulement de ces Journées pouvait clôturer.

C'est aussi son talent de faire d'Ajir une association où l'on retrouve des gens provenant de différents horizons, animés par le seul désir de rendre justice aux Harkis.

Personnellement j'ai été surpris de la solidarité, du respect et même de l'affection que les membres de Ajir ont pour leurs dirigeants et plus particulièrement pour Mohand Hamoumou. C'est là que l'on comprend que Ajir n'est pas seulement une association parmi d'autre, mais qu'il existe en son sein des liens très forts qui dépassent ceux du cadre associatif pour rejoindre ceux d'une fraternité. Il faut aussi avouer que j'ai été touché par leur accueil et les marques de sympathie envers le travail de Harkis.info. Je ne veux pas nuire à la réputation et à l'image de Khader Moulfi, mais il me semble qu'il a craqué lorsque nous étions interrogés et félicités par de nombreux enfants de Harkis. Ils étaient déçus de ne pas avoir rencontré Kader Hamiche qui était finalement absent. Il ne fait aucun doute que la présence sur la toile mondiale des sites de la coalition-harkis.com, de Harki.fr et Harkis.info s'ajoutant à Harkis.com n'est pas pour leur déplaire. Là aussi ils sont conscients que ces sites participent à répondre à leurs besoins de reconnaissance. Nous voulons tous que les Harkis entrent dans l'Histoire par la grande porte et qu'enfin justice leur soit rendue.

Je tiens à remercier Saliha pour sa disponibilité, sa patience et sa gentillesse qu'elle a su transmettre à toute son équipe. La soirée était très réussie et bon enfant... à propos d'enfant il y en avait un de particulièrement terrible : le colonel Abderrahmane Benchickh ! A 69 ans, cet officier a relevé tous les défis en danse moderne ou maghrébine jusqu'à épuiser l'une de nos membres, Sauria qui se défendait jusqu'à lors pourtant pas trop mal. Khader Moulfi "blessé" à une cheville avait quant à lui déclaré forfait et avait l'air heureux d'avoir retrouvé des membres de sa famille qu'il n'avait pas vu depuis longtemps. Achour et Jean Noël Delorme, d'autres membres de notre site ont préféré savourer leur couscous et le bon vin. C'est aussi ça les Journées de Clermont : l'occasion de se rencontrer et d'échanger entre nous et en toute convivialité.

Pour terminer, je tiens aussi à remercier Daniel Grenon pour l'échange que nous avons eu lors de notre trajet et je m'excuse encore de l'avoir détourné de l'autoroute de Orléan vers celle de Lyon. Il faut avouer que j'ai vraiment été passionné par son témoignage ce qui est tout de même autre chose que ce qu'on nous rabâche régulièrement sur cette guerre. Je vous rassure nous sommes bien rentrés mais non sans avoir pris l'autoroute de Montpellier sur 400 mètres, mais là c'était mal indiqué. Un peu radin sur les panneaux à Clermont.

J'ai essayé de vous rendre compte de ces Journées en privilégiant le côté humain et essayant de vous communiquer un petit peu de cette émotion que j'ai eue ce Week-end. Peut-être la partagerons-nous à nouveau et tous ensemble cette fois-ci ?

Massi

D'autres compte-rendus sur les sites de nos amis Jean Noël Delorme dit Gergovia (lire) et Khader Moulfi (lire).

Mis en page le 17/05/2006 par RP