Boulevard Voltaire. 07/07/2020
Jean Castex n'est pas un Beni Oui-Oui ? Qu'il le montre.

Mais une occasion en or s'offre à lui de montrer qu'il n'est pas venu pour beurrer les sandwichs : le président algérien Abdelmadjid Tebboune a dit samedi attendre des " excuses de la France pour la colonisation de l'Algérie ". Emmanuel Macron est ficelé, réduit au silence. Quand on a dit pendant sa campagne, pour ratisser du côté de la diversité, que la colonisation était un crime contre l'humanité, forcément, il ne reste rien d'autre à faire que se taire ou s'exécuter. Mais son Premier ministre, lui pourrait montrer sa fermeté : " Je suis fidèle à la France ", a-t-il joliment dit pour justifier ses retournement de veste. Si la France est son trésor, c'est le moment de le prouver ; touchez pas au Grisbi !
Oh bien sûr, inutile de faire une déclaration officielle urbi et orbi, il ne s'agit pas non plus de rendre le soufflet du dey d'Alger, la fin d'un petit entretien matutinal radiophonique avec une Ruth Elkrief ou un Jean-Jacques Bourdin y suffira, une fois que le remaniement aura été largement commenté et que l'on voudra réveiller l'auditeur assoupi le nez dans son café, écoutant égrener la liste sans fin des obscurs maroquins.
L'Algérie attend des excuses ? La France aussi, pardi.
Pour les razzias barbaresques en Méditerranée ayant réduit en esclavage des centaines de milliers d'Européens. Ce sont même elles qui ont conduit Charles X à lancer l'expédition d'Alger. Pour les Pieds Noirs assassinés ou chassés. Pour la tombe de leurs aïeuls profanée. Pour les biens dont ils ont été spoliés et qui ont été sus dilapidés : lorsque la France est partie, Alger ressemblait à Nice, c'est aujourd'hui Bagdad, à peu de choses près.
Pour la mauvaise foi d'un État failli qui, depuis 60 ans, use de la colonisation comme d'un épouvantail fatigué, d'une vieille ficelle archi-usée pour excuser son impéritie, et pour cette impéritie qui conduit ses ressortissants à traverser en masse l'Atlantique, notamment pour se faire soigner - comme le montre la vague de malades du coronavirus qui vient de débarquer…
Maintenant, ça suffit l'Algérie. La plaisanterie a assez duré. Le cave se rebiffe : les Français seraient si fiers, enfin, après des années de lâcheté ! Mais il est à craindre que ce ne soit là que cinéma.
Gabrielle Cluzel.

Mis en page le 08/07/2020 par RP