Le docteur Jean-Claude PEREZ
Adhérent du Cercle Algérianiste de Nice et des Alpes Maritimes
Auteur du livre « ATTAQUES ET CONTRE-ATTAQUES »
aux Editions Dualpha - BP 58, 77522 COULOMMIERS CEDEX

NOUS COMMUNIQUE SOUS LE N° 9 L'ETUDE SUIVANTE :

 

ABDERRAHMANE FARÈS

OU

LE PÈLERIN DE MONTREUX

PREMIERE PARTIE

J'ai lu quelque part la phrase suivante :

« L'histoire n'est pas simplement une suite d'épisodes, mais une continuité vivante ».

La carrière d'ABDERRAHMANE FARÈS, comme celle de FERHAT ABBAS d'ailleurs, permet de mieux comprendre le déroulement opérationnel de la politique suicidaire mise en Ïuvre en Algérie Française. Ces deux hommes jouissaient d'une formation intellectuelle qui, normalement, aurait dû les conduire sur la voie de l'intégration et en faire les champions de cette thèse.

Est arrivé un moment tragique, pour eux comme pour nous, où les incertitudes apparentes pour ne pas dire simulées, de la politique française en Algérie, ont généré sur un plan plus général, deux comportements :

-       dans un premier temps : chez les membres de la société majoritairement francophile algérienne de confession musulmane, un comportement de doute quant à la volonté de la France de rester en Algérie d'abord ;

-       dans un deuxième temps : une réaction d'hostilité individuelle, opportuniste, chez ces deux personnalités qui nous intéressent dans cette étude.

Ce doute a entraîné, en effet, une volonté motivée par une prudente nécessité, de les incorporer à la rébellion.

C'est-à-dire à la FORCE INSURGEE dont ils sont devenus des instruments, nous voulons dire des auxiliaires providentiels de haute importance technique, à utiliser par le gouvernement gaulliste, quand celui-ci manifestera ouvertement l'intention, ou plutôt la volonté de s'incorporer à son tour, dans les effectifs de la FORCE INSURGEE contre la France. Quand ce gouvernement gaulliste décidera de tuer la France Sud-Méditerranéenne. Quand le gaullisme décidera d'ouvrir le chemin de la victoire au bénéfice exclusif de la FORCE INSURGEE, c'est-à-dire au bénéfice du FLN.

ABDERRAHMANE FARÈS s'inscrit dans ce collège de personnalités, qui a joué l'Algérie indépendante, parce que l'Algérie était manifestement méprisée par le gouvernement français. Il s'est inscrit, en conséquence, comme un auxiliaire de premier plan dans les effectifs opérationnels du gaullisme. Il a joué ce rôle anti-français, avec conviction et constance jusqu'à la fin de sa vie.

Né à AKBOU en Petite Kabylie, FARÈS est mon compatriote provincial, puisque je suis né à BOUGIE, c'est-à-dire, comme lui, dans la WILAYA actuelle de BEJAìA. Premier notaire français de confession musulmane, il occupa en fin de parcours le poste de chef de L'EXECUTIF PROVISOIRE que De Gaulle lui octroya en 1962 après le cessez-le-feu du 19 mars de la même année.

A ce moment-là, FARÈS détint le pouvoir en Algérie encore française. L'Algérie que la France s'apprêtait à rejeter définitivement de l'entité nationale française. Il détenait la possibilité, s'il en avait eu le cran, d'inverser le cours de l'histoire et de renvoyer les accords d'Evian dans les abîmes du néant d'où ils avaient été extirpés. Avec la FORCE LOCALE, les unités de Harkis, les tirailleurs algériens et l'OAS qu'aurait ralliée enfin le peuple pied-noir dans sa totalité, il aurait pu interdire la prise du pouvoir par le GPRA[1].

Mais non ! Il a joué à fond la politique gaulliste.

Pour justifier cette attitude anti-française forcenée, qui ne correspondait en rien à ses convictions profondes, il s'était servi, depuis longtemps déjà, du prétexte des événements du 20 août 1955. C'est-à-dire du drame de Philippeville, d'El Alia et des mines d'Aïn Abid. C'est en invoquant ce drame en permanence, qu'il s'est inscrit dans le camp de la rébellion.

Par là même, il s'est illustré le moment venu, comme un auxiliaire précieux pour l'accomplissement de la manÏuvre capitularde gaulliste. Capitularde, en dernière et définitive analyse, devant l'Arabo-islamisme fondamentaliste, l'intervenant tactique majeur de la force insurgée contre la France.

Il est écrit, un peu partout avec insistance, que ces événements du 20 août 1955 auraient joué un rôle déterminant dans le choix de FARÈS.

Il est curieux de constater qu'il en fût de même pour Jacques SOUSTELLE, mais en sens radicalement inverse.

SOUSTELLE, gouverneur général de l'Algérie en remplacement de LEONARD, était connu comme un homme de gauche très militant. Il fut un recruteur actif pour les BRIGADES INTERNATIONALES de la guerre civile espagnole. Il se manifesta comme un défenseur outrancier des droits de l'homme. Mais SOUSTELLE aurait dû savoir que lorsque l'on parle des DROITS DE L'HOMME, il faudrait évoquer plutôt les DROITS DE L'HOMME IDEAL, DE L'HOMME ABSTRAIT. SOUSTELLE, néanmoins, bouleversa les fondements philosophiques de ses convictions politiques, lorsqu'il constata DE VISU les horreurs subies par les Européens d'Algérie lors de ce drame du 20 août 1955, à Philippeville, à Aïn Abid et à El Alia. Devant le ventre ouvert des femmes françaises, devant le corps d'un nouveau-né dont la tête avait été fracassée contre un mur, devant les corps mutilés de nos martyrs, il s'est écrié avec conviction :

« C'est un véritable génocide qui est mis en Ïuvre ».

Un génocide dont le peuple pied-noir allait être victime. Et c'est contre ce génocide annoncé qu'il lui fallait d'urgence proposer une parade qui fût définitive.

Il a prôné à outrance, immédiatement, l'intégration des musulmans à la France. Car il était convaincu que seule l'intégration pouvait assurer désormais la paix en Algérie française. Mais il n'a pas eu le cran, car il ne jouissait pas pour le faire du savoir adéquate et nécessaire, de mettre en route le processus préalable et indispensable à l'intégration : un processus de laïcisation de la société franco-algérienne dans sa totalité. Cette intégration n'était possible, en effet, que si les musulmans acceptaient, avant toute chose, d'emprunter le chemin de la sécularisation pour accéder à la sécularité.

Une précision de vocabulaire s'impose.

Comme je l'ai écrit dans mon dernier livre [2], il ne faut pas confondre sécularisme d'une part et, sécularité et sécularisation d'autre part.

Le sécularisme prône l'absolutisation des valeurs matérielles de la vie et rejette l'idée de Dieu.

La sécularité, que l'on atteint par le chemin de la sécularisation, tout au contraire, reconnaît la réalité des valeurs matérielles de la vie, mais elle les subordonne à Dieu.

Il fallait en Algérie française, que le vécu de la foi en Dieu se manifestât chez les musulmans de la même manière qu'il se manifestait en Algérie comme en France ou ailleurs, dans la religion juive et la religion chrétienne. C'était l'axe de réflexion qui était prioritaire en Algérie et c'est celui qui aurait dû servir de fil conducteur, d'axe directionnel, à la politique d'intégration.

Mais personne n'a eu le courage politique d'affirmer cette nécessité évolutive et de lui conférer une identité opérationnelle. C'est-à-dire de mettre en route la laïcité dans « l'enthousiasme français » que l'on a refusé de faire naître alors en Algérie, à cette époque.

FARÈS s'est donc rangé, sous le prétexte de ces événements du 20 août 1955, dans la ligne de conduite du FLN. Il a invoqué, sans arrêt, pour justifier son choix, ce qui est devenu, depuis lors, un truisme historique : nous voulons dire qu'il s'est servi de la mort de ses coreligionnaires dans les suites de cet événement. Et exclusivement de cette mort, sans se préoccuper du drame préalable, c'est-à-dire du massacre premier de civils français sans défense.

Ce génocide incontestable et particulièrement exhibitionniste de Français, avait provoqué, tout logiquement, une riposte violente des forces de l'ordre et du peuple pied-noir. Ce massacre de Français, fut donc à l'origine, d'une répression inévitable. Qu'elle fût sauvage, aveugle, voire exhibitionniste à son tour, c'est facile à comprendre, même s'il est pénible, de les évoquer quelques dizaines d'années plus tard. Il fallait inverser, immédiatement, les sites de la terreur. Un homme normal peut devenir fou à cause de la douleur éprouvée devant le massacre des siens. Mais cette répression, pour être efficace dans le futur, aurait dû être immédiatement suivie de la mise en route d'une attitude politique révolutionnaire, dont le but aurait été de faire surgir de l'histoire toutes les conditions de vie nécessaires pour qu'un tel génocide de notre peuple, et la répression conséquente qu'il entraînerait, ne fût plus concevable en Algérie. Ces conditions étaient illustrées dans la notion d'intégration, dans la mesure où la laïcité eût été imposée en Algérie, dans toutes les manifestations de la vie quotidienne : familiale, associative et politique.

FARÈS, tout au contraire et fort opportunément, s'est rallié aux exigences de la propagande FLN. C'était d'ailleurs pour atteindre ce but que cette opération avait été déclenchée : rallier tous ceux qui étaient encore soumis à un doute. Elle est revendiquée, aujourd'hui encore, comme une opération de grande valeur stratégique par les autorités algériennes. Parce que les horreurs qu'elle a provoquées n'ont pas pu être utilisées, tout au contraire, comme elles auraient dû l'être, pour la mise en route de la politique d'intégration, c'est-à-dire, la seule politique défendable en Algérie françaiseÉ. si on voulait en éviter la mort.

En conséquence, l'un des effets bénéfiques majeurs de cette opération pour le FLN, fut donc l'adhésion de FARÈS qui s'est rallié sans réserve à la volonté indépendantiste du FLN.

Cette adhésion à la thèse de l'indépendance, fera de lui, insistons encore, un outil précieux à manipuler par De Gaulle, pour venir à bout de la résistance française ultime, quand elle s'identifiera à l'OAS. Pour venir à bout de ces femmes et de ces hommes qui, selon les propos tenus par le général lui-même, « étaient aveuglés par leur amour de la France », et qui combattaient contre ceux « qui étaient aveuglés par leur haine de la France ».

De quelle manière FARÈS s'est-il engagé sur le chemin de l'anti-France ? De quelle manière est-il devenu un instrument majeur du gaullisme complice prioritaire et efficace du FLN ? Du gaullisme, dont on doit affirmer en réalité, qu'il fut l'organe de commandement suprême du FLN à partir du 28 septembre 1958 ? C'est la suite de cette étude qui va permettre de répondre à cette interrogation.

Après le référendum-piège du 28 septembre 1958, le référendum maudit, à l'automne de cette même année, René COTY est encore Président de la République française.

De Gaulle assure les fonctions de Président du Conseil, jusqu'au mois de janvier 1959.

De Gaulle, qui était personnellement en contact avec le FLN depuis 1956, avec FERHAT ABBAS tout particulièrement par l'intermédiaire de BOUMENDJEL, va enclencher un processus de négociations.

En 1956, c'était des contacts. En 1958, ce sont des négociations.

Des négociations pour aboutir à un cessez-le-feu. De Gaulle s'apprête, dans la crudité des faits, à hisser le drapeau blanc. Car, comme l'écrit FERHAT ABBAS lui-même « c'est à celui qui sollicite sans arrêt l'arrêt des combats qu'il appartient de hisser le drapeau blanc ».

QUEL FUT LE MODUS OPERANDI ?

Pour conduire ces manÏuvres secrètes à leur meilleur résultat possible, De Gaulle bénéficie d'un excellent chef de cabinet.[3] Il s'agit de Georges POMPIDOU, agrégé de philosophie, ancien fondé de pouvoir de la Banque Rothschild. Pompidou avec l'accord de René BROUILLET, secrétaire d'Etat aux Affaires algériennes, dont l'adjoint est Bernard TRICOT, prépare un document. C'est le document PompidouÉ Aujourd'hui on ne parle plus. Mais on dit aussi qu'il est très connu des historiens. Un document qui définit le processus permettant de conclure des négociations.

Ce document Pompidou, s'illustre en effet comme le premier outil de l'abandon. Tout naturellement, le second outil de l'abandon de l'Algérie française, c'est le FLN de l'extérieur, composé du CCE[4] et du CNRA[5]. Le FLN, en effet, n'est pas encore constitué en gouvernement.

Il accède à cette dignité, c'est-à-dire la constitution du GPRA, le Gouvernement Provisoire de la République Algérienne, le 18 septembre 1958, grâce à la volonté conjointe de De Gaulle et de FERHAT ABBAS.

Le GPRA constitué le 18 septembre 1958 est présenté, officiellement et en grande pompe, à la presse internationale le 19 septembre 1958, au Caire, par FERHAT ABBAS, son premier président, qui est l'homme de De Gaulle en cette circonstance historique.

De Gaulle lui-même est représenté officieusement, à cette cérémonie, par l'écrivain Jean AMROUCHE et par Abderrahmane FARÈS, l'autre homme du général De Gaulle, en cette même circonstance historique.

Mais ce contact officieux n'est pas suffisant. Pour conduire ces négociations au meilleur résultat, le plus rapidement possible, il faut mettre en Ïuvre un officier de liaison entre le nouveau-né, le GPRA, d'une part et De Gaulle, d'autre part. Qui va être désigné comme officier de liaison offrant toutes les garanties aussi bien à De Gaulle qu'au GPRA ?

« Mais ne cherchez plus mon général ! Cet homme vous l'avez sous la main, à Paris, il habite 269 Avenue Daumesnil, dans le 12ème arrondissement.

De qui s'agit-il ?

D'ABDERRAHMANE FARÈS ».

FARÈS, c'est-à-dire l'ancien notaire de la petite ville de Koléa, tout près d'Alger et ancien Président de l'Assemblée Algérienne, qui s'est trouvé dans l'obligation de quitter Alger. Car il était devenu en 1956, du fait de ses orientations, l'objet d'un projet d'attentat de la part d'une organisation contre-terroriste, dont je faisais partie.

FARÈS en 1958, après l'escroquerie du 13 mai, est disponible à Paris. Il a failli faire partie du dernier gouvernement de la IVème République. Guy MOLLET, qui avait reçu de De Gaulle un poste de ministre d'Etat sans portefeuille, propose à son Président du Conseil De Gaulle, de faire bénéficier FARÈS de la même faveur.

Mais FARÈS est discipliné. Ou plutôt il craint pour sa peau. Il demande, en conséquence de cette crainte, l'autorisation du FLN avant d'accepter ce poste. Le FLN lui intime l'ordre de le refuser.

De Gaulle ne lui tiendra pas rigueur de ce refus. Il va donc l'utiliser, répétons-le, comme officier de liaison officieux, clandestin, dont la mission constante sera d'assurer les pré-négociations entre lui-même De Gaulle, Pompidou et René Brouillet d'une part, et le GPRA d'autre part, après la naissance de ce dernier, le 18 septembre 1958.

Mais, alors qu'en 1956, F. ABBAS rencontrait Boumendjel à Berne lors de ses contacts avec De Gaulle, il rencontrera cette fois FARÈS à Montreux, tout près de Lausanne. Ce qui vaudra à FARÈS l'appellation du pèlerin de Montreux.

FARES officialise ainsi par ce rôle un peu barbousard son adhésion sans réserve au FLN.

Il avait pris soin, auparavant, de consolider ses relations avec le FLN par différents contacts nécessaires à son acceptation au sein du FLN. Il s'était soumis en quelque sorte à différents examens de passage. Car il était accepté avec réticence, parmi les durs de la force insurgée.

Il rencontre dès que possible OUAMRANE l'égorgeur.

Il est en contact fréquent avec IBRAHIM BACHIR, le Président de l'Association des oulemas qui l'avait pris en mains dès l'amnistie de 1946. C'est FARES lui-même, qui le raconte.

Il réussit à obtenir une entrevue, en 1956, avec LARBI BEN M'HIDI, le chef de la Zone Autonome d'Alger (ZAA)[6].

Il tient à rencontrer, pour faire allégeance, et il y parvient, YACEF SAADI et ALI-LA-POINTE dans la casbah d'Alger, comme l'ont fait Germaine TILLION et Albert CAMUS.

Par le moyen de tous ces contacts, FARÈS donne des gages. A qui ? A ceux qui ont l'expérience de l'assassinat. A ceux qui détiennent le pouvoir de faire tuer. Il leur explique qu'il s'inscrit sans réserve dans leur combat. Il exhibe ainsi sa trahison envers la France. « Ne me tuez pas, je suis avec vous ! ».

Pour ces raisons évidentes et connues depuis longtemps, je rappelle que nous avions programmé son exécution en 1956. Il fut certainement averti et mis à l'abri de notre action par le moyen d'un déplacement, ou plutôt d'une fuite en France métropolitaine. Il en profita, toujours dans le projet de faire soumission constante au FLN, pour rencontrer le tout nouveau chef de la Fédération de France du FLN, LEBJAOUI. Mais qui est LEBJAOUI ?

Quelques semaines auparavant, celui-ci était encore un fonctionnaire municipal de la ville d'Alger, sous l'autorité directe du Maire d'Alger, Jacques CHEVALLIER. Nous savons de source sûre[7], de source spécialisée, que LEBJAOUI alimentait les tueurs du FLN de la ZAA en fausses cartes d'identité. Son transmetteur était un appariteur de la Mairie d'Alger, RABAH ADJAOUI. Ce dernier fut détecté et arrêté par la police française. Mais sur intervention personnelle du maire d'Alger, Jacques CHEVALLIER, il fut libéré. Ce qui lui permit de reprendre ses activités. Pas de chance ! Il fut tué par une patrouille du 9ème Zouaves, rue de la Lyre. Il était porteur de cartes d'identité qu'il s'apprêtait à livrer aux tueurs de BEN M'HIDI.

LEBJAOUI, le patron direct d'ADJAOUI à la Mairie d'Alger est obligé de s'enfuir. Il est affecté au commandement de la Fédération de France du FLN. Il est rapidement arrêté. Par son intermédiaire, la complicité de Jacques CHEVALLIER, maire du Grand Alger, avec le FLN est confirmée, une fois de plus, d'une manière pratiquement officielle. Mais Jacques CHEVALLIERÉ on n'y touche pas ! Il est trop utile pour les intérêts des pétroliers sahariens.

Après le 13 mai 1958, FARÈS joue donc le rôle du pèlerin de Montreux. Il maintient des contacts avec tous les cadres du FLN qui séjournent en France et en Europe. Car, c'est une obsession ! Il veut lever toute équivoque. Il ne veut pas être tué à cause de l'excès de zèle d'un tueur mal informé.

Pour cette raison il rencontre BEN TOBAL, un des responsables des massacres de Philippeville du 20 août 1955.

Pourquoi rencontrer tout spécialement BEN TOBAL ? Parce que FARÈS craint encore pour sa peau. Il redoute le drame que connut le député BENHABYLES, au lendemain du discours du 16 septembre 1959, prononcé par le général De Gaulle, le Président de la République.

BENHABYLES comprend, à l'écoute de ce discours, que l'Algérie française est condamnée à mort par De Gaulle. Ami personnel de FARÈS et de FERHAT ABBAS, lui, qui était un élu Algérie-Française, décide de changer de camp. Il sollicite et obtient de FERHAT ABBAS un poste au sein du GPRA.

Au cours de son voyage pour rejoindre sa nouvelle affectation anti-française, il est intercepté et tué dans l'Allier.

Différentes hypothèses ont été proposées pour expliquer cette exécution.

Furent incriminés tout particulièrement, les services spéciaux français. Sur ce point très précis, le général JACQUIN, ancien chef des services secrets en Algérie, est formel :

« C'est faux, c'est BEN TOBAL qui l'a fait tuer par un tueur qui après l'opération, reste caché en France ».

Ou se cache-t'il ? A Lyon, chez le Primat des Gaules, tout près de l'archevêché, au Prado.

Mais pourquoi cette exécution ?

Parce que BEN TOBAL en a « ras-le-bol » de voir ces « transfuges de l'Algérie française » obtenir des postes de responsabilité au sein du GPRA. Les places, « c'est pour les combattants de la première heure », soutient BEN TOBAL.

FARÈS, tout logiquement, redoute de vivre le drame de BENHABYLES. D'autant plus qu'il est ambitieux, malgré ses craintes. C'est un Kabyle. Au sein de la WILAYA III, on le vénère. On le lui fait savoir. Il est appuyé aussi par les libéraux d'Algérie, c'est-à-dire par les traîtres, les renégats de la France en Algérie. Il déjeune au Georges V avec BLACHETTE, un mentor algérois parmi d'autres, de Jacques CHEVALLIER, celui-ci illustrant personnellement l'archétype des hommes qui rejettent la France en Algérie.

Chez les promoteurs gaullistes de la nouvelle carrière de FARÈS, on redoute un destin tragique pour ce pion fondamental de la liquidation de l'Algérie française. Alors comment le protéger contre une initiative malheureuse et inopportune du FLN ? C'est tout simple.

On va le foutre en taule !

Il suffisait d'y penser.

On arrête FARÈS à son domicile. Un juge d'instruction, en s'efforçant de ne pas rire, l'inculpe « d'atteinte à la sûreté intérieure de l'Etat ». On l'incarcère à Fresnes.

Quelques jours après le 19 mars 1962, on le libère. De sa cellule de Fresnes il est conduit directement à l'Elysée.

« Alors mon cher Président, bien reposé ? » lui demande en riant le général De Gaulle. FARÈS est déjà désigné, et il le sait, comme Président de l'Exécutif provisoire en Algérie, qui est mis en place pour gouverner cette terre jusqu'à l'indépendance du 3 juillet 1962.

Il y exercera tous ses talents, en jouant le rôle capital que l'on sait.

C'est-à-dire qu'il contribuera à détruire l'OAS en la gangrénant de l'intérieur, par l'intermédiaire d'un cadre opportuniste et ambitieux de notre organisation. Une grosse tête qui avait été chassée, trouvée et prise en mains au moment opportun par un état major financier et pétrolier pour liquider l'Algérie française.

Mais il s'agit là de la seconde partie de cette étude que vous lirez plus tard. Avant que je ne prenne congé de ce monde crépusculaire.

Le 2 février 2009

Jean-Claude PEREZ

NOTE

Dans le n¡ 124 de la Revue trimestrielle « L'ALGERIANISTE », un lecteur soulève la notion d'un terroriste FLN, réfugié dans une sacristie ou dans une église (page 139). Dans ce travail que je viens de vous proposer, je vous ai livré une illustration de ce style d'événements, lorsque j'ai rapporté que le tueur FLN de BENHABYLES fut caché dans les locaux du Prado, une dépendance de l'archevêché de Lyon.

D'autre part, j'invite les lecteurs que ce sujet intéresse, à se reporter à mon livre « L'ISLAMISME DANS LA GUERRE D'ALGERIE ». Je rapporte, dans cet ouvrage, un témoignage dont l'origine est le regretté père BALSAMO. Celui-ci souligne qu'un tueur FLN avait été caché dans le presbytère d'un prêtre algérois dans les locaux de l'Externat de Notre Dame d'Afrique du boulevard Saint-Saëns et l'avait ainsi volontairement soustrait à une arrestation. Un témoin oculaire de cette complicité fut le père MARSIL, récemment affecté en Algérie à cette date, qui le rapporta au père BALSAMO et à l'un de mes amis niçois.



[1] Gouvernement Provisoire de la République Algérienne constitué au mois de septembre 1958

[2] ATTAQUES ET CONTRE-ATTAQUES

[3] D'après le livre de Jean-Claude PEREZ, « VERITES TENTACULAIRES SUR L'OAS ET LA GUERRE D'ALGERIE » : une stratégie, trois tactiques. Chez le même éditeur.

[4] CCE : Comité de Coordination et d'Exécution

[5] CNRA : Conseil National de la Révolution Algérienne. Ces deux structures ont été créées après le célèbre congrès de la SOUMAM de l'été 1956

[6] Voir mon 3ème livre « VERITES TENTACULAIRES SUR LA GUERRE D'ALGERIE » chez le même éditeur

[7] Général JACQUIN

Mis en page le 04/02/2009 par RP