8 MAI 1945
DANS LES HAUTS-PLATEAUX SETIFIENS
ET A GUELMA
POUR QUI LA REPENTANCE ?
Ce texte a été
publié dans un numéro spécial du « Pieds-Noirs
d'Hier et d'Aujourd'hui » n° 173 Ð Avril 2009
Comme tout un chacun
j'ai entendu parler, en mai 2005, du 8 mai 1945.
Comme tout un chacun
j'ai entendu évoquer des « massacres » :
ceux de Sétif du 8 mai 1945.
Comme tout un chacun
j'ai appris qu'il s'agissait de massacres subis par des berbères
musulmans affamés, qui s'étaient rebellés
contre des Français affameurs.
Comme tout un chacun
j'ai entendu parler de repentance : celle que la France
devait exprimer à la suite de ces « tueries ».
Comme tout, un chacun
j'ai enregistré la timidité, la passivité,
plus encore la couardise, ne craignons pas la vigueur des mots,
manifestées par certains de nos médias Pieds-Noirs
dans leur riposte geignarde.
Comme tout un chacun
j'ai ressenti un désespoir atroce né du manque
de détermination de la part de notre communauté
à se défendre avec force, avec violence, avec
passion, contre l'accusation de génocide portée
contre elle et contre notre armée, à l'occasion
de cette horrible tragédie du 8 mai 1945.
Comme tout un chacun
enfin, j'ai pris acte, d'une attitude coupable : le refus
de connaître la signification véritable de ce drame
car, lors de cette émeute, à, travers les seins
coupés et les ventres ouverts des femmes françaises
violées par des Berbères fanatisés, c'était
la France, « l'Alma Mater », la Mère Patrie
française que l'on éventrait dans
un vacarme de youyous, aux cris de « Jihad »
et de « qatlan ensara », «
tuez » les chrétiens !
Oui, j'ai enregistré
tout cela et j'éprouve, aujourd'hui, un sentiment de
honte à l'égard de ceux qui, parce qu'ils sont
ignorants des faits, parce qu'ils se vautrent dans cette ignorance
qui leur sert d'excuse et d'alibi, se taisent en refusant d'opposer
la Vérité à ce séisme accusateur
et diffamatoire.
La vérité,
c'est-à-dire l'identité réelle des événements
du 8 mai 1945, qui à l'évidence n'intéressent
personne, à l'exception de nos frères et soeurs
des Hauts-Plateaux sétifiens qui ont subi l'événement.
Et pourtant combien
de fois, avons-nous insisté sur l'origine de ce 8 mai
1945, combien de fois avons-nous écrit et proclamé
que ce 8 mai 1945, dans les Hauts-Plateaux sétifiens
et à Guelma, illustrait le début militaire de
la guerre d'Algérie, le début de la nouvelle Révolution
Mondiale telle que nous la connaissons dans sa phase actuelle !
Révolution
mondiale ?
« Pauvre
abruti » m'a-t-on répliqué, « mais,
de quelle révolution mondiale parles-tu ? »
Avec pitié,
plus qu'avec dédain et mépris, je leur ai répondu :
« la
révolution mise en place par les stratèges de
l'anti-Occident, qui ont su utiliser l'islamisme fondamentaliste
algérien pour enclencher cette nouvelle dialectique ultime,
c'est-à-dire cette nouvelle contradiction, qui illustre
l'histoire du monde actuel : l'Islamisme, contre l'Occident
chrétien.
L'islamisme, arme
révolutionnaire actuelle, contre ce qui reste de la pauvre
civilisation occidentale, capitularde, geignarde, pour ne pas
dire soumise. »
Mais, aujourd'hui,
parce que l'urgence l'impose, mon attitude s'est radicalement
modifiée.
Halte à la
rancoeur ! Halte au mépris !
Ce qu'il faut, c'est
d'abord savoir, puis faire savoir. Et pour savoir, il faut regarder
l'histoire. Mais dans un combat regarder ne sert à rien
si l'on n'est pas capable de voir. Et pour être capable
de voir il ne faut plus se piquer de cette vanité commune,
à quelques Pieds-Noirs : celle de tout savoir.
Et que voit-on dans
l'historique et la genèse du 8 mai 1945 ?
Ceci et pour l'amour
du ciel regardez, mais surtout voyez !
En 1931, se réunit
à Jérusalem le Congrès mondial de l'Islam,
à la convocation d'Asmine El Husseïni, le mufti de Jérusalem,
sous l'égide des services secrets britanniques.
En réalité
il s'agit d'installer un dispositif de guerre dans le but, d'interdire
la naissance de l'état d'Israël. Les Anglais, reniant
les engagements de Lord Balfour, veulent s'opposer à
la naissance de l'état Juif, dans l'espoir d'assurer
la sauvegarde d'un oléoduc destiné à transporter
le pétrole d'Irak au port d'Haïfa en traversant la Jordanie.
Ils ont donc besoin des « Arabes » et
ils jouent leur va-tout sur Asmine El Husseïni.
Mais celui-ci pour
accomplir la mission dont il est investi doit s'appuyer sur
la complicité de notables musulmans en renom du Proche-Orient.
Tout particulièrement sur les animateurs de la « Nahdah ».
La nahdah, c'est
la renaissance de l'islam, un mouvement islamiste spécifiquement
arabe, qui est né en Egypte au lendemain de la victoire
des Pyramides, remportée par Bonaparte.
Or, en 1931 la nahdah
bénéficie du concours d'un animateur de prestige,
d'un grand homme de l'Islam. Il s'agit de l'émir Chekib
Arslan.
C'est un Druze libanais
né en 1870, journaliste puis parlementaire à la
Chambre ottomane. Avant toute chose, il s'agit d'un religieux
profond, animateur principal de la nahdah, précisons-le
encore et encore. C'est un homme doté d'une immense culture,
mais avant tout c'est un fanatique du Panarabisme. Il est membre
du parti Union et Progrès fondé en Turquie au
XIXème siècle. En 1915, il participe activement
à la campagne exigeant le génocide arménien.
Plus tard, en 1931, au moment du congrès de l'Islam de
Jérusalem, il est devenu, depuis 9 ans, un farouche ennemi
de la France.
En effet, en 1922
il n'a pas accepté les décisions du traité
de San Remo par lequel, la Société Des Nations
(SDN) attribue à la France le mandat d'administrer la
Syrie et le Liban. Alors que l'Angleterre reçoit le mandat
d'administrer l'Irak, la Transjordanie et la Palestine.
Très vite,
sous la pression du Roi Pétrole, le nouveau veau d'or
du monde moderne, les Britanniques vont accorder l'indépendance
à l'Irak, faire naître le royaume de Jordanie et
assurer les Palestiniens musulmans de leur détermination
à interdire la naissance d'Israël. Car les Anglais ont
besoin du port d'Haïfa, pour garantir la rentabilité
de ce fameux et théorique oléoduc.
Dans cette perspective
il faut une caution islamiste, un appui spirituel, qui va soutenir
dans le sens antijuif et antisioniste l'action du mufti de Jérusalem
Asmine El Husseïni.
Qui va, personnaliser
cette caution islamiste ? C'est l'émir Chekib Arslan,
le Druze libanais, l'homme qui a réclamé le génocide
arménien, l'animateur principal de la nahdah, expression
religieuse du panarabisme.
Mais entre-temps
pour les Britanniques Chekib Arslan offre une autre appréciable
qualité : il est devenu un ennemi de la France,
depuis le traité de San-Remo, comme nous l'avons précisé
antérieurement . Il déclare la guerre à
la France... en 1925. Il va prendre part à la révolte
des Druzes syriens déclenchée cette année-là.
De furieux combats seront livrés par l'armée française
contre les rebelles. Au cours de cette révolte un officier
subalterne français, est sévèrement blessé.
Il s'appelle : Raoul Salan.
En 1926 un tribunal
militaire français le condamne à mort par contumace.
Chekib Arslan s'installe
alors, à Genève où il organise un comité
suprême pour la « libération »
de l'Afrique du Nord Française. Mais fidèle à
la nahdah, qu'il continue d'animer, il fonde une revue « el
Ouma », « la Nation Arabe »
A partir de Genève,
de l'Egypte et des territoires non français du Proche-Orient,
il prêche le jihad contre la France. Il est en contact
permanent avec les grands indépendandistes berbères
d'Algérie qu'il avait connus antérieurement, avant
la guerre de 1914, lorsque ces derniers étaient venus
accomplir des stages de formation au Hedjaz et dans tout le
Proche-Orient. En particulier, il va connaître Abdelhamid
Ben Baddis, Berbère de Constantine, et El Bachir El Ibrahimi,
un Berbère du Constantinois, des Hauts-Plateaux sétifiens,
né en 1889 à Tocqueville, Ras-El-Oued, pas loin
de Sétif et Borj-Bou-Arreridj. Ce dernier détail
est d'une importance cruciale pour comprendre la genèse
du 8 mai 1945. Ces deux hommes ont fait partie en 1920,
à l'échelon directionnel, de la première
organisation religieuse fondamentaliste algérienne, anti-française,
peu connue, mais dont le rôle sera déterminant,
fondé par un Berbère, Omar Smaïl.
1920 ?
Pourquoi, 1920 ?
Parce que c'est
l'année qui suit 1919.
Que s'est-il passé,
en 1919 ?
C'est le 4 février,
de cette année-là qu'ont été publiés
dans le journal officiel les décrets d'application d'une
nouvelle loi.
La loi du 4 février
1919.
Elle reprend les
données du sénatus-consulte de Napoléon
III du 14 juillet 1865, concernant l'accession des musulmans
d'Algérie à la citoyenneté française,
mais en simplifiant considérablement la procédure
d'accession. Il suffira désormais de passer par le bureau
d'un juge de paix, de satisfaire à un questionnaire,
et la citoyenneté française est octroyée
à celui qui la demande.
C'est donc une loi
de très grande importance qui engage évidemment,
mais on l'ignore à cette époque, l'avenir de l'Algérie
française, celui de la France, de l'Europe et aussi l'avenir
de l'Occident tout entier.
Mais le sait-on
à cette époque ?
Non, soulignons-le
une fois de plus.
Car, onze semaines
après l'armistice, à la fin à l'imbécile
boucherie de 14-18, qui est préoccupé, en France
de l'accession ou de la non-accession des musulmans à
la citoyenneté française ?
Personne .
En France on panse
les plaies subies par la Patrie et par notre peuple, et surtout
on aspire à la paix. Les Arabes d'Algérie ?
Ca n'intéresse personne à ce moment-là.
En réalité
nous nous inscrivons parmi ceux qui considèrent avec
conviction, plus encore avec une certitude absolue, et nous
le démontrons dans notre nouvelle conférence, que cette loi illustre une astucieuse
et savante provocation.
Elle a pour but
réel de déclencher une réaction en Algérie
dans la perspective de voir s'édifier sur cette terre,
un appareil de riposte à partir duquel va se structurer
progressivement un organe de guerre, dans le but de provoquer
l'expulsion de la France d'Algérie.
Dans cette nouvelle
optique, Omar Smaïl, un négociant berbère, islamiste
convaincu, réunit en 1920 des oulémas, berbères
comme lui, dans une toute nouvelle et première association
tout à fait légale. C'est-à-dire conforme
aux exigences de la loi de 1901 sur les associations, la très
célèbre loi de Waldeck-Rousseau.
Des oulémas,
nous voulons dire des imams, des muftis et des cadis.
Ce sont les Cénacles,
ainsi s'appelle cette nouvelle association.
Dans le cadre de
ces Cénacles, en observance des statuts, Omar Smaïl va
demander deux choses à ces oulémas, et pas une
de plus.
1°/ Imperméabiliser
la communauté des croyants à l'égard des
effets possibles de la francisation et de l'assimilation. Et
il ajoute, contre toute logique : protéger aussi
la communauté des croyants contre l'évangélisation !
Comme si le gouvernement de la IIIème République
était préoccupé de la christianisation
des Musulmans ! C'est d'autant plus aberrant, en apparence
seulement, que les conversions collectives sont interdites par
la IIIème République.
Aberrant, en apparence
seulement, avons-nous dit.
Pourquoi ?
Parce que cette
illogique et inutile recommandation va permettre à Omar
Smaïl et aux oulémas des cénacles, de forger,
dès cette époque, l'arme maîtresse de la
guerre d'Algérie.
Guerre d'Algérie
qui est en train de se mettre en place cette année-là.
Une arme révolutionnaire que, plus tard, nos grands spécialistes
de la guerre subversive et de la guerre psychologique ignoreront
totalement dans leur souci de "chinoiser" à
outrance la guerre d'Algérie. Il s'agit tout banalement
de l'arme de la malédiction divine. Car ce que veut exprimer
Omar Smaïl c'est ceci : « la France veut
faire de vous, des citoyens français, mais ce qu'elle
prétend en réalité c'est faire de vous
des chrétiens et vous subirez en temps voulu les effets
de la malédiction divine ». La malédiction
divine, voilà la menace brandie contre ceux qui refuseraient
de suivre la Révolution algérienne.
2°/ Mais Omar
Smaïl demande aux oulémas des cénacles une seconde
chose : « il vous appartient dorénavant
d'exercer votre action en faisant un usage exclusif de la langue
arabe littérale »
Il s'adresse à
des oulémas presque tous, Berbères comme lui.
Il exige d'eux qu'ils s'expriment en arabe littéral.
Mais il sait que cela ne pose aucun problème à
ses interlocuteurs, étant donné le niveau culturel
exceptionnel des hommes auxquels il s'adresse.
En prenant cette
décision il recherche et obtient un double résultat :
- il impose la nouvelle
arabité de l'Algérie pour faciliter le combat
contre la France, la fameuse « arabité rénovée »
sur laquelle nous sommes très peu nombreux à insister ;
- il incorpore ainsi
ce combat dans les exigences culturelles de la nahdah, dont
l'émir libanais Chekib Arslan est le principal animateur,
nous le savons déjà.
Cette action des
cénacles dure cinq ans et en 1925 il peut se permettre
d'aller plus loin. Il fonde une deuxième association :
le « nadi at taraqui », « le
cercle du progrès ».
Dans cette nouvelle
association, il attribue au statut personnel des musulmans d'Algérie
une valeur de plate-forme révolutionnaire ultime, sur
laquelle la France finira par se casser les dents.
En 1931, enfin,
il créée une troisième et dernière
association, au cours de deux cérémonies solennelles :
- la première
le 5 mai 1931 : il fonde ce jour-là l'association
des oulémas d'Algérie, le conseil supérieur
des docteurs de la foi coranique ;
- la seconde le
7 mai : il fait élire, à la présidence
de l'association Abdelhamid Ben Baddis, mufti de Constantine
et à la vice-présidence un autre Berbère
des Hauts-Plateaux sétifiens, l'homme de Tocqueville-Ras
El Oued, El Bachir El Ibrahimi ou Ibrahim Bachir Cheikh.
Or ces deux Berbères,
comme tous les autres de l'association, sont depuis longtemps
sous l'influence spirituelle de l'émir Cheikib Arslan,
le Druze ennemi de la France depuis 1922, condamné à
mort par contumace en 1926, qui a milité ouvertement
pour le génocide arménien en 1915, et qui dirige
depuis l'étranger le combat islamiste contre la France.
Après la
déclaration de guerre (septembre 1939), Ben Baddis est
astreint à résidence surveillée dans un
camp de concentration français. Il y meurt le 23 avril
1940.
El Bachir El Ibrahimi,
le vice-président de l'association, l'homme des Hauts-Plateaux
sétifiens, bien qu'assigné à résidence
dans la petite ville d'Aflou, près de Tiaret, devient
le président "de facto". Astreint à résidence
certes, mais libre de ses mouvements et de ses contacts dans
les limites de cette ville.
Pendant le déroulement
du conflit mondial, le mufti de Jérusalem, Asmine El
Husseïni, rejoint Adolphe Hitler à Berlin. L'émir
Chekib Arslan le suit très peu de temps plus tard. Il
va participer, par la voix radiophonique allemande, à
la préparation d'un soulèvement des musulmans
d'AFN. Il est fait prisonnier par les alliés à
la fin de la guerre, en même temps qu'Asmine El Husseïni
devenu depuis son séjour en Allemagne le grand mufti
de Jérusalem. On les "laisse" s'évader et Chekib
Arslan donne le signal de l'insurrection le jour de la capitulation
effective de l'armée allemande, c'est-à-dire le
7 mai 1945.
Nous avons apporté,
par ce parcours très schématique et nécessairement
incomplet, une explication au « pourquoi »
de la date du 8 mai. Il fallait que l'insurrection se déclenchât
alors que l'essentiel de l'armée d'Afrique se trouvait
encore en Allemagne, ou répartie dans des centaines de
garnisons de France, d'Afrique du Nord et du Proche-Orient.
Il ne restait dans le Constantinois qu'un effectif de forces
militaires classiques extrêmement restreint. Donc le 8
mai, c'était vraiment la date limite favorable à
l'insurrection, avant le rapatriement d'effectifs militaires
plus conséquents, habitués au combat depuis 1943.
Mais pourquoi cet
appel dont le résultat, bien que sanguinaire, fut un
fiasco complet, s'est-il révélé efficace
sur le territoire des Hauts-Plateaux sétifiens et à
Guelma ? Et sur ces territoires seulement ?
Pour deux raisons
sur lesquelles d'une part nos accusateurs et d'autre part nos
défenseurs, à la combativité ramollie,
ne veulent pas insister.
Première
raison : le 23 avril 1945 se déroulent dans
le Constantinois des manifestations destinées à
commémorer d'une façon spectaculaire le cinquième
anniversaire de la mort de Ben Baddis, décédé
en 1940 dans un camp de concentration français. "Assassiné"
par les Français, vont dire les organisateurs de cette
commémoration. Et c'est, dans un climat passionnel tout
à fait exceptionnel, d'une extrême violence, que
va se dérouler cette célébration.
Si l'on ne veut
pas connaître et retenir cette phase préalable
de l'événement, il est inutile de prétendre
à défendre notre peuple pied-noir contre les attaques
dont il est l'objet. A plus forte raison, il est impossible,
dans l'éventualité de ce comportement, de contre-attaquer
sur le drame du 8 mai 1945.
Au cours de ces
cérémonies, la haine de la France fut non seulement
proclamée mais, surtout elle fut psalmodiée :
c'est-à-dire qu'elle fut chantée, modulée
en cadence au nom de Dieu, accompagnée du rituel balancement
latéral et rythmé de la partie supérieure
du corps. La haine connut ainsi, une expression physiologique,
sous la forme d'une transe collective ressentie biologiquement
par une foule littéralement envoûtée. Les
scouts musulmans ont joué un rôle décisif
dans la transmission des mots d'ordre et dans la préparation
psycho-religieuse de l'action. C'était le
« cantique des cantiques de la haine et du sang ».
Deuxième
raison : tout cela se déroulait sur la terre
de l'exécuteur en chef, le cheikh El Bachir El Ibrahimi,
né à Tocqueville-Ras El Oued, président
en fonction à cette époque de l'association des
oulémas. C'est-à-dire qu'en lui s'illustrait le
père spirituel et militaire de la révolte. "qatlan
ensara", « tuez » les chrétiens,
voilà le cri de guerre psalmodié en cadence.
Le jour de la manifestation
du 8 mai 1945, autorisée par le gouverneur général
Chataigneau dans toute l'Algérie bien qu'il fût
informé par son bureau militaire du déclenchement
d'une insurrection le jour même de la capitulation allemande,
tout était prévu pour, qu'au premier incident,
quel qu'il fût, se déclenchât le massacre.
Un massacre non
pas localisé dans la ville de Sétif, mais répandu
sur le territoire des Hauts-Plateaux avec une extension à
Guelma. Pour les déclencheurs, une généralisation
à l'ensemble du territoire était espérée.
Nous avons dit qu'El
Bachir El Ibrahimi était à Aflou. Mais il y résidait
librement. De la même manière que Messali Hadj
était assigné à résidence à
Revel-Chelala à l'ouest d'Alger. Il ne porte aucune responsabilité
personnelle dans le déclenchement de l'émeute.
Au contraire, à Aflou, le président de l'association
des oulémas recevait des messagers et transmettait depuis
la fin avril les consignes émanant de l'émir Chekib
Arslan, soutenu lui-même par Asmine El Husseïni, qui depuis
son ralliement à Hitler était devenu le Grand
Mufti de Jérusalem. Prisonnier des alliés depuis
quelques semaines il s'est évadé. Il se
rend à Genève et sera plus tard remis aux autorités
françaises. Après un séjour confortable
au château de Rambouillet il s'évadera une fois
de plus pour rejoindre d'autres sites plus accueillants dans
le but de continuer son combat contre les Juifs et contre la
France, car pour lui c'est le même combat. Beaucoup plus
tard, en octobre 1962, il assistera à Alger aux cérémonies
commémoratives du 45ème anniversaire de la révolution
bolchévique et on le photographiera en train de serrer
la main de l'ambassadeur soviétique. De Hitler aux soviéts
il y avait un petit pas à franchir et ce pas passait
par Sétif, les Hauts-Plateaux, par nos concitoyennes
violées et massacrées, nos frères écharpés,
tout cela sous l'indulgence béate des ennemis de l'Algérie
française d'hier et d'aujourd'hui.
Le début
des massacres de Sétif, des Hauts-Plateaux et de Guelma
fut d'une atrocité obscène. En quelques heures,
sur tout ce territoire des hommes furent littéralement
lynchés par dizaines, des enfants tués et disons-le
une fois de plus des femmes violées collectivement avant
d'être éventrées et d'avoir les seins coupés.
Le « fait
de tuer » avait été sublimé,
en quelque sorte « consacré »,
par les incantations et les psalmodies des jours précédents.
C'est-à-dire pendant la période du 23 avril au
8 mai 1945 et les quelques jours qui ont suivi.
C'est au nom de
Dieu que l'on a voulu humilier les Français d'Algérie
de toutes confessions, comme si l'on avait voulu projeter une
malédiction sur un peuple de Français d'Algérie
qui, depuis toujours, avait établi d'excellentes relations
avec les Berbères. Et je fais partie de ceux qui attribuent
aux malheureuses femmes violées le rang de saintes
martyres de notre terre.
Aucune justification
sociale, économique ou tout banalement humaine ne pouvait
être invoquée. C'était encore une époque
coloniale certes, mais tout à fait légitime et
légale, au cours de laquelle les relations entre les
peuples étaient déterminées par des règles
différentes des règles modernes, qui ont vu le
jour par la suite. Règles imposées par la logique
et par la raison. Et auxquelles nous avons adhéré.
Mais rien ne justifiait
une fureur animale de cette envergure. En particulier on ne
pouvait invoquer « la faim ». Car il s'agissait
de terres à blé et les populations qui y vivaient
étaient les mieux nourries d'Algérie. C'est au
nom de Dieu, au cri de jihad que fut déclenché
le massacre de notre peuple français. Le génocide
amorcé des Français avait été l'expression
choisie de la foi en Dieu.
Il fallait arrêter
le massacre. Donc il a fallu riposter.
La riposte fut terrible.
Oui. C'est vrai.
4 000 morts, chiffre le plus vraisemblable.
Et heureusement.
Pour être
efficace elle se devait d'être violente, cruelle même,
en tout cas spectaculaire. Car en quelques heures il était
devenu nécessaire de se comporter en égorgeurs
pour ne pas être égorgés ! Au diable
la timidité, les fausses pudeurs, la lâcheté
et les manifestations méprisables de pitié a posteriori.
Le moment était une terrible tragédie.
Il fallait la réduire
à sa plus faible durée. Il fallait survivre d'abord,
ensuite protéger la vie de nos concitoyens menacés
de mort, de lynchage, de dépeçage et de viols.
Une question, la
dernière, doit être posée. Qui est responsable
de l'explosion de l'islamisme fondamentaliste en Algérie
française ? Qui est responsable de l'intronisation,
c'est-à-dire de la consécration laïque de l'association
intégriste des oulémas dont le rôle fut
déterminant dans cette émeute ? Dans ces
horreurs ?
C'est le général
De Gaulle lui-même qui, en 1943, en tant que Président
du CFLN (Comité Français de Libération
Nationale) depuis le mois d'août de cette année-là,
autorise plus tard Ferhat Abbas à déposer les
statuts de son nouveau parti l'AML. C'est-à-dire l'Association
du Manifeste de la Liberté. Statuts rejetés par
le général Giraud au printemps 1943.
Il officialisera
ainsi cette organisation révolutionnaire née de
la réunion tactique de quatre partis politiques :
1° - le PCA
(Parti Communiste Algérien),
2° - le PPA
(Pari du Peuple Algérien),
3° - le premier
parti de Ferhat Abbas, "le manifeste algérien de
la Liberté",
4° - enfin l'association
des oulémas, qui existe depuis le 5 mai 1931 et qui en
1943 est présidée par El Bachir El Ibrahimi, l'homme
des Hauts-Plateaux sétifiens depuis la mort de Ben Baddis
le 23 avril 1940. Il transmettra l'ordre du Jihad qui aboutira
au drame du 8 mai 1945.
Dans la continuité
de son action El Bachir el Ibrahimi, le jour de la Toussaint
Rouge, c'est-à-dire le 1er novembre 1954, dont je ne
veux pas évoquer ici la manière indigente dont
le 50ème anniversaire a été évoqué
par nos médias et nos associations en 2004, El Bachir
El Ibrahimi donc, réfugié au Caire depuis
1952, proclame ce jour-là que le combat est engagé
pour « le triomphe de l'arabisme et de l'Islam ».
Il définit
ainsi à cette occasion, pour ceux qui sont capables de
comprendre, la projection extra-africaine de la Révolution
algérienne.
Aujourd'hui encore
cette proclamation définit l'identité de cette
nouvelle révolution qui se développe progressivement
au niveau des trois sites géopolitiques qui nous intéressent,
parce qu'ils sont prioritaires : la France, l'Europe et
l'Occident.
Pour le « triomphe
de l'arabisme et de l'Islam », voilà la nouvelle
formulation de l'actuelle Révolution Mondiale.
En Algérie,
en 1945, nous étions encore en situation de riposter.
Protéger notre peuple partout, c'était difficile.
Mais en toutes circonstances nous étions en mesure de
punir les agresseurs, ceux qui osaient lyncher nos anciens et
violer nos mères, nos épouses, nos sÏurs et nos
filles. Par la suite le pouvoir capitulard s'emploiera à
nous priver des moyens de riposter. La dernière riposte,
traduction de la vigueur de notre peuple, s'est illustrée
à Philippeville le 20 août 1955. Après
le massacre odieux de Français sans défense la
punition fut rapide, terrible et collective.
Puis revint le général
De Gaulle qui s'emploiera à nous amputer des moyens de
riposte, soumettant ainsi notre peuple à la violence
libérée des ennemis de la France, de l'Europe
et de l'Occident.
Privés de
moyens de nous défendre nous subirons l'assassinat collectif
du 26 mars 1962 à Alger, les massacres d'Oran du
5 juillet 1962, les enlèvements de nos concitoyens.
Nous ne pouvions
plus nous défendre, car nous étions désarmés
et abandonnés de nos concitoyens de la métropole,
qui ont envisagé notre génocide avec une quiétude...
surprenante. Il fallait partir d'une terre qui avait changé
d'identité.
Je prends acte de
la mort de l'Algérie française et je n'éprouve
aucune envie de la retrouver dans l'Algérie d'aujourd'hui.
Mais la vérité
doit être enseignée.
C'est notre combat.
Fin
Références
de l'Auteur :
« l'Islamisme
dans la guerre d'Algérie » du docteur Jean-Claude
PEREZ - publié en 2004 par Dualpha-Diffusion - B. P 58
- 77522 COULOMMIERS CEDEX - Tél./Fax : 01 64 65 50 23.
« ATTAQUES
ET CONTRE-ATTAQUES » chez le même éditeur :
39 Û + 6 Û de port.