Communication n° 13bis
A
L'ATTENTION DE « DINOZOR »
ET
DE TOUS MES CORRESPONDANTS.
Un inconnu, « dinozor »,
nous a gratifiés, lors d'une communication récente,
d'une interprétation perverse d'un moment infernal de
notre lutte. Il s'agit de la période terroriste du
combat de l'OAS.
Cet épisode
opérationnel nous fut imposé pour notre survie,
à partir de février 1962. Je ne l'ai jamais nié.
J'ai assumé maintes et maintes fois mes responsabilités
dans cette conduite opérationnelle.
I - Première
précision pour dinozor : cet épisode
opérationnel obéissait à une nouvelle exigence :
séparer temporairement les deux communautés qui
vivaient en Algérie.
C'était « ça »
ou le départ.
C'était « ça »
ou le refus de quelque chose. C'est-à-dire le refus d'un
événement qui était en préparation,
qui était attendu. Ce fut un moment dramatique, que j'ai
ressenti et que je ressens comme tel aujourd'hui encore, jusqu'au
plus profond de mes tripes.
Cette nouvelle orientation
tactique fut décidée de concert avec l'état-major
de l'ORO. En particulier avec mon commandant en second. Avec
De GUELDRE, le chef de la B.A.O.. Le chef du BCR. Enfin le chef
de la sous-branche « appui » de l'ORO.
Je rappelle que
l'ORO c'était l'Organisation du Renseignement et des
Opérations.
Le B.A.O c'était
le Bureau d'Actions Opérationnelles.
Le BCR c'était
le Bureau Central de Renseignement.
Les chefs de zones
et de secteurs ont tous compris et enregistré la nécessité
de ces opérations.
Ce fut difficile.
Ce fut atroce. Ce fut odieux. J'accepte tous les qualificatifs.
Mais avant tout,
je le souligne encore, ce fut d'une nécessité
absolue.
Il fallait priver
le FLN de son principal atout. Celui-ci était représenté
par la masse musulmane qui vivait et travaillait dans nos grandes
villes. Nous savions que cette masse était contrôlée
par le commandement FLN de la ZAA (Zone Autonome d'Alger). Elle
fonctionnait comme un appareil de renseignement en surface :
les informations, les rumeurs, les suspicions étaient
collectées, transmises au commandement FLN.
Qui, à son
tour, les transmettait à la Sécurité Militaire
française.
Celle-ci alertait
la gendarmerie mobile et tout se déroulait ensuite selon
un plan bien codifié.
Un détachement
de gendarmes arrivait sur le lieu dénoncé comme
suspect. Des half-tracks, des GMC et d'autres véhicules
., tous munis de mitrailleuses 12-7, étaient utilisés
pour le transport des pelotons de gendarmerie.
Des mitrailleuses
12-7 ? Braquées sur quoi ? Sur qui ?
Sur le site opérationnel
à l'intérieur duquel se planquait peut-être
un dangereux membre de l'OAS ?
Pas du tout.
Les 12-7 étaient
braquées sur les façades, fenêtres et ouvertures
des immeubles voisins, habités par des hommes, des femmes,
des enfants pacifiques. Si le pourchassé de l'OAS manifestait
une volonté de résister, c'est une population
innocente qui serait massacrée.
C'était déjà
la technique du bouclier humain, mise en uvre en Algérie,
à Alger tout particulièrement, contre les Pieds-Noirs,
pour anéantir l'OAS.
Pour éviter
de vivre ces situations dangereuses pour notre peuple, il fallait
tenter, de toute urgence, une tactique qui s'imposait :
éloigner si possible la foule musulmane des quartiers
européens.
Comment y parvenir ?
Aucun moyen d'information
n'était à notre disposition. Ne s'offrait à
nous qu'un seul moyen. Il nous a fallu tuer, pour vivre.
Tuer, c'est un mot
horrible. Je le sais. Je ne suis ni con, ni lâche, ni
insensible, ni sanguinaire. Mais pour survivre, il fallait faire
peur. Et pour faire peur, nous avons donc déclenché
ces opérations de terrorisme.
J'ai évoqué
ce drame lors d'une émission télévisée,
devant la France et le monde. Je l'ai écrit aussi dans
mes différents ouvrages.
J'ai précisé
à maintes reprises, en particulier dans mon dernier livre,
que si nous avions disposé de canons et d'avions, nous
aurions effectué des bombardements classiques, traditionnels
que pendant la guerre de 1939-1945 on appelait des raids
de terreur.
« a »
c'était propre. C'était normal. C'était
moral.
Mais nous n'avions
que nos flingues, nos PM, des grenades, quelques FM et à
Alger, un seul mortier de 60.
Alors, il a fallu
« le faire à la main ». Individu
par individu. Il a fallu le faire en détail.
« a
fait cruel.... a fait sadique.... Ça fait assassin ».
C'était surtout
terrible. Mais en aucun cas ce n'était une névrose
assassine. Ce n'était pas la mise en route d'un génocide.
L'OAS n'a jamais torturé, jamais violé, jamais
éventré, jamais égorgé des hommes,
des femmes, des enfants.
Il nous fallait
vivre encore pour continuer le combat. C'était indispensable
pour parvenir à une autre phase de notre lutte, que nous
espérions décisive.
Soulignons encore
une vérité : nous n'avons pas tué
des milliers et des milliers de personnes. Le bilan, j'en conviens
une fois de plus, s'élève à quelques centaines
de victimes. Un infime pourcentage des morts imputables à
la guerre d'Algérie. Nous avions notre peuple pied-noir
à protéger, nous qui avons tout joué pour
garder l'Algérie française. Le protéger
contre les assassinats collectifs, contre les massacres précédés
de mutilations et de viols, contre les enlèvements.
II Une autre
précision pour dinozor : je n'ai jamais donné
l'ordre de tuer des femmes de ménage musulmanes. Je rappelle
néanmoins que c'est une femme de ménage musulmane
qui a égorgé deux petites filles françaises
de confession juive. C'était rue Ampère, au printemps
1962.
En ce qui concerne
le message d'Achard, auquel dinozor fait référence,
il faut préciser que ledit Achard évoquait l'exécution
d'employés de la poste, fortement soupçonnés
d'espionner des logements, des immeubles et des commerces.
Il leur était
commandé par le FLN allié de la Sécurité
Militaire, de détecter des anomalies au sein
de certains bâtiments. Anomalies qui permettaient d'imaginer
qu'un dispositif OAS y jouissait, peut-être, d'une planque.
Le message d'Achard
fut effectivement rédigé d'une manière
inacceptable. J'ai fait savoir à celui-ci ce que je pensais
de ce compte-rendu opérationnel, indigne d'un chef de
guerre. Il a failli payer de sa vie sa désinvolture plus
que débile.
J'ai précisé
mille fois, par écrit, et je tiens à le souligner
aujourd'hui encore, que je regrette tous les morts dont je suis
responsable.
J'ai fait ce que
j'ai fait parce que les exigences dramatiques de la guerre me
l'ont imposé. Je n'ai pas reculé devant des responsabilités
dont je ne retire aucun orgueil.
Comme j'envie ceux
qui n'ont pris aucune responsabilité ! Ceux qui
prennent la liberté et jouissent de la possibilité
de critiquer notre combat désespéré par
des propos insultants !
III Une troisième
précision pour dinozor : ces opérations
avaient aussi un autre but : interrompre les négociations
d'Evian, éviter que fût signé le cessez-le-feu.
Cessez-le-feu qui correspondait et qui correspond pour les temps
à venir, à une grave défaite de la France
et de l'Occident devant les révolutionnaires arabo-islamistes
modernes.
Après le
19 mars 1962, ces opérations avaient pour but de provoquer
une rupture du cessez-le-feu : une riposte de l'ALN aurait
justifié une intervention de l'armée française.
C'était un but opérationnel très tactique
qui a failli porter ses fruits dans l'Atlas blidéen et
ailleurs.
Lorsque Farès
était en négociations avec quelqu'un qui, dit-on,
faisait partie de l'OAS, il a déclaré à
ce négociateur :
« et
surtout que PEREZ n'arrête pas.
Le
terrorisme de l'OAS c'est votre force,
c'est
ce qui en fait un interlocuteur valable ».
A quoi servirait-il,
pour celui qui se fait appeler dinozor et pour d'autres, que
je jure devant Dieu que ce que je viens de dire est exact ?
Mais dinozor ne
s'arrête pas là.
D'après lui,
moi qui assumais la responsabilité de l'Organisation
du Renseignement et des Opérations de l'OAS à
l'échelon national, je me suis « enfui »
d'Alger avec 600 millions d'anciens francs.
Je rejette ce verbe
« enfuir ». Lorsque j'ai quitté
Alger, quelqu'un avait imposé le cessez-le-feu de l'OAS.
Je me suis trouvé devant le fait accompli d'un arrêt
des combats. Deux possibilités m'étaient offertes :
- déclencher
une tuerie entre nous,
- accepter
cette décision. J'ai imposé néanmoins un
délai pour obtenir certaines garanties concernant la
sécurité des Pieds-Noirs. Ces garanties ont été
précisées dans mes différents ouvrages.
J'ai donné comme date limite le 1er juin 1962.
J'avais averti qu'au-delà de cette date je prendrai mes
décisions. Je suis parti d'Alger o l'on ne se battait
plus, après avoir adressé un ordre du jour
à mes subordonnés, expliquant la raison de mon
départ et mon refus de déclencher une opération
qui aurait provoqué un massacre fratricide. C'est avec
l'accord de tous les membres de mon appareil que je suis parti.
En ce qui concerne
la question d'argent évoquée par Dinozor, de toute
évidence, les chiffres ont évolué. De 200
millions en 1962, c'est passé aujourd'hui à 600
millions d'anciens francs.
C'est faux.
Pour une raison
simple : je n'ai jamais eu accès à la trésorerie
de l'OAS.
Je disposais d'un
budget de fonctionnement de 40 millions d'anciens francs par
mois, depuis la prise de mon commandement. Cet argent m'était
mensuellement livré par Gorel, l'agent comptable de l'OAS.
Sur ces 40 millions d'anciens francs, 20 étaient affectés
au B.A.O.. 5 au BCR. Je disposais, pour des décisions
dont je n'avais pas à rendre compte, des 15 millions
restants. Ils me permettaient de faire fonctionner mes différents
échelons de responsabilité. En particulier l'organisation
de plusieurs logistiques, la mienne et celles de ceux et celles
qui fonctionnaient à mon échelon.
Je commandais un
appareil très lourd dont l'effectif était clandestin
dans une très large majorité.
Tous mes comptes
ont été transmis par mon commandant en second,
à Godard qui d'ailleurs, n'avait rien demandé.
Godard délivra un quitus officiel de la gestion financière
de l'ORO en juin 1962.
Quitus confirmé
plus tard à Paris en 1972 par le Colonel Gardes, le supérieur
hiérarchique de Gorel et le général Salan.
Vous trouverez en annexe une reproduction de ces deux quitus.
Je renvoie dinozor
à la lecture de mes livres. Car : « il
y a une arme plus terrible que la calomnie, c'est la vérité »
(Talleyrand).
Je considère
que mes écrits actuels, transmis par le relais de cet
appareil indispensable que l'on appelle l'ordinateur, constituent
en réalité la substance de mon testament de combattant
de l'Algérie française. Je ne me déroberai
devant aucune attaque. Chaque fois que nécessaire, je
ne refuserai pas de contre-attaquer. Tant pis si cela provoque
quelques remous douloureux ou tout simplement gênants.
Mais au fait, dinozor
. céquiça ?