Le docteur Jean-Claude PEREZ
Adhérent du Cercle Algérianiste de Nice et des Alpes Maritimes
Auteur du livre «  ATTAQUES ET CONTRE-ATTAQUES »
aux Editions Dualpha - BP 58, 77522 COULOMMIERS CEDEX

Communication n° 13bis

A L'ATTENTION DE « DINOZOR »

ET DE TOUS MES CORRESPONDANTS.

Un inconnu, « dinozor », nous a gratifiés, lors d'une communication récente, d'une interprétation perverse d'un moment infernal de notre lutte. Il s'agit de la période terroriste du combat de l'OAS.

Cet épisode opérationnel nous fut imposé pour notre survie, à partir de février 1962. Je ne l'ai jamais nié. J'ai assumé maintes et maintes fois mes responsabilités dans cette conduite opérationnelle.

I - Première précision pour dinozor : cet épisode opérationnel obéissait à une nouvelle exigence : séparer temporairement les deux communautés qui vivaient en Algérie.

C'était « ça » ou le départ.

C'était « ça » ou le refus de quelque chose. C'est-à-dire le refus d'un événement qui était en préparation, qui était attendu. Ce fut un moment dramatique, que j'ai ressenti et que je ressens comme tel aujourd'hui encore, jusqu'au plus profond de mes tripes.

Cette nouvelle orientation tactique fut décidée de concert avec l'état-major de l'ORO. En particulier avec mon commandant en second. Avec De GUELDRE, le chef de la B.A.O.. Le chef du BCR. Enfin le chef de la sous-branche « appui » de l'ORO.

Je rappelle que l'ORO c'était l'Organisation du Renseignement et des Opérations.

Le B.A.O c'était le Bureau d'Actions Opérationnelles.

Le BCR c'était le Bureau Central de Renseignement.

Les chefs de zones et de secteurs ont tous compris et enregistré la nécessité de ces opérations.

Ce fut difficile. Ce fut atroce. Ce fut odieux. J'accepte tous les qualificatifs.

Mais avant tout, je le souligne encore, ce fut d'une nécessité absolue.

Il fallait priver le FLN de son principal atout. Celui-ci était représenté par la masse musulmane qui vivait et travaillait dans nos grandes villes. Nous savions que cette masse était contrôlée par le commandement FLN de la ZAA (Zone Autonome d'Alger). Elle fonctionnait comme un appareil de renseignement en surface : les informations, les rumeurs, les suspicions étaient collectées, transmises au commandement FLN.

Qui, à son tour, les transmettait à la Sécurité Militaire française.

Celle-ci alertait la gendarmerie mobile et tout se déroulait ensuite selon un plan bien codifié.

Un détachement de gendarmes arrivait sur le lieu dénoncé comme suspect. Des half-tracks, des GMC et d'autres véhicules ., tous munis de mitrailleuses 12-7, étaient utilisés pour le transport des pelotons de gendarmerie.

Des mitrailleuses 12-7 ? Braquées sur quoi ? Sur qui ?

Sur le site opérationnel à l'intérieur duquel se planquait peut-être un dangereux membre de l'OAS ?

Pas du tout.

Les 12-7 étaient braquées sur les façades, fenêtres et ouvertures des immeubles voisins, habités par des hommes, des femmes, des enfants pacifiques. Si le pourchassé de l'OAS manifestait une volonté de résister, c'est une population innocente qui serait massacrée.

C'était déjà la technique du bouclier humain, mise en uvre en Algérie, à Alger tout particulièrement, contre les Pieds-Noirs, pour anéantir l'OAS.

Pour éviter de vivre ces situations dangereuses pour notre peuple, il fallait tenter, de toute urgence, une tactique qui s'imposait : éloigner si possible la foule musulmane des quartiers européens.

Comment y parvenir ?

Aucun moyen d'information n'était à notre disposition. Ne s'offrait à nous qu'un seul moyen. Il nous a fallu tuer, pour vivre.

Tuer, c'est un mot horrible. Je le sais. Je ne suis ni con, ni lâche, ni insensible, ni sanguinaire. Mais pour survivre, il fallait faire peur. Et pour faire peur, nous avons donc déclenché ces opérations de terrorisme.

J'ai évoqué ce drame lors d'une émission télévisée, devant la France et le monde. Je l'ai écrit aussi dans mes différents ouvrages.

J'ai précisé à maintes reprises, en particulier dans mon dernier livre, que si nous avions disposé de canons et d'avions, nous aurions effectué des bombardements classiques, traditionnels que pendant la guerre de 1939-1945 on appelait des raids de terreur.

« a » c'était propre. C'était normal. C'était moral.

Mais nous n'avions que nos flingues, nos PM, des grenades, quelques FM et à Alger, un seul mortier de 60.

Alors, il a fallu « le faire à la main ». Individu par individu. Il a fallu le faire en détail.

« a fait cruel.... a fait sadique.... Ça fait assassin ».

C'était surtout terrible. Mais en aucun cas ce n'était une névrose assassine. Ce n'était pas la mise en route d'un génocide. L'OAS n'a jamais torturé, jamais violé, jamais éventré, jamais égorgé des hommes, des femmes, des enfants.

Il nous fallait vivre encore pour continuer le combat. C'était indispensable pour parvenir à une autre phase de notre lutte, que nous espérions décisive.

Soulignons encore une vérité : nous n'avons pas tué des milliers et des milliers de personnes. Le bilan, j'en conviens une fois de plus, s'élève à quelques centaines de victimes. Un infime pourcentage des morts imputables à la guerre d'Algérie. Nous avions notre peuple pied-noir à protéger, nous qui avons tout joué pour garder l'Algérie française. Le protéger contre les assassinats collectifs, contre les massacres précédés de mutilations et de viols, contre les enlèvements.

II Une autre précision pour dinozor : je n'ai jamais donné l'ordre de tuer des femmes de ménage musulmanes. Je rappelle néanmoins que c'est une femme de ménage musulmane qui a égorgé deux petites filles françaises de confession juive. C'était rue Ampère, au printemps 1962.

En ce qui concerne le message d'Achard, auquel dinozor fait référence, il faut préciser que ledit Achard évoquait l'exécution d'employés de la poste, fortement soupçonnés d'espionner des logements, des immeubles et des commerces.

Il leur était commandé par le FLN allié de la Sécurité Militaire, de détecter des anomalies au sein de certains bâtiments. Anomalies qui permettaient d'imaginer qu'un dispositif OAS y jouissait, peut-être, d'une planque.

Le message d'Achard fut effectivement rédigé d'une manière inacceptable. J'ai fait savoir à celui-ci ce que je pensais de ce compte-rendu opérationnel, indigne d'un chef de guerre. Il a failli payer de sa vie sa désinvolture plus que débile.

J'ai précisé mille fois, par écrit, et je tiens à le souligner aujourd'hui encore, que je regrette tous les morts dont je suis responsable.

J'ai fait ce que j'ai fait parce que les exigences dramatiques de la guerre me l'ont imposé. Je n'ai pas reculé devant des responsabilités dont je ne retire aucun orgueil.

Comme j'envie ceux qui n'ont pris aucune responsabilité ! Ceux qui prennent la liberté et jouissent de la possibilité de critiquer notre combat désespéré par des propos insultants !

III Une troisième précision pour dinozor : ces opérations avaient aussi un autre but : interrompre les négociations d'Evian, éviter que fût signé le cessez-le-feu. Cessez-le-feu qui correspondait et qui correspond pour les temps à venir, à une grave défaite de la France et de l'Occident devant les révolutionnaires arabo-islamistes modernes.

Après le 19 mars 1962, ces opérations avaient pour but de provoquer une rupture du cessez-le-feu : une riposte de l'ALN aurait justifié une intervention de l'armée française. C'était un but opérationnel très tactique qui a failli porter ses fruits dans l'Atlas blidéen et ailleurs.

Lorsque Farès était en négociations avec quelqu'un qui, dit-on, faisait partie de l'OAS, il a déclaré à ce négociateur :

« et surtout que PEREZ n'arrête pas.

Le terrorisme de l'OAS c'est votre force,

c'est ce qui en fait un interlocuteur valable ».

A quoi servirait-il, pour celui qui se fait appeler dinozor et pour d'autres, que je jure devant Dieu que ce que je viens de dire est exact ?

Mais dinozor ne s'arrête pas là.

D'après lui, moi qui assumais la responsabilité de l'Organisation du Renseignement et des Opérations de l'OAS à l'échelon national, je me suis « enfui » d'Alger avec 600 millions d'anciens francs.

Je rejette ce verbe « enfuir ». Lorsque j'ai quitté Alger, quelqu'un avait imposé le cessez-le-feu de l'OAS. Je me suis trouvé devant le fait accompli d'un arrêt des combats. Deux possibilités m'étaient offertes :

  - déclencher une tuerie entre nous,

  - accepter cette décision. J'ai imposé néanmoins un délai pour obtenir certaines garanties concernant la sécurité des Pieds-Noirs. Ces garanties ont été précisées dans mes différents ouvrages. J'ai donné comme date limite le 1er juin 1962. J'avais averti qu'au-delà de cette date je prendrai mes décisions. Je suis parti d'Alger o l'on ne se battait plus, après avoir adressé un ordre du jour à mes subordonnés, expliquant la raison de mon départ et mon refus de déclencher une opération qui aurait provoqué un massacre fratricide. C'est avec l'accord de tous les membres de mon appareil que je suis parti.

En ce qui concerne la question d'argent évoquée par Dinozor, de toute évidence, les chiffres ont évolué. De 200 millions en 1962, c'est passé aujourd'hui à 600 millions d'anciens francs.

C'est faux.

Pour une raison simple : je n'ai jamais eu accès à la trésorerie de l'OAS.

Je disposais d'un budget de fonctionnement de 40 millions d'anciens francs par mois, depuis la prise de mon commandement. Cet argent m'était mensuellement livré par Gorel, l'agent comptable de l'OAS. Sur ces 40 millions d'anciens francs, 20 étaient affectés au B.A.O.. 5 au BCR. Je disposais, pour des décisions dont je n'avais pas à rendre compte, des 15 millions restants. Ils me permettaient de faire fonctionner mes différents échelons de responsabilité. En particulier l'organisation de plusieurs logistiques, la mienne et celles de ceux et celles qui fonctionnaient à mon échelon.

Je commandais un appareil très lourd dont l'effectif était clandestin dans une très large majorité.

Tous mes comptes ont été transmis par mon commandant en second, à Godard qui d'ailleurs, n'avait rien demandé. Godard délivra un quitus officiel de la gestion financière de l'ORO en juin 1962.

Quitus confirmé plus tard à Paris en 1972 par le Colonel Gardes, le supérieur hiérarchique de Gorel et le général Salan. Vous trouverez en annexe une reproduction de ces deux quitus.

Je renvoie dinozor à la lecture de mes livres. Car : « il y a une arme plus terrible que la calomnie, c'est la vérité » (Talleyrand).

Je considère que mes écrits actuels, transmis par le relais de cet appareil indispensable que l'on appelle l'ordinateur, constituent en réalité la substance de mon testament de combattant de l'Algérie française. Je ne me déroberai devant aucune attaque. Chaque fois que nécessaire, je ne refuserai pas de contre-attaquer. Tant pis si cela provoque quelques remous douloureux ou tout simplement gênants.

Mais au fait, dinozor . céquiça ?

Jean-Claude PEREZ
Le 25 mai 2009