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Attention au 50ème anniversaire...
Bientôt,
nous serons dans l'obligation d'évoquer une défaite.
Une défaite de la France et de l'Occident.
Celle du 19
mars 1962, date des accords d'Evian qui officialisa la
capitulation d'une grande nation d'Occident devant la
conquête arabo-islamiste anti-occidentale, mise
en Ïuvre en Algérie, le 1er novembre
1954.
Lors de la
Toussaint Rouge en effet, le cheik des Oulémas
Ibrahim Bachir avait déclaré que la lutte
était engagée pour le triomphe de l'arabisme
et de l'islam.
Je vous propose
d'évoquer un chapitre de mon livre L'ISLAMISME
DANS LA GUERRE D'ALGERIE. Il s'agit du chapitre 16.
UNE
DERNIERE CLASSE ...
Il ne s'agit
pas de réécrire les lignes connues et très
émouvantes d'Alphonse Daudet, lorsqu'il évoque
une dernière classe donnée dans un
village alsacien après le traité de Francfort,
en 1871, qui ampute la France de l'Alsace et d'une partie
importante de la Lorraine.
Il s'agit
de rapporter ici, en les imaginant, les propos que pourrait
tenir en 2012 un instituteur kabyle devant une classe
de jeunes élèves.
Un instituteur
qui voudrait évoquer le 50ème
anniversaire de la victoire remportée par la Ouma
sur le gouvernement français du général
De Gaulle.
J'interromprai
parfois les propos imaginés de cet instituteur,
par des commentaires et des notes qui, je l'espère,
vont enrichir le contenu, ô combien instructif,
de cette dernière classe de l'année scolaire
2012.
Imaginons
une école ultra-moderne. En Kabylie. Ultra-moderne
mais surtout, imaginaire car nous sommes en 2012.
A la fin de
l'année scolaire, un instituteur kabyle tenté
par l'islamisme, presque un taleb, donne son dernier cours
de l'année à de jeunes élèves.
Car nous sommes au mois de juillet.
Il évoque
« la » guerre. « Une guerre
française » affirme-t-il « plus
importante et plus longue que la guerre de cent ans. La
plus longue guerre que la France a connue », précise-t-il.
« Cette
guerre a opposé la nation française à
notre pays, la Régence turque d'abord et plus tard,
à partir du 7 mai 1931, la nation algérienne.
Cette guerre s'est poursuivie pendant plus de 130 ans ».
Ecoutons avec
attention cette dernière classe... imaginaire...
donnée au sein de cette école... encore
plus imaginaire.
*
* *
« En
Algérie, avant l'arrivée des troupes françaises,
la pauvreté était dominante. Tout était
rudimentaire, arriéré. Le rayonnement de
l'islam était encore laborieux, en raison des querelles
tribales qui se déclenchaient, pour un oui ou pour
un non, sur notre territoire. Il vous faut savoir, mes
chers enfants, que nos rivalités d'origines multiples,
en particulier nos rivalités ethniques,
n'avaient pas permis à notre nation de voir encore
le jour à cette époque-là.
Une fraction
non négligeable du peuple berbère, des Kabyles
en particulier, restait parfois réticente à
l'égard du message de notre Prophète, qu'Allah
veuille bien garder en Sa divine protection. Leur agressivité
naturelle, leur perpétuel esprit de rébellion,
ajoutés aux difficultés du relief qui les
abritait et à la pauvreté extrême
des moyens de communication, ne permettaient pas d'instruire
pleinement ces populations du message de Mohamed.
Notre pays
était pauvre car aucune industrie ne s'y développait
encore. Aucune structuration économique n'avait
été élaborée. Nous disposions
d'un réseau de communication lamentable. Il ne
restait rien des 8000 kilomètres de routes que
les Romains avaient tracées.
Pas d'hôpitaux.
La situation sanitaire était catastrophique. La
mortalité infantile effroyable.
A cette
époque, nous n'étions pas encore une nation
indépendante. Car depuis près de trois siècles
nous nous trouvions sous la domination turque. Les militaires
turcs et les janissaires contrôlaient le pouvoir
pour le compte du sultan de Constantinople auquel, chaque
année, nous devions payer tribut. Dans l'intérieur
des terres, notre peuple se voyait soumis à une
véritable féodalité.
Les notables
n'hésitaient pas à vider leurs différends
lors de confrontations qui parfois, dévastaient
le pays.
L'esclavage
était florissant. Il s'exerçait surtout aux dépens
des travailleurs émigrés, miséreux,
morts de faim, en provenance de l'Afrique subsaharienne.
De l'Afrique noire. Les plus riches d'entre nous avaient
encore leurs harems avec leurs eunuques.
En ce temps-là,
il n'était pas imaginable que la richesse nationale
pût naître à partir des ressources
naturelles de notre terre. Celle-ci, en effet, était
aride, couverte de marécages et de pestilence.
La majeure partie du territoire se voyait abandonnée
à la friche. Par habitude, nos hommes répugnaient
à travailler la terre et nos femmes ne pouvaient
s'acquitter de cette tâche qu'avec des instruments
aratoires archaïques.
Notre féodalité,
notre élite, ainsi que nos grands négociants
n'étaient pas en mesure de faire fructifier des
marchés producteurs de profits à partir
de nos ressources propres. La pratique de la piraterie
se révélait ainsi d'une nécessité
vitale pour la Régence.
Grâce
à cette piraterie, les esclaves chrétiens
complétaient l'effectif des esclaves africains.
Mais ils offraient un avantage sur ces derniers. On pouvait
les échanger contre une rançon, c'est-à-dire
que l'on pouvait les vendre à l'extérieur
ce qui, évidemment, n'était pas le cas des
autres esclaves noirs ou métis du sud de l'Algérie
et des confins sahariens que l'on achetait et que l'on
vendait comme du bétail.
Avant toute
chose, le premier but de notre piraterie se proposait
d'augmenter notre capital d'esclaves. Ceux-ci représentaient
en vérité notre principale matière
première. Car c'est du montant des rançons,
ainsi que de la vente des marchandises récupérées
lors des opérations de piraterie, que s'élaborait
ce que l'on appelle aujourd'hui, le revenu national. Je
précise que certains armateurs italiens très
connus, très célèbres, installés
depuis longtemps sur le territoire de la Régence,
n'hésitaient pas à tirer profit du commerce
des produits de la piraterie. Ils se chargeaient de leur
transport vers les places commerciales européennes.
Il n'était
pas toujours indispensable de ramener nos prises humaines
à l'intérieur du territoire de » la
Régence turque d'Alger », car, je vous le
rappelle, notre pays ne s'appelait pas encore l'Algérie.
Je vais vous donner un exemple précis de cet aspect
particulier très peu connu de la piraterie de nos
anciens et du négoce d'esclaves.
Lanzarote
est une île des Canaries. Donc un territoire espagnol.
Des pirates barbaresques débarquent de nuit et
capturent ainsi une partie importante de la population
d'un village côtier. Le navire pirate s'éloigne
de la côte, mais reste bien en vue, à quelques
encablures. Dès le lever du jour, un signal est
lancé pour ouvrir des négociations avec
le reste des habitants et avec les notables de la localité
victime de notre expédition. Ce signal, c'est un
drapeau, ou plutôt un pavillon que l'on hisse tout
en haut du plus grand mât du bateau pirate.
Les Espagnols,
entraînés à cette époque à
subir ce genre d'opérations, appellent ce fanion
« la bandera del rescate », « le
pavillon de la rançon ».
Il signifie
que nos anciens sont disposés à restituer
les otages contre le paiement immédiat d'une somme
d'argent ou contre la remise d'objets précieux.
Objets précieux qu'il nous faudra vendre ultérieurement
par l'intermédiaire d'armateurs italiens et de
négociants livournais. Ce paiement une fois effectué,
les captifs sont libérés et nos marins peuvent
alors s'en aller ailleurs, vers un autre marché
qui offrira des ressources aussi profitables.
Evidemment,
toutes ces activités n'ont pas manqué de
provoquer chez nos voisins chrétiens, de violentes
réactions d'hostilité.
En 1830,
à la suite d'une dette que la France ne voulait
pas honorer au crédit de notre dey Hussein, une
armée française débarque à
Sidi Ferruch, à l'ouest d'Alger, le 14 juin de
la même année. Quelques jours plus tard,
nos troupes sont vaincues à Staouéli. Le
5 juillet 1830, notre dey capitule devant le général
en chef français, le duc de Bourmont.
Après
l'occupation d'Alger, les Français vont entreprendre,
avec d'énormes difficultés, la conquête
du territoire de la Régence turque d'Alger. Il
est important de souligner que notre nation théoriquement
suzeraine, la Turquie, reste indifférente à
notre destin. On a même l'impression, aujourd'hui
encore, qu'elle éprouve, en cette circonstance,
un indiscutable soulagement à être séparée
du territoire de notre patrie d'aujourd'hui. Il s'agit-là
d'un comportement facile à comprendre si l'on veut
bien ne pas oublier que la Régence ne rapporte
rien à cette époque. On peut même
ajouter qu'elle n'est d'aucune utilité militaire
et stratégique. Je veux vous dire par ces précisions,
qu'elle n'est en rien nécessaire au rayonnement
de la glorieuse nation turque. Celle-ci n'éprouve
en conséquence, aucune amertume à l'abandonner
à son nouveau destin.
Devons-nous
considérer, mes chers enfants, que ce débarquement
français fut à l'origine d'une catastrophe
pour ce qui, plus tard, deviendra l'Algérie ?
Pas du
tout. Au contraire !
Car cette
bataille perdue ne fut que le premier épisode d'une
très longue guerre qui commençait. A l'origine,
certes, d'une occupation de notre territoire qui va durer
plus de 130 ans. Paradoxalement, celle-ci va donner l'occasion
à nos vainqueurs du moment, de mettre en route,
grâce à leurs initiatives, une promotion
éclatante de notre future patrie. Ils vont la faire
naître. Ils vont la façonner de leurs propres
mains. Et pourquoi mettre en accusation un accoucheur
parce qu'il fait parfois souffrir une femme en couches,
si en même temps, il lui permet de donner naissance
à un bel enfant ?
Sous l'occupation
française, les guerres tribales vont cesser. Le
drame sanitaire va s'atténuer d'abord, pour disparaître
à jamais. Notre population va se développer
grâce aux médecins et aux hôpitaux
français.
Allons-nous
manifester, aujourd'hui encore, la maladresse et surtout
l'ingénuité de nous plaindre de quelques
fraudes administratives, de quelques trucages électoraux
qui ont permis à la France d'exercer son pouvoir ?
Mais pas
du tout ! Nous ne sommes pas idiots. Il ne fallait
surtout pas, à cette époque, gêner
la France : au nom d'Allah !
« Comment
est-ce possible ? », pourriez-vous soudain protester
avec horreur, avec colère. Que moi, votre maître,
après avoir exalté devant vous, pendant
toute l'année scolaire l'histoire de notre patrie,
la victoire de notre armée de libération
nationale, notre glorieuse ALN, je bénisse, oui,
que je bénisse au nom du Seigneur, l'Ïuvre de la
France en Algérie !
Eh bien,
je vais répondre à votre étonnement
et donner à vos intelligences alertées par
l'impétuosité de la jeunesse, les explications
qu'elles attendent.
Grâce
à cette occupation, grâce au développement
agricole, à la découverte du pétrole
et du gaz, grâce aux constructions françaises,
grâce au génie français tout simplement,
notre pays a fait un énorme bond vers l'avenir.
Un bond qui en a fait, en un temps record, le pays le
plus peuplé du Maghreb. Et certainement le plus
riche.
Il a été
observé, très souvent, dans l'histoire,
que l'évolution et l'essor d'un pays exigent parfois
le passage par une très longue période de
ténèbres. Mais les » ténèbres »
engendrées par la France ici en Algérie,
comme l'a déclaré il y a longtemps un héros
kabyle de la révolution algérienne, ont
fait de notre terre à cette époque, ce que
les Français appellent un « pays de
Cocagne ». Notre peuple, en effet, croissait,
se multipliait. Il se forgeait une santé, devenait
vigoureux et tout cela grâce à la France.
La paix,
un équilibre économique satisfaisant, une
indiscutable sécurité sanitaire, une législation
sociale dont nous étions, de loin, les principaux
bénéficiaires, une instruction dispensée
gratuitement par les instituteurs et les professeurs français,
voilà autant de facteurs qui ont contribué
à accélérer notre évolution
en nous habituant au progrès.
Mais, par
dessus tout, mes chers enfants, n'oubliez jamais qu'il
faut attribuer à la France, et seulement à
elle, l'initiative d'avoir promu le déploiement
de l'islam en Algérie. Une véritable envolée
de l'islam, voilà ce que la France nous a offert !
Retenez cela comme la faute la plus grave qui ait été
commise par notre ennemi, car elle entraînera la
mort historique en Algérie, de notre vainqueur
de 1830.
Dans un
premier temps, la France a observé une attitude
d'abstention. En effet, forte de sa puissance militaire,
ainsi que de la foi et de la vigueur de son clergé
catholique, la nation française aurait pu en profiter.
Pour ramener
dans la foi chrétienne et romaine des populations
berbères que nos ancêtres musulmans avaient
réussi certes à convertir à l'islam
mais après de grandes difficultés. Pour
la plupart d'entre-elles d'ailleurs, cette conversion
ne s'était effectuée que de façon
superficielle.
Pour atténuer
au maximum l'expression de notre culte.
Bref, nous
réduire à l'état des « mudéjares »
et des « tagarins » espagnols. C'est-à-dire
à l'état des musulmans autorisés
à vivre sur les territoires conquis dans la péninsule
ibérique par les chrétiens espagnols.
Mais non !
La France n'a rien accompli de tout cela. Tout s'est déroulé,
en réalité, comme si l'islam algérien
avait eu besoin de la présence française,
des institutions démocratiques françaises,
pour se déployer en Algérie avec une vigueur
nouvelle qu'il ne connaissait pas auparavant. La foi,
dans le message de notre Prophète, s'exprima avec
ferveur dans toutes les couches de notre population. La
religion musulmane put rayonner, désormais triomphante.
L'arabe
littéraire fut largement enseigné, la plupart
du temps par des professeurs français, diplômés
de facultés françaises, qui imprégnèrent
ainsi notre terre d'une arabité nouvelle qu'elle
n'avait jamais connue auparavant.
Mais le
summum de l'imprudence française, le comble de
l'indigence intellectuelle de nos vainqueurs de 1830,
s'illustra avec éclat en 1931. Le 7 mai de cette
même année, notre vénéré
cheikh Abdelhamid Ben Baddis, que le Seigneur garde en
Sa sainte protection, fut autorisé par nos ennemis
français à promouvoir, sur le territoire
algérien, l'Association des oulémas. C'est-à-dire
le conseil supérieur des docteurs de la foi coranique.
Imaginez le roi français Louis XIV, qui a révoqué
l'édit de Nantes, supprimant ainsi la liberté
du culte aux protestants, en train d'installer une université
évangéliste dans une aile du château
de Versailles !
Ou bien
les Français étaient naïfs !
Ou bien,
rendus méfiants par le développement accéléré
de notre peuple, ils ont voulu créer, dès
cette époque, toutes les conditions ethnico-confessionnelles
qui rendront notre indépendance inéluctable
un peu plus tard.
C'est à
partir de cette date, le 7 mai 1931, que vont rayonner
sur notre terre, comme des anges de la foi du Prophète,
les grands noms de l'islam algérien. Mes chers
enfants, je vous demande de vous incliner avec respect
devant Ben Badis cheikh, ainsi que devant les cheikhs
El Madani et Ibrahim Bachir. Ce dernier est né
sur notre terre, pas loin d'ici, à Ras-El-Oued,
dans la wilaya de Sétif.
Tous ces
hommes ont construit de leurs propres mains le soubassement
du djihad que nos pères vont conduire à
partir de cette date, le 7 mai 1931.
Car c'est
à partir de ce jour qu'a commencé la deuxième
phase de la guerre. Le 7 mai 1931 symbolise, avec éclat,
la mort du 14 juin 1830. Plus encore, historiquement cette
date efface la capitulation du dey Hussein, le 5 juillet
de la même année. Le 7 mai 1931, grâce
au bon vouloir de l'administration française, grâce
à la loi française de 1901 sur les associations,
marque le jour de la véritable naissance de la
nation algérienne. Ben Baddis, premier président
de l'association des oulémas, a déclaré,
en effet, à la face du monde : « Ma
religion, c'est l'islam, ma langue c'est l'arabe, ma patrie
c'est l'Algérie ».
A partir
de cet instant précis, mes chers enfants, je vous
demande de me prêter toute votre attention. Et ne
perdez pas de vue que je suis en train de célébrer
devant vous aujourd'hui, la guerre qui a été
gagnée par nos anciens en 1962.
Cela fait
tout juste 50 ans.
Ce djihad,
silencieux pendant longtemps, va connaître une première
manifestation, en termes de guerre ouverte, le 25 janvier
1941 à Maison-Carrée à l'est d'Alger.
Ce jour-là, 800 spahis musulmans vont prendre les
armes, tuer un capitaine de cavalerie français
et dix sous-officiers de l'armée française.
Les glorieux chefs de cette sainte révolte seront
fusillés par les Français. Mais nourris
du message de l'association des oulémas, ils mourront
tous l'index pointé vers le ciel en signe de soumission
et de fidélité à la nation arabe.
Car 1941, c'est dix ans après la naissance de cette
glorieuse association.
Quatre
ans plus tard, le 8 mai 1945, notre peuple kabyle va se
soulever, appelé à la révolution
islamique par le grand émir libanais Chekib Arslan,
que le Seigneur l'accepte sous Sa sainte protection !
Il vivait à Genève, condamné à
mort depuis 19 ans par les Français. Mais la France
va réagir avec une vigueur inattendue qui étouffera
cette révolte. Révolte plus généralement
rapportée par les historiens sous le titre des
» événements de Sétif
du 8 mai 1945 ».
Le 1er
novembre 1954, se déclenche la dernière
phase du djihad. A partir du Caire, Ibrahim Bachir cheikh,
le président en titre et en fonction de l'association
des oulémas, nous envoie le message attendu :
« le combat est engagé pour le triomphe
de l'arabisme et de l'islam », proclame-t-il à
la face du monde. Nouvel Abdelmoumen, l'ancien chef des
Almohades au XIIe siècle, ce Berbère des
Hauts Plateaux sétifiens, déclenche la guerre
contre la France pour la victoire des Arabes. Et,
surprise ! La France ne réagit pas. Elle va
se laisser enfermer dans le dernier épisode de
cette guerre, qui va durer huit ans, alors qu'une impitoyable
fermeté aurait pu anéantir l'effort de nos
combattants dès les premiers jours de son déclenchement.
Mais à
cette époque, nous étions protégés
par l'opinion internationale. Par la déclaration
universelle des droits de l'homme de 1948.
Nous étions
protégés aussi par un appareil politique
français devenu complice de notre révolte.
Les partis de gauche prétendirent, en effet, faire
de notre combat un épisode de la lutte des classes.
D'autres partis politiques d'origine hybride, qui s'intitulaient
parfois de droite, en tout cas anti-communistes, ne tardèrent
pas à manifester une conviction différente
qui joua cependant en notre faveur : se débarrasser
de l'Algérie et surtout de notre peuple parce qu'il
était musulman. Parce qu'il était arabe,
berbère ou kabyle. Par rejet raciste.
C'est,
en fin de compte, au service des croyants dans le message
de Mohamed que vont se mettre les droits de l'homme et
les hommes politiques français. Et cela que ces
derniers le veuillent ou non. Grâce à tous
ces partis, et au général De Gaulle, qu'Allah
le garde lui aussi en sa divine protection, la victoire
fut acquise. Pour le triomphe de notre foi. Pour l'arabité
nouvelle de l'Algérie.
Riche de
cette victoire, notre peuple peut maintenant s'implanter
progressivement, lentement, sur le sol de France. Sur
le sol de notre ancien conquérant.
Que vont
faire nos concitoyens sur le territoire de nos ennemis ?
Gagner de l'argent ? Y chercher le bonheur ?
Non !
Et, mes chers enfants, je vous demande votre attention
une fois de plus : le djihad continue.
Nos concitoyens
défendent sur le territoire de France ce qui fait
la force perpétuelle des musulmans. Je parle de
ceux qui ne transigent jamais avec les versets du coran.
Ils défendent sur le sol de France la reconnaissance
officielle de leur statut personnel.
Ce statut
doit s'assimiler avant toute chose, à une forteresse
spirituelle, jusqu'à ce jour inviolée, grâce
à laquelle nous restons fidèles à
l'enseignement de notre Prophète. Cette forteresse,
c'est notre vénéré cheikh Abdelhamid
Ben Baddis qui l'a consolidée, pour en faire l'obstacle
sur lequel la France s'est cassé les dents, à
partir de 1931.
Au fur
et à mesure que l'intégration de la défaite
va se développer en France, lorsque les musulmans
obtiendront la possibilité légale de jouir
de tous leurs droits civiques spécifiques sur le
sol de France, c'est-à-dire de jouir en même
temps de la citoyenneté française et de
la juridiction coranique, ils pourront affirmer alors
avec orgueil : « je ne suis plus un Français
de confession musulmane. Je suis, maintenant, un Musulman
qui vit en France ».
Grâce
au charme de ce statut, nous sommes en droit d'espérer
la conversion de beaucoup d'infidèles, qui seront
tentés de se soustraire à la juridiction
civile française. Nous pourrons alors rejeter,
pour la nuit des temps à venir, cette loi d'Occident
qui veut imposer aux hommes d'être :
-
des citoyens dans la nation,
-
des religieux à la maison.
Car, ce
que nous voulons, c'est être « des religieux
à la maison et dans la nation ».
Lorsque
nous aurons atteint ce but, alors nous aurons gagné
la guerre. La guerre qui a été déclenchée
contre nous le 14 juin 1830 par le débarquement
français à Sidi Ferruch, à l'ouest
d'Alger ».
*
* *
Voilà
le risque auquel ils ont exposé notre pays, la
France, soumise aux effets de la polarisation Sud-Nord
développée à partir du glacis opérationnel
que représente l'Algérie.
Un risque
que j'ai voulu évoquer par cet événement
virtuel : une classe de fin d'année scolaire,
en 2012, dans un village imaginaire de Petite Kabylie.
Ceux qui s'apprêtent
à célébrer le 50ème
anniversaire de la mort de la France Sud-Méditerranéenne,
seraient bien inspirés de réfléchir
sur cette menace qui pèse sur notre destin de Français
et d'Occidentaux, chaque jour un peu plus.
Jean-Claude
PEREZ
Le 20 juillet 2009