Réponse à Monsieur Jean MERCADAL
Une réponse... dans le cadre et surtout, dans la
considération que je porte, particulièrement à tous les Pieds-Noirs.
Même à
ceux qui nous ont « regardé »
combattre. Même à
ceux qui se permettent de nous juger. Même à ceux
qui osent nous condamner. A ceux qui nous reprochent tout banalement
d'être encore vivants.
« Nous ? »,
c'est qui ?
C'est l'ensemble de
ceux qui ont tourné le dos à la vie normale pour prendre part
AU SEUL VRAI COMBAT DU XXème SIECLE.
Le combat pour
l'Algérie française, c'est-à-dire
LE
COMBAT POUR L'OCCIDENT CHRETIEN
A Jean Mercadal
J'accuse réception
de votre communication du 18 septembre.
En fin de message,
vous éprouvez la nécessité de préciser : « Bien que
n'étant pas votre ami personnel ».
Voilà un propos qui
m'étonne.
Qu'un « Mercadal »
me dise ça, à moi qui en ai connus des dizaines, me paraît inconcevable.
J'en ai connus à l'école
communale, dans mon quartier de Bab El Oued, au lycée, dans mon
club de sport, plus précisément de foot, aux Tirailleurs Algériens,
dans l'OAS...., ainsi que plus tard, parmi mes patients parisiens.
Cette précision que
vous apportez me paraît tellement invraisemblable, que je me pose
la question suivante :
« affirmer que
vous n'êtes pas mon ami personnel,
n'est-ce pas affirmer d'une manière atténuée, qu'en réalité vous
êtes mon ennemi ? »
Je refuse de répondre
par l'affirmative à cette interrogation.
Parce que, aujourd'hui
encore, je ne peux éprouver qu'une saine camaraderie à l'égard
de tous les Mercadal de la terre, d'où qu'ils soient.
Pourquoi ? Vous
allez être surpris de la réponse.
Parce que ma grand-mère,
Madame Consuelo Escobedo de Pérez emmenait tous ses petits enfants
pendant la semaine de Noël, dans une petite boulangerie de Bab
El Oued, avenue de la Bouzareah, entre la rue Suffren et la rue
Franklin, tenue par une Madame Mercadal qui, moyennant un achat
d'une « bamba » pour chacun des enfants que nous étions, faisait fonctionner
une crèche illuminée et animée. Nous étions sous le charme de
cette crèche de Madame Mercadal et ce fut un rituel que j'ai suivi
jusqu'à ma première communion.
Revenons à notre problème.
Mon ami et frère d'armes,
Gilbert LOPEZ, vous répond par un courrier qu'il m'a adressé et
dont je vous communiquerai les extraits principaux dans quelques
instants.
Permettez-moi cependant,
d'intervenir personnellement par un commentaire sur votre message.
1°/ l'événement que
vous évoquez est certainement relié aux journées de décembre
1960 et non pas au printemps 1962.
En effet, vous faites
allusion à « l'état major Challe ». Or, aussi bien en
décembre 1960 que plus tard, Challe n'était plus en Algérie.
2°/ les véhicules
que l'on voit sur la photo que vous nous avez scannée, appartenaient
au 18ème RCP du Colonel MASSELOT. Régiment qui est
intervenu avec efficacité contre la « descente » FLN
sur Belcourt, le Hamma et le Ruisseau.
3°/ l'événement que
relate Gilbert LOPEZ, événement qu'il a vécu, se
déroule au printemps 1962 (avril, mai ?).
4°/ en ce qui concerne
le prêtre que vous avez bien connu, ce que vous affirmez, et
ce à quoi j'accorde d'ailleurs un crédit total,
ne change rien.
Lorsque je faisais
partie de la JEC (Jeunesse Etudiante Catholique) j'ai bien connu
l'abbé Scotto. Il était notre aumônier. J'ai « fait »
des campements avec lui et d'autres jécistes. C'était au temps
de l'Algérie heureuse. Il était d'une rigueur morale impressionnante
et nous éprouvions tous pour lui une estime de militants.
Puis ...
Il a évolué. Il a
pris une autre identité. Son soutien au FLN est allé jusqu'à l'adhésion
complète et proclamée aux crimes les plus odieux commis par le
FLN. Il a justifié les massacres de Philippeville du 20 août 1955,
sous le prétexte qu'ils furent l'uvre de gens qui se « battaient
pour leur cause ».
Il a choisi en toute
connaissance de cause, le camp de l'ennemi de la France, le camp
de l'ennemi de nos compatriotes français d'Algérie, le camp de
l'ennemi de la chrétienté.
Qu'il l'ait fait par
conviction sincère ne change rien. C'était un ennemi dont l'efficacité
redoutable s'exerçait au seul profit de nos ennemis et pour le
plus grand danger de notre collectivité pied-noire.
Encore une fois, ses
antécédents n'y changent rien. Et ce qui est valable pour Scotto,
l'est aussi pour tous ceux de ses « confrères » qui
ont choisi le camp de l'ennemi, comme lui.
Je respecte le passé
militaire du prêtre que vous vénérez. Je respecte l'attachement
que vous lui portez. Pendant la guerre d'Algérie il a choisi le
camp du FLN. Par cette attitude, il a trahi la France et il a
trahi la Croix. Et aujourd'hui, personnellement, je n'ai aucune
raison de le ménager.
Je n'ai jamais fait
partie d'un clan politique au sens pervers du terme. Durant mon
engagement, je n'ai nourri aucune ambition pour moi-même.
J'avais tout à gagner,
à partir de 1954, à rester passif, neutre, attentiste, et tout
banalement... raisonnable.
Mais, n'étant pas
pour les « Fellouzes », j'étais pour la France, je devais donc combattre. Là où il m'était possible de le faire, avec
les moyens que me procurait ma situation de médecin dit « généraliste ».
Je devais combattre contre les ennemis de mon pays, la France.
Ceux qui sont restés
passifs et qui n'ont pas choisi leur camp, se sont inscrits dans
la réalité des faits, objectivement, dans
le camp de l'ennemi.
Je réitère mon affirmation :
je ne vous en veux pas du courrier que vous m'avez expédié. Au
contraire. Je respecte votre loyauté et je vous remercie d'avoir
pris le temps de lire le mail que je vous avais adressé.
J'abandonne cette
page d'écriture à Gilbert LOPEZ, en vous transmettant un extrait
de la lettre qu'il m'a adressée lorsque je lui ai fait connaître
votre message.
« Mon Cher
Jean-Claude,
Merci pour la copie
du mail de J.M. que tu m'as adressée. Le ton de cette missive
est, certes, sans aménité. Je tiens à rassurer notre interlocuteur.
Je ne suis ni gâteux, ni menteur, ni l'objet d'une confusion mentale.
Il nous oppose
une photo des évènements de 1960 ! Moi, je relate un événement
d'avril-mai 1962.
Ce jour là,
il n'y avait aucun camion militaire devant le stade Bialès.
Ma seule erreur, un lapsus calami, m'a fait évoquer la
cité Mahieddine, il s'agissait de Diar el Mahçoul.
Je suis natif du
Champ de manuvres et ce jour-là je suivais un bus urbain de la
RSTA. Mon camarade Robert GAL, qui était mon passager, a vécu
les mêmes évènements que moi, ce jour-là..
J.M me tance assez
vertement à propos du curé de la paroisse Saint Pierre du Hamma.
J'accepte difficilement le ton inquisitorial dont il fait usage.
Je précise que je ne connais cette église que de l'extérieur.
J'ai été en stage pédagogique à l'école Caussemille en 1956-1957.
Je ne connais pas le nom du titulaire de la chaire de cette église.
JM. m'accuse d'irrespect
envers un ancien combattant, de plus mutilé de guerre.
Comment peut-il
en être ainsi puisque mon propre père était lui aussi tout cela ?
On a l'impression de marcher un peu sur la tête...
J'ai relaté ce
que m'a dit une jeune fille musulmane qui vivait chez mon ami
GAL. J'accorde un plein crédit à ce qu'elle m'a affirmé.
Instituteur, issu
de l'Ecole Normale Bouzaréah, promo 1953/1957, catholique pratiquant,
beau-frère d'une religieuse, j'ai obtenu en 1957 un poste de Maître
d'internat qui m'a permis de suivre pendant 5 ans des études de
chirurgien-dentiste à la fac d'Alger, et à l'hôpital de Mustapha.
Il fallait payer mes études. Ce que j'ai fait.
Je suis marié
à un professeur d'histoire, fille du colonel Raymond, ancien
commandant du 45ème Régiment des Transmissions,
à Maison-Carrée. Ma fille est médecin de
1ère classe dans la Marine Nationale (4 galons)
et mon gendre est amiral en activité.
Je ne me considère
pas du tout comme gâteux, menteur, ou individu de mauvaise foi.
Je n'accepte pas
le terme de « ragot » utilisé par J.M. Je comprends
difficilement le cheminement de la pensée de J.M. qui consiste
à nier qu'un prêtre ancien combattant a refusé le baptême à une
jeune fille pratiquante mais d'origine musulmane.
Que J.M. sache
que je n'appose jamais ma signature au bas d'un texte dont je
ne puis garantir l'authenticité.
Ce que j'ai écrit
est la stricte vérité. Et mon Dieu ! j'ai tendance à négliger
les donneurs de leçons qui prétendent nier ce qui leur déplaît.
Toi comme moi,
nous ne nous manifestons pas pour plaire.
Mais j'ai l'impression
que tu sais encaisser mieux que moi.
Mon Cher Jean-Claude,
je te renouvelle toute mon affection et utilise cette lettre comme
tu l'entends
Gilbert LOPEZ »
EN CONCLUSION Jean
Mercadal, je n'ai pas l'intention d'entamer une polémique avec
vous.
Toutefois, j'ai tenu
à répondre à votre intervention, parce que, je le souligne encore,
je la trouve loyale. Elle m'incite à formuler une opinion sur
d'autres catégories de personnes.
De personnes étrangères
à notre combat, qui posent des questions agressives, pleines de
persiflages parfois.
On m'a demandé à maintes
reprises :
« Pourquoi
n'avez-vous pas fait tuer celui-ci ou celui-là ? »
C'est un style d'interrogations
blessant, insultant, formulées en réalité par des interlocuteurs
qui ne se rendent pas compte, encore aujourd'hui,
du drame que nous avons vécu, lorsqu'il nous a fallu prendre des
décisions dramatiques.
J'ai pris des responsabilités
que je ne renie pas, dont je ne rougis pas. Mais je tiens à dire,
une fois de plus car je l'ai dit mille fois, que je n'éprouve
aucun plaisir à évoquer la violence à laquelle, la trahison d'un
gouvernement complice historiquement de l'ennemi qui s'attaquait
à notre pays, m'a obligé de recourir.
J'ai dit, j'ai écrit,
je le redis. Je regrette profondément tous les morts dont je suis
responsable, parce que même s'il m'est arrivé d'être violent,
je n'ai jamais été sanguinaire.
Je me suis résolu
à l'action directe parce que j'ai senti dès 1954, que notre monde
occidental et chrétien était menacé. Je l'ai senti dans mes tripes.
J'ai l'impression d'avoir en quelque sorte, été frappé par la
grâce lorsque j'ai éprouvé cette sensation.
Ce que nous vivons
aujourd'hui, c'est l'accomplissement de la menace dont nous avons
perçu la réalité en Algérie française. Le monde risque de changer
dans les décennies à venir car une révolution arabo-islamique
fondamentaliste va s'efforcer de bouleverser l'assise chrétienne
de notre occident actuel.
Alors.... votre estime
à tous... voilà ce que je réclame parce que je suis convaincu d'y
avoir droit.
Jean-Claude PEREZ