Le docteur Jean-Claude PEREZ
Adhérent du Cercle Algérianiste de Nice et des Alpes Maritimes
Auteur des livres : « Le sang d'Algérie »
« Debout dans ma Mémoire »
« Vérités tentaculaires sur l'OAS et la guerre d'Algérie »
« L'Islamisme dans la guerre d'Algérie »
« Attaques et contre-attaques »
aux Editions Dualpha - BP 58, 77522 COULOMMIERS CEDEX

NOUS COMMUNIQUE SOUS LE N° 26 L'ETUDE SUIVANTE :

Contribution à l'étude du pourquoi et du comment de l'assassinat de la France Sud-Méditerranéenne (Evian 18-19 mars 1962)

LES ISLAMISTES FONDAMENTALISTES

AGISSENT-ILS EN CONFORMITE

AVEC TOUTES LES PRESCRIPTIONS DU PROPHETE ?

A/ la loi du 4 février 1919É..

Je ne suis pas un spécialiste de l'Islam.

Je ne suis riche d'aucune connaissance de la langue arabe.

Je ne suis pas un théologien.

Je ne suis qu'un praticien de médecine dite « générale ». Titulaire d'un énorme capital de vécu dramatique. Un vécu qui a bouleversé le déroulement prévu et conventionnel d'une vie bourgeoise théoriquement bien assise.

Un vécu consécutif à mon engagement clandestin dans le combat pour l'Algérie française, dès les premiers jours de la guerre d'Algérie. Le combat pour la France sud-méditerranéenne.

J'ai assumé des décisions opérationnelles, riches de passion et de violence, mais surtout d'espérance.

J'ai pris soin d'enrichir cet engagement d'une réflexion politique et philosophique progressive, et, aujourd'hui, plus actuelle que jamais. Une réflexion qui s'est progressivement étoffée à partir d'une expérience mise en œuvre au quotidien à partir du 1er novembre 1954. Une expérience qui n'était pas prévue dans le cadre de mon rôle professionnel et social : celui de médecin praticien.

C'est ce pragmatisme enrichi d'une longue réflexion politique et philosophique qui, aujourd'hui encore, me permet de comprendre à quel point le « comportement Algérie française » ou le « comportement anti-Algérie française » constituent les critères d'appréciation ultime et définitive de la « bonne santé politique » de ceux dont c'est le métier et l'ambition de faire de la politique.

Mes insuffisances théologiques et linguistiques éventuelles, néanmoins, ne m'interdisent pas de m'interroger :

1°/ lorsque l'on parle de l'Islam, pourquoi ne fait-on allusion qu'au comportement intégriste, fanatique, inquisitorial des islamistes ?

2°/ Serait-ce parce que les musulmans sont tous crédités d'un fanatisme conquérant et colonisateur ?

3°/ Pourquoi ne fait-on, pratiquement, jamais référence aux musulmans partisans de la sécularisation de l'islam et qui recherchent, eux aussi, les conditions d'un « vivre ensemble » pacifique et harmonieux ?

4°/ Question subsidiaire et nécessaire néanmoins : cette tendance sécularisationniste musulmane existe-t-elle ?

Je réponds à cette dernière question : oui, elle existe, puisque les sécularisationnistes musulmans, en tant que tels, sont condamnés à mort par les fondamentalistes, et constamment interdits de parole.

Cet anti-sécularisationnisme forcené, et surtout proclamé, ne révèle t'il pas en réalité, une attitude contraire aux prescriptions ultimes du prophète ?

C'est le sujet d'une réflexion que je vous propose par cette étude n° 26.

Aujourd'hui, on s'évertue, encore et encore, à amputer la relation historique de la guerre d'Algérie, de sa définition idéologique exclusive : une définition ethnico-religieuse, à la fois berbère et arabo-islamiste, prenant ses premières racines dans la mouvance de la Nahdah[1] d'abord, dans la société des Frères Musulmans[2] ensuite.

Un événement français s'illustre, historiquement et chronologiquement, comme une étape opérationnelle fondamentale dans la mise en place de l'appareil révolutionnaire islamiste, qui déclenchera la guerre contre la France : c'est la loi du 4 février 1919.

Dans quelle réflexion nous conduit cette loi du 4 février 1919 ?

Rappelons que ce fut le jour de publication des décrets d'application de cette loi. C'est-à-dire qu'il s'agit du jour terminal de la vie d'un projet de loi gouvernemental. Après une période d'élaboration et de rédaction. Après un vote, et en fin de parcours, après la publication du décret pris par le Président de la République dans le Journal Officiel, rendant cette loi immédiatement applicable.

Tout cela pour affirmer que la conception de cette loi remonte à une période durant laquelle la France était encore en guerre contre l'Allemagne. Il ne s'agit par des hommes politiques incompétents.

Tout au contraire, elle fut suivie des effets attendus et espérés, par les inspirateurs occultes de cette loi.

Premier effet possible : il concerne l'adhésion des musulmans, qui le voulaient, à la citoyenneté française, en vertu des facilités que leur offrait cette loi : ce fut un échec total. Je précise, ce fut un « bide » total. Mais c'est cet échec qui était officiellement et secrètement espéré. Une infime minorité de musulmans franchit le pas néanmoins, malgré les menaces de mort qui étaient proférées contre eux.

Second effet : ce fut un succès total. Il fut illustré et concrétisé par la réaction du Berbère islamiste Omar Smaïl. Celle-ci s'est traduite dans trois conséquences que nous rappelons :

1°/ la constitution des Cénacles en 1920 et la promotion de l'arabité de l'Algérie. Smaïl proclame la volonté de s'opposer à l'assimilation, à la francisation et surtout, à l'évangélisation. Il exige l'utilisation exclusive de la langue arabe littérale dans l'engagement de cette lutte.

Omar Smaïl professe ainsi publiquement son hostilité au christianisme, d'une part. Il identifie la langue arabe comme le moyen essentiel du combat contre la France, d'autre part.

2°/ le cercle du progrès en 1925 : Dans la vie associative de l'arabité rénovée, celui-ci constitue l'assise idéologique. Il soumet implicitement par la création secondaire du cercle franco-musulman, la notion de Français à la notion de Musulman. Cercle « franco-musulman » c'est un barbarisme, ni plus ni moins. Car il associe un terme évoquant une nationalité à un terme évoquant une religion. Il subordonne la notion de « français » à la notion de « musulman ». Il aurait été préférable de dire « franco-arabe » comme on dit franco-allemand » ou « franco-espagnol ».

3°/ L'association des Oulémas est fondée en 1931. Est implanté dans l'histoire de l'Algérie française le trépied révolutionnaire du cheik Ben ou Ibn Baddis. Ce trépied, « ma religion c'est l'Islam, ma langue c'est l'arabe, ma patrie c'est l'Algérie » définit le pourquoi du combat livré contre la France au nom de l'arabo-islamisme. Et de la nation algérienne, qui est inventée ce jour-là par Ibn Baddis.

On ne peut souscrire à l'hypothèse que le second effet de cette loi du 4/02/19, le raidissement islamiste, soit le résultat d'une imprévision gouvernementale.

Il faut avoir constamment à l'esprit, en effet, l'anti-catholicisme forcené du président du conseil, Clémenceau, et sa totale aversion pour l'Algérie française, dont il était avide de se défaire.

Cette loi du 4/02/19 fut l'occasion de donner vie à ses deux convictions :

-          anti-Algérie française d'une part,

-          anti-catholique romaine, d'autre part.

CONCLUSION : Dans les faits, tout s'est passé comme si l'islamisme fondamentalisme avait été installé en Algérie par des gouvernants français.

Pour éliminer, le moment venu, notre pays de cette terre, il fallait promouvoir l'islam. Pour promouvoir l'islam, il a fallu en faire tout d'abord une religion apparemment asphyxiée par l'administration française. Faire du culte musulman, soi-disant opprimé, un thème de combat au nom de la liberté religieuse.

Voilà donc où se situe, tout logiquement, la signification de la loi du 4 février 1919 : provoquer par réaction une promotion de l'islamisme en Algérie. Celui-ci étant considéré comme l'arme privilégiée pour tuer dans l'œuf le développement possible d'un plus grand christianisme méditerranéen, grâce à l'Algérie française. C'était le but recherché par les hommes de pouvoir de la IIIème République, toujours motivés par un anti-christianisme fondamentaliste.

Lorsque le sénateur de Batna, Ben Chenouf déclara à un notable de la IVème République, Monsieur Augarde, mon compatriote de Bougie « La France se débarrasse des musulmans en les cloîtrant dans la religion », ce sénateur de Batna simulait une ignorance.

Je veux dire qu'il s'exprimait comme s'il n'avait pas compris qu'en « cloîtrant » les Arabes d'Algérie dans la religion, les gouvernants français les soumettaient aux entreprises révolutionnaires de l'islamisme fondamentaliste, le moteur réel de l'anti-France, mis en route en 1920 par Omar Smaïl au lendemain de la loi du 4 février 1919.

B/ la rénovation de l'Islam

L'importance de la langue arabe, voilà ce qui frappe l'esprit quand on fait l'effort de s'approcher de l'histoire de l'islam.

Rappelons qu'elle fut choisie, au VIIème siècle, comme la langue du qoran. Langue choisie administrativement par le 3ème calife pour transcrire et faire connaître la parole de Dieu, enseignée et transmise, selon la tradition musulmane, par l'archange Gabriel au rasoul Mohamed.

Ce n'était pas, nous le savons, la langue du prophète, selon le professeur Karl Vollers de l'université d'Iéna. C'est lui qui a enseigné, lors du congrès orientaliste d'Alger de 1905, que la langue arabe fut choisie ultérieurement, bien après la mort du prophète pour diffuser son message. Mohamed ne parlait pas l'arabe.

Cette décision du 3ème calife d'imposer une langue, la langue arabe littérale comme langue exclusive du qoran, qoran qui avait été remanié auparavant par ses soins, va donner naissance à une véritable phénoménologie arabe. Car dans le combat, déclenché en dernière analyse pour la domination finale du monde, on ne peut être un musulman efficace, si on n'est pas avant tout « arabe ». Arabe, quelle que soit l'origine de la race dont on est originaire : bizantine, chaldéenne, sassanide, berbère nord-africaine, ou berbère ibérique etcÉ.

Ce fragment de notre étude, nous permet de bien comprendre le comportement arabophile, véritablement volontariste, des Berbères intégristes musulmans d'Algérie. Je veux dire que l'on comprend mieux leur conduite opérationnelle, outrancièrement arabisante, qui paraît obsessionnelle, aujourd'hui encore.

Tout s'est passé en apparence, comme si le sort de l'arabo-islamisme révolutionnaire universel était lié d'une part, au rayonnement de la langue arabe, mais aussi, d'autre part, à l'incorporation toute prioritaire de l'Algérie, un très grand territoire, dans le camp de l'arabo-islamisme anti-occidental.

Cette arabophilie exclusive définit constamment le soubassement du combat livré contre la France et contre l'Occident en Algérie.

Jamais ne se manifesta chez nos ennemis, la volonté de jeter un pont entre l'Occident et le monde arabo-musulman. Aucune recherche d'une convivialité spirituelle. On s'obstina dans une négation forcenée d'asseoir cette convivialité sur une sécularisation possible de l'islam . Refus argumenté de la sempiternelle affirmation : « Avec les Arabes, ce n'est pas possible ».

Alors j'ai cherché ailleurs.

Je lis, chaque fois que possible, quelques ouvrages sur le qoran. Aujourd'hui, ces lectures sont motivées par un intérêt historique qui se dégage aussi et surtout des préfaces ou des études préliminaires qui enrichissent parfois le contenu littéraire de ces livres.

Surtout, lorsque préfaces et études préliminaires sont rédigées par de grands universitaires français.

C'est ma formation de praticien qui m'a convaincu d'attribuer une importance de tout premier ordre à une étude préliminaire, publiée en préface d'un livre intitulé : « Le Qoran » par Grosjean, aux éditions Philippe Lebaud.

Cette étude préliminaire fut rédigée par le professeur Jacques Berque, du Collège de France.

Dans cette étude, rédigée dans une langue française éblouissante, Jacques Berque s'exhibe comme un arabophile à la fois passionné et brillamment compétent.

Il se situe, sans camouflage, dans le camp de nos ennemis. Il se révèle, en particulier, comme un admirateur inconditionnel de Ben Baddis.

Il écrit dans ce texte, une phrase dont je me permets de dire qu'elle est de toute première importance :

« Les entreprises de rénovation de l'Islam

sont prévues par les tajdid, qui selon l'adage prophétique,

doivent se produire en Islam, au début de chaque siècle »

Lorsqu'il écrit cette phrase, Jacques Berque est animé, avant tout, d'une volonté : défendre l'islam. Mais le défendre en soulignant qu'il n'est pas figé. Qu'il n'est pas bloqué comme l'a exprimé l'auteur iranien Hoveyda[3].

Jacques Berque affirme, en effet, par le contenu de cette phrase, qu'il existe dans l'Islam une indiscutable volonté d'évolution.

Plus encore, une volonté de rénovation, prescrite par le Prophète, sur injonction divine.

C'est écrit, c'est prévu par l'enseignement transmis AU Prophète. Enseignement reçu, selon les musulmans, de Djebril, l'archange Gabriel, au cours des entretiens qui se sont développés entre l'archange et le prophète. L'archange intervenant comme transmetteur de la parole divine. Jacques Berque est très précis : il exprime que selon l'adage prophétique, ces entreprises de rénovation doivent se réaliser en Islam, au début de chaque siècle.

L'adage prophétique ? De quoi s'agit-il ?

L'adage prophétique c'est le hadit. C'est-à-dire la synthèse moderne des traditions mahométanes. Une somme de réflexions, de pensées et de commentaires émanant du Prophète lui-même, et de certains califes, pour faire assimiler aux fidèles la parole de Dieu, dont il se prétend le destinataire unique.

Cette affirmation de Jacques Berque, sa conviction de grand spécialiste de l'Islam et d'enseignant supérieur de la langue arabe, entrainent une interrogation : en quoi consistent, ou plutôt en quoi ont consisté dans les faits historiques ces « entreprises de rénovation », prévues et prescrites par « l'adage prophétique », c'est-à-dire par la parole du Prophète ?

Qui dit rénovation, dit évolution, modernisation. Ce terme de rénovation n'exclut pas le terme de sécularisation ou de sécularité. Tout au contraire, il nous y conduit.

Si une rénovation a été prescrite par le Prophète, en particulier par l'intermédiaire de l'adage prophétique, du hadit, qui depuis le IXème siècle regroupe 7.275 vérités traditionnelles réunies dans le Sahih, le livre « correct » de la sunna, écrit par le cheik « traditionniste » Al Bukhari, on peut s'interroger de la façon suivante :

« Le Prophète, a-t'il été suivi dans ses prescriptions, dans ses commandements ? ». Comment se sont manifestées ces rénovations depuis quatorze siècles bientôt que rayonne le message du Prophète ?

Nous aurions dû vivre au moins 14 rénovations. En quoi ont-elles consisté ?

Nous retirons donc du texte de Jacques Berque, deux convictions :

1°/ celle d'une volonté de rénovation périodique prescrite ou plutôt commandée par le Prophète à travers l'adage prophétique ;

2°/ celle d'une non-observance, nous nous interdisons de dire d'un refus d'obéissance à l'égard de cette prescription.

Cette notion de rénovation revêt une grande importance. Elle devrait intéresser ceux qui sont animés du désir silencieux, du désir trop prudent, de voir se développer une modernisation, une sécularisation de l'Islam.


C/ « Le Prêche d'adieu du Prophète »

Dans l'entêtement que je manifeste à affirmer la possibilité de cette convivialité inter-religieuse aujourd'hui, de même que j'affirme qu'elle était possible en Algérie hier, je ne me suis pas arrêté à la lecture de ces brillantes pages du professeur Jacques Berque.

J'ai pris connaissance d'un autre écrit. Qui fait référence, lui aussi, à la parole du Prophète. Plus précisément au « Prêche d'adieu du Prophète ». Paroles prononcées par celui-ci, la veille de sa mort.

J'ai pris connaissance de ce « Prêche d'adieu » d'une manière fortuite. En 1970, un an après le début de ma nouvelle carrière parisienne, en tant que médecin praticien, je me suis offert toute une collection d'ouvrages publiés sous le titre Histoire de la civilisation en 32 volumes. Très riches d'informations émanant d'enseignants universitaires.

Il m'est arrivé, au cours d'une lecture par trop décontractée, de relever un texte parmi d'autres, je ne sais plus en quelle année.

J'ai soigneusement rangé mes notes dans un classeur de documents à étudierÉ plus tard.

Plus tard ? Je pensais alorsÉ à l'âge de la retraite.

Ce manque de sérieux a entraîné une conséquence désagréable : j'ai conservé ce texte sur lequel j'avais projeté de réfléchir et de méditer, mais j'ai oublié de noter avec précision, le numéro du tome et des pages d'où je l'avais extrait. C'est une fauteÉ. Je fais amende honorable.

J'affirme que ce texte est bien écrit dans l'un des 32 ouvrages, sous la signature d'un universitaire armé de la culture et du savoir nécessaires, mais dont je ne suis pas en mesure de préciser l'identitéÉ pour le moment.

Voici le texte du « Prêche d'adieu » de Mohamed, prononcé la veille de sa mort, tel que je l'avais relevé dans un tome de cette Histoire de la Civilisation en 32 volumes.

« J'ai peur pour ma communauté, après ma mort, de trois actions :

première action : le faux pas d'un SPECIALISTE EN SCIENCES RELIGIEUSES ;

deuxième action : le pouvoir d'un GOUVERNEMENT INJUSTE ;

troisième action : la passion de CELUI QUI SUIT MA RELIGION »

A la lumière de ce « Prêche d'adieu  du Prophète », nous nous autorisons à nous interroger de la manière suivante : où se situent aujourd'hui et où se situaient hier les intolérants ? Où se situaient, où se situent en réalité, ceux qui ont mis en pratique, sciemment et volontairement, la première discrimination ?

/ Intéressons-nous à la « première action » redoutée par le Prophète :

« Le faux pas d'un spécialiste en sciences religieuses »

Quelle est la signification de cette phrase ?

« Méfiez-vous des faux prophètes. Méfiez-vous des Oulémas intégristes. Méfiez-vous de ceux qui vont altérer mon message ».

Voilà la matière de la première crainte du Prophète, exprimée la veille de sa mort.

Mais on répliquera :

« Vous êtes oublieux et bien indulgent à l'égard de certains versets du Qoran, qui expriment parfois une violence et une agressivité de la part du Prophète que l'on ne peut nier ! Souvenez-vous aussi de la cruauté manifestée par le Prophète lui-même, lors du massacre à Médine, du clan juif des Bana Qoraiza : 600 hommes valides furent massacrés jusqu'au dernier, femmes et enfants vendus à l'Encan »[4].

Oui. Cette violence existe dans de nombreux versets. Oui le Prophète a exercé sa volonté, avec violence et cruauté, à maintes reprises.

Oui. Dans le texte sacré, l'appel à la violence est exprimé sans camouflage. Je ne le conteste pas.

Cependant, comment passer sous silence le propos d'un homme qui va mourir et qui le sait ? Qui semble remettre en cause ce qu'il avait précédemment affirmé ?

Si j'ai été partisan de l'Algérie française et de l'intégration, cela signifie que je m'étais préparé intellectuellement et philosophiquement à m'ouvrir à la compréhension de l'Islam. Sans devenir pour autant, un « islamo-maniaque » ou un « islamophile » opportuniste. Un « islamo-maniaque » ou un « islamophile » rampant. J'affirme, ici une fois de plus mon catholicisme romain convaincu, afin que nul n'en ignore.

Mais en Algérie, il fallait savoir et comprendre d'abord, pour s'entendre ensuite, et pour vivre ensemble, dans le cadre de nos institutions françaises. Dans le respect de nos convictions respectives.

Cet effort de compréhension était incontournable. Si je m'y étais refusé, il m'aurait fallu cesser le combat et partir d'Algérie.

Si, tout au contraire, j'ai pris entre 1955 et 1962 les responsabilités que j'ai assumées, c'est justement parce que j'avais tenté l'effort préalable d'essayer de comprendre.

Dans cette lecture de la première « action » redoutée par le Prophète, la veille de sa mort, je vois tout banalement une condamnation sans appel de ceux qui ont fait un usage erroné, un usage abusif de «sa » religion, donc un usage criminel. Comme l'ont fait Omar Smaïl, Ibrahim Bachir, Ben Baddis ou Hassan Al Banna et les leaders terroristes modernes.

Comme le font aujourd'hui les doctrinaires des Epitres jihadiens d'Al Qaïda.

/ La deuxième action redoutée par le Prophète.

Dans cet appétit forcené de vouloir comprendre, j'ai bien évidemment cherché la signification de la deuxième « action » redoutée par le prophète. A quoi pensait le rasoul lorsqu'il redoutait, avant sa mort « le pouvoir d'un gouvernement injuste » ?

Surement pas à un gouvernement qui aurait été animé de la volonté d'interdire le déploiement de sa religion, en Arabie, la terre de son rayonnement et de son activité, jusqu'en 632, l'année de sa mort. Car il suffit de se souvenir de l'implantation vigoureuse et souvent sanguinaire, de l'islam sur cette terre, pour se rendre compte que, parmi les religions inspirées du message d'Abraham qui s'exprimaient en Arabie, terre très faiblement peuplée à cette époque, l'islam a bénéficié de conditions d'implantation optimales, parmi lesquelles il faut souligner, sans cesse, l'adhésion décisive des ariens, enrichie par l'attitude complice des donatiens et des nestoriens qui ont favorisé le rayonnement intellectuel de l'islam. En Arabie d'abord, puis au Proche et au Moyen-Orient. Et plus tardÉ ailleurs. Les nestoriens, comme les donatiens, ne se sont pas convertis. Mais dans le souci de combattre le catholicisme romain, ils ont traduit le qoran en grec. Par ce biais, ils ont favorisé très fortement le champ d'extension de la nouvelle religion au sein d'un monde intellectuel anti-catholique très militant, riche d'une culture philosophique et scientifique préexistante à l'islam. Un monde intellectuel réparti au Proche-Orient, au Moyen-Orient et ailleurs.

L'élite anti-catholique s'est emparée de ce nouveau message, diffusé d'abord en grec, il faut le souligner encore. Car l'islam offrait, en effet, une structure révolutionnaire immédiatement adaptée et compétente pour combattre le christianisme romain, là même où celui-ci était affaibli, en particulier et avant tout, par les ariens.

Mohamed, en 632, le jour précédant sa mort, ne pouvait, quant à lui, redouter dans son pays, qu'une seule dictature : une dictature théocratique, générée et instaurée par les propagateurs de son propre message, sur sa terre d'Arabie et sur les territoires voisins.

Lorsqu'il manifesta ses craintes à l'égard « du pouvoir d'un gouvernement injuste » il ne pouvait penser qu'à eux, car eux seuls exerçaient le gouvernement et détenaient le pouvoir sur des terres où l'islam évoluait.

3°/ la troisième « action » : « La passion de celui qui suit ma religion »

La troisième action redoutée par le Prophète à ce moment ultime de sa vie, vient enrichir ce que l'on peut dégager de sa pensée, telle qu'elle s'exprime dans l'évocation de la deuxième « action » qu'il redoute.

Il redoute « la passion de celui qui suit sa religion ». C'est la responsabilité d'un chef agonisant qui s'exprime. D'un chef qui invite à la modération ceux qui seraient tentés d'altérer le message que lui-même a transmis, par un excès de zèle aux effets redoutables. Un excès de zèle qui risque d'aboutir au fanatisme.

La passion que redoutait Mohamed, est illustrée aujourd'hui, tout particulièrement par Al Qaïda, les Kamikazés, les massacres collectifs. Elle s'était illustrée dans l'histoire par des génocides successifs. Celui de Serbes de 1800 à 1830, de Grecs de 1821 à 1830, de Syriens et de Libanais chrétiens, de 1840 à 1860, de Bulgares de 1850 à 1875, d'Arméniens à maintes reprises jusqu'en 1915.

Massacres effectués à l'initiative de « gouvernements injustes » animés de « passions malsaines » qui étaient sous l'influence de ceux qui se considéraient comme des « experts en religion ».

Qui, aujourd'hui, semble avoir entendu parler de ce « Prêche d'adieu » ? Quels sont les auteurs, les partisans du dialogue qui le revendiquent aujourd'hui avec respect et pudeur, comme je crois le faire moi-même, pour nourrir l'effort de l'entente interconfessionnelle ?

Qui méprise la France, l'Europe et l'Occident, qui les déteste au point de refuser de se servir des moyens d'action que nous offre l'histoire ?

De toute évidence, le « Prêche d'adieu du Prophète » s'illustre comme un moyen d'action de valeur à ne pas négliger.

Nous l'avons ignoré en Algérie française. Nous l'ignorons aujourd'hui dans le monde entier.

D/ A propos de : « L'égalité des chances »

En 2005, le Ministre de l'Intérieur français est intervenu dans une cité à risque. Il a précisé ses convictions en déclarant en substance :

« nous n'accorderons jamais aux musulmans de France, dans la pratique quotidienne de leur culte, des privilèges qui, en d'autres temps, ont été refusés aux Juifs et aux Chrétiens de France ».

Les privilèges, les musulmans de France, d'Algérie et d'ailleurs, les connaissent depuis longtemps. Car est un privilégié celui qui ose vous dire au nom de sa foi : « Vos lois, je ne veux pas m'y soumettre, parce que, pour moi musulman, ce n'est pas possible ».

Il s'agit là de la formulation d'un privilège ultime. Ou tout au moins, d'une revendication dont il faut dire qu'elle ne se justifie en rien dans le monde occidental moderne, à moins d'en bouleverser les fondements. A moins de le soumettre à la volonté d'Al Qaïda.

L'effort à faire, pour des gouvernants conscients du problème, c'est enregistrer une fois pour toute cette certitude, dans notre société française et occidentale : « l'égalité des chances » n'est envisageable que dans la mesure où s'élabore et où se consolide une égalité totale dans l'expression citoyenne et dans le vécu quotidien des différentes religions qui s'expriment en France.

« Croyez en Dieu, mais dans le respect et dans l'amour de la France, de nos institutions et des autres religions qui se pratiquent dans notre pays. Sinon, partez ! Nous n'imposerons jamais aux autres, et nous refuserons de nous y soumettre, l'objectif Jihadien qui impose la subordination obligatoire du vaincu au vainqueur, dans sa civilisation et dans sa culture ».

L'égalité, donc la fraternité et finalement la liberté, exigent l'incorporation des religions à l'intérieur du cadre de la laïcité. Elle seule permet de donner tout son relief au respect des convictions des uns et des autres.

L'Algérie française fut une occasion unique. Comme un astre très lointain, disparu depuis longtemps et à jamais éteint, elle nous transmet encore une lumière persistante, une lumière nécessaire et suffisante encore, pour la recherche d'une solution.

Les femmes et les hommes politiques modernes, dans leur immense majorité, ne semblent pas animés de la volonté de tirer profit de cette lumière transmise à partir de cet astre à jamais éteint.

Personne ne veut tirer la leçon du lamentable désastre subi hier, pour éviter de connaître le même aujourd'hui.

Le refus de l'Algérie française s'est exprimé par un dédain émanant d'hommes politiques incultes et ignares. Un dédain à la fois bourgeois et souverain.

Un dédain élaboré et développé à partir de la dynamique révolutionnaire d'un capitalisme satanique, qui cherche sa survie dans sa soumission aux banques arabes. Un dédain secrété à partir de l'incompétence et de la fausse grandeur gaullistes, alimentées de la haine de l'Algérie française. D'un dédain élaboré en toute priorité à l'égard de notre collectivité française non musulmane d'Algérie.

Cette collectivité de pieds-noirs a servi de bouc émissaire. Parce que nous voulions la France, parce que nous n'étions pas des renégats de notre Patrie, on a pris le risque de sacrifier notre peuple pied-noir sur l'autel de l'anti-Occident.

Ce peuple a réagi. Par l'intermédiaire d'une minorité. Heureusement pour lui, pour son histoire et pour son honneur. Un combat ultime fut livré. Un combat du passé certainement mais aussi un combat avertisseur des confrontations futures.

Un combat qui, de l'agonie vécue en Algérie française hier, nous projette vers une nouvelle espérance aujourd'hui.

La bibliographie de cet article peut être retrouvée dans le livre

« ATTAQUES ET CONTRE-ATTAQUES »

« Vérités tentaculaires sur l'OAS et la guerre d'Algérie II »

Chapitre XX et Chapitre XX

Et la Bibliographie générale de l'ouvrage

Jean-Claude PEREZ

Nice, le 8. décembre 2009

« Jour de l'Immaculée Conception de Marie »



[1] Nahdah : Renaissance de l'Islam créée après la bataille des Pyramides. L'émir libanais chékib Arslan fut l'un de ses membres les plus importants dès le début du XXème siècle. C'est lui qui, à partir de Genève, le 7 mai 1945, lança l'ordre du Jihad qui provoqua les émeutes de Damas et des Hauts Plateaux Sétifiens le 8 mai 1945.

[2] Frères Musulmans : organisation intégriste fondée en 1928 en Egypte par le leader islamiste Hassan El Banna.

[3] Hoveyda : voir bibliographie du livre « Attaques et Contre-Attaques »

[4] D'après Edouard PERTUS, « La connaissance élémentaire de l'Islam ».

Mis en page le 9/12/2009 par RP