« LE PRINTEMPS NOIR
7 avril 1962 »
7 avril 1962. Jour
tragique dans l'histoire de l'O.A.S.
Je me trouve dans
l'un de mes P.C., au premier étage d'un des quatre immeubles de
la Robertsau, boulevard du Télemy à Alger. C'est un appartement
de trois pièces, dont le vestibule d'entrée est assez spacieux.
Quand on y pénètre, on remarque à gauche de la porte d'entrée,
un placard très profond. Mon cousin Cavallo l'a divisé en deux
parties, grâce à une cloison de contreplaqué, qu'il a peinte en
blanc et contre laquelle il a disposé des étagères. De cette façon
rudimentaire, est aménagée une cache, pour des armes, des documents
et en cas d'urgence, pour des personnes.
Ce jour-là, et ce
ne fut pas la seule fois, une cache me sauva la vie. La cache
de la Robertsau. Celle-ci a sauvé aussi, et c'est important de
le souligner, la liberté de quatre de mes frères d'armes. Elle
aurait vraisemblablement sauvé la vie de Degueldre s'il avait
pris le parti d'en faire usage.
Il est environ deux
heures de l'après-midi, ce 7 avril 1962. J'ai convoqué, et j'attends
plusieurs adjoints importants, pour une réunion de travail dont
l'urgence est imposée par les évènements très graves des semaines
précédentes :
-
le siège de Bab-El-Oued,
-
la fusillade de la rue d'Isly,
-
l'implantation d'un maquis O.A.S. dans l'Ouarsenis,
-
l'arrestation à Oran de Jouhaud, Camelin et Guillaume,
-
et surtout, le « cessez-le-feu du 19 mars ».
J'attends Roger Degueldre.
En temps normal, nous nous voyons chaque jour pour une séance
de travail d'environ deux heures, sauf le dimanche.
Je précise que cette
interruption de contact dominical n'est pas motivée par le besoin
d'un repos hebdomadaire. C'est en effet pour moi, la journée idéale
pour faire le point de la semaine écoulée et pour préparer les
directives générales dont seront destinataires les chefs des trois
sous-branches de l'O.R.O. :
-
le B.A.O. (Bureau d'Action Opérationnelle) dont Degueldre
est le chef,
-
le B.C.R. (Bureau Central de Renseignement) dont le chef
est « Lima »,
-
le B.A. (Bureau d'Appui) de création récente, dirigé par
Nicolas Gely.
Le dimanche est aussi
l'occasion d'exceptionnelles prises de contact avec des personnalités
qui, la plupart du temps, viennent de métropole.
Parmi celles-ci, Raoul
Mounet, ancien de l'E.N.A., ancien sous-préfet, ancien F.T.P.
[1], « ancien »
des services spéciaux. Il était donc venu me proposer, en plus
de ses propres services qui étaient déjà acquis, ceux du Colonel
F., ancien patron du S.D.E.C.E. Cet officier, dont nous dirons
selon l'usage, qu'il faisait partie du cadre de réserve, prétendait
rejoindre l'O.A.S. au début de l'année 1962. Raoul Mounet m'était
adressé par une équipe parisienne que je connaissais bien et en
laquelle j'avais toute confiance. Cette proposition était donc
sérieuse. J'en informai Godard qui ne s'opposa pas à une prise
de contact. Mais l'affaire tourna court en raison des réticences
affolées de Ferrandi et autres, qui entraînèrent une réponse évasive
et finalement dilatoire de la part de Salan.
Revenons au 7 avril
1962.
J'attends aussi Nicolas
Gely. C'est un ingénieur agronome, mon cadet de six mois, ancien
directeur du célèbre Domaine de la Trappe. Dans le cadre de l'O.A.S.,
il commande le secteur du Sahel, c'est-à-dire la zone rurale située
à l'ouest d'Alger, qui va bien au-delà de Zéralda. Ses compétences
techniques, son remarquable sens de l'organisation m'ont conduit
à lui attribuer, comme je l'ai signalé, des fonctions importantes
au sein de l'O.R.O.
J'ai évoqué les noms
de ces deux hommes, Gély et Degueldre, car le 5 avril 1962, ils
prirent tous les deux une initiative inhabituelle. En fin d'après-midi,
presque à la tombée de la nuit, ils prirent contact avec moi en
utilisant une procédure d'urgence. Ils vinrent me trouver, dans
cet appartement de la Robertsau, accompagnés d'un légionnaire
« en cavale ». Celui-ci ne savait pas qui j'étais et
personnellement, je n'ai pas voulu connaître son nom. Il avait
déserté le maquis de l'Ouarsenis. Il était venu se plaindre auprès
de Gely qui l'avait conduit à Degueldre. Se plaindre de quoi ?
« Des revues de paquetages », disait-il, imposées par Montagnon aux hommes du maquis.
Cette information
ne me paraissait pas justifier un contact à mon échelon. Je demandai
à Degueldre :
« quelle est,
d'après toi, l'importance de cette information ? »
« Elle signifie
que ce maquis ne tiendra pas longtemps », répondit Degueldre.
Je lui fis savoir
que nous nous tenions informés du mieux possible de l'évolution
de ce maquis. Je lui demandai dans l'immédiat, de prendre les
mesures, adéquates et définitives, qui s'imposaient afin que son
légionnaire ne fût pas « nuisible ». La suite des évènements prouva qu'il n'en fît rien.
Une fois de plus,
revenons à la réunion du 7 avril 1962.
Jacques Achard était
attendu à cette réunion. Il devait présenter un rapport sur la
situation du secteur Alger-Marine après l'affaire de Bab-El-Oued.
Le capitaine Mura
était convoqué parce que je voulais savoir comment se déroulait
son nouveau commandement dans le sous-secteur d'El-Biar-Bouzaréah.
J'avais demandé à
Norbert Phal d'être aussi présent à cette réunion. Avec Serge
Jourde, il dirigeait, avec compétence et efficacité, le secteur
ouest-Mitidja. Ce territoire, centré sur Blida, s'étendait vers
l'ouest jusqu'à la limite de la Z.O.A. (Zone Ouest Algéroise ).
Cette dernière était
dirigée et organisée de main de maître par Georges Robert, alias
« le Chinois ».
Je ne laisse pas passer
l'occasion d'une digression et de raconter une anecdote à son
sujet. Il disposait d'une fausse identité, empruntée à une personne
existante dont il ignorait tout, évidemment. Grâce à des complicités
municipales et administratives, il avait pu établir de faux papiers,
qui offraient toutes les garanties d'authenticité. Ce qui lui
permettait d'exercer son commandement en toute sécurité.
Un jour, catastrophe !
Au cours d'un contrôle
de police, contrairement à toute habitude, il fut arrêté à cause
de cette identité. Cette arrestation était tout à faire étrangère
à son rôle de chef de zone de l'O.A.S. Il s'agissait tout simplement
de l'exécution par les gendarmes départementaux, d'un mandat d'arrêt
délivré par le Parquet d'Orléansville contre le véritable titulaire
de l'identité qu'utilisait Georges Robert. Il s'agissait d'un escroc recherché par la police
judiciaire. Georges Robert fut donc incarcéré à la prison d'Orléansville.
Quand les magistrats furent informés de la véritable identité
de celui qu'ils avaient mis sous mandat de dépôt, ce fut l'affolement.
Mais tout fut mis en uvre pour une levée d'écrou dans les plus
courts délais.
Cette anecdote démontre
l'énorme réseau de complicités que Georges avait su organiser,
non seulement dans les milieux administratifs, mais aussi dans
le monde judiciaire.
Enfin, le capitaine
Branca était lui aussi attendu à cette réunion du 7 avril 1962.
Nous le sûmes au dernier
moment, car, en principe, il devait commander notre tentative
d'implantation d'un maquis dans l'Ouarsenis.
En cours de route,
il donna une autre orientation à sa mission. Le bruit courait
en effet que le colonel Dufour, ancien commandant du 1er
R.E.P. était sur le point de rejoindre l'O.A.S. en Algérie. Cette
adhésion tardive, qui s'est vérifiée quelques semaines plus tard,
laissait espérer que des évènements sérieux se préparaient au
sein des unités de la Légion Etrangère. Certains officiers du
1er Régiment d'Infanterie avaient fait savoir à Branca
que sa présence était nécessaire à Sidi-Bel-Abbès pour entraîner
l'adhésion de leur colonel à un mouvement insurrectionnel contemporain
de l'opération de l'Ouarsenis. Un mouvement insurrectionnel dirigé
contre l'A.L.N.
Capitaine ancien,
exceptionnellement décoré, personnalité légendaire dans la Légion,
Branca était tout indiqué pour prendre contact avec le colonel
commandant d'armes à Sidi Bel Abbès. Il ne fut pas reçu et cette
démarche fut un échec.
Cette péripétie appelle
de ma part une mise au point. Il ne faut pas s'étonner qu'un responsable
de l'O.A.S. pût sortir du cadre des directives reçues et pût changer
de cap en cours de mission. N'oublions pas que c'était une organisation
clandestine, lourde, difficile à diriger et qu'elle était l'objet
d'une chasse impitoyable.
La discipline militaire,
au sens strict du terme, ne pouvait lui être applicable. Dans
le cadre des directives générales, un responsable pouvait prendre
des initiatives. Il lui était loisible de ne pas exécuter un ordre
si, une fois sur le terrain, celui-ci lui paraissait impossible
à exécuter, voire tout banalement inopportun. Parfois, se présentait
l'occasion d'une initiative imprévue dont le responsable avait
décidé qu'elle devait être tentée. La difficulté des liaisons
rendait inéluctable cette façon d'opérer.
L'absence de Branca,
à la tête du commando de l'Ouarsenis était donc parfaitement légitime.
D'autant plus que le capitaine Montagnon jouissait
de toutes les compétences, de toues les qualités pour mener du
mieux possible cette opération. Il n'aurait pas manqué de le faire,
avec un résultat différent, si tout s'était déroulé comme prévu,
et s'il n'avait pas été privé des appuis militaires que l'on nous
avait promis de faire intervenir.
Nous sommes donc,
ce 7 avril 1962, au Telemly, dans le centre d'Alger, sept présents
autour d'une table rectangulaire. Dans cet appartement du 1er
étage d'un immeuble de la Robertsau.
Au bout de la table,
face à l'une des deux fenêtres, celui qui a convoqué la réunion
et qui la dirige : moi-même.
A ma gauche, Degueldre
et Norbert Phal, à ma droite Gely, Mura, Achard. En face de moi,
debout, Branca : celui-ci s'asseyait rarement.
Avant d'entrer dans
le détail du déroulement de cette réunion, il me paraît encore
indispensable d'évoquer quelques absents. Parmi les chefs de l'O.R.O.,
je rappelle l'existence de celui qui était mon second, Gérard
Dufour. Nous étions convenus qu'il devait se ternir à l'écart
des réunions quand le nombre des participants était important.
Mais il était toujours tenu informé, dans le détail, de ce qui
s'y décidait et cela, dans les plus brefs délais. C'est lui en
effet, qui, en cas de malheur, devait me succéder.
A propos de Gérard
Dufour, voici une anecdote qui illustre d'une manière significative
le drame quotidien que nous vivions.
Vers la fin de l'année
1961, une équipe de policiers métropolitains, volontaires de
la lutte anti O.A.S., fut mise à la disposition du Délégué Morin. Ils formèrent
une brigade qui fonctionnait à l'échelon de la Délégation. Le
service de l'identité judiciaire d'Alger leur avait préparé des
cartes de fonction, de forme particulière, qui leur donnaient
des prérogatives de commandement sur les autres formations policières
traditionnelles. Quelques heures plus tard, nous sûmes
tout sur ces documents. Grâce
à notre « réseau police », il fut possible à plusieurs
d'entre nous, de s'attribuer une de ces cartes, porteuses de tous
les détails d'état civil concernant ces volontaires de la lutte
anti O.A.S. Seule la photo différait. Chacun de ces fonctionnaires
avaient en somme un double au sein de l'O.A.S. Personnellement,
j'étais le double d'un fonctionnaire originaire du Mans, et pour
compléter ma couverture (l'une parmi tant d'autres), je pus me
faire adresser de métropole un extrait de naissance de l'officier
de police dont je m'étais attribué grade et qualité. Mon second,
Gérard Dufour, jouissait d'une couverture analogue.
Un jour, je vis arriver
Gérard à notre séance de travail du matin. Taciturne, la mine
allongée, bouche crispée, bref une sale tête pour ne pas dire
une sale gueule. Le Gérard des mauvais jours.
-
« ça ne va pas, lui demandais-je ?
-
Pas du tout !
-
Puis-je savoir ce qui cloche ?
-
Je suis mort ! »
me dit-il, en lançant
rageusement un quotidien sur la table.
L'explication de sa
tête d'enterrement était évidente. Le policier dont il portait
le nom, avait été tué la veille dans le quartier de Belcourt,
alors qu'il serrait de trop près le commandement de l'O.A.S. de
ce quartier. Cette opération privait donc Gérard d'une excellente
couverture dont il avait appris à se servir avec beaucoup d'aisance.
Etait aussi absent,
comme toujours, le chef du B.C.R., « Lima ». C'était
le chef de la deuxième branche de l'O.R.O.. « Lima »
était un ancien parachutiste, héros de la deuxième guerre mondiale.
Il n'était point besoin de lui prescrire la prudence. Il organisait
son bureau d'analyse et ses filières de renseignement de main
de maître. Seuls, quelques membres peu nombreux du B.C.R. étaient
clandestins. Le reste de son effectif opérationnel était constitué
dans sa grande majorité, de militants clairs et non identifiés.
Pour illustrer l'efficacité de Jean, voici une anecdote fort instructive.
Au mois d'avril 1962,
les forces anti-O.A.S. utilisaient comme technique de contrôle
le ramassage de tous les automobilistes sur un trajet donné. Tous
les conducteurs et passagers étaient conduits dans des baraquements
prévus à cet effet. Pendant deux jours, les identités étaient
passées au peigne fin. Lima fut arrêté de cette manière, au boulevard
Galliéni. Il resta deux jours entre les mains de la gendarmerie.
Il s'en tira néanmoins sans encombre, comme tout bon citoyen doté
de documents d'identité irréprochables. Ainsi, les forces de l'ordre
avaient tenu entre leurs mains, pendant quarante huit heures,
et sans le savoir, le chef du service de renseignement de toute
l'O.A.S.
Je ne sais s'il est
important de revenir sur le déroulement de cette réunion du 7
avril 1962. Nous étions encore sous le choc, comme la population,
d'une série de coups durs d'une importance dramatique :
-
la fusillade du 26 mars qui remontait à quelques jours,
-
l'arrestation à Oran de Jouhaud, Camelin, Guillaume,
-
surtout, le cessez-le-feu du 19 mars qui avait radicalement
modifié les données du problème,
-
enfin, les enlèvements d'Européens qui avaient débuté
en février, devenaient de plus en plus nombreux et étaient très
mal vécus par la population et par nous-mêmes.
Tout cela explique
peut-être que notre vigilance ait été mise en défaut. A un moment
donné, la décision fut prise de mettre fin à la réunion. Comme
chaque fois, les départs s'effectuaient un par un, de dix minutes
en dix minutes.
Le premier à sortir
fut Achard, accompagné à la porte par l'une de nos deux hôtesses,
Edmée. Celle-ci revint, secouée par un rire nerveux :
« il y a deux gendarmes sur le palier, ils ont laissé passer
Achard ». Il faut souligner
ici le sang froid d'Achard qui ne marqua aucune surprise à la
vue des deux gendarmes et qui continua son chemin avec une tranquillité
impressionnante.
« Ils ne sont
que deux, c'est tout ? »
questionna Degueldre, en riant, mais d'un air plein de mépris.
Il n'avait rien compris.
Nous non plus.
Deux secondes plus
tard, il nous suffit de regarder prudemment à travers les fenêtres
pour nous convaincre que nous étions cernés, le quartier étant
bouclé par des véhicules de la garde mobile.
On ne peut dire qu'il
y avait eu imprudence de notre part.
En effet, habituellement,
chaque fois qu'un élément de gendarmerie mobile faisait mouvement,
il était accompagné tout le long de son trajet de coups de sifflets
avertisseurs qui partaient des fenêtres et des terrasses voisines,
sur le tempo Al-gé-rie-fran-çaise. Or, cette fois, les sifflets
étaient restés silencieux parce que les véhicules s'étaient approchés
un par un, en catimini. Ajoutons que les évènements tragiques,
que nous avons relatés plus haut, avaient atténué le mordant et
l'esprit de vigilance du peuple d'Alger.
Bref, nous étions
coincés. Il fallait prendre des décisions d'urgence. Les documents
furent jetés dans des seaux remplis de javel pure. Les fenêtres
furent ouvertes. Edmée et sa sur Annie mirent de la musique.
Pendant que la boue des documents était évacuée par la cuvette
des cabinets, l'appartement était ventilé et une belle musique
viennoise s'échappait par les fenêtres. Tout cela fut réalisé
en quelques secondes.
Mais le geste le plus
important fut l'ouverture de la cache.
On l'a souvent décrite :
une fausse cloison avec une trappe à sa partie inférieure, permettant
de passer en rampant. Degueldre refusa d'y entrer. Je dis bien,
Degueldre refusa d'entrer avec les autres,
alors que l'opération de gendarmerie n'avait pas encore commencé.
Elle n'en était qu'à la mise en place de son dispositif. Il exigea
d'Annie qu'elle ouvrît la porte palière et sortit.
Il n'y avait plus,
cette fois de gendarmes sur le palier.
Nos hôtesses, avec
beaucoup de sang froid, achevèrent le nettoyage de l'appartement.
Elles changèrent de vêtements, se mirent en robe de chambre comme
si elles se levaient d'une sieste. L'une d'elles fit couler un
bain et elles ne cessaient de s'interpeller à voix haute, d'une
pièce à l'autre. Elles furent admirables de courage et de calme.
Nous étions donc cinq
dans la cache : Branca, Mura, Gely, Phal et moi-même. Il
y avait encore de la place pour au moins deux personnes, même
si l'exiguté du local nous contraignait à rester debout et à
réduire l'amplitude de nos respirations. Les jeunes filles, se
mirent à garnir les étagères du placard de lingerie féminine et
intime selon un plan d'action préalablement établi.
C'est à la sortie
de l'immeuble que Degueldre
fut arrêté. Nous savons que, lorsqu'il fut interpellé, jouant
un rôle d'homme galant, il refusa de dire d'o il venait. Nous
savons aussi qu'il fut immédiatement identifié mais qu'afin d'éviter
de sa part un geste désespéré, les gendarmes firent mine de croire,
avec un acquiescement bonhomme, à l'identité qu'il déclina :
-
mais oui, Monsieur Esposito. Venez par ici, Monsieur Esposito ;
il n'y en aura pas pour longtemps.
Et Degueldre se laissa
tromper par le caractère apparemment routinier de son interpellation.
Ce n'est qu'après
avoir neutralisé le chef du B.A.O. que les gendarmes commencèrent
la perquisition.
En commençant ... par
l'appartement voisin.
C'était logique.
Le nôtre était habité.
Cela se voyait, cela s'entendait, alors que l'autre appartement,
avec ses volets clos et son silence absolu,
pouvait paraître plus suspect. Ils fracturèrent donc la porte
à grand bruit, fouillèrent l'appartement voisin et, n'y trouvant
personne, se dirigèrent vers le nôtre.
Nous les entendîmes
sonner et entrer dans l'appartement.
Je précise qu'à ce
moment-là, je ne me sentais rien de commun avec un Bayard ou un
Duguesclin, car je n'étais séparé des fossés de Vincennes ou de
Montrouge, que par une simple planche de contreplaqué.
La perquisition ne
donna rien et la maréchaussée s'en fut.
Je me souviens encore
de l'expression de Branca : « pour eux c'est branlé ». Quand les camions et les jeeps furent partis, les jeunes
filles ouvrirent le placard ; nous étions de nouveau à l'air
libre. Nous apprîmes alors l'arrestation de Roger. Nous étions
dans une telle série noire, que nous n'eûmes pas le temps de nous
lamenter.
Voilà comment s'est
déroulée dans les faits, l'arrestation de Degueldre.
A qui la faute ?
Au légionnaire qui
avait été amené dans cet immeuble deux jours plus tôt. Il avait
été arrêté et il avait parlé. Il avait pu localiser l'immeuble
mais non l'appartement.[2]
A Degueldre lui-même,
parce qu'il refusa d'entrer dans la cache.
Aujourd'hui encore,
j'ai l'intime conviction que le lieutenant Giudicelli qui dirigeait
l'opération de police ne l'aurait pas cherché par tous les
moyens.
Le sort qui fut le
nôtre, celui des 5 rescapés et quels rescapés ! démontre
que la procédure de « cache » était logique, judicieuse
et intelligente, puisque je suis en mesure, aujourd'hui, de vous
relater l'événement.
Jean-Claude PEREZ
Le 26 juin 2010
D'après « le
Sang d'Algérie » et « Attaques
et contre-attaques »
Aux Editions Dualpha
Disponibles à Primatice
Diffusion