Etude 50/37
30 juillet 2010
à Grenoble
un discours présidentiel à haut risque
car....
« ... la nature a horreur du vide .... »
Le 30 juillet 2010,
dans la capitale iséroise, le Président de la République a prononcé
un discours. Selon une terminologie abondamment empruntée, la
finalité de ce discours était nourrie, avant tout, d'une
détermination sécuritaire.
Justifier avec
vigueur une volonté de prévenir et surtout d'interdire la survenue
d'actions violentes, consécutives à la mort d'un truand, abattu
par la police après un braquage, telles apparaissaient, clairement
formulées, les intentions du Président de la Ve République.
Actions violentes,
nous voulons dire :
saccages multiples,
incendies provoqués, peuple des banlieues terrorisé mais surtout,
des tirs d'armes à feu contre les policiers.
Nous évoquons par
cette énumération un ensemble de « manifestations »
qui, en dernière analyse, s'identifie purement et simplement
à des opérations de guerre civile.
Animé de la volonté
de vaincre, une fois pour toutes ces opérations répétitives
et orchestrées de guerre civile, le Président a formulé une
précision ... de la plus haute signification politique et historique.
En effet :
il affirme, en
substance, que ces évènements de Grenoble illustrent un échec.
Un échec... oui...
mais de quoi ?
« Un échec
de l'intégration ».
Il s'agit, en cette
circonstance très ponctuelle, d'un propos doté d'une portée
insoupçonnée. Je n'ose pas dire d'un propos imprudent. « Propos
imposé par les circonstances » me répliquera-t-on.
Certes. Il n'en
reste pas moins vrai que ce propos est fondamentalement riche
d'un diagnostic historique de la plus haute gravité, précisons-le
encore, pour l'avenir de la France. Diagnostic posé par le Président
lui-même et en public.
Et ce constat « d'échec
de l'intégration » nous incite, en toute modestie,
à proposer un enrichissement sémantique que nous estimons
nécessaire de formuler à notre tour.
En effet, un constat
de « l'échec de l'intégration », affirmé
par la plus haute autorité de la République, aurait une signification
à la fois logique et précise. Celle de frapper d'une nullité
soudaine des liens que la France ne peut cependant éviter de
nouer et d'entretenir,
-
non pas avec des étrangers qui vivent en France,
-
mais avec des millions de nationaux-citoyens français
d'origine étrangère, nés en France, pour la plus grande
majorité d'entre eux.
Fils d'étrangers
qui sont nés Français à partir du moment où ils ont vu
le jour sur un territoire français.
Cette accession
à la citoyenneté par la naissance sur le sol français est une
vieille histoire. Celle-ci reste l'objet cependant, d'interprétations
« déraisonnables », qui nous imposent un retour
vers l'arrière de l'Histoire.
En Algérie, à partir
de 1889, tous les étrangers, ou plus exactement tous les fils
d'étrangers, qui naissaient sur ce territoire algérien-français,
jouissaient de la citoyenneté française. En réalité, tout s'est
passé comme si, grâce à cette loi, on prétendait ou on espérait
faire de l'Algérie, une terre providentielle, « une
terre à fabriquer des Français ».
Une question :
quel était alors, à cette date, le statut « des indigènes
d'Algérie » ?
Une précision avant
de répondre :
jusqu'en 1870,
en Algérie, on désignait sous le nom d'indigènes, les
autochtones de confession juive et de confession musulmane.
Des autochtones qui, dans une immense majorité, ne jouissaient
d'aucune nationalité avant l'arrivée des Français.
Des autochtones
qui n'étaient pas de « nationalité turque ».
Des autochtones
qui étaient apatrides sur la terre de leur naissance, sur la
terre de leurs ancêtres.
Cette constatation
a entraîné une conséquence administrative immédiate. II a fallu
attribuer une nationalité aux autochtones juifs et musulmans
d'Algérie.
Celle-ci ne pouvait
s'identifier à rien d'autre qu'à la nationalité française,
puisque l'Algérie était un territoire français. Les indigènes
d'Algérie n'en connaissaient aucune autre avant l'arrivée des
Français. Il était nécessaire, en conséquence, de combler ce
vide juridique par une disposition administrative elle-même
dotée de la force d'une loi.
Précisons qu'il
ne s'agissait nullement de la citoyenneté française,
en raison de la volonté :
- des uns à rester
soumis au code coranique dans tout ce qui relevait du code civil
en particulier ;
- des autres à rester
soumis au code mosa•que dans tout ce qui relevait du code civil.
Plus tard, à partir
de 1870, après le décret Crémieux, les juifs furent incorporés
autoritairement à la citoyenneté française. Celle-ci imposa
à cette communauté, religieusement définie, une soumission sans
réserve au code civil français et bien évidemment à l'ensemble
du Droit français.
En ce qui concerne
les musulmans, insistons encore, ils jouissaient de la nationalité
française mais non de la citoyenneté, en raison de
leur volonté obstinée de rester soumis au code coranique et
à lui seul, dans le domaine du code civil. Ils n'étaient pas
citoyens mais sujets français.
La nationalité française
apparaît ainsi, historiquement, comme la seule nationalité
d'origine que peuvent revendiquer les Algériens d'aujourd'hui,
ceux qui vivent en Algérie, qui elle-même est née de la France,
la mère accoucheuse de l'Algérie, qu'on le veuille ou non.
Mais ces nationaux
français-non citoyens étaient astreints néanmoins à se soumettre
aux exigences du code pénal français et à celles du droit constitutionnel
français.
En 1912, une loi
complémentaire fut votée. Elle imposait aux nationaux français-non
citoyens, c'est-à-dire aux sujets français, de se soumettre
au devoir de conscription.
Durant cette
même période, à partir de 1889, les fils d'étrangers, qui dans
leur immense majorité n'étaient pas musulmans, naissaient avec
le statut de citoyens français. C'est-à-dire qu'ils jouissaient
d'une citoyenneté que leur pratique religieuse, chrétienne pour
l'immense majorité d'entre eux, leur faisait accepter sans réticence.
Cette disposition
avait une conséquence immédiate de la plus haute importance :
l'accession de ces
enfants, nés citoyens français, à l'école communale française,
sans obstacle administratif. Par ce biais, ils étaient incorporés,
dès leur enfance, dans une dynamique de culture française.
Soulignons que 90
% au moins des « citoyens-français-par-le-sol »
décidèrent de conserver cette citoyenneté française au moment
légal et obligatoire du choix définitif : c'est-à-dire
au moment de leur majorité comme le stipulait la loi de 1889.
Une minorité cependant
a choisi de « renier cette nationalité » selon
la terminologie consacrée et utilisée dans les bureaux du consulat
de leur terre d'origine, et de réintégrer ainsi la nationalité
de leurs parents.
Une précision :
ceux qui, dans leur
immense majorité, par un acte de volontariat ont conservé leur
citoyenneté-française-par-le-sol, ont eu l'occasion de la
confirmer par « le devoir-du-sang-risqué-et-éventuellement-versé »
lors des conflits que la France a connus.
Il ne me déplaît
pas, pour illustrer cette affirmation, de souligner une fois
de plus qu'au Monument Aux Morts d'Alger, le patronyme des « tombés
pour la patrie » le plus souvent gravé, était celui
de Pérez. Ce n'est pas étonnant. C'est un patronyme espagnol
rencontré avec une telle fréquence...
Il est banal mais
surtout fondamental de rappeler que l'intégration de cette collectivité
d'origine espagnole, italienne, maltaise ou allemande a réussi.
Elle a réussi d'autant plus facilement que ne surgissaient pas
de problèmes religieux, d'obstacles religieux, de barrières
religieuses.
Aujourd'hui, sur
le sol métropolitain français, c'est l'identité religieuse,
majoritairement musulmane des nouveaux-citoyens-français-par-le-sol,
qui s'identifie à un obstacle. Un obstacle enrichi et instrumenté
de deux manières :
-
pour les uns, les moins nombreux, par un refus formulé
de la citoyenneté française qui leur est octroyée, « imposée »,
prétendent-ils parfois, par leur naissance ;
-
pour les autres, les plus nombreux parmi ceux qui agressent
la France en maintes occasions, par une volonté d'altérer profondément
la signification de leur citoyenneté française.
Citoyenneté qu'ils
veulent éventuellement bouleverser dans la perspective de l'adapter,
plus encore de la subordonner, aux exigences de leur pratique
religieuse.
Quelle est la conséquence
de cette volonté de soumettre la citoyenneté française à la
charria, c'est-à-dire à l'expression exotérique, à l'expression
quotidienne, du qoran ?
La voici :
en France métropolitaine
aujourd'hui, ce que nous sommes en train de vivre s'identifie
à un refus obstiné et formulé d'une sécularisation de la religion
musulmane.
Or, il est important
de préciser que la sécularisation n'impose pas de la•ciser la
pratique rituelle d'une religion.
Il s'agit de réunir
les conditions, comme on l'a fait à l'égard du christianisme
et de la religion juive, pour que la pratique du culte s'exerce
en harmonie complète et sans réticence avec le code de la la•cité.
Ce jour-là sera
atteint lorsque le pouvoir lui-même ne manquera pas d'observer
une précaution : celle d'éviter des marques extérieures
de respect préférentiellement observées, voire exhibées, à l'égard
de telle religion plutôt que de telle autre.
Lorsque des officiels
français, du plus haut échelon, exhibent leur déférence à l'égard
du culte musulman en se déchaussant ostensiblement et publiquement,
avant l'inauguration d'une mosquée, je trouve cette pratique
tout à fait normale.
Je demande simplement
que des marques de respect identiques soient consenties à l'égard
du culte catholique. Je ne vois pas pourquoi le rituel d'une
messe ne serait pas respecté ... par tous ceux qui considèrent
comme un devoir d'y assister.
C'est aux hommes
d'Etat qu'incombent de réserver à la pratique
religieuse dans notre pays,
sa place...
oui,
toute
sa place....
oui,
seulement
sa place... oui.
Le jour où ce résultat sera atteint, l'intégration
aura toutes les chances de réussir.
Si nous prenons
la liberté de nous reporter au discours du 30 juillet, prononcé
à Grenoble par le Premier des Français, que pouvons-nous dire ?
Ceci :
« Non, Monsieur
le Président, ce n'est pas l'intégration qui a échoué. C'est
UNE intégration qui est en train d'échouer ».
Il s'agit de l'intégration
Nord-Sud. C'est-à-dire l'adaptation du culte, des murs,
et des coutumes des musulmans-citoyens-français, aux exigences
de la la•cité. Aux exigences des lois de la République. Aux
exigences de l'intérêt national français.
Mais attention !
« La nature a horreur du vide ».
Si l'intégration
Nord-Sud est en train d'échouer, cela signifie obligatoirement
qu'une autre intégration est en train de réussir en se substituant
à la première.
Il s'agit cette
fois de la redoutable et inacceptable intégration Sud-Nord.
Celle qui avait
été annoncée par un chef FLN Larbi ben M'hidi, à Alger, en 1957 :
« Vous voulez
la France de Dunkerque à Tamanrasset, je vous prédis, moi, que
vous aurez l'Algérie de Tamanrasset à Dunkerque ».
Aujourd'hui, il
faudrait être aveugle pour refuser de faire un constat. C'est
bien une intégration Sud-Nord qui est en marche. C'est elle
que notre pays est en train de subir par lassitude, par résignation,
apathie et aussi par insuffisance de connaissances historiques
peut-être, chez ceux dont la mission consiste à informer le
chef de l'Etat.
Pour jeter à bas,
une fois pour toutes, quelques affirmations délirantes et irresponsables,
nous formulons la certitude suivante :
Il sera impossible
de rassembler un jour 6 à 7 millions de citoyens français musulmans,
de les embarquer et de les évacuer hors de France... vers leur
pays d'origine.
C'est tellement
grotesque et inconcevable qu'il est ridicule d'y faire allusion.
Par dessus tout, c'est une lamentable perte de temps.
Une question se
pose et on ne peut éviter d'en rechercher la réponse :
existe-t-il un
moyen, un processus qui permette de définir, ou plutôt de reconsidérer
les conditions de la pratique de l'islam en France, qui soient
compatibles avec nos institutions ? Avec nos murs ?
Avec notre identité ?
En formulant cette
question, autrement, existe-t-il en France un processus applicable
de sécularisation qui permette aux Musulmans, aux Juifs, aux
Chrétiens et aux non-croyants, de vivre en harmonie, en paix,
en toute liberté, en toute égalité, et un jour peut-être en
toute fraternité, dans notre pays ?
De vivre en
harmonie citoyenne, c'est-à-dire en possibilité de jouir
TOUS, quelles que soient nos convictions religieuses,
d'une CITOYENNETE LAIQUE ?
Parce que je crois
en la France, je n'hésite pas à répondre par l'affirmative à
cette interrogation.
Il existe en France
des millions de Musulmans-patriotes-français. Il existe des
organisations musulmanes sécularisationnistes à qui il faut
donner la parole. J'y crois comme je l'avais cru en Algérie,
lorsque je me suis battu pour l'Algérie française. C'est-à-dire
lorsque je me suis battu pour la France-française, pour l'Europe-européenne,
et en même temps pour l'Occident-occidental,
Sur cette tête
de pont occidentale en terre africaine, qu'illustrait providentiellement
et historiquement la terre d'Algérie.
« La
terre de la Sainte Rencontre » telle que la Berbérie
avait été identifiée par le grand scolastique Raymond Lulle
au XIIIème siècle.
C'était une terre
de rencontre nécessaire, et providentielle, à la convivialité
des trois religions qui affirment, aujourd'hui encore, leur
foi dans le Dieu d'Abraham.
Cette convivialité
s'accomplira un jour grâce à la sécularisation de l'islam dont
nous affirmons qu'elle est le fondement de l'intégration
Nord-Sud.
Intégration incontournable
si on veut incorporer dans le destin français, européen et occidental
ceux qui ont choisi de vivre en France en tant que citoyens
français.
Si l'intégration
Nord-Sud n'est pas défendue à outrance, alors oui, nous
courons le risque d'être soumis à une intégration Sud-Nord,
c'est-à-dire à une néo-colonisation qui sonnera le glas
de la citoyenneté la•que sur le territoire français.
Alors, Monsieur
le Président, et encore une fois respectueusement :
« A Grenoble,
à Perpignan et partout ailleurs, pour défendre la France, il
faut défendre à outrance l'intégration Nord-Sud et seulement
elle, car elle seule peut nous permettre de continuer à vivre
en tant que citoyens la•ques sur le sol de notre patrie ».
Docteur Jean-Claude
PEREZ,
Nice
Le 20 août 2010