AUX FEMMES ET
AUX HOMMES DE BONNE VOLONTÉ
DU PSEUDO ROYAUME ARABE DE NAPOLEON III A
L’AFFAIRE EL OKBI (1936)
OU
COMMENT LA LAICITE DEVINT L’OBJECTIF PREMIER
A DETRUIRE EN ALGERIE FRANCAISE A PARTIR DE 1920
« Le langage spirituel n’est pas un balbutiement qui
précède le langage scientifique. C’est bien plutôt l’aboutissement de ce
dernier. »
(Pauwels-Berger
« Le Matin des Magiciens »).
PREMIERE PARTIE
Naissance du fondamentalisme islamo-berbère en Algérie.
Délire du « Royaume
Arabe »
Ceux qui parmi les Algériens
contemporains n’ont pas connu la France, semblent escamoter une vérité
historique, qu’il n’est pas déraisonnable de réactualiser aujourd’hui. Dépourvu
de l’intention de porter atteinte à tout sentiment national, il ne me semble
pas superflu de rappeler en effet, qu’avant d’être proclamé de nationalité
algérienne, le peuple musulman d’Algérie, dans son immense majorité,
connaissait une première et unique nationalité à partir de 1830 : la
nationalité française.
Celle-ci fut constatée d’abord, puis confirmée
officiellement et publiquement le 14 juillet 1865 à l’occasion du Sénatus-Consulte de Napoléon III.
Dans ce sénatus-consulte, il était précisé, en
substance, que « l’indigène
algérien de confession musulmane était de nationalité française ». Comment
était-ce possible ? Je me permets de répondre à cette interrogation
logique par une réponse qui, elle-aussi, me paraît logique.
Parce que, jusqu’en 1830, l’Algérie ne connaissait
aucune existence historique. Ce
n’était pas un état, encore moins une nation libre, indépendante, reconnue
comme telle par ce que l’on appelle, avec optimisme, la communauté
internationale. La nation algérienne n’existait pas en 1830, certes. Mais la
terre algérienne quant à elle, était bien réelle. Il en allait de même des peuples algériens qui ne bénéficiaient
d’aucune identité nationale.
Depuis
plus de 3 siècles en effet, depuis Khayr al-Din, alias Barberousse, la terre algérienne était une
province soumise par un acte volontaire à l’autorité de la Sublime Porte
ottomane. Depuis 1518.C’était un territoire vassal de l’empire ottoman contrôlé
par des janissaires et des aghas. Un territoire qui chaque année était astreint à payer tribut au sultan de Constantinople. Les
habitants de la terre algérienne, pour autant, n’étaient pas des sujets turcs.
Ils étaient soumis à l’autorité de Constantinople, nous venons de le préciser,
mais n’étaient pas intégrés à la nationalité turque. Comme l’évoquent Robert
Aron et d’autres auteurs, avant l’arrivée de la France, ils étaient apatrides
sur la terre de leur naissance.
Ils furent intégrés, de facto, à la nationalité française, à partir du moment où
l’occupation de la terre algérienne par la France fut acceptée officiellement
par la majorité du corps diplomatique international.
Aujourd’hui encore, nombreux sont ceux qui
manifestent un surprenant étonnement lorsqu’ils prennent connaissance de cette
vérité. Avant la France, la terre d’Algérie n’était pas une nation,
confirmons-le. C’était une régence, la Régence Turque d’Alger. La
représentation internationale qui siégeait à Alger réunissait des consuls ou
des ministres plénipotentiaires. Mais en aucun cas des ambassadeurs. Il
n’existait pas de corps diplomatique à Alger, mais insistons encore, un corps
de représentation consulaire.
Lorsque la France arrive, celle-ci apporte « beaucoup de choses en Algérie ».
Evidemment. Mais elle apporte avant tout, obligatoirement, une nationalité. La
nationalité française qui offre un avantage : celui d’exister sur le plan
international. Avec les obligations inhérentes à cette nationalité, bien
évidemment.
Une obligation fondamentale est illustrée par celle
de se soumettre, comme tous les autres nationaux français, au code
constitutionnel et au code pénal français. Toute atteinte à l’entité française,
à la personnalité historique de la France, sera considérée comme une agression
contre l’intégrité nationale française et justiciable de poursuites pénales
pour atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat. Dans l’éventualité où cette atteinte s’exerce avec
des complicités étrangères, il s’agit du crime d’atteinte à la sûreté
extérieure de l’Etat, passible éventuellement de la peine de mort. Un seul
drapeau est accepté et reconnu : c’est le drapeau national français, le
drapeau tricolore.
Dans un autre domaine, cette nationalité octroyée aux
habitants par leur naissance sur une terre occupée et administrée par la France
encore une fois avec l’acceptation de la communauté internationale et nous
ajoutons, avec l’appui de l’immense majorité du peuple algérien, implique une
seconde obligation légale, impérative et incontournable : une soumission comme tous les autres
nationaux français, au code pénal français. Il n’est pas concevable pour la
France, d’accepter que s’exerce sur la terre algérienne, devenue française, une
justice pénale d’inspiration religieuse. D’inspiration coranique en
l’occurrence, en lieu et place du code pénal français.
Les auteurs de délits seront renvoyés devant un
tribunal correctionnel. Les auteurs de crimes, seront renvoyés devant une cour
d’assises. Les sanctions éventuellement appliquées seront identiques à celles
que l’on connaît en France.
Le sénatus-consulte du 14 juillet 1865 ne faisait que
constater solennellement ce qui déjà se vérifiait comme une réalité vécue dans la pratique quotidienne depuis 1830. Il avait le
mérite d’offrir au monde le constat suivant : tout individu qui naissait
sur le territoire algérien jouissait au
minimum, de la nationalité française. Beaucoup de frontaliers marocains, de
confession juive en particulier, ne laissèrent pas passer l’occasion de venir
résider en Algérie et de voir leurs enfants nés sur ce territoire devenir
titulaires de la nationalité française. Nationalité qui leur permettait un
retour au Maroc, comme des nationaux français cette fois.
La nationalité
française… et c’est tout.
Car, en raison de la pratique du culte musulman à
cette époque, il est impossible de déclarer qu’un Algérien, de confession
musulmane, soumis au code coranique et réfractaire au code Napoléon, est aussi un citoyen français.
La citoyenneté, en effet, implique une soumission de
tous les nationaux français quelles que soient leurs religions et la couleur de
leur peau, aux exigences du code civil français, le code Napoléon.
Or, Napoléon III, et plus tard les responsables de la
IIIème République « respectèrent » à outrance, le code coranique.
Ils ne proposèrent aucune tentative sérieusement
étudiée avec des autorités religieuses musulmanes, pour faciliter l’intégration
des nationaux français musulmans (1) à la citoyenneté française. Aucune étude
philosophique, religieuse, dogmatique appliquée et approfondie, ne fut proposée
pour faciliter la sécularisation des musulmans.
Celle-ci devait être tentée malgré ceux qui soutiennent qu’islam et
sécularisation sont des termes dogmatiquement incompatibles.
Ces précisions vous sont fournies par le moyen d’une
terminologie très schématique, je le conçois, pour toucher du doigt avec vous,
et aujourd’hui encore plus qu’hier, une double vérité que beaucoup ne veulent
pas retenir :
-
d’une part, l’importance de la religion dans ce qui fut le
destin de l’Algérie et de l’Algérie française tout particulièrement ;
-
d’autre part, comment déjà en France, la laïcité avait accédé volontairement aux exigences de
l’arabo-islamisme fondamentaliste, parce que celles-ci étaient animées avant
tout d’une volonté anti-chrétienne dominante pour ne pas dire exclusive.
Napoléon III cependant semblait avoir bien compris
l’importance du facteur religieux sur la terre algérienne.
On lui prête l’initiative d’avoir fait le constat, un
jour, que l’Algérie « était un
Royaume Arabe ! ». Ce propos a connu une fortune inouïe depuis le
livre d’un ancien ministre gaulliste et surtout chiraquien, M. Seguin, élu du
des Vosges, ancien président de la Cour des comptes, qui prétendait démontrer
grâce à cette pseudo-citation, en réalité une contre-vérité, que l’intégration
de l’Algérie française était impossible. Je ne crois pas prendre de risques en
affirmant que cette dernière affirmation doit être enregistrée comme
dangereuse. Je m’explique.
Si l’Algérie française, c’est-à-dire l’intégration
avait été impossible hier en Algérie, cela signifierait que cette même
intégration est impossible aujourd’hui en France. Ce serait, en l’occurrence,
une prise de position lourde de conséquences. Un constat de décès, à moyenne
échéance pour la réalité française telle que nous la connaissons encore
aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle je montre du doigt, une fois de
plus, un discours prononcé à Grenoble, vers la fin du quinquennat précédent par
le président de la République dans lequel celui-ci affirma faire le constat de « l’échec de l’intégration ».
Terminologie riche d’un pessimisme capitulard. En réalité, terminologie
utilisée par quelqu’un qui ignore la portée des mots dont il fait usage.
Car si l’intégration nécessaire en France aujourd’hui
échouait, ou plutôt si l’intégration nord-sud, rigoureusement vectorisée du nord vers le sud, ne pouvait exercer ses effets en
France, alors nous aurions à subir l’autre
intégration, l’intégration sud-nord, c’est-à-dire dans cette circonstance, une intégration rigoureusement vectorisée
du sud vers le nord. Ce serait dans cette nouvelle occurrence, la fin de la
France, en tant que nation occidentale majeure. Ce serait, dans des délais relativement
proches, la prise du pouvoir en France, par l’ennemi déclaré de
l’Occident : l’arabo-islamisme fondamentaliste, l’arabo-islamisme
conquérant.
Napoléon
III avait-il pressenti cette évolution, ou plutôt ce risque de 1852 à
1865 ? Qu’a-t-il dit en réalité ?
En 1851, il déclare : « L’Algérie
est un boulet attaché à la France ».
Je n’ai pas d’informations précises me permettant de
situer la date exacte de cette affirmation durant l’année 1851. Nous savons que
le 1er décembre 1848, le futur Napoléon III avait été élu à la
présidence de la IIème République. A-t-il prononcé cette phrase avant le coup
d’état du 2 décembre 1851 qui lui permit d’instaurer un régime
autoritaire ? Qui se transforma en « Second Empire », le 2
décembre 1852 ?
Une constatation est à retenir : dans cette
succession d’évènements, le futur Napoléon III n’avait pas négligé l’armée
d’Afrique. Si on accorde foi aux écrits de Pierre Dominique remontant à
plusieurs décennies, il aurait usé de son influence pour octroyer des
commandements prestigieux au général de Saint-Arnaud. De manière à augmenter le
renom de celui-ci, lui conférant par ce biais l’autorité suffisante pour assurer
le succès du coup d’Etat de décembre 1851. Rappelons que ce futur maréchal de
France, durant la guerre de Crimée, remporta sur les Russes la célèbre bataille
de l’Alma en 1854.
Il est difficile d’attribuer à ce propos de style
salonnard, une importance historique majeure. Propos qui d’ailleurs ne manqua
pas d’être repris dans une exhibition de volupté malsaine, par De Gaulle en
1960 : « l’Algérie, un boulet
attaché à la France depuis 130 ans ».
En
1852, Napoléon III, empereur des
Français dans quelques semaines a fait une nouvelle déclaration. Celle-ci
provoqua de la part du ministre chiraquien que j’évoquais plus haut, un
commentaire formulé sur un ton d’une quiétude telle qu’il a banalisé ce propos
prêté à Napoléon III, comme s’il s’agissait d’une vérité à la fois indiscutable
et surtout banale. J’insiste sur ce dernier qualificatif de « banale ».
Ce propos « prêté » à Napoléon III, en a fait délirer beaucoup d’autres. De quoi s’agit-il ?
Napoléon III aurait donc
déclaré :
« l’Algérie c’est un royaume arabe ».
Or, il est absolument certain que Napoléon III n’a jamais
dit et surtout n’a jamais écrit « l’Algérie c’est un royaume arabe ».
Ce que Napoléon III a déclaré en 1852 c’est
ceci :
« L’Algérie
est un royaume arabe que la France doit assimiler ».
Permettez-moi de souligner qu’il s’agit là d’une
affirmation bien différente de celle que l’on nous propose habituellement avec
beaucoup d’imprudence et de désinvolture.
Deux notions clairement exprimées, sont à relever
dans cette affirmation :
celle de « royaume arabe » évidemment et celle « d’assimilation »
En
1852, Napoléon III, tout particulièrement par ces mots de « royaume
arabe », exprime l’importance que revêt en Algérie la phénoménologie arabe, même s’il ne connaît pas encore cette
dernière.
Un pays qui n’avait rien d’arabe jusqu’au VIIème
siècle, serait devenu en quelques siècles un royaume arabe ! Par quel
procédé ? Par le moyen d’une conquête arabe d’est en ouest suivie d’une
conversion autoritaire à l’islam des populations autochtones ?
Certainement pas !
Car les invasions arabes, les grandes chevauchées
fantastiques et prestigieuses de la cavalerie arabe d’est en ouest, sont du
domaine de la légende.
L’islam fut prêché au Maghreb du VIIème siècle par
des migrants animés de leur foi qui ont trouvé sur place une population
particulièrement disposée à rallier « la
voie droite », prescrite par le prophète de la Mecque et de Médine.
Comme l’a souligné récemment un auteur spécialiste du coran et de la langue
arabe, prestigieux enseignant universitaire : « avec le Coran, livre sacré de l’Islam, Mahomet a converti les Arabes au
monothéisme et jeté les bases de l’unification arabe ».
Avec timidité mais avec conviction, il nous faut
proposer une ampliation à cette affirmation en apportant quelques rappels et
précisions.
Mohamed, quand il s’exprimait, ne le faisait pas en
langue arabe littérale. C’est une vérité établie depuis fort longtemps. En
particulier depuis le congrès orientaliste international qui s’est tenu à Alger
en 1905. Lors de ce congrès, devant un aréopage de spécialistes mondiaux des
langues sémitiques, orientales et de la langue arabe, le professeur Vollers de
la faculté d’Iéna, a démontré en substance que Mohamed, comme la majorité des
habitants d’Arabie, ne s’exprimait pas en langue arabe littérale. Mohamed
s’exprimait vraisemblablement dans le dialecte du Hedjaz, le Koraïchite. Après
sa mort, le 3ème Calife Otman décida, autoritairement, que désormais
le coran allait être enseigné en langue arabe littérale. En particulier sur les
territoires du Proche et du Moyen-Orient, où le Coran était diffusé en grec, au
sein d’une intelligentsia et de peuples caractérisés avant tout par leur
hostilité à la tradition catholique apostolique et romaine. Le professeur Montet de l’université de Genève, a écrit au début du XX siècle
que lors de « l’édition » décidée par le 3ème calife au VIIème siècle le coran fut diffusé
autoritairement et exclusivement en langue arabe. A partir de « l’édition »
du 3ème calife, seule la langue arabe devint « l’expression
autorisée du coran ». Une expression désormais « ésotérisée ». A
partir de cette décision, tout musulman est arabisé c’est-à-dire identifié à un
arabe quelle que soit son origine ethnique. En particulier en Espagne, dans le
Sud de la France, au Caucase, en Asie, en Afrique noire, il sera identifié par
des patronymes arabes et mettra en œuvre, lui-même, l’effacement définitif et
volontaire de ses patronymes et prénoms d’origine. Tous se déclareront arabes. Arabe, adjectif et substantif
désignant ainsi un adhérent à la parole du rasoul Mohamed. C’est ce que l’auteur universitaire que je citais plus haut soulignait
lorsqu’il écrivait : « Mohamed
a jeté les bases de l’unification arabe ». Mise en œuvre par Otman,
grâce à l’impact de la langue et des « psalmodies sans cesse renouvelées ».
D’autres auteurs ont fait de la langue arabe « la substance phonique de
l’islam » qui détient en elle-même le pouvoir d’assurer le monolithisme du
bloc arabo-islamique.
En Algérie, lorsque l’Islam est apparu,
des religions disparurent, d’autres survécurent en se soumettant à la dhimmitude.
Ceux qui étaient païens ne trouvèrent aucun motif à
s’opposer à l’islam par la guerre.
Les Berbères de confession juive, fils d’Israël, convertis depuis des
siècles et des siècles par les descendants d’une très ancienne diaspora animée
d’un prosélytisme vigoureux et efficace, restèrent majoritairement juifs. Ils prirent
les armes à maintes reprises contre les musulmans. A l’instar de la prêtresse juive
la Kahena, héroïne des Aurès.
Les chrétiens apostoliques et romains fidèles au
dogme de la sainte Trinité, aux enseignements du Concile de Nicée de 325, et aux
enseignements du Concile de Chalcédoine de 451 qui précisait la double identité
du Christ, survécurent en tant que chrétiens pour une très faible proportion
d’entre eux. Ils connurent comme les juifs, la dhimmitude imposée par l’islam.
Les ariens, disciples de l’évêque hérétique Arius
dont le culte avait été véhiculé majoritairement par des Goths, les Vandales en
particulier, disparurent tous. Pourquoi ? Parce que, dans leur immense
majorité, ils adhérèrent volontairement à l’islam.
Ils trouvèrent dans la Schahada,
c’est-à-dire la profession de foi des croyants, une confirmation de leur propre
crédo :
« il n’y a de dieu que Dieu et Mohamed est le rasoul, l’envoyé
de Dieu ». C’est la Schahada.
« il n’y a
qu’un seul Dieu unique et sage à nul autre pareil ». C’est le dogme des ariens,
disciples d’Arius. Profession de foi unitaire s’opposant avec férocité aux trinitaires fidèles de la tradition apostolique et romaine dont le fondement s’exprime
ainsi : « Jésus c’est le fils
de Dieu ».
Ce peuple arien constitua un énorme renfort à la massification du monde musulman. A la
massification précoce des arabes en tant que peuple vecteur humain de la foi du
Prophète.
Les envahisseurs arabes, où sont-ils ? Qu’en
est-il des prestigieuses chevauchées de la cavalerie arabe ?
Des légendes.
L’islam a trouvé chez les unitaires ariens maghrébins
et ibériques, une masse religieusement favorable, ou plutôt préalablement
acquise, à l’épanouissement musulman. Ces peuples n’eurent aucun besoin
d’envahisseurs pour adhérer à l’islam. Qu’ils ont rejoint avec enthousiasme
dans le but prioritaire de combattre avec efficacité le dogme de la Sainte
Trinité.
J’ai soutenu à maintes reprises que l’islam avait rebondi en Afrique du Nord sur les rives de l’Atlantique.
Pour se répandre secondairement vers l’est, avec plus d’efficacité, grâce à ce
rebond. Permettez-moi de m’expliquer, au mieux possible, sur cette notion
d’onde de retour islamique qui me passionne et qui n’intéresse personne jusqu’à
ce jour.
Au cours du Xème siècle, des migrants mauritaniens,
des Berbères connurent une situation de désastre
économique telle, qu’ils furent dans l’obligation d’émigrer en masse. Vers le
nord-est tout d’abord, c’est-à-dire vers le Maghreb. Ils étaient guidés par des « moines » très religieux qui
avaient adhéré très tôt au message du prophète de la Mecque et de Médine. Ils
s’attachèrent, eux qui étaient Berbères, à s’exprimer exclusivement en langue
arabe littérale qu’ils avaient parfaitement étudiée. Ils organisèrent un
enseignement religieux, très rigoureux, délivré par des talebs dans des constructions fortifiées, les « ribats ». Par le moyen de la
langue arabe, de la « substance phonique » qu’elle véhiculait avec
ses « cadences sans cesse renouvelées », ils dominèrent
progressivement les territoires voisins et convertirent les peuples qui y
vivaient. Des peuples déjà conditionnés et partiellement convertis dans le
Maghreb depuis le début du VIIIème siècle par l’intermédiaire d’une
imprégnation islamique de voisinage.
A partir de l’ouest, ils définirent un nouveau courant d’islamisation, beaucoup plus profond et beaucoup plus
rythmé, qui leur permit de prendre le pouvoir et de régner sur le Maghreb et
l’Andalousie de 1061 à 1147. Ce fut le royaume almoravide.
Cette mouvance almoravide, islamo-berbère
fondamentaliste, s’arabisa à outrance. Elle conféra une réalité et une vigueur
historique considérable aux notions « d’onde de retour islamique » et
de « phénoménologie arabe » ainsi que « d’unification des
Arabes ». Quelle que fût l’origine ethnique des peuples concernés, elle enrichit
d’une grande vigueur, en même temps que d’une forte réalité historique, le
phénomène d’arabisation.
Cette succession de réflexions permet de comprendre
que les notions d’arabe et d’arabisme sont dépourvues de toute composante ethnique nécessaire. Mais elles sont riches
d’une signification messianique identitaire, expansive et colonisatrice.
L’Algérie fut religieusement et dogmatiquement
arabisée. C’est en ce sens qu’il faut comprendre « l’observation
historique » ou plutôt le « diagnostic historique » de Napoléon
III quand il constata en 1852 que finalement :
« L’Algérie
est un royaume arabe ».
Il précisa aussitôt, comme s’il voulait souligner la
difficulté de la tâche qu’il voulait, qu’il devait entreprendre :
« Un
royaume arabe que la France doit assimiler ».
Il avait clairement évalué la difficulté réelle de
cette tâche. Mais en aucun cas, pour lui, cette difficulté ne devait être
considérée comme un obstacle insurmontable, définitif.
L’assimilation que proposait Napoléon III (un royaume arabe que la France doit assimiler) est celle qu’Omar Smaïl voulut combattre plus tard en 1920.(2) La volonté d’assimilation exprimée par Napoléon III,
correspondait en réalité à un processus de sécularisation. Cette même sécularisation
qu’il faut chercher à promouvoir en France aujourd’hui car elle est
indispensable à l’intégration nord-sud, dont
l’échec est interdit sous peine de mort pour la
France. Encore faudrait-il être capable, de toute urgence, de libérer la France
de ce que Peyrefitte appelle « une
crispation confessionnelle » qui définit en elle-même un redoutable
facteur d’involution économique.
En 1865, 13 ans plus tard,
Napoléon III est revenu sur cette notion de « royaume arabe ». Cette
insistance démontre l’importance que lui-même attribuait à son propos. Il
déclara :
« L’Algérie
est un royaume arabe, une colonie européenne, un camp français ».
Constat d’échec ou plan d’action ?
Ce propos ressemble plutôt
au constat d’une situation qui lui paraît figée et sur laquelle il ne disposait
pas encore des moyens d’intervenir pour corriger cette paralysie historique
momentanée.
Un royaume
arabe. C’est-à-dire
une Algérie soumise à la phénoménologie arabe. Un monde islamo-berbère unifié et
rallié culturellement et totalement à l’arabisme selon l’ambition du 3ème calife au VIIème siècle.
Une colonie
européenne. Celle-ci en illustre le rayonnement, la richesse, après en avoir garanti la
survie. Colonie européenne qui assure la sécurité sanitaire du peuple de ce
gigantesque territoire. Une colonie européenne courageuse, animée d’un esprit
d’entreprise que les ennemis de l’Algérie française entêtés et forcenés qu’ils
soient gaullistes ou gauchistes, refusent de reconnaître dans un esprit partisan
révélateur d’un infantilisme politique et durable qui peut être mortel.
Un camp
français. Tout cela ne peut vivre, ne peut
durer, que grâce à une armée nationale française, dont la mission est d’assurer
la sauvegarde de ce territoire. Territoire qui aurait été progressivement et
intelligemment structuré pour devenir la base géopolitique et humaine d’une
construction eurafricaine d’inspiration occidentale. Construction qui
aujourd’hui s’inscrit dans le domaine du rêve. Une construction eurafricaine au
sein de laquelle il eut été possible de conférer son essor et pourquoi pas son
rayonnement, à un œcuménisme laïque dont le monde moderne a grand besoin.
De cette première partie d’étude,
nous retenons l’identité de l’écueil qui s’opposait au rayonnement de l’Europe
vers l’Afrique, grâce à la France et à l’Algérie et qui n’était pas
infranchissable. Cet écueil c’était le fondamentalisme islamo-berbère progressivement
installé et implanté en Algérie, dans la première partie du XXème siècle.
Implantation opérationnelle grâce à des complicités ultérieures et successives,
dont le gaullisme s’illustra comme la plus efficace et la plus néfaste pour la
nation française, pour l’Occident.
DEUXIEME PARTIE
La mise en action de la conjuration religieuse.
Connaissance de l’affaire « El Okbi ».
Pour
conférer à la conjuration contre l’Algérie française, toutes ses chances de
plein succès, il a fallu favoriser et surtout assurer l’essor d’un intervenant
opérationnel majeur. Il s’agit de l’intervenant arabo-islamiste ou plutôt du
fondamentalisme islamo-berbère. Nous venons de l’évoquer dans la première
partie de cette étude.
La mise en action fondamentaliste s’exerça dans une
double perspective opérationnelle.
Tout d’abord, une perspective immédiate, qui
s’identifia plutôt à un prétexte : contrer théoriquement la loi du 4
février 1919(3).
Mais surtout une perspective plus lointaine, en
réalité une finalité permanente : l’exclusion définitive de la France du
territoire algérien.
Quand nous disons « exclusion » de la France,
nous nous référons plus particulièrement à l’anéantissement historique du génie
français. Et pourquoi pas, de l’âme française.
Dans la logique de cette perspective, est-il
raisonnablement envisageable que l’un des buts prioritaires de
l’arabo-islamisme fondamentalisme soit d’expulser l’âme française, le génie
français, hors des frontières actuelles de la France ?
C’est-à-dire, d’un point de vue plus pragmatique et
général, bouleverser à plus ou moins longue échéance, l’identité et surtout la
réalité historique de la France.
Le fondamentalisme islamique et conquérant a tiré un
indiscutable profit de l’impact opérationnel de ses alliés français. Nous nous
référons à la gauche française en 1956. Mais aussi à la gauche française de
1936 comme nous le rappellerons dans cette même étude.
Avant tout, le fondamentalisme islamique tira un
avantage opérationnel, décisif et terminal de ce qui fut son allié principal,
son promoteur historique ultime : le gaullisme. A travers la personne de
Charles De Gaulle. Dès 1943.
En ce qui concerne l’homme de Colombey, nous avons
souligné à 1000 reprises « la
rigueur hargneuse », » la sécheresse corrosive » et « la
constance obsessionnelle » du plan d’attaque mis en œuvre contre l’Algérie
française.
Plan d’attaque inspiré par les USA rooseveltiens et
mis en pratique en Algérie par Murphy, représentant personnel de Roosevelt à
Alger depuis 1940 et soutenu par l’Angleterre. Murphy, diplomate catholique
pratiquant, écrit lui-même que Roosevelt l’avait expédié en Algérie pour
étudier les possibilités et les modalités d’un débarquement US en AFN : en décembre 1940. Il avait recommandé à
Murphy de fréquenter assidument le général Weygand. Il lui avait même prescrit
dans cet esprit, d’aller à la messe avec lui. Ce plan d’attaque contre la
France en AFN eut un préalable opérationnel incontournable : l’assassinat
de l’amiral Darlan à Alger le 24 décembre 1942. Assassinat aux conséquences
exhibées aujourd’hui par l’histoire qui ne fait pas de cadeau. Conséquences qui
expliquent la malédiction à laquelle je voue personnellement tous les
exécuteurs, auteurs et complices de cet assassinat, aujourd’hui encore.
J’ai toujours pris soin de ne pas
confondre l’islam, la religion musulmane avec l’arabo-islamisme
fondamentaliste.
L’islam définit, pour les croyants, un cheminement vers
la connaissance de Dieu dans le respect de Sa loi. L’arabo-islamisme
fondamentaliste définit une logique de guerre et de conquêtes qui se sert de la
religion comme moyen pour parvenir à la domination finale du monde.
En Algérie, l’arabo-islamisme fondamentaliste a voulu
imposer un diktat spirituel à la France. Il en va de même aujourd’hui. Diktat
qui fut imposé à la France en Algérie, entre 1920 et 1931. Diktat qui permet de
comprendre la volonté conquérante de l’islamisme-fondamentaliste islamo-berbère
qui se structura en Algérie.
Deux possibilités étaient offertes aux musulmans en
Algérie française.
Première possibilité : l’islam décidait de
s’adapter aux institutions françaises. De se séculariser. Dans cette
éventualité tout était possible hier en Algérie de la même manière que tout est
possible aujourd’hui et demain en France et en Occident, grâce à la
sécularisation.
Deuxième possibilité : l’islam décidait hier et
décide aujourd’hui que les institutions françaises devaient et doivent se
soumettre aux exigences de la charria. Dans cette seconde éventualité, la
France était inéluctablement condamnée à mort hier en Algérie. Elle court un
danger identique aujourd’hui sur le territoire métropolitain.
En Algérie, en toute connaissance de cause, le
général De Gaulle s’est rallié à la seconde alternative car il était soumis depuis
longtemps aux exigences opérationnelles et néo-capitalistes de la secte
pompidolienne.
Cette volonté de nuire de la part de l’anti-France en
Algérie, permet de comprendre la promotion privilégiée, j’ai même écrit
inflationniste, qu’a connue la religion musulmane en Algérie. Promotion qui fut
à l’origine d’une « crispation confessionnelle » latente, permanente
et surtout paralysante. Nous avons fait référence à Alain Peyrefitte quand il
enseignait au Collège de France, que le développement économique était
sévèrement compromis à l’intérieur des Etats qui acceptaient de voir se
développer en leur sein une crispation confessionnelle permanente. Celle-ci est
un facteur très lourd de sous-développement.
Dopé par l’attitude rigoureusement anti-chrétienne,
plutôt anticatholique des gouvernements de la IIIème République, le fondamentalisme
islamo-berbère se structura à partir de 1930. Deux évènements déclencheurs, ou
plutôt retenus comme occasions de son entrée en action, méritent d’être
rappelés.
En 1930, se déroula à Carthage, en Tunisie, un congrès eucharistique. Les
catholiques, en cette occasion, manifestèrent en public la profondeur de leur
foi. Ils exhibèrent les portraits de notre grand Saint Louis, mort devant
Carthage le 25 août 1270. La foi catholique s’exprima sans retenue en Tunisie,
sur une terre qui était très proche du lieu de naissance de Saint Augustin et
de l’un de ses disciples, Saint Fulgence.
L’histoire de ce dernier personnage est fort utile à
connaître. Elle révèle en effet la raison pour laquelle ce congrès
eucharistique de 1930 en Tunisie, ne pouvait être toléré sans riposte de la
part des islamistes fondamentalistes.
Fulgence, fils de sénateur, était originaire de
Tunisie. Né en 465 il fut un disciple très proche de Saint Augustin. Il vécut, en
le subissant, le pouvoir à la fois militaire et religieux des Vandales.
Envahisseurs avant tout idéologiques et religieux, Hunéric et Thrasamund, étaient en effet des monarques ariens intégristes. Ils s’employèrent à
persécuter l’église moyenâgeuse qui se développait dans le Maghreb. Ils
éliminaient physiquement ceux qui n’étaient pas ariens. Nous sommes au Vème
siècle. Ils déportaient tous les clercs et tous les laïques et confisquaient
leurs biens. Ils imposèrent aux chrétiens du Maghreb la conversion à
l’arianisme qui, nous le savons d’abondance, nie la
divinité de Jésus. Dans cet esprit, aux Vème et VIème siècles, l’arianisme
combattait avec fanatisme la tradition apostolique et romaine. Pour mener ce
combat au meilleur résultat possible, ces monarques vandales et ariens, firent
appliquer avec sévérité, l’Edit de Représailles du 25 février 484. Fulgence fut
exilé en Sardaigne. Il écrivit de nombreux textes qui se rapportaient aux
persécutions ariennes de l’époque. Il mourut en 533. Entre-temps, il sauva les
cendres de Saint Augustin que les ariens voulurent brûler et disperser aux
quatre vents. Avec d’autres évêques il transporta la dépouille augustinienne en
Sardaigne où elle séjourna pendant un certain temps.
En 1930, cette terre tunisienne semblait être
imprégnée d’une mémoire historique de
cet évènement. Car tout se passa comme si elle était devenue la terre choisie
par les successeurs idéologiques des ariens, les islamistes, lorsque ceux-ci
fondèrent l’université de la Zeitouna sur ce même territoire. Celle-ci devint
un centre de rayonnement de l’islamisme conquérant. Les oulémas berbères
algériens, en particulier, vinrent s’y instruire et bénéficier d’une formation
qui fit d’eux des vecteurs opérationnels d’importance majeure de la
transformation de l’islam algérien en islamisme fondamentaliste.
C’est sans doute à cause de cette mémoire historique que, lors du congrès
eucharistique de Carthage en 1930, exhiber la Croix, les chapelets du culte
marial, le portrait de Saint Louis l’ange des croisades, de sa mère Blanche de
Castille et de son grand-père Alphonse VIII le
Noble qui remporta la célèbre bataille de Las Navas de Tolosa en
1212, en Estrémadure contre les intégristes almohades…. c’en était trop, pour les ennemis de la France, de l’Algérie française et de la
Croix. On hurla « au sacrilège ! » par des vociférations riches
d’hostilité. Vociférations qui furent soutenues par la IIIème République
française.
« Un peu
de pudeur messieurs. Couvrez ces « saints » que nous ne saurions
voir ! ».
Une tartufferie ? Non c’est plus grave. Un
prétexte pour faire accepter une décision en 1931 qui fut mortelle pour
l’Algérie française. Nous la connaissons, nous y reviendrons.
1930,
fut aussi l’occasion d’un autre évènement qui se déroula en Algérie cette
année-là. Gaston Doumergue, président de la IIIème république, voulut conférer
un éclat exceptionnel à la commémoration du débarquement de Sidi Ferruch du 14 juin 1830. Il avait été magistrat dans le
Constantinois. Manifestement, Gaston Doumergue était tombé lui aussi sous le
charme de la terre algérienne. On peut dire de lui, comme on l’a dit pour
d’autres, que « l’Algérie lui était montée à la tête ».
Au défilé des anciens combattants de 14/18, se sont
incorporés des milliers d’anciens combattants musulmans. Tout le monde est là.
L’enthousiasme français est vécu. Enthousiasme chanté et surtout partagé. A
cette occasion, des anciens combattants musulmans manifestent une
aspiration : celle d’accéder à la citoyenneté française. Car, en vertu des
attendus du Sénatus Consulte du 14 juillet 1865 et de la loi du 4 février 1919,
ils étaient, certes, de nationalité
française, mais ils n’étaient pas de citoyenneté française.
Ils sont soumis au Code pénal français et au Code
constitutionnel. Depuis la loi de 1912, ils sont astreints aussi, au devoir de
conscription. Mais ils ne sont pas astreints aux exigences du code civil
français comme tous les autres citoyens français. Ils ne sont donc pas encore
citoyens. Ils sont officiellement des sujets
français, terme choisi pour exprimer leur identité de « non citoyens
français ». Identité qui résulte de leur choix. Mais cela peut changer
pour chacun d’entre eux, en quelques minutes. Théoriquement. En vertu des
attendus de la loi du 4 février 1919, il leur suffit de se rendre dans le
bureau d’un juge de paix. D’y prendre l’engagement par écrit de se soumettre
aux exigences du code Napoléon. D’accepter un concordat avec le code civil
français. Bref, se séculariser.
Mais Satan veillait encore une fois !
Au sein de l’enthousiasme indiscutable du centenaire,
c’est ce courant francophile que voulurent endiguer d’urgence les oulémas
islamo-berbères d’Algérie. Guidés par Ben Baddis, Ibrahim Bachir, Toufik El
Madani, les plus offensifs, ils réagirent en 1931 par la création de l’Association
des Oulémas, le 5 juin de cette année-là. Le 7 juin, Ben Baddis proclama le
dogme de l’anti-France : « ma
religion c’est l’islam, ma langue c’est l’arabe, ma patrie c’est
l’Algérie ».
Cette association, se manifesta tout d’abord par une
initiative de génie. Elle exigea la citoyenneté française. C’est ce que
sollicita en apparence, Ben Baddis au Président de la République Albert Lebrun
en 1932. Mais il exigea surtout que le code coranique fût validé pour les
musulmans en lieu et place du code Napoléon. Il voulut implanter en France deux
citoyennetés, chacune d’entre elles relevant d’un code civil différent. C’était
impossible. Inacceptable. Ben Baddis le savait très bien. Il ne fut pas étonné
du refus du président Albert Lebrun. Refus qu’il espérait. Il s’en servit en
effet pour intenter un procès d’intention contre la France : « la France ne veut pas des
musulmans ».
Ce qui était faux mais suffisant pour déclencher une
dynamique de guerre de religion contre la France.
En particulier, en 1936.
Au
mois de juin 1936, le 2 très précisément, s’ouvrit à Alger un congrès musulman.
Lors de la première réunion, tenue au cinéma « Majestic », Ben Baddis prononça un violent discours contre la France et
réclama l’indépendance. Les esprits s’échauffèrent. Les masques tombèrent
soudain. Le tonus verbal évolua rapidement vers le fanatisme. Les musulmans
francophiles étaient désemparés. Nombreux furent ceux qui réagirent néanmoins
avec une grande vigueur. Ils manifestèrent par des communiqués leur attachement
à la France. Ils protestèrent contre cette convention indépendantiste.
Ils démontrèrent en s’appuyant sur des documents et sur des chiffres que les inspirateurs
et organisateurs de cette manifestation anti-française, étaient loin d’être majoritairement
représentatifs de la communauté musulmane d’Algérie. Ils adressèrent une motion
au gouvernement français et dénoncèrent tout logiquement la non-représentativité
des organisateurs des réunions du 2 juin 1936 au cinéma Majestic à Alger et de
la manifestation ultérieure du stade municipal d’Alger, le 2 août 1936. Car à
la réunion du Majestic, succéda la manifestation du stade municipal dans une
ambiance alourdie.
Sur le plan international par la guerre civile
espagnole qui s’était déclenchée le 17 juillet 1936.
Sur le plan national par l’intervention du
gouvernement du Front Populaire de 1936 qui salua et encouragea les
manifestations hostiles à la France. En particulier, le 2 août au stade
municipal.
Les partisans français de la communauté musulmane
manifestèrent vigoureusement une fois de plus leur hostilité contre ces deux
rassemblements. La riposte ne se fit pas attendre. Le 4 août 1936, donc 2 jours
après la réunion du stade municipal, Mohamed Ben Dali, dit Kaoul,
imam malékite de la mosquée d’Alger, qui avait manifesté son opposition aux
indépendantistes le 2 juin au Majestic et le 2 août au stade municipal, fut tué
à coups de couteau dans la rue de la Lyre.
Par qui fut-il assassiné ?
Par un repris de justice, parfaitement connu de la
police. Un tueur à gages. Cette notion de tueur à gages est fondamentale à
retenir. Ce n’était pas un militant qui avait été recruté pour tuer le cheik
francophile de la mosquée d’Alger. Ce n’était pas un fanatique de l’islam.
Akkacha, le tueur, était certes musulman, mais c’était un voyou. Il avait été
recruté par les décideurs de l’assassinat à l’intérieur même de la prison de
Barberousse. Il y purgeait une peine pour un crime de droit commun. Il fut payé
avec de vulgaires billets de banque pour commettre son crime. Cet assassin fut
rapidement identifié et arrêté.
A partir de cette arrestation un montage satanique
fut élaboré pour compromettre dans l’esprit des musulmans (et dans l’esprit des
Français non musulmans d’Algérie qui ignoraient tout et qui ignorent encore
tout de cette affaire), une personnalité musulmane, un ouléma. Il s’agit d’Ettayeb El Okbi. Personnalité sur laquelle je me permets
d’insister pendant quelques lignes.
Lorsque se déroula l’arrestation
d’Akkacha, celui-ci « parla » d’abondance. Il affirma spontanément
qu’il avait été payé pour commettre ce crime, par le cheikh El Okbi.
Aujourd’hui encore, je l’ai d’ailleurs écrit dans l’un de mes livres (4) j’ai
l’intime conviction, plus encore la certitude, que les policiers qui
interrogeaient Akkacha ignoraient tout de ce notable musulman qui venait d’être « spontanément »
dénoncé par le tueur Akkacha.
El Okbi cheikh ! Je répète, Ettayeb El Okbi ! Impossible !
Il s’agissait d’un religieux profond né à Sidi Okba,
en 1890. Un saharien, fils lui-même d’un grand religieux. A l’âge de 5 ans, son
père l’emmena dans le Hedjaz en Arabie. Il y bénéficia d’une formation
religieuse aux sources mêmes de l’islam. Il devint très rapidement un notable
remarqué par le Chérif de la Mecque, Hussein. Celui-ci lui confia le rôle de
précepteur de son fils Abdallah. Or, ce dernier devint plus tard le premier roi
de Jordanie, c’est-à-dire le père d’Hussein de Jordanie, le grand-père donc du
roi actuel Abdallah II.
En 1920, à l’âge de 30 ans, El Okbi rentra en
Algérie. Il se révéla très vite comme un homme de dialogue. Très rapidement
aussi, il devint un notable que les fondamentalistes estimèrent urgent de rallier
à leurs organisations. Ils avaient besoin de ce religieux dont l’autorité
morale et spirituelle était rayonnante.
En 1920, il fit donc partie des Cénacles d’Omar Smaïl
(5). Il y fit la connaissance de Ben Baddis. Il participa à la vie du Cercle du
Progrès mais finit par se brouiller avec Ben Baddis en 1925.
A cause de cette brouille, il fut tenu éloigné des
activités du Cercle du Progrès.
Après la naissance de l’association des Oulémas en
1931, il devint l’objet de nouvelles et pressantes manœuvres d’approche de la
part de Ben Baddis. El Okbi en effet, était une personnalité très écoutée dans
le monde religieux musulman. On ne pouvait le tenir à l’écart. Cependant, il ne
s’inscrivait jamais dans une attitude anti-française. Sa terminologie
religieuse restait très ouverte et conviviale. Quand il lui arrivait d’évoquer
le nom de Jésus c’était avec un profond respect. Quand il parlait de la Mère de
Jésus, il exprimait une grande vénération pour la « Sainte Vierge Marie ».
Malgré cette attitude, Ben Baddis ne pouvait se
passer de lui dans son association. El Okbi se vit
attribuer, dans ces conditions très particulières, le titre de secrétaire
général adjoint de l’association des Oulémas.
Cette fonction lui imposa de participer au congrès
musulman de 1936.
Le 2 juin, au Majestic, surprise ! Il déclara : « nous sommes des Français
musulmans ». Et dans la suite de son propos, au grand dam de ceux qui
l’avaient supplié de prendre la parole à cette réunion, il se révéla être un
champion de la convivialité spirituelle au sein de la totalité de la population
française d’Algérie. « Algérie,
terre française, parce que Dieu l’a voulu » soutenait-il en substance.
Aujourd’hui encore, la question obsédante est
celle-ci : comment imaginer qu’une telle personnalité puisse être
compromise, « mouillée » dans l’assassinat d’un notable religieux musulman ? Assassinat accompli
par un tueur à gages payé avec de l’argent liquide. Mais Akkacha persista : « c’est El Okbi qui m’a payé
pour tuer Kaoul le 4 août 1936 ».
El Okbi fut logiquement arrêté. Placé immédiatement
sous mandat de dépôt. Un peu plus tard, Akkacha fut confronté avec El Okbi sur
décision du juge d’instruction. Il se rétracta formellement, en affirmant sans ambiguïté : « Je n’ai jamais vu cet homme de ma
vie ! ».
Donc, logiquement, on peut certifier qu’un quidam
s’est servi de l’identité d’El Okbi pour engager Akkacha dans l’assassinat du
cheikh francophile de la mosquée d’Alger. Après la confrontation, le juge
d’instruction devant l’évidente nullité des charges, rendit une ordonnance de
non-lieu.
C’est alors que la conjuration satanique contre
l’Algérie française, s’exerça, animée d’une redoutable pugnacité : le parquet fit appel !
Le parquet exprime normalement la volonté du
gouvernement. Le parquet est serve dans ses écritures.
C’est donc bien le gouvernement de la IIIème république qui s’opposa en 1936 à
la mise en liberté d’El Okbi.
Celui-ci fut donc logiquement
et officiellement renvoyé devant une cour d’assises par la cour d’appel
d’Alger. A Tizi-Ouzou. En Grande Kabylie. Parce que l’on redoutait une atteinte
à l’ordre public à Alger. On était en effet sous le coup des manifestations du
stade municipal du 2 août 1936 et de la contre-manifestation déclenchée par les
patriotes français d’Alger.
Devant un dossier d’accusation vide de toute charge
et preuve, El Okbi fut acquitté. Des griefs sévères
furent formulés par le président de cette cour d’assises contre le parquet et
la cour d’appel d’Alger qui avaient renvoyé devant la cour d’assises un homme
de toute évidence innocent. Quant à l’assassin de Kaoul, Akkacha, il fut
condamné aux travaux forcés à perpétuité.
A partir de cet acquittement, les
« ultras » (on ne les appelait pas ainsi à cette date car défendre la
France pour un Français, c’était encore dans le domaine du normal) se déchaînèrent
et crièrent à la trahison. Contre l’indulgence
du tribunal. Car personne parmi eux n’était instruit de la personnalité
réelle d’El Okbi. Nous avons été, nous Pieds-Noirs,
ignorants pendant trop longtemps de beaucoup de vérités et de réalités
concernant l’Algérie française.
Et puis…. Léon Blum chuta. Daladier
devint président du conseil. La situation internationale s’alourdissait. La
guerre menaçait. On oublia l’affaire El Okbi dont la
majorité de nos concitoyens n’a jamais entendu parler…. aujourd’hui encore.
La
question qui se pose près de 8 décennies plus tard est bien celle-ci :
« qui avait avantage à provoquer la mise en accusation d’El
Okbi ? »
Question qu’il faut enrichir par l’affirmation
complémentaire suivante :
« tout en sachant qu’il serait acquitté ».
Oui, résumons la question : « Pourquoi El Okbi ? »
C’était dans le but exclusif de le déconsidérer parmi
les islamistes certes, mais aussi au sein du monde des croyants, eux-mêmes
conditionnés par l’influence fondamentaliste. Car la loyauté d’El Okbi à
l’égard de la France était connue. « Nous sommes des Français
musulmans » avait-il osé déclarer au Majestic le 2 juin 1936. Il lui
arrivait en maintes occasions, de manifester sa réticence contre le cérémonial
servile, le « jaïlala » comme il le disait lui-même. La profondeur de sa foi associée à son ouverture
d’esprit, comportait pour les ennemis de la France et les ennemis de
l’Occident, un énorme risque : faire de lui, un jour, un pont culturel et
spirituel entre les musulmans d’Algérie et le reste des Français d’Algérie et
d’ailleurs. Il représentait l’antithèse de Ben Baddis qui l’avait néanmoins recruté parce que l’on ne pouvait pas se passer de la
caution que représentait sa présence au sein du bureau directeur de
l’association des oulémas. Il était donc nécessaire de le contrôler d’abord.
Pour le mettre « hors-jeu » en deux temps.
Premier temps : on le compromit officiellement
dans l’affaire de l’assassinat du cheikh Ben Dali.
Deuxième temps : on se servit de son
acquittement pour le dénoncer à bas bruit, par insinuations, comme un partisan
de la France, « contre laquelle il se refusait à combattre ».
« Si la France l’a acquitté, cela signifie qu’El Okbi est un ennemi de
l’indépendance ». C’était en cela que consistait l’essentiel de
l’argumentation sournoisement répandue.
Aigri, retiré de toute activité officielle après son
acquittement, El Okbi se manifesta plus tard, au sein d’une association : « l’Union des Croyants Monothéistes ».
Ce mouvement qui avait l’ambition de définir les
modalités de parvenir à une convivialité interconfessionnelle, qu’il estimait
possible et surtout nécessaire, entre juifs, chrétiens et musulmans, connut une
existence très confidentielle. Personne n’en fait état de nos jours. El Okbi
mourut diabétique et aveugle à Saint-Eugène. Personne n’évoque son nom.
Je me suis permis de relater, en le résumant, cet
épisode volontairement occulté de notre histoire. Il démontre qu’hier comme
aujourd’hui, tous les partisans du dialogue inter-religieux, et j’ose le dire,
les partisans de la sécularisation de l’islam, ont été l’objet, et sont
toujours l’objet, d’attaques sournoises et conjointes de la part des pires
ennemis de la France. Ces derniers furent soutenus en maintes occasions par des
gouvernements qui, dans une interprétation perverse du dogme de la laïcité,
soutenaient, en priorité, tous les comportements religieux qui se confirmaient
comme un redoutable danger pour le christianisme. Pour eux, la laïcité était
avant tout synonyme d’antichristianisme militant et offensif.
L’arabo-islamisme fondamentaliste connut le privilège
de devenir ainsi l’arme tactique majeure que le capitalisme financier a cru
pouvoir manipuler. La finalité économique poursuivie par celui-ci, était
exprimée clairement dans la volonté forcenée de se décharger, « de se délester »,
d’une obligation : celle d’assurer l’avenir sanitaire, social et
politico-économique des anciens peuples coloniaux. Nous confirmons cette
conviction en exprimant que le capital financier a voulu démontrer en
s’appuyant sur une argumentation à prétention scientifique, l’impérieuse
nécessité de se libérer définitivement de l’obligation d’assurer l’avenir de
ces peuples, quitte à conférer toute sa vigueur révolutionnaire à un nouveau
courant idéologique universel, dont le but affirmé est de parvenir à la
domination finale du monde.
La mise en œuvre planétaire de ce nouveau moyen
révolutionnaire, lui-même identifié comme une conséquence de l’abandon de
l’Algérie par la France, fut initiée opérationnellement durant les années
1972-1973-1974. C’est-à-dire durant les années dites du choc pétrolier.
Celui-ci conféra une telle vigueur économique et
financière aux potentats fondamentalistes qu’il a propulsé l’islamisme au rang
de partenaire économique, majoritaire aujourd’hui, dans l’entreprise permanente,
exhibée sans camouflage, sans artifice, d’anéantissement de l’Occident
chrétien.
Le capitalisme financier a tenu le rôle d’un apprenti
sorcier quand il a cru trouver en De Gaulle un agent d’exécution, d’efficacité
majeure. Il attribua à celui-ci les moyens de mettre en application historique son
plan satanique d’assassinat de l’Algérie française, expression opérationnelle
majeure des convictions anti-occidentales de l’homme dit du 18 juin.
TROISIEME PARTIE
« Le cœur du monde »
Cette
étude se proposait un but prioritaire : démontrer à quel point les
gouvernements français, à l’instar d’un monde occidental devenu capitulard,
observèrent la plupart du temps une attitude de respect obséquieux à l’égard de
l’islamisme conquérant moderne.
Celui-ci a trouvé « le
terreau » nécessaire et indispensable à son impact universel et
surtout actuel dans « l’assassinat de l’Algérie française » accompli en 1962. Je ne fais que
citer, en cette occurrence, le titre que j’ai proposé, en accord avec mon
éditeur Philippe Randa, pour mon dernier livre déjà publié (6).
En
Algérie française, l’islamisme fondamentaliste n’a pas été freiné, loin de là,
dans son élaboration, son développement et son rayonnement. Il a joui sans
marchandage d’une tolérance bienveillante. Dans la meilleure des hypothèses,
disons qu’il a tiré profit d’une complicité déguisée en imprudence innocente de la part des autorités administratives
françaises.
En revanche, la
volonté de sécularisation exprimée par ceux des musulmans qui aspiraient à
l’intégration, à la citoyenneté française avec son corollaire d’acceptation du
code civil français, n’a jamais bénéficié du soutien de la IIIème République…
et des suivantes.
A cette attitude, je ne vois qu’une seule
explication : la laïcité était interprétée avant tout, à cette époque,
comme une volonté d’opposition prioritaire au catholicisme apostolique et
romain. Les laïcs de cette époque mettaient ainsi en application un vieil adage
que je me permets de rappeler : « l’ennemi de mon ennemi est mon ami ».
Ils ne combattaient pas le fondamentalisme
islamo-berbère d’Algérie, pour la raison que celui-ci s’affirmait, avant tout,
comme l’ennemi du christianisme. Dialectiquement, ces laïcs intégristes se sont
inscrits dans le camp du fondamentalisme islamo-berbère.
Ce vécu pervers du dogme de la laïcité ne manqua pas
de générer des conséquences dont nous n’étions pas capables de mesurer la
gravité à cette époque. D’un point de vue administratif, rien ne pouvait être
officiellement opposé à l’islamisme fondamentaliste car celui-ci n’évoquait que
Dieu. Il justifiait son combat « par la seule volonté divine ». Or,
pour les responsables des IIIème, IVème et Vème Républiques, évoquer l’idée de
Dieu ne constituait ni plus ni moins qu’un blasphème terminologique. Contre
l’islamisme révolutionnaire, tout logiquement, ne s’opposait qu’un vide
doctrinal qui privait le monde musulman francophile et « sécularisationniste » de tout support idéologique
officiel pour participer avec efficacité à la défense de la France.
Le montage de l’affaire El Okbi, que j’ai résumée à
votre intention, illustre une manœuvre de haut vol, pour anéantir un potentiel de
sécularisation de la part d’une personnalité éminente de l’islam. Ce cheikh
manifesta sa volonté d’accepter la France, d’accepter que l’Algérie fût
française. Cette conjuration judiciaire illustre une manœuvre conjointe des
fondamentalistes islamo-berbères et des autorités gouvernementales françaises
pour neutraliser un homme qui acceptait d’harmoniser sa foi avec les exigences
historiques de la France. Exigences historiques synthétisées dans le dogme de
liberté, égalité, fraternité. « Nous
sommes des musulmans français parce que Dieu l’a voulu » déclara-t-il en
substance au cinéma Majestic lors de la célèbre manifestation du 2 juin 1936.
Cet homme, je n’ose écrire ce saint homme, aurait mérité d’être soutenu par
tout l’appareil administratif et militaire de la IIIème république. Celle-ci
aurait dû le protéger d’abord, assurer sa promotion ensuite.
Mais de toute évidence, Satan veillait encore !
Il ne fallait pas entretenir l’illusion que l’Algérie
pût devenir un jour une terre française au sein de laquelle la citoyenneté
pleine et entière allait conférer tout son véritable sens au terme de laïcité. A savoir : un ensemble de
conditions qui allait permettre aux religions de s’exprimer librement en
France, dans la mesure, bien évidemment, où elles acceptaient de respecter les
institutions françaises.
Pourquoi les institutions françaises méritaient-elles
le respect des musulmans comme elles méritent le nôtre ? Parce qu’elles
étaient l’expression de la volonté du peuple souverain. Le respect de ces mêmes
institutions par les musulmans signifiait qu’ils auraient accepté leur place au
sein de ce peuple souverain. A l’instar des juifs, des chrétiens et des
non-croyants. C’était cela la sécularisation dans sa définition moderne :
un concordat entre l’expression officielle et publique d’une foi et les
exigences de la souveraineté nationale dans tous les domaines de la vie
française. Aucune entrave n’était nécessaire, par conséquent, au vécu de la
foi. Rien n’empêchait la mise en pratique des dévotions les plus totales, les
plus pieuses, des uns et des autres, dans la mesure salutaire ou plutôt
salvatrice où elles se pratiquaient dans le respect de la loi. Dans le respect
de l’ordre public et de la liberté de ceux qui ne pratiquaient pas le même
culte.
En 1936, le montage de l’affaire El Okbi révèle en
réalité, je précise, révèle avant tout, une volonté contraire : le rejet
par la France officielle des musulmans d’Algérie, par peur raciale des
musulmans. Ce rejet ethnico-religieux, qui s’identifie très vite à un rejet
raciste de la part des républiques françaises, de la part de De Gaulle, de la
part des décolonisateurs, impliquait à moyen terme une évolution inexorable
vers le rejet de l’Algérie par la Mère Patrie. Quitte à enrichir ce rejet du
génocide du peuple pied-noir. Que la majorité de nos concitoyens aurait accepté
l’âme sereine.
L’abandon
de cette terre, prévisible dès cette année-là, en 1936, entraîna de la part d’une fraction du monde chrétien
d’AFN, la volonté de « jouer » très tôt, le christianisme vaincu en AFN. De mettre en œuvre, très tôt des
entreprises dites progressistes pour
structurer un pseudo-christianisme qui acceptait, avant que ne fût consommée la
défaite de la France, d’être soumis aux exigences de l’islamisme vainqueur. A
Tibérine, comme ailleurs. Un progressisme qui, avant que ne débutât le combat,
acceptait une nouvelle dhimmitude pour les chrétiens
d’Algérie. Et aussi, implicitement, pour les juifs de ce territoire.
L’islamisme fondamentaliste et berbère est devenu,
sans aucun doute, l’auxiliaire tactique majeur de l’anti-France en AFN.
Les chrétiens progressistes dans cette perspective de
nouvelles catacombes, ne manquèrent pas de s’opposer tout particulièrement aux
combattants volontaires et populaires de l’OAS, coupables de n’avoir pas
accepté cette solution, qu’eux-mêmes, les chrétiens capitulards, avaient
acceptée depuis longtemps, d’une paisible et très soumise dhimmitude des chrétiens
d’Algérie. Dhimmitude exigée par le nouveau conquérant fondamentaliste.
En Algérie, aucune solution partielle n’était
possible. C’était l’Algérie française ou la mort de la France en Algérie et en
Afrique. Les solutions de partition, de fédération, de plates-formes oraniennes ou autres, exprimaient des utopies criminelles
qui n’auraient eu qu’un résultat : multiplier par 10 ou par 100 les drames
que connurent nos frères et nos sœurs d’Oran, le 5 juillet 1962.
A
partir du moment où les armes se turent à Alger, nous n’avions plus notre place
en Algérie. Lorsque le cessez-le-feu dit de l’OAS fut accepté en mai 1962 par
une fraction politiquement ambitieuse de l’OAS, sur injonction de Jacques
Chevallier, l’ancien maire FLN d’Alger, c’était à la mort de la France en
Algérie qu’ont mis la main les décideurs de ce
cessez-le-feu. Je précise : du « déposez-les
armes ».
En tant que responsable national de l’ORO, j’avais
envisagé comme inéluctable un dernier combat que je préparais avec minutie et
avec foi. Je pensais qu’un ultime message allait être adressé au monde à
travers les combats de rue que nous nous apprêtions à livrer dans Alger la
blanche.
En aucun cas je n’avais envisagé qu’un ancien frère
d’armes, dont j’avais approuvé les contacts qu’il avait mis en œuvre avec l’Exécutif
Provisoire dirigé par Farés, allait prendre la décision en catimini du cessez-le-feu au nom de l’OAS. Tout avait été bien
minuté car cet ordre de cessez-le-feu fut transmis par radio. Cet ordre reçut
immédiatement l’approbation d’Argoud qui avait prétendu
faire toucher du doigt en cette circonstance, que la discipline de l’OAS
algéroise s’était confirmée avec éclat à l’occasion de ce cessez-le-feu. Argoud
oubliait qu’un des ordres les plus faciles à donner c’est celui de cesser de se
battre. La détente s’installa au sein des effectifs et de la population
algéroise. Les terrasses de café se remplirent à nouveau. On ne tuait plus et
très imprudemment on imaginait que l’on allait cesser de mourir.
J’affirme ici, en toute simplicité, qu’à cette date,
je n’avais rien prévu pour mon sort personnel. Je précise bien : je me
suis trouvé confronté à cette réalité d’une décision dont celui qui l’avait
prise a refusé de reconnaître devant moi qu’il en était le décideur. Chacun
renvoyant la responsabilité de cette volonté d’arrêter le combat sur quelqu’un
d’autre.
C’est l’un de nos deltas,
parmi les plus prestigieux, qui est venu me dire :
« Deux
éventualités : ou bien on s’en va, ou bien, il faut tuer les autres. Car
eux, ne te feront pas de quartier ».
Provoquer encore des drames avec le sang des nôtres,
de ceux qui hier encore étaient des vaillants, et qui avaient été abusivement
séduits par les perspectives ambitieuses d’un obsédé de la politique, c’était
une initiative à laquelle j’ai refusé de souscrire. Je suis parti 40 jours
après le cessez-le-feu dit de l’OAS. Je suis parti d’une ville où l’on ne se
battait plus. Où l’on enregistrait avec soulagement que le combat était
terminé. J’ai pris soin de transmettre un ordre du jour à tous mes subordonnés
de l’ORO. J’ai expliqué les raisons de mon départ qui s’est effectivement
déroulé avec l’accord de tous les miens.
Je n’éprouve aujourd’hui, aucun état d’âme
particulier à vous faire connaître mon sentiment à propos de la « fin
d’Alger ».
Aurais-je, en 2012, l’imprudence, voire l’impudeur,
de regretter cette dernière bataille que nous n’avons pas livrée ? Il est
trop facile de répondre par la négative. Car, avec le recul et la sagesse des
décennies qui se sont miraculeusement accumulées depuis le départ de juin 1962,
j’ai accepté de comprendre enfin ce que beaucoup de responsables opérationnels
m’ont mille fois affirmé depuis des années : « si nous sommes vivants aujourd’hui, c’est grâce à toi. Il
fallait que tu partes pour nous laisser une chance de vivre encore ».
L’Algérie française est morte, vendue et assassinée.
Il importait de sauver un effectif : celui des « vrais hommes » de l’Algérie française. Qui je l’espère,
vont s’employer encore et encore, à défendre la mémoire de cette terre, ainsi
que la mémoire de la dernière unité combattante française d’Algérie : l’OAS.
Celle-ci est morte.
Mais elle doit inspirer ceux qui au sein du monde
occidental, tel que nous l’avons défini, sont encore animés de la volonté du
sauvetage de l’Occident. C’est à eux, les anciens opérationnels de l’OAS, qu’il
appartient de ne pas abandonner le
message que nous livre la mémoire de l’Algérie française aux seuls ronds de
cuir, qui n’ont joué ni une heure, ni une minute de leur liberté, pour défendre
cette terre.
Je rappelle la définition de
l’Occident que je propose pour la millième fois. Au-delà de toutes les
spéculations politiques, géopolitiques et philosophiques, l’Occident se définit
comme : « l’espace de la terre
où les chrétiens peuvent vivre libres et protégés contre toutes vexations,
soumissions et entreprises de massacres collectifs ».
L’Occident, cet espace de vie définit pour nous le cœur du monde qui pour exister exige
que se structure, sans précipitation, sans panique, sans fanatisme, mais avec
foi et résolution
« Une
volonté contre-stratégique universelle pour la vie de l’Occident ».
Jean-Claude PEREZ
Nice
Octobre 2012
NOTES
1 Le problème des nationaux français de
confession juive, sera résolu en septembre 1870 à l’occasion du décret Crémieux.
Voir prochaine étude.
2 voir étude
précédente
3 voir étude
précédente
4l’islamisme
dans la guerre d’Algérie
6 voir la
bibliographie sous-jaccente
BIBLIOGRAPHIE
Du
même auteur et chez le même éditeur :
L’assassinat de l’Algérie française,
terreau de la conquête islamiste actuelle. 2012
Un des livres
du cinquantenaire, à lire et à faire lire.
Logique de la Nouvelle Révolution
Mondiale, 2004
Histoire d’une trahison permanente, 2006 ; 2e édition
Tourments et tribulations d’un
réprouvé de l’Algérie française, 2006 ; 2e édition
Stratégies et tactiques, 2006 ; 2e Edition
Vérités tentaculaires sur l’OAS et
la guerre d’Agérie II, 2008
Prenez contact avec l’éditeur. Des accommodements sont prévus pour l’achat
de plusieurs livres.
Les directeurs et responsables de publication, de périodiques et de
revues, peuvent bénéficier d’un
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Mis en page le 04/10/2012 par RP |