L’HISTRIONISME GAULLISTE

Chronicité d’une involution politique

 

histrionisme : attitude théâtraliste en relation avec une pathologie profonde, durable et invalidante du cerveau et de la conscience [1] .

 

 

         Lorsque nous osons évoquer avec nostalgie, mais surtout avec une fierté violemment exprimée, le siècle de l’Algérie française, nous enregistrons l’invite pressante à laquelle on prétend nous soumettre aujourd’hui encore : celle d’éprouver tout logiquement un sentiment de repentance. La repentance que l’on doit ressentir lorsque l’on manifeste l’audace, l’imprudence ou tout banalement le courage d’évoquer avec orgueil la page coloniale de l’histoire de France.

Quand on utilise le terme de repentance on fait référence à un sentiment de regrets douloureux générés par nos erreurs, par nos pêchés reliés à l’histoire de l’Algérie française. Un nouveau code moral nous est ainsi imposé qui dans peu de temps jouira vraisemblablement du renfort d’une loi.

Dans des délais pas très éloignés en effet, nous risquons de voir naître une disposition pénale sanctionnant avec rigueur ceux qui osent célébrer les effets bénéfiques de la colonisation. Ceux qui osent raconter à nos enfants la geste que représentait le rayonnement universel de la France consécutif à la présence de notre drapeau, de nos escadres, de notre armée, et surtout d’un peuple multiconfessionnel animé d’une prodigieuse volonté créatrice, sur tous les continents.

Dans peu de temps, l’évocation des effets bénéfiques de la colonisation sera susceptible d’être à l’origine de sanctions judiciaires en vertu d’une interprétation perverse de la loi « Gayssot ». [2]

Néanmoins ceux qui éprouvent à l’instar de ceux qui nous recommandent d’éprouver une repentance, devraient se livrer à un effort préalable de reconnaissance. Cette reconnaissance consiste en une identification correctement formulée des évènements reliés à la colonisation en général et tout particulièrement à l’épisode historique « Algérie française ». Cette identification est nécessaire avant de proposer une sanction éventuelle. Une sanction contre les audacieux et les fidèles qui rejettent toute attitude de culpabilité à l’évocation du passé Algérie française, qui analysent avec loyauté cette page d’histoire de la France sud-méditerranéenne. La repentance c’est-à-dire une souffrance, une attitude contrite de regrets, une attitude coupable …, voilà ce que nous sommes loin d’éprouver.

 

Un phénomène historique de référence : c’est ainsi que vit encore l’Algérie française. Algérie française dont il est difficile de décrire aujourd’hui ce qu’il en serait advenu si l’on était allé jusqu’au bout de son accomplissement.

L’accomplissement de l’Algérie française, c’était l’intégration. Ce ne pouvait être que l’intégration.

Celle-ci pour s’accomplir exigeait dans un premier temps, une victoire totale sur le FLN. Dans un  second temps, une adhésion du peuple algérien de confession musulmane aux exigences de la laïcité.

La laïcité : elle seule, dans le respect de la foi et du culte librement exprimés des uns et des autres, aurait enfin ouvert la voie à l’égalité. Celle-ci, en l’absence d’une laïcité vécue dans tous les actes quotidiens de la vie, est apparue impossible à instaurer en Algérie. Et c’est bien pour conférer à l’égalité un coefficient d’impossibilité qu’en Algérie, à partir de 1865 et surtout à partir du 4 février 1919, on a institutionnalisé imprudemment une laïcité sélective. Sélective parce que l’on prétendait, en silence, rendre extrêmement difficile sinon impossible l’accession des musulmans à la citoyenneté française. L’impossibilité de cette accession était évidente puisque le code coranique continuait à être mis en pratique quotidienne en lieu et place du code civil français. Et plus encore en opposition avec celui-ci.

 

L’égalité en Algérie hier, comme en France aujourd’hui, exigeait et exige la sécularisation de l’islam. C’est-à-dire l’adhésion des musulmans à la sécularité, par une  pratique modernisée de leur foi.

La sécularité définit en première analyse, un concordat entre une religion qui veut rester libre de s’exprimer et de s’épanouir d’une part, et les exigences des institutions de notre pays qui résultent de la volonté du peuple souverain d’autre part.

La sécularité définit en seconde analyse un concordat qui se propose de mettre une société laïque à l’abri d’une dictature religieuse, qui refuserait d’évoluer en harmonie avec la souveraineté populaire.

 

Les musulmans d’Algérie n’ont jamais été invités sérieusement, je veux dire officiellement, à se séculariser. Ils ont été confortés, tout au contraire, dans un refus du partage de la laïcité avec leurs compatriotes français. Je précise compatriotes français car les musulmans d’Algérie étaient de nationalité française depuis 1830. Nationalité confirmée d’une manière officielle et historique par le sénatus-consulte du 14 juillet 1865. Cette nationalité les soumettait comme les autres Français au droit pénal et au droit constitutionnel français. Mais il fallait obtenir de leur part une adhésion complémentaire et nécessaire au code civil, au code Napoléon. Etape incontournable pour qu’ils puissent accéder à la citoyenneté française pleine et entière.

Le problème de la sécularisation des musulmans en Algérie : on a refusé de le résoudre là-bas, de la même manière que l’on s’entête à ne pas le résoudre aujourd’hui en métropole.

La thèse de la sécularisation définit aujourd’hui en Europe une thèse majeure de la modernité. C’est donc une thèse dont il est capital de préciser la signification en rappelant que trois termes doivent être distingués car ils sont de sens différent, voire opposé :

 

-      Le sécularisme : il implique une négation de Dieu, une soumission aux valeurs matérielles de la vie, qui sont absolutisées comme les seules valeurs de référence dont on nie évidemment qu’il faut les soumettre à Dieu. Le sécularisme est un terme de signification contraire de celui de sécularisation avec lequel il est souvent confondu.

 

-      La sécularité : elle reconnaît l’existence des valeurs matérielles de la vie mais elle refuse de les absolutiser. Elle les soumet à Dieu.

 

-      La sécularisation : c’est l’ensemble des attitudes, des initiatives et des décisions qui permettent de parvenir à la sécularité. Par choix. En toute liberté.

 

L’intégration en Algérie exigeait donc que l’on garantît la liberté de s’exprimer aux sécularisationnistes musulmans. Ceux-ci, sans porter atteinte au message du Prophète, démontraient à leurs coreligionnaires, avec conviction, la possibilité de vivre sur la terre algérienne en toute liberté, en toute égalité, et pourquoi pas, en toute fraternité avec leurs compatriotes non musulmans.

Il n’est pas inutile d’évoquer la prière ultime du Prophète. Celui-ci, la veille de sa mort a déclaré en substance :

« J’ai peur pour ma communauté, après ma mort, de trois actions :

-      Première action : le faux-pas d’un spécialiste en sciences religieuses

-      Deuxième action : le pouvoir d’un gouvernement injuste

-      Troisième action : la passion de celui qui suit ma religion »

 

J’ai souvent fait référence à cette prière d’adieu du Prophète, prononcée avant sa mort. Je l’ai évoquée et commentée dans plusieurs de mes livres, en particulier dans « Attaques et Contre-attaques »  [3] .

La connaissance de cette prière nous permet de comprendre que le Prophète invitait les propagateurs de son message, à plus de tolérance dans l’enseignement de sa parole et la pratique de sa religion. Je ne me souviens pas d’avoir enregistré une autre allusion à cette prière ultime du Prophète si ce n’est dans un traité d’histoire universelle dont j’ai précisé les références dans la bibliographie de mes différents livres. Traité dans lequel j’ai découvert cette prière prononcée par le razoul [4] la veille de sa mort.

 

         Ce refus d’une sécularisation de l’islam en Algérie s’est exprimé par le moyen d’une radicalisation de l’expression temporelle de la foi en Dieu telle que celle-ci avait été révélée au prophète de la Mecque et de Médine. Cette radicalisation s’est exprimée avec une ténacité constante. Avec une efficacité d’autant plus vigoureuse qu’elle a bénéficié d’une bienveillance très complice du pouvoir français.

Une bienveillance en particulier à l’égard de l’association des ouléma [5] , officiellement à partir du 5 juin 1931. Celle-ci avait exploité tendancieusement un message lancé en 1920 par le cheik Omar Smaïl à travers les Cénacles qui prescrivaient aux croyants la nécessité de « lutter contre l’assimilation, la francisation et l’évangélisation ».

Omar Smaïl avait agi en 1920 comme s’il redoutait une volonté de la IIIème République française de soumettre les musulmans d’Algérie à une entreprise autoritaire de conversion par le biais d’une adhésion à la citoyenneté française. Cette crainte, il la justifiait par une interprétation tendancieuse et caricaturale d’une loi de promulgation récente. Cette loi du 4 février 1919 jouissait en effet, d’une simplicité d’application en apparence désarmante. Il suffisait au demandeur de la citoyenneté française, de se présenter dans le bureau d’un juge de paix et d’y prendre l’engagement, par écrit, de se soumettre au code civil français, comme tous les autres citoyens français.

Cette loi connut une double efficacité.

 

Une première efficacité négative, une efficacité espérée par les législateurs français, en ce qui concerne les demandes d’accession volontaire à la citoyenneté française, qui furent très peu nombreuses.

 

Une efficacité positive en ce qui concerne le but véritable et occulte de cette loi du 4 février 1919 qui, ne l’oublions pas, avait été promulguée par un gouvernement de la IIIème République, inspiré par un redoutable activisme anti-chrétien, symbolisé par le nom prestigieux de Clémenceau, en particulier.

Un gouvernement effectivement animé d’un antichristianisme fondamentaliste qui espérait, grâce à l’opposition qu’allait faire naître cette loi du 4 février 1919 dans les milieux islamistes, générer une réaction de regroupement et de prise en main du dogmatisme musulman par des révolutionnaires anti-français. Par les ouléma berbères qui vont s’arabiser à outrance pour développer, avec une efficacité renforcée, leur combat destiné à incorporer la France dans l’universalité de la umma. Combat contre la France qui, à l’échelon planétaire, s’identifiait à une phase de déclenchement de la guerre contre le christianisme universel.

 

 

         Lorsque nous manifestons l’audace, l’entêtement et j’ose le dire encore le courage de défendre la thèse passée de l’Algérie française, nous exhibons en réalité une volonté : celle de bien faire capter comment l’étude de cette thèse d’un passé encore récent, permet de capter dans sa vérité pernicieuse, une thèse révolutionnaire qui se développe aujourd’hui sous nos yeux.

En France, nous voyons s’exprimer de nos jours avec courage et avec foi une thèse sécularisationniste musulmane. Cette thèse existe. Mais elle est combattue par les islamistes fondamentalistes, par les épitres djihadiens qui jouissent de la passivité sous-jacente mais réelle, de la Vème République.

Celle-ci s’interdit de prescrire aux musulmans de France l’obligation légale de vivre leur foi de la même manière administrative que les juifs et les chrétiens vivent la leur.

Quand nous évoquons la sécularisation d’une religion, nous n’évoquons pas une entreprise de matérialisation terminologique et philosophique du message religieux, qu’il soit musulman ou chrétien. Nous faisons référence, par le terme de sécularisation, à une expression quotidienne de la foi en Dieu, chez les catholiques plus particulièrement de la foi trinitaire, respectueuse de nos institutions. Nous estimons qu’il n’est pas encore nécessaire de nous réfugier dans des catacombes pour avoir le courage d’affirmer « je suis chrétien ». Cette sécularisation à laquelle nous avons adhéré est vivable aussi, dans les mêmes conditions, pour les autres fois monothéistes qui connaissent le bonheur et l’avantage surtout, de s’exprimer sur le territoire français.

La sécularisation, c’est elle qui détient le potentiel de générer une égalité. Cette égalité, lorsqu’elle sera vécue, ressentie et évidemment protégée, sera génératrice logiquement de fraternité... si l’intelligence parvient un jour à prendre le pas sur les passions.

 

En Algérie française, nous nourrissions l’ambition de parvenir au stade d’une Algérie ayant accédé au rang d’une terre de rencontre élaborée entre les trois religions monothéistes. La tête de pont de l’Occident en Afrique. A partir de là créer des dynamismes qui allaient projeter la notion d’Occident à l’échelon de l’Afrique toute entière. L’occident, rappelons-le, c’est la terre ou plutôt l’espace géopolitique à l’intérieur duquel les chrétiens peuvent vivre libres sans connaître le risque quotidien de massacres, de soumission ou de vexations violentes. La terre d’une harmonisation nécessaire, affirmée, structurée et historiquement établie par la France en Algérie, entre les chrétiens, les juifs, les musulmans et les non-croyants, telle s’exprimait l’œuvre française. Celle-ci détenait le pouvoir de s’accomplir au sud de la Méditerranée. L’Algérie française était, à l’évidence, la première étape d’une extension possible de l’Occident au continent africain.

De Gaulle a dédaigné l’Algérie française avec un mépris hautement exprimé. Il l’a dédaignée au nom de quoi ?

 

Au nom d’impératifs économiques auxquels on « l’avait préalablement soumis ». Au nom de la valeur ajoutée des investissements, au nom de l’argent que fabrique l’argent. Voilà ce qui décore ou plutôt remplit l’étendard perpétuel du capitalisme financier, du capitalisme néo-florentin inspirateur, décideur, organisateur et exécuteur de la mort de l’Algérie française, par le relais du général De Gaulle. Par le relais du gaullisme fossoyeur de la France sud-méditerranéenne.

 

         La repentance doit être rejetée avec force et mépris. Ce rejet résulte d’un effort préalable d’accession au savoir, c’est-à-dire de reconnaissance, nous l’avons vu. La reconnaissance qui s’enrichit avant tout de la trahison dont les Français d’Algérie, les peuples français d’Algérie de toutes confessions, ont été victimes. Cette reconnaissance, ou plutôt ce diagnostic de la trahison, est facile à poser. Il suffit d’évoquer les paroles du général De Gaulle.

Ces déclarations étaient évidemment solennelles puisqu’elles émanaient du grand chef d’état que prétendait représenter l’homme de Colombey.

L’homme de Colombey qui ne s’identifie en aucune manière au « prince de l’équivoque » tel que le désigne l’auteur britannique socialiste Alistair Horne, dans son livre « Histoire de la guerre d’Algérie ». De Gaulle, en effet, n’a jamais été l’homme de l’équivoque. Il a toujours personnalisé, sans aucune ambiguïté, un ennemi fondamental de l’Algérie française. L’exécuteur désigné et choisi par les tenants de la thèse du « délestage économique du débouché algérien ».

 

En 1957, il déclara : « bien sûr l’indépendance viendra, mais ils sont trop bêtes là-bas pour le savoir ». Le mépris, c’est une attitude constante chez De Gaulle. Il ne rate jamais l’occasion d’exprimer avec dédain ce qu’il pense du peuple pied-noir et des Français musulmans, partisans de l’Algérie française.

En juin 1958, il affirma avec solennité : « je vous ai compris ! » et à maintes reprises,  il criera « vive l’Algérie française ! ».

Certains hagiographes du général De Gaulle, nous prenant pour des arriérés mentaux, prétendent nous rassurer en apportant une précision justificative de ce propos : « lorsque le général De Gaulle évoquait l’Algérie française, il manifestait un espoir. Comme la Gaule était restée romaine, l’Algérie devait rester sous influence historique française ».

C’était un propos destiné à faire ramper des dizaines milliers de Pieds-Noirs qui venaient l’acclamer et qui refusaient avec entêtement, de voir en lui l’homme de Satan. Je tiens à souligner que je n’ai jamais été de ceux-là.

En juin 1958, il déclara : « L’Afrique est foutue, et l’Algérie avec ! ».

C’était loin d’être la manifestation d’un regret, d’une souffrance. Car l’Algérie et l’Afrique, il voulait s’en débarrasser parce qu’elles représentaient, d’après lui, une charge économique dont il prétendait libérer la France. Mais « foutue » est un terme qui d’un point de vue géopolitique est doté d’un infantilisme grotesque. Car comment peut-on effacer l’Algérie de l’histoire du monde, par dédain, par dégoût ? Comment peut-on méconnaître les conséquences sur la France et sur l’Europe que pourraient provoquer un désastre algérien et un désastre africain ?

En octobre 1958, il déclare à Delouvrier : « L’indépendance algérienne ? Dans 25 ans …Delouvrier… ». A cette époque Delouvrier, inspecteur général des finances, allait prendre ses fonctions de délégué du gouvernement en Algérie. Partisan de l’indépendance, il avait manifesté au général De Gaulle son accord pour assurer le destin de l’Algérie sous sa direction. Mais il tenait à souligner qu’il était partisan de l’indépendance. De Gaulle a voulu en quelque sorte, calmer les ardeurs de celui qui va lui être soumis avec une servilité rampante.

En mars 1959, il déclare : « L’armée française ne quittera jamais ce pays et moi, le général De Gaulle, je ne traiterai jamais avec ces gens du Caire ou de Tunis ». Voilà une traduction limpide de l’inspiration satanique qui animait l’homme de Colombey. Car il n’a rien fait d’autre depuis 1956, à partir de la rue Solferino dans le VIIème arrondissement de Paris, que de traiter avec les gens du Caire et de Tunis. Il l’a fait en 1956 par l’intermédiaire de Maître Boumendjel et d’autres complices. A partir de 1959, il le fera par l’intermédiaire de Farès.

A quoi correspond cette autre affirmation belliqueuse dont il est aussi l’auteur : « l’armée française ne quittera jamais ce pays ? ». Affirmation enrichie plus tard par celle-ci, en mai 1959 : « Une nouvelle Algérie, liée pour toujours à la France ».

Ces affirmations pleines d’équivoques et de tromperies semblaient ne plus enterrer la notion, ou plutôt la thèse « Algérie française ».

Elles ont été prononcées par le général De Gaulle, alors qu’il préparait le fameux discours du 16 septembre 1959 sur lequel je vous propose de nous attarder à partir des lignes qui vont suivre.

 

 

         Nous ne nous intéressons qu’à la partie du discours qui traite de l’avenir de l’Algérie française. D’emblée, il évoque ce problème de la façon suivante :

 

« Pourtant, devant la France un problème difficile et sanglant reste posé : celui de l’Algérie ».

 

C’est clair et net, l’Algérie pour lui ce n’est pas la France. Il a oublié qu’en juin 1958, il a déclaré devant des dizaines de milliers de personnes : «il n’y a ici que des Français à part entière ».

Il n’hésite pas à centraliser l’intérêt du problème algérien sur ceux qui manifestent leur volonté de lutte : sur « ceux-ci ou bien ceux-là qu’obnubilent en sens opposé, leurs intérêts, leurs passions et leurs chimères ». On perçoit que c’est aux partisans de l’Algérie française qu’il pense tout particulièrement.

Il n’oublie pas de s’intéresser à l’identité du peuple algérien. Nous notons en passant, qu’il refuse avec obstination, dans ce discours, d’utiliser le terme de « peuple algérien ». Il évoque des « populations » car manifestement d’après lui, les Algériens de confession musulmane ne constituent pas un peuple. Des populations et par-dessus le marché, il souligne qu’elles végètent en Algérie.

En effet, il s’exprime ainsi :

« , végètent des populations ».

C’est un terme volontairement péjoratif qu’il utilise, aussi bien quand il évoque les populations que lorsqu’il fait référence au fait qu’au lieu de « vivre » en Algérie, ces mêmes populations n’y font que « végéter ». Poursuivant l’expression de son mépris discriminatoire, il n’hésite pas à nous apporter la précision suivante : des populations…

« doublant tous les 35 ans, sur une terre en grande partie inculte ».

Une conséquence de son diagnostic est précisée dans le fragment de phrase suivant : ces populations …

« sont, pour les trois-quarts plongées dans une misère qui est comme leur nature ».

Il donne ainsi du peuple algérien, de ce qu’il appelle les populations, une image, une représentation destinée à provoquer chez nos compatriotes la réflexion suivante :

« mais que va-t-on faire chez nous de cette population ? »

C’est un rejet raciste qu’il veut induire chez nos compatriotes. « Que peut-on faire en France d’un peuple dont la nature est d’être miséreux ? »

 

         Toutefois, ces populations vont être amenées à choisir leur destin. Elles vont être dans l’obligation de choisir une identité historique définitive.

Quand ?

« Au plus tard, quatre années après le retour effectif à la paix ».

C’est net. La paix doit survenir. Quatre ans de paix doivent se dérouler et c’est alors seulement que l’on demandera à ces populations de choisir leur destin.

Oui, mais la paix, c’est quoi ça ?

Il nous propose une définition qui mérite que l’on s’y attarde quelques secondes :

« c’est une situation telle, qu’embuscades et attentats n’auront pas coûté la vie à 200 personnes en un an ».

Nous avons bien compris : jusqu’à 200 cadavres par an, c’est la paix. Et à partir de 201 cadavres par an, c’est la guerre.

Il est inutile de s’attarder sur cette formulation mathématique hasardeuse, que je me suis permis d’évoquer comme telle au procès des barricades, devant le Haut Tribunal Militaire qui me jugeait.

 

Le président de la république propose trois solutions. Il est précis : il déclare qu’il s’agit de trois solutions concevables. Concevables si l’on se réfère à la constitution de 1958, d’après lui. Ces trois solutions concevables feront l’objet d’une consultation électorale.

 

         Première option : c’est la sécession.

« Je suis, pour ma part, convaincu qu’un tel aboutissement serait invraisemblable et désastreux ».

« La sécession entraînerait une misère épouvantable, un chaos politique, un égorgement généralisé ».

La sécession aboutirait à « un extraordinaire malheur ».

Donc, il n’existe aucun doute, la sécession, c’est-à-dire dans sa bouche l’indépendance, il n’en veut pas !

 

Deuxième option : c’est la francisation

Ecoutons-le :

« … Les Algériens pouvant accéder à toutes les fonctions publiques…résidant  ou travaillant où bon leur semble…. devenant partie intégrante du peuple français qui s’étendrait dès lors, effectivement de Dunkerque à Tamanrasset.

Il manque un commentaire qui pourrait être celui-ci : « voilà ce que vous subirez en cas de francisation de l’Algérie ».

Donc la francisation : il n’en veut pas !

 

Troisième option : c’est celle d’une Algérie en étroite relation avec la France.

Par quel moyen ?

Par le moyen d’une solution fédérale. Mais la Vème République était-elle devenue le 16 septembre 1959 une république fédérale ? Il s’agit donc d’une solution formulée…. pour ne rien dire. Car elle n’est pas constitutionnellement envisageable.

 

Où se situent les intentions réelles du général De Gaulle ? J’essaie de répondre à cette interrogation dans le chapitre qui va suivre.

 

 

         L’heure est venue effectivement de vous proposer un essai d’interprétation élargie de ce discours du 16 septembre 1959, dans sa partie consacrée à l’avenir de l’Algérie.

Nous avons noté que le général De Gaulle, président de la République, ne se prive pas, dans son intervention, de rabaisser à leur plus bas niveau, aussi bien la signification de la guerre d’Algérie que l’importance géopolitique de la terre d’Algérie. Manifestement, il est dépourvu de toute angoisse métaphysique. Il n’est tourmenté par aucune préoccupation géopolitique africaine, européenne et mondiale, que pourrait générer le conflit algérien. Conflit dont le dénouement ne dépendait encore ce jour du 16 septembre 1959, que de la volonté de la seule nation française.

Nous avons enregistré à quel point il s’était donné pour but, avant tout, de provoquer chez nos compatriotes de la mère-patrie, un sentiment de répulsion à l’égard de l’Algérie et à l’égard des Algériens de toutes confessions. Il évoque, avec une désinvolture agressive, « ceux-ci » ou bien « ceux-là ». Et, ceux-ci comme ceux-là, il l’affirme, nous l’avons vu, sont « obnubilés » par « leurs intérêts, leurs passions et leurs chimères ». Il refuse de conférer au conflit algérien d’une part, dont il osera assumer la défaite, ainsi qu’au territoire algérien d’autre part, relié par ses frontières à l’Afrique profonde, l’importance géopolitique, historique, humaine et spirituelle dont ils sont porteurs l’un comme l’autre. On a l’impression qu’il raisonne comme si la Méditerranée était une mer immense, un océan difficilement franchissable. Il refuse de faire percevoir aux Français, à quel point l’Algérie est proche géographiquement de la France. A quel point il est imprudent, voire criminel, de décider du sort définitif de cette terre. D’agir comme si ce dernier n’allait avoir aucune influence sur l’avenir de la France. Tout cela, il ne l’envisage pas, il ne l’évoque pas. Il a pris le pouvoir pour perdre la guerre selon les exigences des tenants capitalistes du délestage économique de l’Algérie, ou plutôt du délestage économique des peuples algériens. Il envisage avec sérénité, comme concevable, une défaite de la France. Défaite déjà décidée, enregistrée, parmi les trois solutions qu’il qualifie de concevables.

 

         Quand on s’attarde sur le destin historique de l’Algérie d’une part, et sur la terminologie dont il fait usage d’autre part, on se rend compte à quel point il s’est planté ! A quel point il a trompé les Français !

 

La sécession c’est-à-dire l’indépendance : « un aboutissement invraisemblable et désastreux » déclare-t-il.

 

La sécession, c’est-à-dire l’indépendance : « elle entraînerait une misère épouvantable, un chaos politique, un égorgement généralisé ».

        

La sécession c’est-dire- l’indépendance : « un extraordinaire malheur ».

 

Il s’est trompé. Il a menti. Plus encore, il paraît être sous l’effet d’un épisode délirant. Car comment imaginer qu’il ose s’exprimer en réalité, comme s’il voulait expliquer aux Français qu’accepter la sécession c’est-à-dire l’indépendance, correspondrait à accepter, sinon à promouvoir selon lui, un gigantesque crime contre l’humanité ?

Nous avons bien noté, en effet, quelle était la signification éclatante de son affirmation. Il ose déclarer que l’indépendance, la sécession, il la refuse. Il n’en veut pas. Il la condamne. Il la refuse, je répète, par charité, par souci humanitaire. Pour éviter un extraordinaire malheur, consécutif à cette indépendance à laquelle il se ralliera néanmoins, ainsi que l’exigent les sectes sataniques qui le véhiculent à travers l’histoire, lui, le général De Gaulle.

 

         Alors, quel autre avenir pour l’Algérie ? La « francisation » ?

 

Je ne parviens pas, aujourd’hui encore, à comprendre ce qui a motivé le choix de ce terme plutôt que celui d’intégration. Au-delà du commentaire dépourvu de sens politique qu’on lui prête [6] il est raisonnable de proposer, en toute logique, une autre explication.

« Vous prétendez faire de ces gens-là, des Français ? Vous prétendez les franciser ! »

La francisation, il la refuse ou plutôt il la rejette. Pourquoi ?

Parce que : « vous en aurez partout ! ».

C’est ce message qu’il veut faire percevoir à nos compatriotes. C’est la signification exclusive qu’il attribue à la notion de « France de Dunkerque à Tamanrasset ». Notion évoquée en novembre 1954, par le tandem Mitterrand-Mendès France. Mitterrand, souvenons-nous, avait manifesté à cette date qu’il fallait garder l’Algérie. Il précisait : « il fallait que la force de la nation l’emporte, quelles que soient les cruautés de la tâche ».

De Gaulle veut faire naître chez nos compatriotes métropolitains, par l’emploi de ce terme de francisation, une peur physique : celle d’une invasion par le biais d’un afflux d’Algériens musulmans « francisés » vers la terre de France.

 

         Il semble alors frappé d’un trait de clairvoyance politique exceptionnel, qui va lui permettre d’éviter la francisation dont il  ne veut pas, selon son propos, ainsi que la sécession, c’est-à-dire l’indépendance qui lui fait peur, toujours selon son propos.

Il propose, nous l’avons vu : « une Algérie en union étroite avec la France ». Par un lien de type fédéral, de manière à protéger chaque communauté religieuse à l’égard de l’autre. Il affirmait ainsi, implicitement, que les collectivités religieuses minoritaires allaient connaître un grave danger dans une Algérie « sécessionniste ». Il fallait donc prévoir une protection de chaque communauté religieuse à l’égard de l’autre. Ce qui revenait à dire à l’évidence, mais il se garde de le formuler en langage clair, qu’il fallait prendre toutes les dispositions statutaires et autres, pour protéger les juifs et les chrétiens contre les musulmans hyper-majoritaires. Par quel moyen ? Par le moyen d’un lien fédéral… qui n’était pas constitutionnellement envisageable, qui était un leurre, qui n’était pas concevable, puisque la France n’est pas une république fédérale.

 

Il exprime soudain, en prenant soin de ne pas le dire en langage clair, une inquiétude pour l’avenir des juifs et des chrétiens dans une Algérie indépendante. Il la suggère. Cette inquiétude était donc concevable selon ses propres termes. Cette inquiétude était-elle fondée ?

 

         Historiquement, cette inquiétude que De Gaulle exprimait, était plus que raisonnablement justifiée. Car le président de la Vème République, était forcément instruit, c’est évident, des pressions majeures qu’ont connues les chrétiens dès la naissance de l’Algérie musulmane.

Lorsque l’islam ou plutôt lorsque le message du Prophète de la Mecque et de Médine fut véhiculé en Numidie, il le fit sur une terre en grande partie acquise à un culte monothéiste unitaire, adversaire de l’église catholique apostolique et romaine. Avant Mohamed, la thèse unitaire dominante sinon  majoritaire, de la foi en Dieu, c’était l’arianisme. L’arianisme fut véhiculé militairement, en grande partie, par des migrants goths. L’histoire de Fulgence, un saint du catholicisme romain, illustre tout particulièrement, cet épisode historique. Disciple de son parent Saint-Augustin, il est né en 451 en Tunisie. Il connut les occupations vandales de Hunéric, puis de Trasamund. Ariens fanatiques, ceux-ci persécutaient les fidèles de l’église romaine. Ces derniers, non-ariens, qui croyaient au dogme de la Sainte Trinité et à la consubstantialité du Père et du Fils étaient persécutés sans ménagement. Les ariens de Numidie obligèrent les chrétiens trinitaires, à se soumettre à l’arianisme par « l’édit de représailles du 25 février 484 ». Cet édit menaçait les chrétiens trinitaires de spoliation, de bannissement, de captivité ou de mort s’ils refusaient de rallier la foi arienne, la foi unitaire. Fulgence, évêque dans l’est de la Berbérie, s’attacha, dans cette ambiance de persécution, à préserver les restes de Saint-Augustin que les ariens voulaient disperser aux quatre vents.

Lorsque des émigrants porteurs du message de Mohamed, parvinrent en Numidie, ils bénéficièrent très rapidement d’un appui de masse de la part des ariens, opposés au catholicisme apostolique et romain. C’est-à-dire ennemis, comme les musulmans, du dogme trinitaire. Illustrant dès cette époque, un adage bien connu à savoir que l’ennemi de mon ennemi est mon ami.

Car les ariens ont trouvé dans la schahada, la prière fondamentale des musulmans, une confirmation de leur conviction unitaire. Confirmation ? Pourquoi ?

Parce qu’elle exprime une vérité, enseignée ou plutôt révélée au Prophète par l’archange Gabriel. Dieu s’est donc exprimé par l’intermédiaire de l’archange. Le razoul [7] , donne mission aux croyants de transmettre ce message d’origine divine.

Ainsi, dès l’origine de l’implantation de l’islam algérien ou plutôt numidien, se manifeste une volonté anti-chrétienne post-islamique, qui va prendre le relais opérationnel de la volonté anti-chrétienne pré-islamique, des ariens.

Cette volonté post-islamique, se concrétisa ultérieurement, en transformant les collectivités de juifs et de chrétiens, en collectivités de dhimmis. C’est-à-dire des collectivités religieuses astreintes quotidiennement à acheter leur droit à la vie.

 

         Plus tard, l’islam nord-africain et ibérique, l’islam occidental, va connaître une nouvelle genèse ou plutôt un renforcement dogmatique par l’intermédiaire d’une réactivation du message du Prophète.

Ce fut l’œuvre d’une mouvance africaine occidentale¸ la mouvance almoravide.

Les almoravides sont apparus parmi les derniers convertis du Maghreb. Adossés à l’Atlantique, ils vont s’imprégner profondément du message du razoul. Berbères mauritaniens, frontaliers du Mali et d’autres territoires africains, ils vont conférer une nouvelle vigueur au processus d’unification et d’universalisation de l’islam. Pour accomplir cette mission, ils vont arabiser à outrance la pratique et l’expression de l’islam au sein du monde maghrébin, africain et hispanique. Par l’intermédiaire de talebs c’est-à-dire de notables berbères très instruits de l’enseignement du coran. Ils vont créer des ribats : petites cités fortifiées au sein desquelles ces talebs vont enseigner à outrance la langue arabe littérale. Ils vont se charger de mettre en pratique avec une volonté dogmatique rigoureuse, la prescription impérative du 3ème calife, qui au VIIème siècle, avait commandé que la diffusion du coran s’effectuât désormais en langue arabe littérale exclusive.

A l’ouest du Maghreb s’élabora un nouvel essor de l’arabo-islamisme fondamentaliste. Celui-ci conféra à l’islam occidental un potentiel messianique renforcé. Un messianisme orienté cette fois d’ouest en est. C’est ce que j’ai désigné par le terme de « l’onde de retour islamique ». Comme si l’islam avait rebondi sur l’Atlantique pour s’implanter, revigoré et rajeuni, vers l’est du Maghreb et vers l’Ibérie.

En Espagne, le califat de Cordoue, disparut en 1036. Lui succéda le royaume almoravide, un royaume berbère, religieusement et culturellement arabisé à outrance. Il devint une expression du nouveau dogmatisme conquérant de l’islam (1061-1147).

Je vous prie d’accepter mes excuses mes chers correspondants pour cette longue digression. Elle était utile car il est difficile d’évoquer un chapitre de l’histoire de l’Algérie ainsi que l’histoire de la guerre d’Algérie, sans faire référence, tout au moins schématiquement, à la manière dont l’islam et l’arabisme se sont implantés sur cette immense contrée. L’un tirant sa vigueur de l’autre.

Je suis persuadé que le général De Gaulle se situait à mille lieues de ces préoccupations historiques et confessionnelles lorsqu’il a prononcé le discours du 16 septembre 1959.

L’Algérie…. ? Il n’en veut plus ! Les conséquences ultérieures… ? C’est pour les autres. « Qu’ils se dépatouillent ! ». « Je leur souhaite bien du plaisir ! » pense-t-il surement, comme il le dira quelques années plus tard d’ailleurs, dans d’autres circonstances tout à fait étrangères à l’Algérie.

Finalement, il est facile de constater aujourd’hui, que rien, mais absolument rien, ne s’est déroulé comme il l’avait affirmé. Comme il a prétendu le commander. Il a prononcé un discours frappé du sceau de l’incompétence, ou plutôt de la fourberie la plus totale.

L’aboutissement de sa politique ce fut la sécession avec ses risques de malheurs et de massacres. Avec ses risques de chaos sur lesquels il a cru judicieux de s’appuyer pour théoriquement inviter les Français à rejeter la sécession.

Le risque d’imprégnation islamiste dont il prétendait protéger notre pays apparaît aujourd’hui s’identifier au résultat le plus évident du refus gaulliste de l’Algérie française. La mort de l’Algérie française a fait de la France un terrain d’expérimentation privilégiée pour une implantation des structures de l’arabo-islamisme fondamentaliste universel. Pour l’incorporation possible, d’après nos ennemis, de notre terre française dans l’universalité de la umma, dans le siècle à venir, si nous nous dérobons devant le combat qu’il nous reste à mener, par la faute exclusive du général De Gaulle.

 

         Où se situait le véritable motif opérationnel de ce désastre « possible » annoncé, remarquablement décrit, puis cependant choisi et accepté par De Gaulle ? Mis en œuvre par De Gaulle ?

N’oublions jamais une motivation sous-jacente, constante et réelle de son rejet de l’Algérie. Nous évoquons son dégoût des Algériens. De la terre comme des hommes. Il a formulé ce dégout d’une manière insidieuse et néanmoins perceptible le 11 avril 1961 quand il a déclaré :

« La France n’a aucun intérêt à porter à bout de bras l’existence de populations dans une Algérie qui n’offrirait rien en échange de ce qu’elle aurait à demander. C’est pourquoi la France considérerait avec le plus grand sang-froid que l’Algérie cessât d’appartenir à son domaine ».

Le discours du 16 avril 1961 exprime une volonté répétitive et obsessionnelle chez De Gaulle : un dégoût, qu’il ose exprimer, permettez-moi d’insister, pour l’Algérie. Dans le but de se débarrasser de celle-ci, il fait appel à l’esprit mercantiliste qui peut animer parfois nos compatriotes, comme nous-mêmes d’ailleurs.

L’Algérie n’a rien à offrir, prétend-t-il. Le pétrole, le gaz, et beaucoup d’autres avantages, « c’est quoi ça ? ».

Mais surtout les frontières avec l’Afrique profonde, avec le Mali, la Lybie, le Niger…  Quelle importance ? Ça ne compte pas pour l’avenir de la France. Voilà ce que pense De Gaulle lorsqu’il s’apprête à poignarder l’Occident le 19 mars 1962.

 

 

         Oui, l’Algérie française m’obsède encore. Son destin s’inscrit dans une phase cruciale de l’histoire du monde, de l’histoire de la Méditerranée et de l’histoire de la chrétienté. Elle m’obsède d’autant plus que pour moi s’approche à petits ou à grands pas, l’heure du grand saut. Ce n’est pas exhiber un pessimisme de circonstance que d’affirmer cette évidence, quand on s’approche de ses 86 ans.

Je reste nourri d’une conviction fondamentale : notre combat pour l’Algérie française fut un combat d’avant-garde. C’est cette identité qui confère à la thèse « Algérie française » un coefficient de développement durable qu’il faut se garder de négliger.

Le 50ème anniversaire que nous avons connu en 2012, fut l’occasion de voir porter contre cette thèse quelques coups bas « lynchards » de la part de ceux qui restent soumis intellectuellement et spirituellement au chamanisme gaulliste. Ils ne voient pas, aujourd’hui encore, que la confrontation qui nous fut imposée et devant laquelle une minorité d’entre nous, d’Algérie comme de métropole ne se sont pas dérobés, déborde très largement les limites d’un combat pour la seule grandeur de notre patrie française. La France était, certes, notre conviction première, notre conviction basale. Mais pour survivre libre et indépendante en tant que terre majeure de l’Occident chrétien, la France avait besoin du voisinage d’un pays qui était en train de naître. Je précise d’un pays, je ne dis pas d’une nation.

D’un pays qu’il fallait créer.

Ce pays c’était la Méditerranée.

Ce pays était nécessaire à la formulation d’un refus : le refus d’une solution de continuité définitive entre l’Occident et l’Afrique.

Nos ennemis, je veux dire les ennemis de l’Algérie française de tous horizons et de toutes identités politiques, ethniques ou religieuses, s’identifient à l’évidence aux ennemis les plus efficaces de l’Occident. Ils ont préféré tuer dans l’œuf ce pays, la Méditerranée, pour en faire une frontière.

 

 

 

Au sud de cette frontière : un nouvel envahisseur s’organise. Se structure. Se fanatise. Il prend son temps. Il contrôle par des attentats qu’il met en œuvre contre les personnels humains qu’il menace, qu’il tue ou qu’il fait enlever, les têtes de pont africaines économiques et bancaires des structures et entreprises capitalistes. Celles qui ont prétendu se libérer de la charge des peuples pour produire une meilleure rentabilité de leurs exploitations des richesses minières de ces pays. Ces envahisseurs prennent tout leur temps. Ils sont animés en permanence et pour un très long terme, de l’ambition de nous soumettre à une intégration sud-nord qui bouleverserait l’identité des peuples du nord de la Méditerranée, si cette intégration réussissait à s’accomplir dans le siècle à venir.

        

Au nord séjournent, pour le moment, des peuples divisés. Stagnent des peuples spirituellement dégénérés dans leur majorité. Des peuples qui, en France, se réfugient dans une béatitude générée et entretenue par une référence rabâcheuse et ringarde au gaullisme. Le gaullisme qui confère, je l’ai maintes fois exprimé, des airs de jeunes gérontes, prématurément attardés, vieillis, fripés, à ceux qui restent soumis à un comportement obsessionnel résultant de leur aveuglement gaulliste.

 

De Gaulle ! Un mythe ! Un mirage ! La fausse grandeur. Le faux héroïsme. La drogue nécessaire des mal-comprenants comme l’a écrit mon camarade Jean-Marc de Marseille.

De Gaulle s’est attaqué dans son discours du 16 septembre 1959 à la thèse qui évoquait la France de Dunkerque à Tamanrasset. Il n’a pas voulu enregistrer qu’une autre thèse historique était en train de s’exprimer. Celle qui fut annoncée en langage clair par un ennemi de la France, Ben M’hidi, qui déclara en 1957 : « vous voulez la France de Dunkerque à Tamanrasset, je vous prédis, moi, que vous aurez l’Algérie de Tamanrasset à Dunkerque ».

Une Algérie donc qui des frontières nord du Mali et du Niger, pourrait franchir la Méditerranée et conférer au territoire français un destin tout à fait opposé à celui que nous voulions garantir à notre patrie.

En Algérie française, un choix fut imposé en 1954 à la France, à l’Europe et à l’Occident. C’était l’une ou l’autre de deux alternatives : la France de Dunkerque à Tamanrasset ou l’Algérie de Tamanrasset à Dunkerque, dans le siècle à venir.

De Gaulle a volontairement opéré pour rendre possible la seconde alternative, qu’on le veuille ou non.

De Gaulle, le gourou des hommes politiques modernes, des gérontes de la Vème, personnifiait l’exécuteur majeur des thèses du délestage économique du débouché algérien. Se débarrasser du peuple algérien, c’était sa priorité obsessionnelle, je persiste à l’affirmer.

En Algérie, tout fut mis en œuvre par les ennemis de la France, pour enrichir d’un maximum de pugnacité l’arme tactique majeure nécessaire à combattre la Croix en Afrique, en France et dans le monde. On a éprouvé le besoin d’affranchir, dans la réalité du quotidien, la pratique de l’islam à l’égard de la loi de 1905. Cette loi que nous avons subie, dans une perspective anti-chrétienne exclusive de la IIIème république, était cependant précise et, la plupart du temps, elle est évoquée d’une manière perverse. Cette loi en effet évoque une séparation des églises et de l’état. Or, tout ce passe comme si, en France, cette loi ne concernait pas la pratique de l’islam. Donnant une sorte de blanc-seing aux révolutionnaires. Celui de développer à partir de leur expression de la foi en Dieu, un arabo-islamisme fondamentaliste. C’est-à-dire une organisation religieuse regroupant en réalité des pratiquants qui s’excluent eux-mêmes de la citoyenneté française, puisqu’ils prétendent soumettre la France à la Charria.

 

Le général De Gaulle s’identifie aujourd’hui et plus qu’hier, au véhicule privilégié d’une malédiction satanique de la France : il a fait de notre pays une proie accessible aux ambitions conquérantes de l’arabo-islamisme fondamentaliste.

Lui aussi est atteint d’une maladie commune aux Français, parait-il : il a la mémoire courte.

Rappelons qu’il accepta de se rendre à Londres en 1940, presque sous la contrainte du général Spears pour préparer la venue du président du conseil, Paul Reynaud, dans la capitale britannique. Avant de devenir sous-secrétaire d’état à la guerre, il avait servilement exprimé par écrit à ce même Paul Reynaud, toute son approbation et toute son admiration pour la manière dont celui-ci avait organisé les opérations militaires qui aboutirent au désastre que nous avons connu.

De Londres, dès la constitution d’un gouvernement en France par le maréchal Pétain, il manifesta l’intention de revenir auprès du maréchal. Il offrit ses services à celui qui allait accepter la redoutable responsabilité de diriger la France dans cet épisode noir de notre histoire. On sait que De Gaulle ne fut pas retenu dans le gouvernement qui se mettait en place.

Il devint désormais l’homme de Churchill pour le profit exclusif de l’Angleterre. Dans ses prises de position, il éprouva constamment la nécessité de souligner à quel point l’empire français était nécessaire à la vie et à la grandeur de la France. Le 27 octobre 1940, à Léopoldville, au Congo belge, il prononça un discours dans lequel il déclara qu’il fallait empêcher Hitler et Mussolini « de prendre possession de notre Afrique du Nord, de notre Syrie et de notre Afrique occidentale ».

Plus tard, il bénéficia d’une promotion royale octroyée par les Rothschild, lorsque ceux-ci à la fin de l’année 1942 condamnèrent Giraud parce que cet officier général n’avait pas pris l’initiative d’abroger l’abrogation du décret Crémieux en Algérie, dès le débarquement américain. De Gaulle participa en 1943 à la rencontre de Casablanca. Roosevelt et Churchill s’entretinrent avec les généraux Giraud et De Gaulle. Roosevelt offrit son aide pour l’équipement de l’armée d’Afrique. En échange, il exigea une exclusivité de la future clientèle économique de la France au profit des USA. Il mit à  l’octroi de son aide, une autre condition : que la France abandonnât son empire dans les 30 ans qui allaient suivre la fin de la guerre mondiale. Giraud, outré des exigences américaines, claqua la porte. De Gaulle resta et se soumit en acceptant de mettre en application les perspectives rooseveltiennes.

 

En Algérie, en 1943, il prit appui sur tous ceux qui allaient se rallier à sa personne pour combattre la France. Il obtint, par sa soumission aux exigences rooseveltiennes, le soutien de Murphy, le représentant personnel de Roosevelt en Afrique du nord française, depuis décembre 1940. Il devint aussi le complice de Ferhat Abbas. Celui-ci s’affirma dès cette année-là, en 1943, comme un admirateur inconditionnel de De Gaulle. Ce dernier en effet, contre la volonté de Giraud, accepta que fût constituée l’AML. C’est-à-dire l’association des Amis du Manifeste de la Liberté. Cette AML regroupait 4 organisations anti-françaises qui avaient manifesté déjà leur volonté séparatiste :

-      le Parti Communiste Algérien,

-      le PPA de Messali Hadj, Parti du Peuple Algérien,

-      le premier parti de Ferhat Abbas, le Manifeste Algérien de la Liberté

-      enfin, l’Association des Ouléma, dont le chef Ben Badis avait déclaré : « ma religion c’est l’islam, ma langue c’est l’arabe, ma patrie c’est l’Algérie ».

 

A partir de l’AML naîtra plus tard, le FLN qui fit la guerre à la France. De Gaulle devint le correspondant de Ferhat Abbas. Celui-ci rejoignit le FLN en 1956 qui l’accepta parce que disait-il, « il jouissait de l’appui du plus prestigieux des Français ».

 

Dans cette communication que je vous transmets, on se rend compte que nous fûmes victimes en Algérie française, comme nous le sommes aujourd’hui, des entreprises serviles d’un monde de courtisans. Pour eux, l’encensement perpétuel de leur idole, De Gaulle, s’identifie à une raison de vivre. Ils nous ont imposé et nous imposent d’évoluer encore au milieu d’un monde politique affligé d’une obsession gaulliste. Obsession génératrice d’une dépendance dont personne ne parvient à se libérer.

Les frémissements masochistes et rampants, parfois haineux, souvent médiocres du cinquantenaire de la mort de l’Algérie française, du cinquantenaire de la défaite de la France gaulliste concrétisée à Evian le 19 mars 1962, n’ont pas eu le pouvoir d’effacer quelque chose d’essentiel :

l’Algérie française définitivement morte, perdure dans nos âmes, dans notre souvenir. L’astre « Algérie française » est mort mais la lumière qu’il a généré durant sa vie manifeste encore toute son énergie et nous éclaire pour quelques décennies encore.

Pour nous, qui avons risqué vie, liberté, équilibres familiaux et honneur parfois pour la défendre, l’Algérie française s’identifie au nouveau Graal.

C’est-à-dire une thèse de référence dont la connaissance est nécessaire à la survie de l’Europe et de l’Occident. Une thèse qu’il faut avoir le cran et l’ambition d’éclairer et d’enrichir.

Nos souvenirs, nos enthousiasmes du passé, sont nécessaires à nos successeurs. Qu’ils se libèrent de ceux qui nous condamnent et se retranchent frileusement derrière le paravent du gaullisme destructeur de tout ce qui était beau et grand en France.

 

Mais regardez-les, ces pauvres histrions de la politique ! Chacun passe son temps à s’affirmer meilleur gaulliste que son voisin ! De Gaulle c’est le recours de ceux qui nous ont trahis et qui blasphèment contre ce magnifique enthousiasme français, qui nous a guidés dans notre combat pour l’Algérie française. Ils prétendent nous salir, ils dégradent notre pensée d’une manière obsessionnelle. Ils me font souvenir de quelques vers de Musset que je me permets de vous rappeler :

 

« Que du moins l’histrion, couvert d’un masque infâme,

N’aille pas, dégradant ta pensée avec lui,

Sur d’ignobles tréteaux, la mettre au pilori ».

 

 

 

Jean-Claude PEREZ

Nice,

Juin 2013

 



[1] Histrionisme : cette définition est une définition médicale. Car depuis 20 ans au moins, en médecine on refuse d’employer le terme d’hystérie. Ce terme a été remplacé par histrionisme. La définition que je vous propose est une définition d’un aspect majeur de l’hystérie.

[2] Loi Gayssot : 13 juillet 1990. Une loi qui définit arbitrairement ce qu’il est bon ou mauvais d’écrire.

[3] « Attaques et contre-attaques» : chapitre 21, page 377

[4] Razoul : l’envoyé de Dieu

[5] Ouléma : c’est un pluriel donc pas de « s ». Ouléma : docteurs de la foi coranique

[6] Il refusa ce terme d’intégration parce « qu’on voulait le lui imposer », a-t-il déclaré en substance, à un journaliste oranais

 

BIBLIOGRAPHIE

 

L’assassinat de l’Algérie française, terreau de la conquête islamiste actuelle. 2012

Un des livres du cinquantenaire, à lire et à faire lire.

 

L’islamisme dans la guerre d’Algérie

Logique de la Nouvelle Révolution Mondiale, 2004

Le sang d’Algérie

Histoire d’une trahison permanente, 2006 ; 2e édition

Debout dans ma mémoire

Tourments et tribulations d’un réprouvé de l’Algérie française, 2006 ; 2e édition

Vérités tentaculaires sur l’OAS et la guerre d’Algérie

Stratégies et tactiques, 2006 ; 2e Edition

Attaques et Contre-attaques

Vérités tentaculaires sur l’OAS et la guerre d’Algérie II, 2008

 

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Vous pouvez prendre connaissance des deux interview accordées par Jean-Claude PEREZ :

- la première à Monsieur Olivier CAZEAUX : sur Internet tapez « OAS, le docteur PEREZ parle » ;

- la seconde, à Monsieur BESSOU dans le cadre de la préparation d’un film. Monsieur BESSOU a livré à Jean-Claude PEREZ tout le matériau de son exposé visible sur le site www.jean-claude-argenti-sauvain.com.


Mis en page le 08/07/2013 par RP