L’HISTRIONISME
GAULLISTE
Chronicité
d’une involution politique
histrionisme : attitude
théâtraliste en relation avec une pathologie profonde, durable et invalidante
du cerveau et de la conscience
[1]
.
Lorsque
nous osons évoquer avec nostalgie, mais surtout avec une fierté violemment exprimée,
le siècle de l’Algérie française, nous enregistrons l’invite pressante à laquelle
on prétend nous soumettre aujourd’hui encore : celle d’éprouver tout
logiquement un sentiment de repentance. La repentance que l’on doit ressentir lorsque
l’on manifeste l’audace, l’imprudence ou tout banalement le courage d’évoquer
avec orgueil la page coloniale de l’histoire de France.
Quand on utilise le terme de repentance on fait
référence à un sentiment de regrets douloureux générés par nos erreurs, par nos pêchés reliés à l’histoire de l’Algérie française. Un nouveau code
moral nous est ainsi imposé qui dans peu de temps jouira vraisemblablement du
renfort d’une loi.
Dans des délais pas très éloignés en effet, nous
risquons de voir naître une disposition pénale sanctionnant avec rigueur ceux
qui osent célébrer les effets bénéfiques de la colonisation. Ceux qui osent
raconter à nos enfants la geste que représentait le rayonnement universel de la
France consécutif à la présence de notre drapeau, de nos escadres, de notre
armée, et surtout d’un peuple multiconfessionnel animé d’une prodigieuse volonté
créatrice, sur tous les continents.
Dans peu de temps, l’évocation des effets bénéfiques de la colonisation sera susceptible d’être à l’origine de sanctions judiciaires en vertu d’une interprétation perverse de la loi « Gayssot ».
[2]
Néanmoins ceux qui éprouvent à l’instar de ceux
qui nous recommandent d’éprouver une repentance, devraient se livrer à un
effort préalable de reconnaissance. Cette reconnaissance consiste en une identification correctement formulée des
évènements reliés à la colonisation en général et tout particulièrement à
l’épisode historique « Algérie française ». Cette identification est nécessaire
avant de proposer une sanction éventuelle. Une sanction contre les audacieux et
les fidèles qui rejettent toute attitude de culpabilité à l’évocation du passé
Algérie française, qui analysent avec loyauté cette page d’histoire de la France
sud-méditerranéenne. La repentance c’est-à-dire une souffrance, une attitude
contrite de regrets, une attitude coupable …, voilà ce
que nous sommes loin d’éprouver.
Un phénomène historique de référence : c’est ainsi que vit
encore l’Algérie française. Algérie française dont il est difficile de décrire aujourd’hui
ce qu’il en serait advenu si l’on était allé jusqu’au bout de son accomplissement.
L’accomplissement de l’Algérie française,
c’était l’intégration. Ce ne pouvait être que l’intégration.
Celle-ci pour s’accomplir exigeait dans un
premier temps, une victoire totale sur le FLN. Dans un second temps, une adhésion du peuple algérien
de confession musulmane aux exigences de
la laïcité.
La laïcité : elle seule, dans le respect de
la foi et du culte librement exprimés des uns et des autres, aurait enfin
ouvert la voie à l’égalité. Celle-ci, en l’absence d’une laïcité vécue dans
tous les actes quotidiens de la vie, est apparue impossible à instaurer en
Algérie. Et c’est bien pour conférer à l’égalité un coefficient d’impossibilité qu’en Algérie, à partir de 1865 et
surtout à partir du 4 février 1919, on a institutionnalisé imprudemment une laïcité sélective. Sélective parce
que l’on prétendait, en silence, rendre extrêmement difficile sinon impossible l’accession
des musulmans à la citoyenneté française. L’impossibilité de cette accession était
évidente puisque le code coranique continuait à être mis en pratique
quotidienne en lieu et place du code civil français. Et plus encore en
opposition avec celui-ci.
L’égalité en Algérie
hier, comme en France aujourd’hui, exigeait et exige la sécularisation de l’islam. C’est-à-dire l’adhésion des musulmans
à la sécularité, par une pratique
modernisée de leur foi.
La sécularité définit en première analyse, un concordat
entre une religion qui veut rester libre de s’exprimer et de s’épanouir d’une
part, et les exigences des institutions de notre pays qui résultent de la
volonté du peuple souverain d’autre part.
La sécularité définit en seconde analyse un concordat qui se
propose de mettre une société laïque à l’abri d’une dictature religieuse, qui
refuserait d’évoluer en harmonie avec la souveraineté populaire.
Les musulmans d’Algérie
n’ont jamais été invités sérieusement, je veux dire officiellement, à se
séculariser. Ils ont été confortés, tout au contraire, dans un refus du partage
de la laïcité avec leurs compatriotes français. Je précise compatriotes français car les musulmans d’Algérie étaient de nationalité française depuis 1830.
Nationalité confirmée d’une manière officielle et historique par le sénatus-consulte
du 14 juillet 1865. Cette nationalité les soumettait comme les autres Français
au droit pénal et au droit constitutionnel français. Mais il fallait obtenir de
leur part une adhésion complémentaire et nécessaire au code civil, au code
Napoléon. Etape incontournable pour qu’ils puissent accéder à la citoyenneté française pleine et entière.
Le problème de la sécularisation des musulmans
en Algérie : on a refusé de le résoudre là-bas, de la même manière que
l’on s’entête à ne pas le résoudre aujourd’hui en métropole.
La thèse de la sécularisation définit
aujourd’hui en Europe une thèse majeure de la modernité. C’est donc une thèse dont
il est capital de préciser la signification en rappelant que trois termes doivent
être distingués car ils sont de sens différent, voire opposé :
-
Le sécularisme : il implique une négation
de Dieu, une soumission aux valeurs matérielles de la vie, qui sont absolutisées comme les seules valeurs de
référence dont on nie évidemment qu’il faut les soumettre à Dieu. Le sécularisme
est un terme de signification contraire de celui de sécularisation avec lequel
il est souvent confondu.
-
La sécularité : elle reconnaît l’existence
des valeurs matérielles de la vie mais elle refuse de les absolutiser. Elle les soumet à Dieu.
-
La sécularisation : c’est l’ensemble
des attitudes, des initiatives et des décisions qui permettent de parvenir à la
sécularité. Par choix. En toute liberté.
L’intégration en Algérie
exigeait donc que l’on garantît la liberté de s’exprimer aux
sécularisationnistes musulmans. Ceux-ci, sans porter atteinte au message du
Prophète, démontraient à leurs coreligionnaires, avec conviction, la
possibilité de vivre sur la terre algérienne en toute liberté, en toute
égalité, et pourquoi pas, en toute fraternité avec leurs compatriotes non
musulmans.
Il n’est pas inutile d’évoquer la prière ultime
du Prophète. Celui-ci, la veille de sa mort a déclaré en substance :
« J’ai
peur pour ma communauté, après ma mort, de trois actions :
-
Première action :
le faux-pas d’un spécialiste en sciences religieuses
-
Deuxième action :
le pouvoir d’un gouvernement injuste
-
Troisième action :
la passion de celui qui suit ma religion »
J’ai souvent fait référence à cette prière d’adieu
du Prophète, prononcée avant sa mort. Je l’ai évoquée et commentée dans
plusieurs de mes livres, en particulier dans « Attaques et Contre-attaques »
[3]
.
La connaissance de cette prière nous permet de
comprendre que le Prophète invitait les propagateurs de son message, à plus de
tolérance dans l’enseignement de sa parole et la pratique de sa religion. Je ne
me souviens pas d’avoir enregistré une autre allusion à cette prière ultime du
Prophète si ce n’est dans un traité d’histoire universelle dont j’ai précisé
les références dans la bibliographie de mes différents livres. Traité dans
lequel j’ai découvert cette prière prononcée par le razoul
[4]
la
veille de sa mort.
Ce
refus d’une sécularisation de l’islam en Algérie s’est exprimé par le moyen d’une
radicalisation de l’expression temporelle de la foi en Dieu telle que celle-ci
avait été révélée au prophète de la Mecque et de Médine. Cette radicalisation
s’est exprimée avec une ténacité constante. Avec une efficacité d’autant plus
vigoureuse qu’elle a bénéficié d’une bienveillance très complice du pouvoir français.
Une bienveillance en particulier à l’égard de
l’association des ouléma
[5]
, officiellement
à partir du 5 juin 1931. Celle-ci avait exploité tendancieusement un message
lancé en 1920 par le cheik Omar Smaïl à travers les Cénacles qui prescrivaient aux croyants la nécessité de « lutter contre l’assimilation, la
francisation et l’évangélisation ».
Omar Smaïl avait agi en 1920 comme s’il
redoutait une volonté de la IIIème République française de soumettre les
musulmans d’Algérie à une entreprise autoritaire de conversion par le biais
d’une adhésion à la citoyenneté française. Cette crainte, il la justifiait par
une interprétation tendancieuse et caricaturale d’une loi de promulgation
récente. Cette loi du 4 février 1919 jouissait en effet, d’une simplicité
d’application en apparence désarmante. Il suffisait au demandeur de la
citoyenneté française, de se présenter dans le bureau d’un juge de paix et d’y
prendre l’engagement, par écrit, de se soumettre au code civil français, comme
tous les autres citoyens français.
Cette loi connut une double efficacité.
Une première efficacité
négative, une efficacité espérée par les législateurs français, en ce qui
concerne les demandes d’accession volontaire à la citoyenneté française, qui
furent très peu nombreuses.
Une efficacité positive
en ce qui concerne le but véritable et
occulte de cette loi du 4 février 1919 qui, ne l’oublions pas, avait été
promulguée par un gouvernement de la IIIème République, inspiré par un
redoutable activisme anti-chrétien, symbolisé par le nom prestigieux de
Clémenceau, en particulier.
Un gouvernement effectivement
animé d’un antichristianisme
fondamentaliste qui espérait, grâce à l’opposition qu’allait faire naître
cette loi du 4 février 1919 dans les milieux islamistes, générer une réaction
de regroupement et de prise en main du dogmatisme musulman par des
révolutionnaires anti-français. Par les ouléma berbères qui vont s’arabiser à outrance pour développer, avec une efficacité
renforcée, leur combat destiné à incorporer la France dans l’universalité de la
umma. Combat contre la France qui, à l’échelon planétaire, s’identifiait à une
phase de déclenchement de la guerre contre le christianisme universel.
Lorsque
nous manifestons l’audace, l’entêtement et j’ose le dire encore le courage de
défendre la thèse passée de l’Algérie française, nous exhibons en réalité une
volonté : celle de bien faire capter comment l’étude de cette thèse d’un passé encore récent, permet de capter dans sa vérité pernicieuse, une thèse
révolutionnaire qui se développe aujourd’hui sous nos yeux.
En France, nous voyons s’exprimer de nos jours avec
courage et avec foi une thèse sécularisationniste musulmane. Cette thèse existe.
Mais elle est combattue par les islamistes fondamentalistes, par les épitres djihadiens qui jouissent de la
passivité sous-jacente mais réelle, de la Vème République.
Celle-ci s’interdit de prescrire aux musulmans
de France l’obligation légale de vivre leur foi de la même manière
administrative que les juifs et les chrétiens vivent la leur.
Quand nous évoquons la sécularisation d’une
religion, nous n’évoquons pas une entreprise de matérialisation terminologique et philosophique du message religieux,
qu’il soit musulman ou chrétien. Nous faisons référence, par le terme de
sécularisation, à une expression quotidienne de la foi en Dieu, chez les catholiques
plus particulièrement de la foi trinitaire, respectueuse de nos institutions. Nous
estimons qu’il n’est pas encore nécessaire de nous réfugier dans des catacombes
pour avoir le courage d’affirmer « je suis chrétien ». Cette
sécularisation à laquelle nous avons adhéré est vivable aussi, dans les mêmes
conditions, pour les autres fois monothéistes qui connaissent le bonheur et
l’avantage surtout, de s’exprimer sur le territoire français.
La sécularisation, c’est elle qui détient le
potentiel de générer une égalité. Cette égalité, lorsqu’elle sera vécue,
ressentie et évidemment protégée, sera génératrice logiquement de fraternité...
si l’intelligence parvient un jour à prendre le pas sur les passions.
En Algérie française,
nous nourrissions l’ambition de parvenir au stade d’une Algérie ayant accédé au
rang d’une terre de rencontre élaborée entre les trois religions monothéistes. La
tête de pont de l’Occident en Afrique. A partir de là créer des dynamismes qui
allaient projeter la notion d’Occident à l’échelon de l’Afrique toute entière.
L’occident, rappelons-le, c’est la terre ou plutôt l’espace géopolitique à
l’intérieur duquel les chrétiens peuvent vivre libres sans connaître le risque
quotidien de massacres, de soumission ou de vexations violentes. La terre d’une
harmonisation nécessaire, affirmée, structurée et historiquement établie par la
France en Algérie, entre les chrétiens, les juifs, les musulmans et les
non-croyants, telle s’exprimait l’œuvre française. Celle-ci détenait le pouvoir
de s’accomplir au sud de la Méditerranée. L’Algérie française était, à
l’évidence, la première étape d’une extension possible de l’Occident au
continent africain.
De Gaulle a dédaigné l’Algérie française avec un
mépris hautement exprimé. Il l’a dédaignée au nom de quoi ?
Au nom d’impératifs
économiques auxquels on « l’avait préalablement soumis ». Au nom de
la valeur ajoutée des investissements, au nom de l’argent que fabrique
l’argent. Voilà ce qui décore ou plutôt remplit l’étendard perpétuel du
capitalisme financier, du capitalisme néo-florentin inspirateur, décideur,
organisateur et exécuteur de la mort de l’Algérie française, par le relais du
général De Gaulle. Par le relais du gaullisme fossoyeur de la France
sud-méditerranéenne.
La
repentance doit être rejetée avec force et mépris. Ce rejet résulte d’un effort
préalable d’accession au savoir, c’est-à-dire de reconnaissance, nous l’avons
vu. La reconnaissance qui s’enrichit avant tout de la trahison dont les
Français d’Algérie, les peuples français d’Algérie de toutes confessions, ont été victimes. Cette reconnaissance, ou plutôt ce
diagnostic de la trahison, est facile à poser. Il suffit d’évoquer les paroles
du général De Gaulle.
Ces déclarations étaient évidemment solennelles
puisqu’elles émanaient du grand chef d’état que prétendait représenter l’homme
de Colombey.
L’homme de Colombey qui ne s’identifie en aucune
manière au « prince de
l’équivoque » tel que le désigne l’auteur britannique socialiste
Alistair Horne, dans son livre « Histoire de la guerre d’Algérie ».
De Gaulle, en effet, n’a jamais été l’homme de l’équivoque. Il a toujours personnalisé,
sans aucune ambiguïté, un ennemi fondamental de l’Algérie française. L’exécuteur
désigné et choisi par les tenants de la thèse du « délestage économique du débouché algérien ».
En 1957, il déclara : « bien sûr l’indépendance viendra,
mais ils sont trop bêtes là-bas pour le savoir ». Le mépris, c’est une
attitude constante chez De Gaulle. Il ne rate jamais l’occasion d’exprimer avec
dédain ce qu’il pense du peuple pied-noir et des Français musulmans, partisans
de l’Algérie française.
En juin 1958, il affirma
avec solennité : « je vous ai
compris ! » et à maintes reprises, il criera « vive
l’Algérie française ! ».
Certains hagiographes du général De Gaulle, nous
prenant pour des arriérés mentaux, prétendent nous rassurer en apportant une
précision justificative de ce propos : « lorsque
le général De Gaulle évoquait l’Algérie française, il manifestait un espoir. Comme la Gaule était restée romaine,
l’Algérie devait rester sous influence historique française ».
C’était un propos destiné à faire ramper des
dizaines milliers de Pieds-Noirs qui venaient l’acclamer et qui refusaient avec
entêtement, de voir en lui l’homme de Satan. Je tiens à souligner que je n’ai
jamais été de ceux-là.
En juin 1958, il déclara : « L’Afrique est foutue, et l’Algérie
avec ! ».
C’était loin d’être la manifestation d’un
regret, d’une souffrance. Car l’Algérie et l’Afrique, il voulait s’en
débarrasser parce qu’elles représentaient, d’après lui, une charge économique
dont il prétendait libérer la France. Mais « foutue » est un terme qui d’un point de vue géopolitique est doté d’un infantilisme
grotesque. Car comment peut-on effacer l’Algérie de l’histoire du monde, par
dédain, par dégoût ? Comment peut-on méconnaître les conséquences sur la
France et sur l’Europe que pourraient provoquer un désastre algérien et un
désastre africain ?
En octobre 1958, il
déclare à Delouvrier : « L’indépendance
algérienne ? Dans 25 ans …Delouvrier… ». A cette époque
Delouvrier, inspecteur général des finances, allait prendre ses fonctions de
délégué du gouvernement en Algérie. Partisan de l’indépendance, il avait
manifesté au général De Gaulle son accord pour assurer le destin de l’Algérie sous
sa direction. Mais il tenait à souligner qu’il était partisan de
l’indépendance. De Gaulle a voulu en quelque sorte, calmer les ardeurs de celui
qui va lui être soumis avec une servilité rampante.
En mars 1959, il
déclare : « L’armée française
ne quittera jamais ce pays et moi, le général De Gaulle, je ne traiterai jamais
avec ces gens du Caire ou de Tunis ». Voilà une traduction limpide de l’inspiration
satanique qui animait l’homme de Colombey. Car il n’a rien fait d’autre depuis
1956, à partir de la rue Solferino dans le VIIème arrondissement de Paris, que
de traiter avec les gens du Caire et de Tunis. Il l’a fait en 1956 par
l’intermédiaire de Maître Boumendjel et d’autres complices. A partir de 1959,
il le fera par l’intermédiaire de Farès.
A quoi correspond cette autre affirmation
belliqueuse dont il est aussi l’auteur : « l’armée française ne quittera jamais ce pays ? ».
Affirmation enrichie plus tard par celle-ci, en mai 1959 : « Une nouvelle Algérie, liée pour
toujours à la France ».
Ces affirmations pleines d’équivoques et de
tromperies semblaient ne plus enterrer la notion, ou plutôt la thèse « Algérie
française ».
Elles ont été prononcées par le général De
Gaulle, alors qu’il préparait le fameux discours du 16 septembre 1959 sur lequel
je vous propose de nous attarder à partir des lignes qui vont suivre.
Nous
ne nous intéressons qu’à la partie du discours qui traite de l’avenir de
l’Algérie française. D’emblée, il évoque ce problème de la façon
suivante :
« Pourtant,
devant la France un problème difficile et sanglant reste posé : celui de
l’Algérie ».
C’est clair et net, l’Algérie pour lui ce n’est
pas la France. Il a oublié qu’en juin 1958, il a déclaré devant des dizaines de
milliers de personnes : «il n’y
a ici que des Français à part entière ».
Il n’hésite pas à centraliser l’intérêt du
problème algérien sur ceux qui manifestent leur volonté de lutte : sur « ceux-ci ou bien ceux-là qu’obnubilent
en sens opposé, leurs intérêts, leurs passions et leurs chimères ». On
perçoit que c’est aux partisans de l’Algérie française qu’il pense tout
particulièrement.
Il n’oublie pas de s’intéresser à l’identité du
peuple algérien. Nous notons en passant, qu’il refuse avec obstination, dans ce
discours, d’utiliser le terme de « peuple
algérien ». Il évoque des « populations » car manifestement d’après lui, les Algériens de confession musulmane ne
constituent pas un peuple. Des populations et par-dessus le marché, il souligne
qu’elles végètent en Algérie.
En effet, il s’exprime ainsi :
« là, végètent des populations ».
C’est un terme volontairement péjoratif qu’il
utilise, aussi bien quand il évoque les populations que lorsqu’il fait
référence au fait qu’au lieu de « vivre » en Algérie, ces mêmes populations n’y font que « végéter ». Poursuivant l’expression de son mépris
discriminatoire, il n’hésite pas à nous apporter la précision suivante :
des populations…
« doublant tous les 35 ans, sur une terre en grande partie
inculte ».
Une conséquence de son diagnostic est précisée
dans le fragment de phrase suivant : ces populations …
« sont, pour les trois-quarts plongées dans une misère qui est
comme leur nature ».
Il donne ainsi du peuple algérien, de ce qu’il
appelle les populations, une image,
une représentation destinée à provoquer chez nos compatriotes la réflexion
suivante :
« mais que va-t-on faire chez nous de cette
population ? »
C’est un rejet raciste qu’il veut induire chez
nos compatriotes. « Que peut-on
faire en France d’un peuple dont la nature est d’être miséreux ? »
Toutefois,
ces populations vont être amenées à
choisir leur destin. Elles vont être dans l’obligation de choisir une identité
historique définitive.
Quand ?
« Au plus tard, quatre années après le
retour effectif à la paix ».
C’est net. La paix doit survenir. Quatre ans de
paix doivent se dérouler et c’est alors seulement que l’on demandera à ces populations de choisir leur
destin.
Oui, mais la paix, c’est quoi ça ?
Il nous propose une définition qui mérite que
l’on s’y attarde quelques secondes :
« c’est une situation telle, qu’embuscades et attentats
n’auront pas coûté la vie à 200 personnes en un an ».
Nous avons bien compris : jusqu’à 200
cadavres par an, c’est la paix. Et à partir de 201 cadavres par an, c’est la
guerre.
Il est inutile de s’attarder sur cette formulation
mathématique hasardeuse, que je me suis permis d’évoquer comme telle au procès
des barricades, devant le Haut Tribunal Militaire qui me jugeait.
Le président de la
république propose trois solutions. Il est précis : il déclare qu’il
s’agit de trois solutions concevables.
Concevables si l’on se réfère à la constitution de 1958, d’après lui. Ces trois
solutions concevables feront l’objet
d’une consultation électorale.
Première
option : c’est la sécession.
« Je suis, pour ma part, convaincu qu’un tel
aboutissement serait invraisemblable et désastreux ».
« La sécession entraînerait une misère épouvantable, un
chaos politique, un égorgement généralisé ».
La sécession aboutirait
à « un extraordinaire
malheur ».
Donc, il n’existe aucun
doute, la sécession, c’est-à-dire dans sa bouche l’indépendance, il
n’en veut pas !
Deuxième option : c’est
la francisation
Ecoutons-le :
« … Les Algériens pouvant accéder à toutes les
fonctions publiques…résidant ou
travaillant où bon leur semble…. devenant partie
intégrante du peuple français qui s’étendrait dès lors, effectivement de
Dunkerque à Tamanrasset.
Il manque un commentaire
qui pourrait être celui-ci : « voilà
ce que vous subirez en cas de francisation de l’Algérie ».
Donc la
francisation : il n’en veut pas !
Troisième option : c’est
celle d’une Algérie en étroite relation avec la France.
Par quel moyen ?
Par le moyen d’une
solution fédérale. Mais la Vème République était-elle devenue le 16 septembre
1959 une république fédérale ? Il s’agit donc d’une solution formulée…. pour ne rien dire. Car elle n’est pas
constitutionnellement envisageable.
Où se situent les intentions réelles du général
De Gaulle ? J’essaie de répondre à cette interrogation dans le chapitre
qui va suivre.
L’heure
est venue effectivement de vous proposer un essai d’interprétation élargie de ce
discours du 16 septembre 1959, dans sa partie consacrée à l’avenir de
l’Algérie.
Nous avons noté que le général De Gaulle,
président de la République, ne se prive pas, dans son intervention, de rabaisser
à leur plus bas niveau, aussi bien la signification de la guerre d’Algérie que
l’importance géopolitique de la terre d’Algérie. Manifestement, il est dépourvu
de toute angoisse métaphysique. Il n’est tourmenté par aucune préoccupation
géopolitique africaine, européenne et mondiale, que pourrait générer le conflit
algérien. Conflit dont le dénouement ne dépendait encore ce jour du 16
septembre 1959, que de la volonté de la seule nation française.
Nous avons enregistré à quel point il s’était
donné pour but, avant tout, de provoquer chez nos compatriotes de la mère-patrie,
un sentiment de répulsion à l’égard de l’Algérie et à l’égard des Algériens de
toutes confessions. Il évoque, avec une désinvolture agressive, « ceux-ci » ou bien « ceux-là ». Et, ceux-ci comme
ceux-là, il l’affirme, nous l’avons vu, sont « obnubilés » par « leurs
intérêts, leurs passions et leurs chimères ». Il refuse de conférer au
conflit algérien d’une part, dont il osera assumer la défaite, ainsi qu’au
territoire algérien d’autre part, relié par ses frontières à l’Afrique
profonde, l’importance géopolitique, historique, humaine et spirituelle dont ils
sont porteurs l’un comme l’autre. On a l’impression qu’il raisonne comme si la Méditerranée
était une mer immense, un océan difficilement franchissable. Il refuse de faire
percevoir aux Français, à quel point l’Algérie est proche géographiquement de
la France. A quel point il est imprudent, voire criminel, de décider du sort définitif
de cette terre. D’agir comme si ce dernier n’allait avoir aucune influence sur
l’avenir de la France. Tout cela, il ne l’envisage pas, il ne l’évoque pas. Il
a pris le pouvoir pour perdre la guerre selon les exigences des tenants capitalistes du délestage économique de
l’Algérie, ou plutôt du délestage économique des peuples algériens. Il envisage avec sérénité, comme concevable, une défaite de la France.
Défaite déjà décidée, enregistrée, parmi les trois solutions qu’il qualifie de concevables.
Quand
on s’attarde sur le destin historique de l’Algérie d’une part, et sur la
terminologie dont il fait usage d’autre part, on se rend compte à quel point il
s’est planté ! A quel point il a trompé les Français !
La sécession
c’est-à-dire l’indépendance : « un
aboutissement invraisemblable et désastreux » déclare-t-il.
La sécession,
c’est-à-dire l’indépendance : « elle
entraînerait une misère épouvantable, un chaos politique, un égorgement
généralisé ».
La sécession c’est-dire-
l’indépendance : « un
extraordinaire malheur ».
Il s’est trompé. Il a menti. Plus encore, il
paraît être sous l’effet d’un épisode délirant. Car comment imaginer qu’il ose s’exprimer
en réalité, comme s’il voulait expliquer aux Français qu’accepter la sécession c’est-à-dire l’indépendance, correspondrait à accepter, sinon à promouvoir selon lui, un gigantesque crime contre l’humanité ?
Nous avons bien noté, en effet, quelle était la
signification éclatante de son affirmation. Il ose déclarer que l’indépendance,
la sécession, il la refuse. Il n’en veut
pas. Il la condamne. Il la refuse, je répète, par charité, par souci
humanitaire. Pour éviter un extraordinaire malheur, consécutif à cette
indépendance à laquelle il se ralliera néanmoins, ainsi que l’exigent les
sectes sataniques qui le véhiculent à travers l’histoire, lui, le général De
Gaulle.
Alors,
quel autre avenir pour l’Algérie ? La « francisation » ?
Je ne parviens pas,
aujourd’hui encore, à comprendre ce qui a motivé le choix de ce terme plutôt
que celui d’intégration. Au-delà du commentaire dépourvu de sens politique
qu’on lui prête
[6]
il est raisonnable de proposer, en toute logique, une autre explication.
« Vous
prétendez faire de ces gens-là, des Français ? Vous prétendez les
franciser ! »
La francisation, il la refuse ou plutôt il la rejette.
Pourquoi ?
Parce que : « vous en aurez partout ! ».
C’est ce message qu’il veut faire percevoir à
nos compatriotes. C’est la signification exclusive qu’il attribue à la notion
de « France de Dunkerque à Tamanrasset ». Notion évoquée en novembre
1954, par le tandem Mitterrand-Mendès France. Mitterrand, souvenons-nous, avait
manifesté à cette date qu’il fallait garder l’Algérie. Il précisait : « il fallait que la force de la nation
l’emporte, quelles que soient les cruautés de la tâche ».
De Gaulle veut faire naître chez nos
compatriotes métropolitains, par l’emploi de ce terme de francisation, une peur
physique : celle d’une invasion par le biais d’un afflux d’Algériens musulmans « francisés » vers la terre de France.
Il
semble alors frappé d’un trait de clairvoyance politique exceptionnel, qui va
lui permettre d’éviter la francisation dont il ne veut pas, selon son propos, ainsi que la sécession, c’est-à-dire
l’indépendance qui lui fait peur, toujours selon son propos.
Il propose, nous l’avons vu : « une Algérie en union étroite avec la
France ». Par un lien de type fédéral, de manière à protéger chaque
communauté religieuse à l’égard de l’autre. Il affirmait ainsi, implicitement,
que les collectivités religieuses minoritaires allaient connaître un grave
danger dans une Algérie « sécessionniste ». Il fallait donc prévoir une protection de chaque communauté religieuse à
l’égard de l’autre. Ce qui revenait à dire à l’évidence, mais il se garde de le
formuler en langage clair, qu’il fallait prendre toutes les dispositions statutaires
et autres, pour protéger les juifs et les chrétiens contre les musulmans
hyper-majoritaires. Par quel
moyen ? Par le moyen d’un lien
fédéral… qui n’était pas constitutionnellement envisageable, qui était un
leurre, qui n’était pas concevable, puisque la France n’est pas une république fédérale.
Il exprime soudain, en
prenant soin de ne pas le dire en langage clair, une inquiétude pour l’avenir
des juifs et des chrétiens dans une Algérie indépendante. Il la suggère. Cette
inquiétude était donc concevable selon ses propres termes. Cette inquiétude
était-elle fondée ?
Historiquement,
cette inquiétude que De Gaulle exprimait, était plus que raisonnablement
justifiée. Car le président de la Vème République, était forcément instruit,
c’est évident, des pressions majeures qu’ont connues les chrétiens dès la
naissance de l’Algérie musulmane.
Lorsque l’islam ou plutôt lorsque le message du
Prophète de la Mecque et de Médine fut véhiculé en Numidie, il le fit sur une
terre en grande partie acquise à un culte monothéiste unitaire, adversaire de
l’église catholique apostolique et romaine. Avant Mohamed, la thèse unitaire
dominante sinon majoritaire, de la foi
en Dieu, c’était l’arianisme. L’arianisme fut véhiculé militairement, en grande
partie, par des migrants goths. L’histoire de Fulgence, un saint du
catholicisme romain, illustre tout particulièrement, cet épisode historique.
Disciple de son parent Saint-Augustin, il est né en 451 en Tunisie. Il connut
les occupations vandales de Hunéric, puis de Trasamund. Ariens fanatiques,
ceux-ci persécutaient les fidèles de l’église romaine. Ces derniers, non-ariens,
qui croyaient au dogme de la Sainte Trinité et à la consubstantialité du Père
et du Fils étaient persécutés sans ménagement. Les ariens de Numidie obligèrent
les chrétiens trinitaires, à se soumettre à l’arianisme par « l’édit de représailles du 25 février
484 ». Cet édit menaçait les chrétiens trinitaires de spoliation, de
bannissement, de captivité ou de mort s’ils refusaient de rallier la foi
arienne, la foi unitaire. Fulgence, évêque dans l’est de la Berbérie, s’attacha,
dans cette ambiance de persécution, à préserver les restes de Saint-Augustin
que les ariens voulaient disperser aux quatre vents.
Lorsque des émigrants porteurs du message de
Mohamed, parvinrent en Numidie, ils bénéficièrent très rapidement d’un appui de masse de la part des ariens,
opposés au catholicisme apostolique et romain. C’est-à-dire ennemis, comme les
musulmans, du dogme trinitaire. Illustrant dès cette époque, un adage bien
connu à savoir que l’ennemi de mon ennemi
est mon ami.
Car les ariens ont trouvé dans la schahada, la
prière fondamentale des musulmans, une confirmation de leur conviction unitaire. Confirmation ? Pourquoi ?
Parce qu’elle exprime une vérité, enseignée ou
plutôt révélée au Prophète par l’archange Gabriel. Dieu s’est donc exprimé par
l’intermédiaire de l’archange. Le razoul
[7]
, donne
mission aux croyants de transmettre ce message d’origine divine.
Ainsi, dès l’origine de l’implantation de
l’islam algérien ou plutôt numidien, se manifeste une volonté anti-chrétienne post-islamique, qui va prendre le relais
opérationnel de la volonté anti-chrétienne pré-islamique,
des ariens.
Cette volonté post-islamique, se concrétisa
ultérieurement, en transformant les collectivités de juifs et de chrétiens, en
collectivités de dhimmis. C’est-à-dire des collectivités religieuses astreintes
quotidiennement à acheter leur droit à la vie.
Plus
tard, l’islam nord-africain et ibérique, l’islam
occidental, va connaître une nouvelle genèse ou plutôt un renforcement
dogmatique par l’intermédiaire d’une réactivation du message du Prophète.
Ce fut l’œuvre d’une mouvance africaine occidentale¸ la mouvance almoravide.
Les almoravides sont apparus parmi les derniers
convertis du Maghreb. Adossés à l’Atlantique, ils vont s’imprégner profondément
du message du razoul. Berbères mauritaniens, frontaliers du Mali et d’autres
territoires africains, ils vont conférer une nouvelle vigueur au processus
d’unification et d’universalisation de l’islam. Pour accomplir cette mission,
ils vont arabiser à outrance la pratique et l’expression de l’islam au sein du
monde maghrébin, africain et hispanique. Par l’intermédiaire de talebs c’est-à-dire de notables berbères
très instruits de l’enseignement du coran. Ils vont créer des ribats : petites cités fortifiées
au sein desquelles ces talebs vont enseigner à outrance la langue arabe
littérale. Ils vont se charger de mettre en pratique avec une volonté
dogmatique rigoureuse, la prescription impérative du 3ème calife, qui au VIIème
siècle, avait commandé que la diffusion du coran s’effectuât désormais en
langue arabe littérale exclusive.
A l’ouest du Maghreb s’élabora un nouvel essor
de l’arabo-islamisme fondamentaliste. Celui-ci conféra à l’islam occidental un
potentiel messianique renforcé. Un messianisme orienté cette fois d’ouest en est. C’est ce que j’ai
désigné par le terme de « l’onde de
retour islamique ». Comme si l’islam avait rebondi sur l’Atlantique pour
s’implanter, revigoré et rajeuni, vers l’est du Maghreb et vers l’Ibérie.
En Espagne, le califat de Cordoue, disparut en
1036. Lui succéda le royaume almoravide, un royaume berbère, religieusement et
culturellement arabisé à outrance. Il devint une expression du nouveau
dogmatisme conquérant de l’islam (1061-1147).
Je vous prie d’accepter
mes excuses mes chers correspondants pour cette longue digression. Elle était
utile car il est difficile d’évoquer un chapitre de l’histoire de l’Algérie
ainsi que l’histoire de la guerre d’Algérie, sans faire référence, tout au
moins schématiquement, à la manière dont l’islam et l’arabisme se sont
implantés sur cette immense contrée. L’un tirant sa vigueur de l’autre.
Je suis persuadé que le général De Gaulle se
situait à mille lieues de ces préoccupations historiques et confessionnelles
lorsqu’il a prononcé le discours du 16 septembre 1959.
L’Algérie…. ? Il
n’en veut plus ! Les conséquences ultérieures… ? C’est pour les autres. « Qu’ils se
dépatouillent ! ». « Je leur souhaite bien du
plaisir ! » pense-t-il surement, comme
il le dira quelques années plus tard d’ailleurs, dans d’autres circonstances
tout à fait étrangères à l’Algérie.
Finalement, il est facile de constater
aujourd’hui, que rien, mais absolument rien, ne s’est déroulé comme il l’avait
affirmé. Comme il a prétendu le commander. Il a prononcé un discours frappé du
sceau de l’incompétence, ou plutôt de la fourberie la plus totale.
L’aboutissement de sa politique ce fut la sécession
avec ses risques de malheurs et de
massacres. Avec ses risques de chaos sur lesquels il a cru judicieux de s’appuyer pour théoriquement inviter les
Français à rejeter la sécession.
Le risque d’imprégnation islamiste dont il
prétendait protéger notre pays apparaît aujourd’hui s’identifier au résultat le
plus évident du refus gaulliste de l’Algérie française. La mort de l’Algérie
française a fait de la France un terrain d’expérimentation privilégiée pour une
implantation des structures de l’arabo-islamisme fondamentaliste universel.
Pour l’incorporation possible, d’après nos ennemis, de notre terre française
dans l’universalité de la umma, dans le siècle à venir, si nous nous dérobons
devant le combat qu’il nous reste à mener, par la faute exclusive du général De
Gaulle.
Où
se situait le véritable motif opérationnel de ce désastre
« possible » annoncé, remarquablement décrit, puis cependant choisi
et accepté par De Gaulle ? Mis en œuvre par De Gaulle ?
N’oublions jamais une motivation sous-jacente,
constante et réelle de son rejet de l’Algérie. Nous évoquons son dégoût des Algériens. De la terre comme
des hommes. Il a formulé ce dégout d’une manière insidieuse et néanmoins
perceptible le 11 avril 1961 quand il a déclaré :
« La
France n’a aucun intérêt à porter à bout de bras
l’existence de populations dans une Algérie qui n’offrirait rien en échange de
ce qu’elle aurait à demander. C’est pourquoi la France considérerait avec le
plus grand sang-froid que l’Algérie cessât d’appartenir à son domaine ».
Le discours du 16 avril 1961 exprime une volonté
répétitive et obsessionnelle chez De Gaulle : un dégoût, qu’il ose
exprimer, permettez-moi d’insister, pour l’Algérie. Dans le but de se
débarrasser de celle-ci, il fait appel à l’esprit mercantiliste qui peut animer
parfois nos compatriotes, comme nous-mêmes d’ailleurs.
L’Algérie n’a rien à offrir, prétend-t-il. Le pétrole,
le gaz, et beaucoup d’autres avantages, « c’est
quoi ça ? ».
Mais surtout les frontières avec l’Afrique
profonde, avec le Mali, la Lybie, le Niger… Quelle importance ? Ça ne compte pas pour l’avenir de la France. Voilà
ce que pense De Gaulle lorsqu’il s’apprête à poignarder l’Occident le 19 mars
1962.
Oui,
l’Algérie française m’obsède encore. Son destin s’inscrit dans une phase
cruciale de l’histoire du monde, de l’histoire de la Méditerranée et de
l’histoire de la chrétienté. Elle m’obsède d’autant plus que pour moi
s’approche à petits ou à grands pas, l’heure du grand saut. Ce n’est pas
exhiber un pessimisme de circonstance que d’affirmer cette évidence, quand on s’approche
de ses 86 ans.
Je reste nourri d’une conviction fondamentale :
notre combat pour l’Algérie française fut un combat d’avant-garde. C’est cette
identité qui confère à la thèse « Algérie française » un coefficient
de développement durable qu’il faut
se garder de négliger.
Le 50ème anniversaire que nous avons
connu en 2012, fut l’occasion de voir porter contre cette thèse quelques coups
bas « lynchards » de la
part de ceux qui restent soumis intellectuellement et spirituellement au
chamanisme gaulliste. Ils ne voient pas, aujourd’hui encore, que la
confrontation qui nous fut imposée et devant laquelle une minorité d’entre
nous, d’Algérie comme de métropole ne se sont pas dérobés, déborde très
largement les limites d’un combat pour la seule grandeur de notre patrie
française. La France était, certes, notre conviction première, notre conviction
basale. Mais pour survivre libre et indépendante en tant que terre majeure de
l’Occident chrétien, la France avait besoin du voisinage d’un pays qui était en train de naître. Je précise d’un pays, je ne
dis pas d’une nation.
D’un pays qu’il fallait créer.
Ce pays c’était la Méditerranée.
Ce pays était nécessaire à la formulation d’un
refus : le refus d’une solution de continuité définitive entre l’Occident
et l’Afrique.
Nos ennemis, je veux dire les ennemis de
l’Algérie française de tous horizons et de toutes identités politiques,
ethniques ou religieuses, s’identifient à l’évidence aux ennemis les plus
efficaces de l’Occident. Ils ont préféré tuer dans l’œuf ce pays, la
Méditerranée, pour en faire une frontière.
Au sud de cette frontière : un nouvel envahisseur
s’organise. Se structure. Se fanatise. Il prend son temps. Il contrôle par des
attentats qu’il met en œuvre contre les personnels humains qu’il menace, qu’il
tue ou qu’il fait enlever, les têtes de pont africaines économiques et bancaires
des structures et entreprises capitalistes. Celles qui ont prétendu se libérer
de la charge des peuples pour produire une meilleure rentabilité de leurs exploitations
des richesses minières de ces pays. Ces envahisseurs prennent tout leur temps.
Ils sont animés en permanence et pour un très long terme, de l’ambition de nous
soumettre à une intégration sud-nord qui bouleverserait l’identité des peuples
du nord de la Méditerranée, si cette intégration réussissait à s’accomplir dans
le siècle à venir.
Au nord séjournent, pour le moment, des peuples
divisés. Stagnent des peuples spirituellement dégénérés dans leur majorité. Des
peuples qui, en France, se réfugient dans une béatitude générée et entretenue
par une référence rabâcheuse et ringarde au gaullisme. Le gaullisme qui
confère, je l’ai maintes fois exprimé, des airs de jeunes gérontes,
prématurément attardés, vieillis, fripés, à ceux qui restent soumis à un
comportement obsessionnel résultant de leur aveuglement gaulliste.
De Gaulle ! Un mythe ! Un mirage !
La fausse grandeur. Le faux héroïsme. La drogue nécessaire des mal-comprenants comme l’a écrit mon
camarade Jean-Marc de Marseille.
De Gaulle s’est attaqué dans son discours du 16
septembre 1959 à la thèse qui évoquait la France de Dunkerque à Tamanrasset. Il
n’a pas voulu enregistrer qu’une autre thèse historique était en train de
s’exprimer. Celle qui fut annoncée en langage clair par un ennemi de la France,
Ben M’hidi, qui déclara en 1957 : « vous
voulez la France de Dunkerque à Tamanrasset, je vous prédis, moi, que vous
aurez l’Algérie de Tamanrasset à Dunkerque ».
Une Algérie donc qui des frontières nord du Mali
et du Niger, pourrait franchir la Méditerranée et conférer au territoire
français un destin tout à fait opposé à celui que nous voulions garantir à
notre patrie.
En Algérie française, un choix fut imposé en
1954 à la France, à l’Europe et à l’Occident. C’était l’une ou l’autre de deux
alternatives : la France de Dunkerque à Tamanrasset ou l’Algérie de
Tamanrasset à Dunkerque, dans le siècle à venir.
De Gaulle a volontairement opéré pour rendre
possible la seconde alternative, qu’on le veuille ou non.
De Gaulle, le gourou des hommes politiques
modernes, des gérontes de la Vème, personnifiait l’exécuteur majeur des thèses
du délestage économique du débouché algérien. Se débarrasser du peuple
algérien, c’était sa priorité obsessionnelle, je persiste à l’affirmer.
En Algérie, tout fut mis en œuvre par les
ennemis de la France, pour enrichir d’un maximum de pugnacité l’arme tactique
majeure nécessaire à combattre la Croix en Afrique, en France et dans le monde.
On a éprouvé le besoin d’affranchir, dans la réalité du quotidien, la pratique
de l’islam à l’égard de la loi de 1905. Cette loi que nous avons subie, dans
une perspective anti-chrétienne exclusive de la IIIème république, était
cependant précise et, la plupart du temps, elle est évoquée d’une manière
perverse. Cette loi en effet évoque une séparation des églises et de l’état. Or, tout ce passe comme si, en France,
cette loi ne concernait pas la pratique de l’islam. Donnant une sorte de
blanc-seing aux révolutionnaires. Celui de développer à partir de leur
expression de la foi en Dieu, un arabo-islamisme fondamentaliste. C’est-à-dire une
organisation religieuse regroupant en réalité des pratiquants qui s’excluent eux-mêmes
de la citoyenneté française, puisqu’ils prétendent soumettre la France à la
Charria.
Le général De Gaulle
s’identifie aujourd’hui et plus qu’hier, au véhicule privilégié d’une
malédiction satanique de la France : il a fait de notre pays une proie
accessible aux ambitions conquérantes de l’arabo-islamisme fondamentaliste.
Lui aussi est atteint d’une maladie commune aux
Français, parait-il : il a la
mémoire courte.
Rappelons qu’il accepta de se rendre à Londres
en 1940, presque sous la contrainte du général Spears pour préparer la venue du
président du conseil, Paul Reynaud, dans la capitale britannique. Avant de
devenir sous-secrétaire d’état à la guerre, il avait servilement exprimé par
écrit à ce même Paul Reynaud, toute son approbation et toute son admiration
pour la manière dont celui-ci avait organisé les opérations militaires qui
aboutirent au désastre que nous avons connu.
De Londres, dès la constitution d’un
gouvernement en France par le maréchal Pétain, il manifesta l’intention de
revenir auprès du maréchal. Il offrit ses services à celui qui allait accepter
la redoutable responsabilité de diriger la France dans cet épisode noir de notre
histoire. On sait que De Gaulle ne fut pas retenu dans le gouvernement qui se
mettait en place.
Il devint désormais l’homme de Churchill pour le
profit exclusif de l’Angleterre. Dans ses prises de position, il éprouva constamment
la nécessité de souligner à quel point l’empire français était nécessaire à la
vie et à la grandeur de la France. Le 27 octobre 1940, à Léopoldville, au Congo
belge, il prononça un discours dans lequel il déclara qu’il fallait empêcher
Hitler et Mussolini « de prendre
possession de notre Afrique du Nord,
de notre Syrie et de notre Afrique occidentale ».
Plus tard, il bénéficia d’une promotion royale
octroyée par les Rothschild, lorsque ceux-ci à la fin de l’année 1942
condamnèrent Giraud parce que cet officier général
n’avait pas pris l’initiative d’abroger l’abrogation du décret Crémieux en
Algérie, dès le débarquement américain. De Gaulle participa en 1943 à la
rencontre de Casablanca. Roosevelt et Churchill s’entretinrent avec les
généraux Giraud et De Gaulle. Roosevelt offrit son aide pour l’équipement de
l’armée d’Afrique. En échange, il exigea une exclusivité de la future clientèle
économique de la France au profit des USA. Il mit à l’octroi de son aide, une autre condition :
que la France abandonnât son empire dans les 30 ans qui allaient suivre la fin
de la guerre mondiale. Giraud, outré des exigences américaines, claqua la
porte. De Gaulle resta et se soumit en acceptant de mettre en application les
perspectives rooseveltiennes.
En Algérie, en 1943, il
prit appui sur tous ceux qui allaient se rallier à sa personne pour combattre
la France. Il obtint, par sa soumission aux exigences rooseveltiennes, le
soutien de Murphy, le représentant personnel de Roosevelt en Afrique du nord
française, depuis décembre 1940. Il devint aussi le complice de Ferhat Abbas.
Celui-ci s’affirma dès cette année-là, en 1943, comme un admirateur
inconditionnel de De Gaulle. Ce dernier en effet, contre la volonté de Giraud,
accepta que fût constituée l’AML. C’est-à-dire l’association des Amis
du Manifeste de la Liberté. Cette AML regroupait 4
organisations anti-françaises qui avaient manifesté déjà leur volonté
séparatiste :
-
le
Parti Communiste Algérien,
-
le
PPA de Messali Hadj, Parti du Peuple Algérien,
-
le
premier parti de Ferhat Abbas, le Manifeste Algérien de la Liberté
-
enfin,
l’Association des Ouléma, dont le chef Ben Badis avait déclaré : « ma religion c’est l’islam, ma langue
c’est l’arabe, ma patrie c’est l’Algérie ».
A partir de l’AML naîtra plus tard, le FLN qui
fit la guerre à la France. De Gaulle devint le correspondant de Ferhat Abbas.
Celui-ci rejoignit le FLN en 1956 qui l’accepta parce que disait-il, « il jouissait de l’appui du plus prestigieux
des Français ».
Dans cette communication
que je vous transmets, on se rend compte que nous fûmes victimes en Algérie
française, comme nous le sommes aujourd’hui, des entreprises serviles d’un
monde de courtisans. Pour eux, l’encensement perpétuel de leur idole, De
Gaulle, s’identifie à une raison de vivre. Ils nous ont imposé et nous imposent
d’évoluer encore au milieu d’un monde politique affligé d’une obsession
gaulliste. Obsession génératrice d’une dépendance dont personne ne parvient à
se libérer.
Les frémissements masochistes et rampants,
parfois haineux, souvent médiocres du cinquantenaire de la mort de l’Algérie
française, du cinquantenaire de la défaite de la France gaulliste concrétisée à
Evian le 19 mars 1962, n’ont pas eu le pouvoir d’effacer quelque chose
d’essentiel :
l’Algérie française
définitivement morte, perdure dans nos âmes, dans notre souvenir. L’astre
« Algérie française » est mort mais la lumière qu’il a généré durant sa vie manifeste encore toute son énergie et
nous éclaire pour quelques décennies encore.
Pour nous, qui avons risqué vie, liberté,
équilibres familiaux et honneur parfois pour la défendre, l’Algérie française s’identifie
au nouveau Graal.
C’est-à-dire une thèse de référence dont la
connaissance est nécessaire à la survie de l’Europe et de l’Occident. Une thèse
qu’il faut avoir le cran et l’ambition d’éclairer et d’enrichir.
Nos souvenirs, nos enthousiasmes du passé, sont
nécessaires à nos successeurs. Qu’ils se libèrent de ceux qui nous condamnent
et se retranchent frileusement derrière le paravent du gaullisme destructeur de
tout ce qui était beau et grand en France.
Mais regardez-les, ces pauvres histrions de la
politique ! Chacun passe son temps à s’affirmer meilleur gaulliste que son
voisin ! De Gaulle c’est le recours de ceux qui nous ont trahis et qui
blasphèment contre ce magnifique enthousiasme français, qui nous a guidés dans
notre combat pour l’Algérie française. Ils prétendent nous salir, ils dégradent
notre pensée d’une manière obsessionnelle. Ils me font souvenir de quelques
vers de Musset que je me permets de vous rappeler :
« Que
du moins l’histrion, couvert d’un masque infâme,
N’aille
pas, dégradant ta pensée avec lui,
Sur
d’ignobles tréteaux, la mettre au pilori ».
Jean-Claude PEREZ
Nice,
Juin 2013
[1]
Histrionisme :
cette définition est une définition médicale. Car depuis 20 ans au moins, en
médecine on refuse d’employer le terme d’hystérie. Ce terme a été remplacé par
histrionisme. La définition que je vous propose est une définition d’un aspect
majeur de l’hystérie.
[2]
Loi Gayssot : 13 juillet 1990. Une
loi qui définit arbitrairement ce qu’il est bon ou mauvais d’écrire.
[3]
« Attaques et contre-attaques» :
chapitre 21, page 377
[4]
Razoul : l’envoyé
de Dieu
[5]
Ouléma : c’est un
pluriel donc pas de « s ». Ouléma : docteurs de la foi coranique
[6]
Il refusa ce terme
d’intégration parce « qu’on voulait
le lui imposer », a-t-il déclaré en substance, à un journaliste
oranais
BIBLIOGRAPHIE
L’assassinat
de l’Algérie française, terreau de la conquête islamiste actuelle. 2012
Un des livres du cinquantenaire, à lire et à faire lire.
L’islamisme dans la guerre d’Algérie
Logique de la Nouvelle Révolution
Mondiale, 2004
Le sang d’Algérie
Histoire d’une trahison permanente, 2006 ; 2e édition
Debout dans ma mémoire
Tourments et tribulations d’un
réprouvé de l’Algérie française, 2006 ; 2e édition
Vérités tentaculaires sur l’OAS et
la guerre d’Algérie
Stratégies et tactiques, 2006 ; 2e Edition
Attaques et Contre-attaques
Vérités tentaculaires sur l’OAS et
la guerre d’Algérie II, 2008
Editions Dualpha
Boite 37
16 bis rue d’Odessa
75014 PARIS
Tel. : 09 52 95 13 34 - Fax : 09 57 95 13 34
Mail : infos@dualpha.com
Site internet : www.dualpha.com
Vous pouvez prendre connaissance des deux interview accordées par Jean-Claude PEREZ : - la première à Monsieur Olivier CAZEAUX : sur Internet tapez « OAS, le docteur PEREZ parle » ; - la
seconde, à Monsieur BESSOU dans le cadre de la préparation d’un film. Monsieur
BESSOU a livré à Jean-Claude PEREZ tout le matériau de son exposé visible sur
le site www.jean-claude-argenti-sauvain.com.
Mis en page le 08/07/2013 par RP |