par le docteur Jean-Claude
PEREZ,
L’HISTRIONISME
GAULLISTE 2
La
prolifération des syncrétismes
« Que
du moins l’histrion, couvert d’un masque infâme,
N’aille
pas, dégradant ta pensée avec lui,
Sur
d’ignobles tréteaux, la mettre au pilori ».
C’est,
animé d’une profonde confusion que je rappelle ces vers de Musset auxquels
j’avais eu recours dans la conclusion de ma précédente communication. Je le
fais néanmoins. Dans quel but ?
Celui de souligner à quel point,
aujourd’hui encore, nous, qui ne renions pas l’histoire de l’Algérie française,
qui ne renions pas l’histoire de l’empire colonial français, sommes l’objet d’une
tentative constante et obstinée d’anéantissement intellectuel. Le
travestissement obsessionnel de la vérité est poursuivi avec un tel acharnement
que l’on ne peut se soustraire à une interrogation :
« l’œuvre extra-métropolitaine de la
France fut-elle à ce point criminelle et esclavagiste ? ».
Quand, il y a 7 à 8 décennies on nous
présentait le héros Tarzan-Weissmuller, en train de lutter contre les fauves et
les « sauvages africains » massacreurs et mangeurs de « petits
blancs » égarés dans la jungle, avons-nous rêvé ?
Quand John Wayne et d’autres héros de
l’ouest américain faisaient le coup de feu contre les « sauvages
rouges » des Rocheuses et d’ailleurs, exprimaient-ils une volonté forcenée
de massacrer ces « prolétaires extérieurs de l’Occident », si
différents de nous à cette époque ?
L’histoire des hommes, des nations et des
peuples, avait évidemment besoin de siècles, voire de millénaires pour
développer une information. Ou mieux,
un enseignement, lui-même générateur d’une évolution qui allait exercer ses
effets progressivement, pas à pas, et permettre aux hommes d’accéder un jour à
une harmonisation, à une articulation de leurs diversités. Et ranger dans les
tiroirs du passé les épisodes de confrontations, sanguinaires parfois, entre
les différences.
Faut-il aujourd’hui se priver du temps
passé ? Faut-il le diaboliser, sous prétexte qu’il s’agit du passé ?
Devons-nous dans ce comportement devenu
conventionnel aujourd’hui, traiter d’assassins les accoucheurs du XIXème siècle
qui laissaient mourir des parturientes parfois, après l’enfantement de leur
progéniture lorsque celui-ci s’était révélé difficile, pathologique ? Les
suites de couches, dans cette éventualité, se déroulaient dans des conditions
hygiéniques plus que déficitaires. C’était encore une époque où l’on ignorait
tout de la bactériologie et des antibiotiques. Les pauvres mères d’antan
étaient alors victimes d’infections microbiennes redoutables qui les
véhiculaient souvent et impitoyablement dans l’autre monde.
Faut-il condamner le cannibalisme des
premiers hommes qui garantissait par cette pratique, l’apport protéinique
nécessaire à la survie de l’espèce humaine ?
Le passé doit être connu, analysé,
compris et contrôlé.
Il est riche d’enseignements. Il capitalise
les véritables sources de notre information actuelle. Les progrès de la science
dont nous nous grisons aujourd’hui, ne vont pas nous inspirer du mépris à
l’égard d’une mère de famille, qui, dans l’espoir de guérir son enfant atteint
de méningite tuberculeuse, avait appliqué, en dernier recours, sur la tête du
petit malade, le corps d’un pigeon sacrifié, dans le but d’effrayer la mort qui
allait s’emparer de son petit ?
L’Algérie
française fut une œuvre magnifique. Exceptionnelle. Elle représente
aujourd’hui, avec une évidence quotidiennement vérifiée, une occasion ratée.
L’occasion d’une installation de la paix en Afrique, au Proche-Orient et plus
loin encore. Elle aurait été le vecteur d’un devenir géant pour la France,
l’Europe, le monde occidental et l’Afrique. Car elle imposait, pour être possible et viable, une
harmonisation humainement et structurellement, je veux dire socialement,
établie entre le judaïsme, le christianisme et l’islam. Ces trois religions
étant énumérées dans leur ordre d’apparition historique.
Les conflits que nous connaissons
aujourd’hui en Afrique et au Moyen-Orient, malgré une volonté de recours à
l’arme chimique, ne sont pour le moment, que des conflits « débutants ».
Comment définir aujourd’hui un conflit
débutant ?
Un conflit débutant se définit comme une
confrontation qui n’implique pas encore l’usage de l’arme nucléaire. Les
conflits que l’actualité nous offre sont chargés, avant tout, d’une aura de
honte imputable aux gouvernements des pays intéressés mais avant tout aux pays
occidentaux. Car ceux-ci ont sabordé la décolonisation inéluctable et
nécessaire, quand ils ont interdit à ceux qui avaient préalablement colonisé de
la mettre eux-mêmes en route. Dans une logique d’irréfutable nécessité. Une
décolonisation telle qu’elle avait été préconisée au mois d’avril 1945 lors de
l’Assemblée Générale Constitutive des Nations Unies à San Francisco.
Mais non ! Il fallait de la violence
et du sang !
Il fallait du sang et surtout
l’élaboration d’un énorme capital de haine nécessaire à ceux qui prétendaient
qu’il était nécessaire de mettre en route la décolonisation en termes de
guerres dites révolutionnaires.
De réactiver, en la mettant
progressivement à l’ordre du jour, la conjuration permanente contre l’Occident
chrétien.
Il fallait du sang, des drames, de la
douleur aux inspirateurs constants de cette conjuration. Dans le but
d’interdire qu’un dialogue s’ouvrît entre les anciens colonisateurs et les
nouveaux décolonisés.
Le monde, de nos jours,
qu’on le veuille ou non, est devenu petit. Il est perçu comme petit. Explorable
dans chaque recoin de l’univers terrestre. Notre monde d’ici-bas est perçu néanmoins, pour le moment, comme le centre de
l’univers, au milieu des galaxies et des trous noirs, au milieu de l’immensité riche
d’interrogations qui enveloppe de toutes parts, la minuscule sphère terrestre.
Celle-ci, cependant, est porteuse d’un
capital jusqu’à ce jour irremplaçable : la vie avec ses faiblesses, sa
force, son potentiel de création, son potentiel de destruction. La vie, énorme
capital, générateur aujourd’hui d’une angoisse universelle. Car nombreux sont
ceux qui s’expriment comme de nouveaux « Hollandais
volants »
[2]
.
Ils prétendent, ils espèrent, ils veulent à tout prix, sauver la vie après la
mort de la terre. Mort de la terre, ou plutôt mort de la vie sur la terre,
inéluctable dans la nuit des temps. La vie, c’est-à-dire cette immense source
de création née de l’intelligence humaine, toute cette foi exprimée sous des
formulations multiples par les peuples de la terre, toutes ces aspirations, toutes
ces conquêtes scientifiques, tous ces enthousiasmes exprimés à travers nos existences,
l’art, l’écriture, le génie des hommes. Que va-t-il rester de tout cela au milieu
du vide sidéral, après la mort de la vie terrestre ? Rien. Le néant. Le
néant absolu si nous rejetons le recours de Dieu. Si nous rejetons le message
divin. « Si tu ne m’avais pas, tu
perdrais cœur » écrivait Pascal.
La foi en Dieu est à l’origine d’une
immense richesse. Elle seule est porteuse, en effet, d’un potentiel d’espérance
qui nous confère l’audace ou l’illusion d’affirmer « je n’ai pas vécu pour rien ».
Le passé fait partie de notre vie. On a
écrit des milliers de fois qu’il explique le présent et qu’il permet de prévoir
l’avenir. Il doit être exploré avec sévérité. Mais une sévérité technique,
indulgente pour les hommes car la vie les soumet à des pressions, à des
tempêtes à des drames. La véritable gloire et la seule victoire, en dernière
analyse, c’est celle de survivre.
Aujourd’hui, nous sommes soumis aux pressions
des semeurs de haine qui sont incapables dans leurs pratiques politiques, de
formuler une opinion, une pensée cohérente sur le devenir ou plutôt le destin
de l’homme moderne.
Ils tirent profit, animés d’une
imprudence criminelle, de situations conflictuelles qui leur offrent la
possibilité d’exercer encore un pouvoir temporaire.
Se rendent-ils compte que le jour
approche où, de fanatisme en fanatisme, « de
printemps nouveaux en printemps nouveaux » riches d’obscurité comme on l’a
vu récemment à l’occasion de l’escroquerie assassine dite « des printemps
arabes » qu’un jour viendra inéluctablement où l’arme atomique apparaîtra
comme le seul moyen d’aplanir par la mort et la dévastation, les situations
conflictuelles qu’ils refusent de résoudre aujourd’hui par l’intelligence. Par
une expression constructive et pourquoi pas conviviale de leur foi, quand ils
en éprouvent une.
L’assassinat
de l’Algérie française, de cette terre méprisée par De Gaulle parce qu’elle « n’avait rien à offrir en échange de
ce qu’elle demandait » de cette terre peuplée « de populations dont le destin est d’être miséreuses » selon les propos de De Gaulle, cet assassinat donc, se situe à l’origine d’une
mise en danger de mort du monde occidental. Cet assassinat illustre l’identité
d’un moment historique décisif dans la conjuration permanente contre
l’Occident.
Les groupes financiers, plus ou moins
occultes, qui ont téléguidé De Gaulle dans son entêtement obsessionnel à se
débarrasser de l’Algérie, prennent en permanence des risques difficiles à évaluer.
Le délestage économique du débouché
colonial qu’ils ont mis en œuvre, avait l’ambition, ont-ils affirmé, de
faire évoluer les peuples dits coloniaux vers un statut de consommateurs solvables. Transformer ces peuples colonisés
hier, en peuples de clients. Des peuples à qui on allait acheter un droit
d’exploitation de leur sous-sol, de leurs richesses minières et pétrolières
générant ainsi, pensaient-ils, une expansion économique nouvelle exprimée à
travers la notion obsolète et surtout imprécise, de valeur ajoutée. En Afrique
et ailleurs.
Pour
l’accomplissement de ce projet, ils ont réactivé, en lui donnant vie, un
mouvement islamiste fondamentaliste. Celui-ci est né après la bataille des Pyramides
le 21 juillet 1798. Il s’agit de la « nahda »,
la « renaissance de l’islam »,
dont la perspective, au-delà du messianisme religieux, est de conquérir le
monde par tous les moyens, y compris par la guerre.
Au XXème siècle, la nahda s’est exprimée
avec vigueur à travers une personnalité jouissant d’un exceptionnel rayonnement
historique. Jouissant d’une intelligence supérieure, enrichie d’un charme
personnel indiscutable. Il s’agit de l’émir libanais Chekib Arslan.
Je me suis souvent exprimé sur le rôle
fondamental tenu par cette immense personnalité dans le développement de
l’arabo-islamisme fondamentaliste universel.
Druze libanais né en 1870, l’émir
s’illustra très vite comme un leader offensif du Proche et du Moyen-Orient
avec, face à lui, deux ennemis à combattre : l’Européen et le Chrétien. Il
devint très rapidement le leader reconnu de la nahda.
Il participa à la vie du parlement turc.
Il se signala en 1915, par une prise de position officielle en faveur du
génocide arménien. Plus tard, en tant que Druze islamiste syrien et libanais,
il n’accepta pas les accords de San-Remo de 1920, qui, sous l’égide de la
Société des Nations, firent d’une part de l’Irak, de la Jordanie et de la
Palestine, des territoires sous contrôle britannique, et d’autre part, qui
firent du Liban et de la Syrie, deux territoires sous mandat français. Il
déclencha une insurrection armée contre la France en Syrie. Un tribunal
militaire français le condamna à mort par contumace. Il se réfugia à Genève.
Jouissant d’un asile politique, il y créa une association pour la « Libération
de l’Afrique du Nord Française ». Il fonda un journal. Il disposait de
moyens financiers confortables qui lui permirent de mettre en route des
contacts universels et d’organiser un congrès.
Mais surtout, il donna asile à Messali
Hadj, dont il assura l’évolution politique.
Celui-ci, connu pour ses aspirations
indépendantistes, avait été récupéré, semble-t-il, par le communisme après la
première guerre mondiale. Il devint, à ce titre, leader de L’ETOILE NORD
AFRICAINE et fut récupéré par Staline qui recherchait le concours d’un notable
musulman jouissant de compétences nécessaires pour convaincre les musulmans de
l’Union Soviétique de se soumettre à la révolution rouge.
Il connut un médiocre succès et fut
« poussé » hors de l’Union Soviétique par le pouvoir stalinien. Il
fut invité à rejoindre Chekib Arslan à Genève, c’est-à-dire, rappelons-le, le
représentant reconnu de la nahda. Messali, en rejoignant Arslan à Genève, s’est
inscrit de facto dans la mouvance de la nahda.
Originaire de l’Ouest algérien, Messali
était avant tout un musulman convaincu. Il s’est révélé être l’héritier
spirituel et activiste des notables
musulmans qui, dans l’ouest de l’Algérie, dans la région de Tlemcen plus
particulièrement, s’identifiaient aux effectifs de ce que j’ai désigné par « l’onde de retour
islamique » : cet islam de l’ouest maghrébin qui s’était régénéré
à partir du VIIIème siècle aux confins
de la Mauritanie, du Mali, du sud-ouest de l’Algérie saharienne. Islam qui au
XIème et XIIème siècle connut son apogée à travers la mouvance almoravide.
Mouvance berbère, musulmane, mais avant tout mouvance qui se proclamait arabe. Car cette mouvance a fait de la
langue arabe le vecteur opérationnel majeur de la religion du Prophète dans
l’ouest méditerranéen et, espérait-elle, dans le monde entier. Les islamistes
maghrébins puis les almoravides, se sont soumis, en effet, aux prescriptions
autoritaires du 3ème calife. Ils ont contribué à faire de la langue
arabe l’expression unique de la foi exprimée dans le coran. La langue arabe, la substance phonique de l’islam écrivent des spécialistes de l’islam comme le professeur Henry Corbin, et
d’autres encore. Messali, auprès de Chekib Arslan et sur injonction de
celui-ci, rompit les attaches plus ou moins réelles qui le reliaient au
communisme. Il s’exprima dorénavant comme celui qu’il avait toujours été :
un islamiste.
Pendant
la guerre de 1939-1945, Chekib Arslan s’inscrivit ouvertement dans le camp
d’Adolphe Hitler. Unissant ainsi son combat à celui d’Asmine el Husseïni, mufti
de Jérusalem, qui exprimait son refus d’accepter la naissance d’un état juif en
Palestine. Celle-ci avait été envisagée, en Angleterre, comme une éventualité
souhaitable à l’initiative de Lord Balfour.
Jérusalem devint en conséquence une cause
majeure du combat mené par les islamistes. Troisième ville sainte de l’islam
après la Mecque et Médine, il était hors de question d’accepter, pour Asmine el
Husseïni de Jérusalem et pour Chekib Arslan de Genève, que Jérusalem devînt une
ville juive.
Ils n’hésitèrent pas, dans cet esprit
anti-judaïque, à s’intégrer au combat d’Adolphe Hitler qu’ils rejoignirent à
Berlin.
Messali,
à un échelon subalterne, solidaire de ce combat anti-juif, avait accepté dès le
début de la guerre de 1939-1945, d’accorder son soutien aux services secrets
militaires allemands. Il bénéficia personnellement du contact d’officiers du SR
germanique, comme le capitaine Reiser, parmi d’autres. Ceux-ci l’assurèrent de
subsides financiers. Messali fut arrêté et emprisonné. Son mouvement, le PPA,
le Parti du Peuple Algérien, fut dissous et interdit.
Il n’entre pas dans le cadre de ce
travail d’étudier la carrière révolutionnaire de Messali Hadj. Beaucoup
d’autres l’ont fait mieux que je ne l’ai fait. Ce que je veux souligner,
cependant, c’est une certitude : Chekib Arslan, pendant la guerre de
1939-1945, à partir de Berlin, activa
la lutte des messalistes d’Algérie contre la France.
Après la chute d’Adolphe Hitler, l’émir
libanais fut capturé par les Français. Il s’évada ! Il rejoignit sa base
opérationnelle de Genève. Nous sommes alors à la fin du mois d’avril 1945, la
guerre mondiale n’est pas encore
officiellement terminée. Dès son retour à Genève, sans perdre de temps, il
anima une première tentative de soulèvement en AFN, simultanée et synchrone
d’une tentative de soulèvement à Damas. Dans ce dernier cas, sous la forme
d’une attaque dirigée contre nos troupes.
En Algérie, il opéra par l’intermédiaire
des messalistes qui faisaient partie intégrante d’une formation politique créée
à l’initiative de Ferhat Abbas en 1943, grâce
à l’appui nécessaire et exclusif, décisif, de De Gaulle. Il s’agit de l’AML
de Ferhat Abbas : l’association des Amis
du Manifeste de la Liberté fondée par De Gaulle, via
Ferhat Abbas, qui regroupait :
le
Parti Communiste algérien d’Amar Ouezeguène
le
PPA de Messali
l’association
des Ouléma dirigée par Ibrahim Bachir à cette époque
le
Manifeste Algérien créé par Ferhat Abbas en 1942.
Le
1er mai 1945 à Alger, la guerre n’était pas encore officiellement
terminée, une manifestation particulièrement riche en incidents violents se
déroula rue d’Isly devant la caserne du XIXème Corps d’armée. Le nom de Chekib
Arslan fut proclamé comme celui du président d’une République Islamiste Nord-Africaine
à créer d’urgence. L’émir libanais, échappé
des Français nous l’avons vu, avait regroupé ses moyens d’actions et
surtout de propagande. Depuis Genève, il appela au soulèvement contre la France
de tous les peuples maghrébins en soulignant qu’il ne fallait pas laisser
passer l’occasion que représentait la fin de la guerre. Il mettait en exergue
une vérité à ne pas négliger : l’essentiel des forces combattantes
françaises d’AFN, tous les hommes d’Algérie en état de se battre étaient encore
mobilisés et pour une immense majorité d’entre eux, absents d’Algérie.
Il fut le déclencheur lointain des
évènements du 8 mai 1945 qui furent un échec, pour lui Chekib Arslan. Sauf dans
la Petite Kabylie des Babors à Sétif tout particulièrement et à Guelma à l’est
de Constantine.
En ce qui concerne Sétif et la Petite
Kabylie deux notions permettent de comprendre la violence des manifestations
qui s’y déroulèrent. La première, c’était avant tout la terre de naissance
d’Ibrahim Bachir cheik, né à Tocqueville, Ras-el-Oued, au milieu de ce
territoire. Il avait succédé à Ben Baddis à la présidence de l’association des
Ouléma, dès la mort de celui-ci, le 16 avril 1940. La seconde raison :
c’était la terre où vivait Ferhat Abbas.
Pour expliquer la révolte sanguinaire de
Guelma, très éloignée de Sétif, puisqu’il s’agit d’une ville située à l’est de
Constantine, il faut se souvenir de la personnalité de Ben Baddis. Celui-ci en
tant que premier président de l’association des Ouléma, avait été interné au
début de la guerre, car il avait noué des contacts avec les services secrets
militaires allemands. Il fut interné dans un camp de concentration. Il y trouva
la mort à l’occasion d’une maladie intercurrente, le 16 avril 1940. Pour le
cinquième anniversaire de sa mort, le 16 avril 1945, une cérémonie
commémorative fut célébrée dans le Constantinois. On y évoqua au milieu d’une
violence extrême, « l’assassinat de
Ben Baddis par les Français en avril
1940 ». Tel fut le prétexte formulé par les manifestants. Prétexte psalmodié,
ou plutôt hurlé dans un vacarme de youyous par une foule fanatisée, tenue en mains par les scouts musulmans. La haine se
traduisit par des cris de mort. « Katlan
n’sara » … « tuez les
chrétiens ! » tel fut le message dominant entendu lors de cette
manifestation. Cette commémoration se déroula dans l’est du département de
Constantine et fut la base de départ de messagers pour appeler à la révolte
tous les Kabyles du Constantinois. Après l’appel de Chekib Arslan du 1er mai 1945, le site de Guelma répondit le 8 mai 1945 à cet appel, avec violence
et sauvagerie.
Il
fallait réagir de toute urgence dans un seul but : éviter un massacre de
Français sur la totalité du territoire algérien.
Je n’ai pas honte de l’affirmer, quitte à
heurter une fois de plus la sensibilité venimeuse de celui que je considère
comme un délateur et surtout un ignare mal intentionné, IS de Sète : il a
fallu « terroriser la terreur » pour protéger nos compatriotes contre un massacre de masse.
A
partir de cette attaque contre notre pays et notre peuple, accompagnée, heure pour heure d’une agression synchrone de nos troupes à Damas, l’Algérie va
connaître une curieuse période.
Une période dite « de paix ».
Sur une terre où vont se nourrir deux conjurations : une conjuration
contre la France accompagnée d’une conjuration contre la Croix. Conjuration
conduite par des comploteurs d’Algérie, de France, et d’ailleurs. Un argument
alimenta, hier comme aujourd’hui encore, la volonté révolutionnaire de nos ennemis :
c’est la vigueur de notre riposte du 8 mai 1945. Riposte qui avait mis l’AFN à
l’abri d’un bain de sang. Il fut évoqué, à propos de cette répression, un
chiffre de victimes imputables à cette agression, 20 fois supérieur au chiffre
réel.
Vint l’amnistie octroyée par la IVème
république, née en 1946. Amnistie en faveur de tous les condamnés, c’est-à-dire
en faveur de ceux qui avaient participé aux « évènements » du 8 mai
1945, en particulier en Kabylie et à Guelma. Qui avaient hurlé « Katlan n’sara », « Tuez les Chrétiens ! ».
A propos de cette amnistie, je vous transmets l’observation suivante :
elle fut l’occasion de « résurrections multiples ». Car ils avaient
été très nombreux ceux qui se cachaient et qui avaient été déclarés morts par
leur famille. Ceux-ci réapparurent après l’amnistie de 1946. L’amnistie les
mettait à l’abri de toutes poursuites judiciaires.
Par ailleurs, l’amnistie de 1946 conféra,
évidemment, leur liberté d’action à des hommes qui avaient été administrativement sanctionnés. Les
principaux leaders rendus à une liberté politique totale prirent tous une initiative qu’ils ont tenu à relater eux-mêmes dans
leurs écrits respectifs. Je fais référence à leur prise de contact immédiat
avec le président en fonction de l’association des Ouléma. Ibrahim Bachir reçut
successivement dans ces conditions, Abderrahmane Farès et Ferhat Abbas. Comme
si ces hommes, par ailleurs pratiquants très modérés de leur culte, recherchaient
un blanc-seing de ce notable religieux kabyle né à Tocqueville, Ras-el-Oued, en
plein territoire insurrectionnel. Un blanc-seing pour leurs activités futures.
Activités ou plutôt actions qui aspiraient à rendre nulle une disposition de la
constitution de 1946 : celle qui stipulait, sans ambiguïté, que les
départements français d’Algérie faisaient partie intégrante des territoires de
la République française.
Ibrahim Bachir s’est employé en quelque
sorte à rappeler à l’ordre ces nouveaux leaders. Ceux-ci assumèrent leur rôle respectif
dans la mise à mort de la France sud-méditerranéenne. Ils avaient éprouvé
cependant la nécessité pour l’accomplissement de leur tâche, d’un blanc-seing,
nous avons dit par ailleurs, un « imprimatur
verbal » pour mettre en œuvre leur perspective révolutionnaire. El
Bachir el Ibrahimi fut celui qui octroya cet imprimatur verbal, tout
particulièrement à Ferhat Abbas et à Farès nous l’avons vu, mais aussi à
Messali Hadj, assigné à résidence dans la petite ville de Reibel-Chellala, à
l’ouest d’Alger.
L’AML de Ferhat Abbas
avait été dissoute dès le début des évènements. Le 8 mai 1945. Ce qui appelle une précision.
L’AML, l’association des Amis du
Manifeste de la Liberté, n’était en réalité qu’une fédération de partis
politiques, structurée dans un but opérationnel anti-français. Mise en place
officiellement en 1943. A la sollicitation de Ferhat Abbas. De Gaulle,
permettez-moi de le rappeler, donna son accord pour la naissance officielle de
ce mouvement. De Gaulle prit ainsi la responsabilité historique d’accepter les
statuts de l’AML. Malgré l’opposition du général Giraud. Dans cette attitude,
il ne faisait que se soumettre, avec servilité aux exigences de Robert Murphy
le représentant personnel de Roosevelt à Alger depuis décembre 1940.
Cette association, l’AML, fut dissoute
bien évidemment au moment des émeutes sanguinaires du 8 mai 1945. Il était
inenvisageable, même pour la IVème république, qu’un mouvement similaire pût voir
le jour en 1946, après l’amnistie.
En effet, prenons soin de ne pas négliger
les précisions qui vont suivre.
Le premier constituant de ce mouvement,
nous l’avons précisé, était le Parti Communiste Algérien, le PCA. Or, celui-ci,
non seulement s’opposa au déclenchement des émeutes du 8 mai 1945 contre la
France et le peuple français, mais aussi et surtout, appela à une répression
sévère et sans pitié. Amar Ouezeguène et Maurice Thorez, exigèrent, par écrit,
la rigueur ultime de la République contre les émeutiers qu’ils ont qualifiés d’hitlériens. Ce qui correspondait, mais
qui le savait, à une identification fondamentale et irréfutable de l’évènement
du 8 mai 1945. Car celui qui avait inspiré et déclenché cette tentative de
massacre de Français, c’était l’ancien complice d’Adolphe Hitler, l’émir
libanais Chekib Arslan qui, libéré par les Français après sa capture en avril
1945, lors de l’effondrement allemand, avait pu rejoindre Genève et à partir de
cette ville, déclencher une insurrection anti-française, qu’il espérait
africaine et libano-syrienne. Cette décision de soulèvement nord-africain et proche-oriental
fut un échec et ne connut qu’un succès partiel à Sétif, en Petite Kabylie d’une
part, et à Guelma, à l’est de Constantine, d’autre part. La première de ces
deux zones était sous l’influence directe du cheik des Ouléma, Ibrahim Bachir.
Quant à Guelma, à l’est de Constantine, elle était tenue en main par les
anciens fidèles de Ben Baddis, le premier président de l’association des
Ouléma. L’affirmation publique et écrite d’Amar Ouezeguène et de Maurice Thorez
accusant les émeutiers du 8 mai 1945 d’avoir été inspirés par l’hitlérisme, confirmait
donc la réalité d’une conjuration opérationnelle dirigée contre la France.
C’est pour cela qu’elle mérite d’être soulignée.
Le deuxième constituant de l’AML était
l’association des Ouléma fondée, je le rappelle, au mois de mai 1931.
Normalement, elle représentait l’âme religieuse de la conjuration qui s’était
exprimée au sein de cette association, l’AML. « Ma religion c’est l’islam, ma langue c’est l’arabe, ma patrie
c’est l’Algérie » tel s’exprimait le fondamentaliste Ben Baddis. Il
conférait à l’Algérie une définition religieuse et révolutionnaire exclusive.
En même temps, il l’incluait dans une mouvance conquérante universelle,
l’arabo-islamisme fondamentaliste. Ben Baddis, un berbère, prônait à outrance
l’usage exclusif de la langue arabe. Pour lui, « la réciprocité opérationnelle entre les textes et les
récitants », « la psalmodie
qui cautionne que l’on reste soi et qui symbolise l’universel » étaient
exprimées grâce à la langue arabe littérale, « substance phonique de l’islam ». Sa volonté de
combattre la France explique que le président Ben Baddis ait prêté une oreille
complaisante aux services secrets allemands d’autant plus que son hostilité
contre la France était majorée de sa volonté de combattre les juifs. Malgré tout
ce capital d’antécédents, la IVème république naissante en 1946 ne sanctionna
pas l’association des ouléma et son nouveau président Ibrahim Bachir. Celui-ci
put non seulement poursuivre la mise en place de l’arrière fond ethnico-religieux
de la future guerre d’Algérie, mais il put organiser de fructueux contacts avec
différents leaders de l’anti-France.
Le troisième constituant de l’AML
s’illustrait à travers le « Manifeste Algérien de la Liberté » lancé
par Ferhat Abbas après le débarquement américain en AFN du 8 novembre 1942.
C’est autour de ce manifeste que s’était structurée l’AML en 1943. Il s’agit là
du seul élément qui mérite d’être rappelé. Ferhat Abbas n’éprouva aucune
difficulté en 1946 à faire renaître ce Manifeste Algérien auquel la République
française semblait attribuer une importance dérisoire. Cette nouvelle
association s’intitula l’UDMA, Union Du Manifeste Algérien, présidée par Ferhat
Abbas lui-même en collaboration avec mon confrère algérien, le docteur Ahmed
Francis, vice-président de l’UDMA.
Le quatrième constituant de l’AML
dissoute après le 8 mai 1945 c’était le PPA : le Parti du Peuple Algérien.
Il s’agissait en réalité d’une deuxième dissolution car le PPA avait connu
cette mésaventure au début de la guerre, en 1939. Quand il fut établi par le SR
français que Messali avait accepté des contacts avec des officiers du SR
militaire allemand. C’est une notion établie, avec photos et documents à
l’appui. Un de ces officiers était le capitaine Reiser, bailleur de fonds de
Messali, dès le début de la guerre de 1939-1945. Le PPA fut dissous. Messali
fut logiquement incarcéré.
Plus tard, le 25
janvier 1941, une révolte de spahis à Maison-Carrée provoqua l’assassinat de 10
civils français, de 10 sous-officiers français et d’un capitaine français. Il
fallut faire donner un escadron du Vème Chasseurs d’Afrique pour mâter cette
rébellion. Tous les leaders furent fusillés. Messali n’était intervenu en rien
dans la genèse de cette révolte sanguinaire de Maison-Carrée. Mais les émeutiers
avaient hurlé son nom lorsqu’ils déclenchèrent leurs assassinats, et lorsqu’ils
furent sur le point de massacrer 200 civils français réfugiés dans un cinéma.
Messali avait
été condamné à 18 ans de travaux forcés au mois de mars 1941 par le tribunal
militaire français de la rue Cavaignac à Alger. Il fut libéré par le général
Giraud en 1942 sur injonction de Robert Murphy que nous connaissons comme le
représentant personnel de Roosevelt à Alger depuis le mois de décembre 1940.
L’élargissement de Messali intervint au début de l’année 1943. Le PPA, Parti du
Peuple Algérien, fut dès lors autorisé à réapparaître. Il fut incorporé à l’AML
créée cette année-là, par la volonté conjointe de Ferhat Abbas et de De Gaulle.
Jusqu’à sa
dernière dissolution, après le 8 mai 1945.
Dans
la suite de sa carrière, Messali connut tout le temps une liberté surveillée,
ou plutôt contrôlée. Il était tenu en mains en effet, par la police et les
services de renseignement français. Ceux-ci prétendaient l’utiliser à leur
discrétion en exhibant contre lui une menace redoutable : accuser Messali
de collaboration avec l’ennemi allemand et le renvoyer devant une cour de
justice. Messali ne jouissait donc d’aucune liberté d’action. Tenu en mains.
Ficelé par la police et les services français.
Il n’était
intervenu en rien, soulignons-le, dans l’insurrection du 8 mai 1945. On ne
trouva donc aucune raison de refuser la naissance du MTLD
[3]
.
Ce fut en 1946. Le siège du MTLD se situait place de Chartres, à Alger. Le MTLD
assurait ainsi la succession administrative du PPA.
A partir du MTLD, deux notions vont
conférer à la guerre d’Algérie déjà mise en route, un rayonnement nouveau. Un
enrichissement de l’identité doctrinale et politique de cette guerre. C’est un
chapitre majeur de notre histoire qu’il m’est arrivé d’évoquer par ailleurs.
[4]
Je vais rappeler sommairement la nature de cet enrichissement dans le chapitre
qui va suivre : un chapitre qui va traiter :
-
de l’OS, Organisation Secrète, et
-
du MNA, Mouvement National Algérien.
Ce qu’il faut se garder d’oublier c’est
la réalité suivante : au sein du MTLD siégeaient de véritables
révolutionnaires qui aspiraient, sans équivoque, à déclencher une guerre contre
la France. Ces hommes étaient parfaitement conscients que Messali n’était pas
libre. Ils avaient néanmoins enregistré qu’il avait acquis la notoriété d’un
symbole presque mystique : celui du combat contre la France.
Ils prirent la décision de se regrouper
dans une organisation clandestine. Une organisation clandestine qui avait la
particularité d’être structurée à
l’intérieur d’une organisation légale. Car le MTLD jouissait de
statuts qui avaient été agréés par la Préfecture d’Alger. Cette nouvelle
organisation clandestine élaborée à l’intérieur du MTLD, regroupa quelques noms
parmi les plus célèbres de la guerre d’Algérie : Krim Belkacem, Ait Ahmed,
Mohamed Khider, Boudiaf, Ben Kheda… Lahouel, Kiouane, deux collaborateurs
directs du maire d’Alger, Jacques Chevallier (en 1954 celui-ci fut nommé
secrétaire d’état à la défense nationale) et d’autres encore qui assumèrent un
rôle fondamental dans le déroulement de la guerre déclenchée contre la France
en Algérie.
L’OS, dès sa constitution en 1947, 7 ans
avant le début officiel de la guerre d’Algérie, prit une initiative
d’importance majeure.
Elle
demanda et obtint l’appui de la Ligue Arabe.
A partir de cette information, mon cher
correspondant, il s’agit d’être très attentif. La ligue arabe fut créée en
1945, quelques semaines avant la fin européenne de la guerre mondiale de
1939-1945. Elle fut créée en Egypte. C’est-à-dire, à cette époque, sur le
territoire d’implantation des bases-arrières de la 8ème Armée britannique. La
ligue arabe ne pouvait se passer de l’accord certes, mais surtout de l’appui
des services secrets britanniques. De la nation anglaise. Donc, en 1945,
l’Angleterre soutient la ligue arabe. On peut préciser qu’à cette époque, la
ligue arabe c’est la chose de
l’Angleterre.
La ligue arabe, sans tarder, accorda son
soutien à l’OS algérienne en 1947. C’est-à-dire à la structure révolutionnaire
majeure et clandestine du MTLD. L’OS, le
noyau du futur FLN.
Quand on étudie cette alliance
opérationnelle, il faut se garder de faire l’impasse sur une notion
fondamentale. Lorsque la ligue arabe fut créée en 1945, en regroupant l’Egypte,
la Palestine, la Jordanie, l’Irak et l’Arabie, c’était dans quel but ? Ou
plus précisément, quel était le but des Britanniques ? C’était celui d’appuyer
officiellement et ouvertement le monde arabe dans une lutte, dont la finalité
exclusive était d’interdire la naissance d’un état d’Israël.
La proclamation de Lord Balfour à la
Chambre des Communes, n’avait pas résisté à l’influence du dieu Pétrole. L’Irak, devenue indépendance grâce aux Anglais,
détenait dans ses sous-sols une énorme richesse pétrolière. Les Anglais
voulaient l’exploiter. Il leur fallait, pour retirer un maximum de profits de
cette ressource d’hydrocarbure, construire un oléoduc d’une part et jouir d’un
port d’embarquement du pétrole pour l’Angleterre d’autre part. Ce port c’était
Haïfa. En territoire palestinien.
« Vous
voulez Haïfa pour jouir du pétrole que nous vous vendons. Nous, nous refusons
que Jérusalem, 3ème ville sainte de l’islam, devienne une ville
juive ». Pour satisfaire à cette exigence arabe les Anglais entrèrent en conflit avec les combattants de la future république d’Israël.
Ce qui revient à dire que lorsque l’OS,
qui regroupait les fondamentaux de la révolution algérienne, bénéficia de
l’appui de la ligue arabe, elle s’inscrivit ouvertement par cette décision,
dans le combat anti-juif. C’est une notion qu’il faut retenir. Il ne faut pas
oublier de la rappeler pour l’information de ceux qui veulent à tout prix,
contre la plus élémentaire des logiques, voir dans les défenseurs de l’Algérie
française, des hommes animés avant tout d’une motivation anti-juive. Accusation
dénuée de tout fondement bien évidemment et surtout accusation de recours formulée par ceux qui sont obligés de
constater néanmoins que la mort de la France sud-méditerranéenne en Algérie a conféré
tout son mordant à l’impact de l’arabo-islamisme fondamentaliste à l’échelon
universel.
Nous venons d’évoquer le rôle de la ligue
arabe dans la définition historique, politique et confessionnelle de la guerre
d’Algérie. Cette ligue a connu, par la suite, d’autres évolutions. L’une des
plus récentes remonte à l’année 1970. C’est l’année où fut installée à Paris
une Chambre de Commerce franco-arabe, présidée par M. Hervé de Charrette. La
zone où allait s’exercer la compétence de cette chambre, fut définie par la
France et les 22 pays membres de la Ligue
des Etats Arabes.
C’était l’amorce de nouvelles
structurations bancaires et financières dont le but se proposait avant tout de
rendre les compétences de nos financiers compatibles avec la charria. Il
fallait faire accéder les techniciens de la finance française, à un savoir-faire
« islamiquement » compatible, répétons-le, avec les nouvelles
exigences consécutives à une implantation très appréciable de l’argent arabe en
France.
Le tout, en accord avec quelques
associations mondiales internationales qui prétendent diriger le monde uniquement par le relai du jeu bancaire. Qu’il
s’agisse de « le Siècle » ou de la « French American Foundation
(FAF) » en relation avec le célèbre groupe Bidelberg et les structures
décisionnaires occultes du capitalisme financier international.
Le
MTLD, comme l’UDMA, connut au lendemain de la Toussaint Rouge, le 1er novembre 1954, les inconvénients d’une dissolution. Messali n’éprouva aucune
difficulté à donner vie à son mouvement pour la troisième fois : sous
l’appellation du MNA, le Mouvement National Algérien. Ce MNA très rapidement et
officiellement interdit donc clandestin, connut une période d’activité
opérationnelle dirigée clandestinement, ou plutôt mise en œuvre cette fois, par
les services secrets militaires français. Il était dans l’obligation de se
défendre contre le FLN qui exigeait en permanence l’unité d’action. Le FLN
exécuta, dans ce déterminisme unitaire, un nombre important de messalistes. Ce
style de conflit fut à l’origine de règlements de compte FLN-MNA qui opportunément
ont servi de camouflage juridique et politique aux opérations déclenchées par
des contre-terroristes français décidés à combattre clandestinement le FLN, dès
1955.
Ce MNA, soutien indirect ou plutôt
administratif du contre-terrorisme patriote français, connut un bouleversement
de son utilisation après la prise du pouvoir par De Gaulle, en 1958. Il devint alors
un appareil clandestin au service de ceux qui, sous le prétexte allégué de
défendre la « coopération » en Algérie, se mettaient au service exclusif
de De Gaulle. Et ne poursuivaient qu’un but : le pourrissement de la thèse
« Algérie française ».
Plus tard, en 1962, ce MNA clandestin
devint officiellement le F.A.A.D., le Front Algérien d’Action Démocratique qui,
théoriquement et légalement, prétendait préparer une force d’opposition
anti-FLN, dans l’Algérie indépendante. Mais qui en toute et simple vérité,
était une création des services spéciaux français, dépendant de l’Hôtel
Matignon, c’est-à-dire théoriquement des services du premier ministre Michel Debré.
En réalité, ces services exerçaient leur activité par le relais de la Sécurité
Militaire Française en Algérie. Le colonel qui la commandait était entièrement
soumis aux ordres de Fouchet et de De Gaulle. Il avait neutralisé tous les
autres services secrets français qui ne jouaient plus aucun rôle. Cette
nouvelle structure mise en action par les services secrets de Matignon, prétendait
devenir l’instrument d’une future opposition au FLN dans l’Algérie nouvelle qui
allait prendre la succession du cadavre de la France sud-méditerranéenne. Le
F.A.A.D., en tant que structure gaulliste, en tant que bluff gaulliste, obtint
néanmoins un brillant succès. Car il provoqua l’arrestation du général Salan, à
la suite d’initiatives imprudentes et
criminelles d’Achard et de Ferrandi.
Certains, dans des écrits forts
imprudents, ont cru devoir affirmer que notre erreur fut de ne pas nous allier
aux messalistes et au F.A.A.D. dans la perspective, soutiennent-ils, de
neutraliser le FLN !
Ils s’inscrivent en réalité, dans la
collectivité de ceux qui, souvent discrets pour ne pas dire inexistants dans le
combat clandestin pour la France en Algérie jusqu’en 1961, espéraient sauver
une partie de leurs terres et de leurs biens en se vendant au FLN en 1962.
Dans
mon étude précédente, je me suis attaché à souligner une contradiction qui
crève les yeux. Une contradiction entre les affirmations ou plutôt les annonces
« magistrales » de De Gaulle d’une part, et les évènements tels
qu’ils se sont déroulés, d’autre part.
« La
dictature belliqueuse des communistes » qu’il a évoquée ou
plutôt annoncée en langage clair dans son discours du 16 septembre 1959, ne
s’est pas installée en Algérie. Il abandonna l’Algérie à ceux-là même qu’il
traite dans un autre de ses propos, de « meneurs
ambitieux résolus à établir par la force et par la terreur leur dictature
totalitaire et croyaient pouvoir obtenir qu’un jour, la république leur accorde
le privilège de traiter avec eux du destin de l’Algérie… Il n’y a aucune chance
que la France se prête à un pareil arbitraire ».
Cet arbitraire s’est accompli sous
l’autorité de De Gaulle et avec son total agrément. Ce même arbitraire,
insistons encore, qu’il condamnait et rejetait, en apparence, dans ses propos,
ce même arbitraire auquel il se soumit avec complaisance. Il accepta tout. En
particulier d’être rappelé à l’ordre par Ferhat Abbas. Celui-ci en effet, avait
répliqué en substance à De Gaulle, à cet homme dont il affirmait jouir de
l’appui depuis 1943 : « C’est à
celui qui sollicite la fin des combats qu’il appartient de hisser le drapeau
blanc ».
C’est en cela que se résume
l’accomplissement de De Gaulle en Algérie. Il a mendié la paix en Algérie. Il a
hissé le drapeau blanc de la défaite française en Algérie. Défaite française, mais victoire gaulliste, que le chef de
l’Etat entérina avec enthousiasme. Quitte à la payer du prix d’un massacre
éventuel. Un massacre du peuple pied-noir.
Massacre initié par celui des harkis qui,
en une occasion au moins, furent débarqués du bateau, qui devait les évacuer vers
la France. Ils furent égorgés devant un public hurlant de haine, rameuté par le
FLN pour célébrer l’évènement. Ce drame fut vécu dans un port du Constantinois
et abondamment décrit.
Quelques jours plus tard, ce fut le tour
de nos frères et de nos sœurs d’Oran massacrés le 5 juillet 1962 par une meute
de tueurs composée pour une grande part de déserteurs de la Force Locale qui
avaient été appelés en renfort par les anciens patrons de la Willaya 5. Ceux-ci
préparaient la conquête du pouvoir en Algérie, depuis la frontière marocaine
d’abord, de l’ouest-oranien plus tard.
Alors
que je vivais mes aventures d’exil, j’ai eu l’occasion de rencontrer un prince
italien très célèbre. C’était à Gênes, en octobre 1963. Ce notable manifesta
verbalement un étonnement imprévu lorsque je lui exprimai, sans camouflage, mon
hostilité à De Gaulle. Il connaissait le rôle que j’avais tenu dans les
affaires d’Algérie et c’est lui qui avait sollicité ce contact. Le danger que
représentait De Gaulle pour l’avenir de la France, de l’Europe et de la
Chrétienté ne semblait pas provoquer chez cette personnalité, la plus petite
réticence. Je me souviens de son commentaire :
« Je
partage toutes vos convictions européennes, occidentales et chrétiennes. Je
rends hommage au combat que vous avez mené en Algérie dans la clandestinité de
1955 à 1962. Mais contrairement à vous, j’admire De Gaulle parce qu’il est le
seul homme politique d’Occident qui tient tête aux Américains ».
Je lui demandai de m’accorder quelques
secondes de réflexion avant de lui démontrer sans difficulté que l’origine exclusive
de la détention du pouvoir exercé par De Gaulle en France, se situait dans la
soumission totale de celui-ci aux exigences de Roosevelt en janvier 1943 à
Casablanca. De Gaulle s’était soumis. Giraud avait claqué la porte lors de
cette célèbre rencontre.
Cette soumission s’est exercée par
l’intermédiaire de Robert Murphy, le représentant du président américain en
Algérie depuis décembre 1940. De Gaulle dont on doit dire qu’il se comporta
plus tard comme le sauveteur historique du FLN.
Je me suis permis
d’évoquer très brièvement cette rencontre génoise avec le prince B car elle
offre une possibilité de transition avec le dernier chapitre de cette étude.
L’équivoque De Gaulle ou plus exactement,
le mensonge De Gaulle, généreusement entretenus l’une et l’autre, depuis juin
1940, se situent à l’origine d’une agression très grave portée contre la vigueur
historique de la France. Par voie de conséquence, contre le destin de l’Europe
et de l’Occident.
Sous des formulations toujours affectées
d’une autorité hautaine et distante, De Gaulle n’a fait que se soumettre
intégralement aux exigences rooseveltiennes : l’éviction de la France du
continent africain.
La colonisation fut parfois riche
d’erreurs, de fautes, et même de crimes en certaines occasions. Les hommes ne
sont pas infaillibles. A part quelques rarissimes exceptions, ils ne sont pas
des saints. Nous le savons fort bien.
Mais qui va manifester l’imprudence
d’affirmer aujourd’hui que la décolonisation fut un succès ? Qui ne voit
que la décolonisation, telle qu’elle fut mise en œuvre s’exprime aujourd’hui à
travers les drames qu’elle a générés, comme un gigantesque crime contre
l’humanité : les famines, les révolutions, les épidémies, les fanatismes
religieux, l’islamisme fondamentaliste sanguinaire, le massacre des peuples
chrétiens. Chrétiens asservis et massacrés pour la seule raison qu’ils sont
chrétiens dans certains états africains, au Proche-Orient et Moyen-Orient.
Ce qui se déploya, historiquement et
majoritairement après la décolonisation criminelle telle qu’elle fut mise en
œuvre, ce fut l’agression constante du message chrétien. C’est-à-dire, qu’on le
veuille ou non, une agression contre ce qui définit l’assise spirituelle,
intellectuelle et historique de l’Occident. L’occident se définissant aujourd’hui
encore, il est capital de ne pas l’oublier, comme l’espace géopolitique à l’intérieur duquel les chrétiens
peuvent vivre libres, protégés contre les agressions et les massacres motivés
par la seule raison qu’ils sont chrétiens.
De Gaulle, lorsqu’il envisageait
l’identité encore insuffisamment étudiée des peuples algériens, faisait
allusion à juste titre, à la diversité d’origine de ces mêmes peuples. Il oubliait
de souligner que le phénomène arabe en tant que phénomène ethnique, n’a joué aucun rôle dans l’islamisation de
l’Algérie. Dans l’apparition et le développement de la phénoménologie arabo-islamiste universelle.
La conversion du Maghreb à l’islam
s’illustre comme le résultat particulièrement brillant d’une transmission réussie
du message coranique transcrit universellement depuis le 3ème calife, au VIIème siècle, en langue arabe littérale.
Langue que le prophète lui-même ne
parlait pas, comme ce fût exprimé solennellement en 1905 lors du congrès
international orientaliste qui s’est tenu, cette année-là à Alger. Le
professeur K. Vollers de l’université d’Iéna, grand spécialiste de la langue
arabe et des langues sémitiques, y développa cette information devant un
aréopage de grands spécialistes de la langue arabe. Langue arabe littérale,
expression unique, expression opérationnelle majeure du message du prophète dans lequel les ennemis du culte trinitaire ont cru trouver une
formulation à la fois efficace, universelle, d’origine divine, de leur propre
conviction unitaire.
Lors
du concile de Tolède, le 8 mai 589, le roi wisigoth espagnol Récarède s’est converti solennellement au christianisme
romain. Il était arien jusqu’à cette date. Il était le fils cadet du roi
Léovigild, lui aussi arien. Les ariens niaient la consubstantialité du Père et du Fils. Ils pratiquaient couramment
la polygamie dans les conditions les plus officielles et légales. Le prince
héritier, fils aîné de Léovigild et de la reine-mère Goswinthe, Herménegild duc
de Tolède, avait épousé Ingonthe. Il s’agissait d’une princesse franque,
chrétienne, fille de Brunehaut et de Sigebert roi d’Austrasie. Cette princesse
chrétienne convertit au catholicisme romain son époux Herménegild, le prince
héritier du royaume goth d’Espagne. Elle le fit avec l’appui de Léandre, évêque
de Séville, lui-même secondé dans cette tâche, par son frère Isidore, un autre
évêque, actuellement encore Saint patron de Madrid.
Le roi Léovigild soutenu par son cadet
Récarède fit tuer son fils aîné Herménegild en 585. On rapporte que Léovigild
mourut de douleur à la suite de l’exécution de son propre fils. Exécution que
lui-même avait décidée et mise en œuvre sous la pression de son épouse la reine
Goswinthe, arienne fanatique. Elle-même aidée dans cette opération par
Récarède, qui espérait le pouvoir après l’assassinat de son frère aîné.
Le félon Récarède s’empara de la couronne
après la mort de son père Léovigild. Il eut alors à subir la volonté
messianique de sa belle-sœur, la veuve Ingonthe, arrière-petite-fille de
Clotilde et de Clovis. Il se convertit au christianisme romain malgré la féroce
opposition de la reine-mère, Goswinthe. Ce fut l’origine du concile de Tolède,
le 8 mai 589. Récarède accepta le baptême et déclara solennellement que désormais
tous les hommes devaient être baptisés.
La péninsule ibérique, ou plutôt le
royaume wisigoth ibérique était ainsi devenu officiellement un royaume
chrétien. Cependant, une tranche importante de la communauté ibérique restait
arienne. En particulier une aristocratie, qui disposait d’une armée, d’un ost
avec une cavalerie très disciplinée. Elle s’exprima comme une opposition vigoureuse,
contre le nouveau roi chrétien Récarède. Opposition inspirée et soutenue par la
reine-mère Goswinthe, ennemie féroce du catholicisme romain, soulignons-le
encore.
Jean
d’Escola rappelle cet évènement dans son livre « Les Grandes Heures de L’Espagne ». En relatant le
concile de Tolède de 589, il souligne qu’à partir de la conversion de Récarède
au catholicisme romain, l’arianisme espagnol ou plutôt ibérique, se comporta désormais
comme un véritable syncrétisme musulman.
Je ne sais pas si Jean d’Escola s’est
rendu compte de l’importance de cette affirmation : « l’arianisme… un syncrétisme musulman ». En effet, comment
formuler une telle affirmation à propos du concile de Tolède ? En 589,
nous nous situons encore à 33 ans de l’hégire qui va naître en 622. La notion de musulman n’avait pas encore acquis, loin de là, son droit de cité
dans l’histoire.
Personnellement, je n’hésite pas à qualifier
cette observation de Jean d’Escola, de formulation historique majeure. Car elle
apporte un éclairage enrichissant à l’histoire du moyen-âge, et à l’histoire
actuelle du monde. Elle projette en effet une nouvelle lumière sur l’impact moderne
exercé par l’islam sur le monde non musulman.
Le terme de syncrétisme … le syncrétisme
musulman…
Mû par ma perplexité, j’ai fait ce qu’il
m’a semblé logique de faire. J’ai consulté dictionnaires et encyclopédies. Je
suis resté sur ma faim. Balloté entre Plutarque et Jean d’Escola en passant par
Erasme, j’ai éprouvé de grandes difficultés à me ranger à une définition
satisfaisante du « syncrétisme ». J’ai retenu de ce substantif une
impression de manque de netteté. Il
évoque une attitude d’attente dans la
perspective d’un choix. Une réticence
à l’égard de l’expression d’une foi qui lui semble trop systématique. Un syncrétisme semble exprimer un besoin de globalité. Il se trouve à l’aise dans
une aura religieuse riche avant tout d’imprécisions.
Une foi sincèrement vécue impose en effet
que l’on définisse des frontières à son domaine. Frontières qui ne sont pas
acceptées par celui qui préfère proclamer : « ….je crois…, oui…, mais à ma manière ». Finalement, il
exprime par ce comportement une disponibilité à la fois intellectuelle et psychologique
qui revendique, ou attend, une expression simplifiée, plus accessible d’une foi. Donc, finalement, une attitude qui offre un potentiel de mutation.
Ce qui comporte un risque de rejet de
cette même foi. En particulier quand elle recommande trop simplement aux yeux d’un syncrétiste de déclarer, chaque fois
que nécessaire : « je suis
chrétien ».
C’est ce balbutiement spirituel qui,
finalement, me semble définir au mieux un syncrétisme. Celui-ci m’incite à
rappeler cet adage augustinien :
« Comprends
pour croire,
Crois
pour comprendre ».
La pensée de Jean d’Escola me paraît néanmoins,
nette et facile à traduire.
« Les
ariens rejetant le mystère de la sainte trinité, unitaires convaincus depuis
quatre siècles, pratiquant tout naturellement la polygamie, n’opposaient aucun
obstacle à leur adhésion à l’islam dont ils représentaient une expression
syncrétiste ».
Deux clans wisigoths se disputèrent le
pouvoir en Espagne. Tout naturellement, lorsque quelques décennies plus
tard parvint dans le Maghreb et en Ibérie le message du Prophète de la Mecque
et de Médine « il n’y a de dieu que
Dieu et Mohamed est l’envoyé de Dieu », les ariens trouvèrent dans ce
message une confirmation divine de leur conviction unitaire. Divine parce
qu’elle fut transmise au razoul par l’archange Gabriel.
L’opposition arienne gothe s’exprima
désormais au nom du Prophète. Cette dualité religieuse généra une guerre civile entre les goths de la
péninsule. Plus précisément entre :
-
les goths ibériques chrétiens, fidèles du roi
Rodrigue ou Rodérick et,
-
le duc de Tanger, le wisigoth Tarik, autour
duquel se rassemblèrent les goths unitaires ariens.
La bataille de Guadalète se déroula en
711. Le vainqueur de cette bataille fut Tarik, le chef du camp anti-chrétien.
Ces goths ariens étaient-ils déjà
convertis à l’islam ? La réponse n’a pas d’importance car le syncrétisme
musulman s’était tout naturellement transformé en foi musulmane orthodoxe. Leur
adhésion dogmatique à l’islam était telle, qu’à l’instar de leurs coreligionnaires
ariens du Maghreb, du Proche-Orient et du Moyen-Orient, ils portèrent tous
désormais des patronymes et des prénoms arabes. Ils s’exprimèrent en langue
arabe littérale, en obéissance à l’exigence opérationnelle majeure du 3ème calife.
Le syncrétisme musulman évoqué par Jean
d’Escola, est né à partir de la persistance de l’arianisme unitaire dans la
péninsule ibérique. Un syncrétisme, se définissant finalement comme une étape
préalable à une conversion. Le pas à franchir étant facile à emprunter.
Ce fut l’amorce de l’émirat de Cordoue à
partir de 756, suivi à partir de 929 par le rayonnement du califat de Cordoue.
Jusqu’au XIème siècle. Le Califat cordouan fut remplacé vers la fin
de ce siècle, par une mouvance intégriste d’origine maghrébine : la
mouvance almoravide (1061-1147). Dont on reparle aujourd’hui en 2013, dans le
Sud-Ouest algérien, aux confins du Mali et de la Mauritanie.
Ce sont les ariens devenus musulmans qui ont fait eux-mêmes la conquête de la
péninsule ibérique. Les envahisseurs arabes venus d’ailleurs, c’est une invention opérationnelle utilisée par ceux
qui veulent conférer un prestigieux rayonnement militaire à l’arabo-islamisme moyenâgeux.
Rayonnement qui existe, qui fut islamiste, mais qui n’avait rien d’arabe.
Deux observations doivent être précisées.
La première : là où l’islam
apparaît, l’arianisme disparaît (en Ibérie, au Maghreb, au Proche-Orient et au
Moyen-Orient).
La deuxième : le christianisme
survécut dans la péninsule ibérique et amorça un rayonnement nouveau à partir
de 722. Un rayonnement à finalité conquérante.
722 c’est la date du combat de Covadonga,
dans les montagnes asturiennes.
Plus tard, le gendre de Pelayo vainqueur
historique du combat de Covadonga, ceignit la couronne. Il était duc de
Cantabrie, et devint le premier roi de Castille et de Léon, sous le nom
d’Alphonse Ier. C’est à partir de lui que s’amorça la conquête, et non pas la reconquête des territoires espagnols soumis à des souverains musulmans. Une conquête de
plus de sept siècles.
Je
me suis permis d’évoquer, en le résumant à l’extrême, un aspect fort négligé de
l’histoire de la conquête endogène de l’Espagne. Une conquête mise en œuvre et
accomplie par l’islamisme intrinsèque des ibériques et non pas par des Arabes effectuant
des chevauchées hurlantes et victorieuses. Les nouveaux notables musulmans
ibériques se déclarèrent eux-mêmes arabes.
Y compris dans l’éventualité où ils
étaient les descendants de conquérants normands établis en Méditerranée depuis
des siècles. Comme ce grand savant de l’islam que fut Ibn Masara, co-fondateur
et animateur de la très célèbre école coranique d’Almeria, la plus importante
d’Espagne. Il fut avec le sassanide Avicenne, l’un des premiers scolastiques de
l’islam, comme plus tard Averroès, chez les musulmans de Cordoue, Ramon Lulle
chez les chrétiens de Majorque et d’Aragon et Maïmonide chez les juifs de
Cordoue. Ces savants, ces philosophes s’efforcèrent d’établir des corrélations
entre leur foi et les enseignements des philosophes grecs : Empédocle,
Platon, Pythagore et surtout, Aristote.
Les syncrétismes musulmans de nos jours,
on ne les compte plus. Ils ont trouvé dans le gaullisme capitulard une occasion
d’amorcer une conquête de l’Occident. L’œuvre majeure de De Gaulle, ne
l’oublions pas, est illustrée par l’assassinat de la terre française et
occidentale d’Algérie. Elle se révèle comme l’agression la plus grave qui ait
été portée contre le monde chrétien universel depuis 711, date de la bataille
de Guadalete.
De
Gaulle en cédant au FLN la terre d’Algérie, peuplée d’après lui, comme il
l’exprima dans son discours du 16 septembre 1959, « de populations dont le destin est d’être miséreuses » provoqua des flux migratoires du sud vers le
nord.
Des flux migratoires d’expression
religieuse parfois exhibitionniste qui tend à devenir conquérante en certaines
occasions. A l’origine d’une exaltation communautaire qui, à son tour, génère
une maladie moderne et mortelle des nations d’Occident : les crispations
confessionnelles, dont Alain Peyrefitte a écrit qu’elles s’identifiaient à un
facteur très grave d’involution économique.
Le syncrétisme musulman est mis en
pratique de nos jours par ceux qui, à leur insu peut-être, participent à
l’anéantissement du message de la Croix. En particulier lorsqu’ils se
retranchent derrière le confort d’un agnosticisme exprimé, nettement reconnu,
enrichi parfois d’un paganisme qu’ils estiment apaisant. Nous ne nous rangeons
pas à cette attitude de complicité passive d’abord, qui évolue secondairement
vers une passivité complice de l’agression dirigée contre le monde chrétien.
Les choses sont plus simples qu’on veut bien nous le faire croire. En Occident
aujourd’hui, celui qui ne s’affirme ni chrétien, ni juif, s’affirme
implicitement, dialectiquement, arabe. C’est dans cette attitude que peut se
comprendre la nature du syncrétisme musulman : globalité, imprécision,
désinvolture confèrent sa vitalité à ce syncrétisme. Nous ne sommes animés
d’aucune velléité de guerre sainte ou de croisade. Il s’agit de donner envie
aux hommes modernes de parler de Dieu, animés, avant tout, d’une sérénité
intelligente. Ne pas céder à la haine. Ne pas succomber à la peur. Ne pas se retrancher, insistons encore,
derrière une désinvolture capitularde.
Cette
réflexion que je me suis permis de vous communiquer, se propose un but :
celui de constater à quel point il peut être possible de bouleverser l’assise
spirituelle d’une nation, voire d’une civilisation.
Il ne sert à rien de nier ou de taire que
l’histoire de France, lors de la naissance de notre patrie, fut intimement liée
à l’histoire de la papauté.
Les successeurs de Pierre à Rome, se sont
trouvés privés d’empereur, depuis le coup de force au VIIIème siècle de
l’impératrice orientale Irène. Celle-ci, après avoir fait crever les yeux de
son fils, Constance VI, fit disparaître l’empire
résiduel. Elle prit le titre de Basileus.
Les successeurs de l’apôtre Pierre se
sont trouvés dans l’obligation de faire naître une nation. Une nation capable
de se substituer à un empire protecteur de Rome. Privés de nation tutélaire, les
successeurs de Pierre se savaient menacés d’anéantissement et surtout de mort
spirituelle.
La Gaule offrait une possibilité
d’assurer ce rôle de nation tutélaire grâce à une famille : celle de Pépin
de l’Herstal, qui, au milieu du marasme mérovingien, disposait d’une force
armée disciplinée. La cavalerie mérovingienne devint la force de frappe mise en
œuvre pour la prise du pouvoir en Gaule, par les futurs Carolingiens. Peu de
temps après la pseudo-bataille de Poitiers… en 732…, raconte-t-on.
L’empire carolingien naquit sous l’égide
d’une papauté ambitieuse et pillarde. Il était confronté à une nécessité
prioritaire : éradiquer l’arianisme fortement implanté sur les terres
danubiennes.
La plongée de l’Espagne dans la religion
musulmane fut négligée. Tout s’est déroulé comme si les évènements survenus au
sud des Pyrénées n’avaient aucune importance sur le devenir de Rome. La
bataille de Guadalete en 711 ne fut pas jugée comme un évènement d’importance
majeure. Un évènement qui comportait en lui-même la mise en danger de mort du
christianisme romain.
Plus tard, grâce au Capétiens, les
relations avec la papauté se normalisèrent au mieux possible, dans l’esprit moyenâgeux
de l’époque. Jusqu’au retour de la papauté à une pratique plus saine de sa mission apostolique, après les
réformes grégoriennes.
Aujourd’hui il est
considéré comme contraire aux exigences de la laïcité en France, d’intriquer
les péripéties de la naissance de la France à l’évolution plus que trouble
parfois, de la papauté moyenâgeuse. Au nom de la laïcité, cette page de notre
histoire risque d’être escamotée. On ne veut pas qu’il soit encore dit et écrit
que la France fut la fille aînée de l’Eglise.
On ne veut pas qu’il soit reconnu que c’est la France naissante qui a sauvé l’Eglise.
La laïcité ? Comment peut-on en
parler aujourd’hui si ce n’est en faisant référence à la loi du 9 décembre
1905 ? Cette loi de 1905, c’est un acquis. Loi de séparation des églises et de l’état. Une loi qui
garantissait en 1905, l’indépendance du pouvoir politique à l’égard des
religions. Oui répétons-le, cette loi c’est un acquis.
L’un des paradoxes actuels est que je m’inscris
aujourd’hui, en tant que catholique apostolique et romain, parmi les défenseurs
obstinés de cette loi du 9 décembre 1905.
Dans la période de confusion
confessionnelle ou spirituelle que nous connaissons, il importe de préciser parfois
nos positions par rapport à celles des autres. Celles-ci sont déterminées chez
nous, catholiques, par l’enseignement des papes modernes d’une part, en
particulier grâce à Benoît 16 et à la clarté de son enseignement et par le
respect de la loi de 1905, d’autre part.
Rappelons deux grandes dates dans
l’histoire du christianisme.
1054 : c’est la date du grand
schisme entre l’église d’Occident et l’église d’Orient, avec les anathèmes
solennellement proférés de l’une contre l’autre.
1959 : Vatican II proclame la levée
mutuelle des anathèmes.
Ce fut une décision fondamentale. Il n’y
a donc aucune raison qui interdise un dialogue entre les églises orientales et
occidentales. Un dialogue d’importance vitale désormais qu’il nous faut
faciliter par tous les moyens. Une union à créer.
L’Eglise pour assurer son rayonnement, se
doit avant tout de survivre. Malgré les attaques dont elle est l’objet de
l’intérieur et de l’extérieur. De toute évidence elle survit et elle ne cesse de croître. L’Eglise, c’est-à-dire
le peuple de Dieu, confirme chaque jour son universalité. Elle la renforce. Car
elle met tous ses moyens à amplifier et à renforcer cette universalité. Ce qui
permet aux chrétiens de communiquer entre eux, périodiquement et chaque fois,
avec vigueur.
En France, elle peut exercer son action,
théoriquement protégée par la loi du
9 décembre 1905. Une loi qui doit atteindre un but : se protéger elle-même
en tant que loi et par là même, protéger les autres lois, c’est-à-dire protéger
en dernière analyse le suffrage universel qui s’exprime à travers nos lois. Se
protéger contre toute initiative de prise en mains autoritaire de nos lois à
l’initiative d’un mouvement religieux qui n’aspire en réalité qu’à les rejeter.
Aujourd’hui nous revendiquons la loi de
1905 pour protéger notre peuple, croyant ou non, contre ceux qui, alléguant « une dimension sociétale de leur
propre religion », voudraient remettre en question la validité de la
loi de 1905. A bas bruits, dans cet esprit, au niveau d’instances religieuses
hautement prestigieuses que nous respectons, on invoque, ouvertement, une incompatibilité
entre nos lois actuelles et les exigences d’une autre pratique religieuse.
Instances ou personnalités qui se déclarent par cette attitude hostile à la loi
du 9 décembre 1905. C’est-à-dire que l’on suggère de faire vivre en France deux
sociétés qui, pour des motivations religieuses, ne seraient pas soumises aux
mêmes lois. Cela revient à proclamer qu’au nom de Dieu, on rejette
l’intégration dans notre nation.
Le catholicisme français fut contraint,
au début du XXème siècle, de se soumettre aux exigences formulées par le
suffrage universel. Il s’est adapté à ces exigences. Il les a respectées. Il
les a assimilées. Il a survécu en tant que catholicisme. Et malgré toutes les astreintes
légales il peut s’exprimer et se déployer librement en France. Que nos pasteurs
n’oublient pas cependant que la manifestation la plus sérieuse, la plus
efficace aujourd’hui d’expression de notre conviction, est illustrée par une seule
affirmation : avoir le courage de dire chaque fois que nécessaire :
« je suis chrétien ».
Aujourd’hui en Occident, pour un chrétien
refuser de dire « je suis chrétien » comme pour un juif refuser de
dire « je suis juif », comporte le risque de favoriser le
développement d’un nouveau syncrétisme musulman car cette attitude d’abstention
revient à favoriser le déploiement de l’arabo-islamisme fondamentaliste.
Qui prétend aujourd’hui rejeter la loi du
9 décembre 1905, prétend par là même refuser l’intégration.
Animé de cet esprit anticatholique très
offensif, un ministre récemment, s’est cru autorisé à formuler, à partir de son
poste de haute fonction, quelques critiques contre le catholicisme. Pour lui,
il existe en France une laïcité multiple, diverse. Et un comportement
particulier, dangereux même, celui de « laïque
versus catholique ». Catholicisme qu’il faut combattre, d’après lui,
en fonction des exigences de la révolution de 1789.
Je comprends son inquiétude à propos du
catholicisme. Il est facile en effet de voir et de constater chaque jour à quel
point il est possible pour un catholique de vivre comme un laïque tout en
vivant comme un catholique. Cette constatation en génère une autre : il
serait facile éventuellement pour un laïque, même dans l’éventualité où il
exhibe un pseudo-comportement agnostique, d’évoluer vers le catholicisme, tout
en restant laïque.
C’est cette vigueur latente devenue
organique et intrinsèque du catholicisme, qu’ils constatent à chaque instant
qui les rend agressifs. Elle les rend nostalgiques d’une « Nouvelle Terreur ». Ils rêvent de
déclencher une fois encore, les massacres de septembre 1792. Ça les démange !
Nous,
qui avons su conférer à la guerre d’Algérie, sa véritable signification,
n’avons rien à craindre. L’Algérie française, cette magnifique terre, fut
abandonnée aux ennemis de l’Occident, par De Gaulle. Par la volonté de De
Gaulle.
« Ville
perdue ! »
J’ai tout tenté à partir de 1955 et tout
risqué pour ce combat « Algérie française ». Je consacre le temps, raisonnablement
restreint qu’il me reste à vivre, à me solidariser avec ceux qui manifestent
leur réflexion et leur volonté de savoir et de faire connaître les dangers qui
menacent la chrétienté. Dangers considérablement aggravés par l’assassinat de
la terre française d’Algérie. En toutes circonstances, nous devons rester
calmes, vigilants, déterminés et contrôler le présent avec lucidité. Nous
n’oublions pas que la voie de la sauvegarde chrétienne est confortée aussi par
le respect et l’estime que nous portons à ceux qui croient en Dieu par une
autre voie que la nôtre. Le dialogue est ouvert. Le temps des anathèmes est
passé. La volonté de comprendre et de se comprendre doit dominer et étouffer la
haine.
Permettez-moi pour conclure cette étude,
de me présenter à nouveau par cette citation :
« Il
y a en moi une passion qui ne mourra que quand je mourrai… et vous ne m’avez
pas encore tué. Je suis prêt à progresser encore dans la vie, à grand coup de
maladresses ».
Drieu-la-Rochelle « L’homme à cheval ».
Jean-Claude
Pérez
Le
5 septembre 2013
[1]
Histrionisme : cette définition est une
définition médicale. Car depuis 20 ans au moins, en médecine on refuse d’employer
le terme d’hystérie. Ce terme a été remplacé par histrionisme. La définition
que je vous propose est une définition d’un aspect majeur de l’hystérie.
[2]
Le Hollandais Volant : référence à l’œuvre
de Richard Wagner « Der Fliegende Holländer », le Hollandais Volant,
connu en France sous le nom du Vaisseau Fantôme.
[3]
MTLD : Mouvement pour le Triomphe des
Libertés Démocratiques
[4]
Voir « Islamisme dans la guerre
d’Algérie ».
BIBLIOGRAPHIE
L’assassinat
de l’Algérie française, terreau de la conquête islamiste actuelle. 2012
Un des livres du cinquantenaire, à lire et à
faire lire.
L’islamisme
dans la guerre d’Algérie
Logique de
la Nouvelle Révolution Mondiale, 2004
Le sang
d’Algérie
Histoire
d’une trahison permanente, 2006 ; 2e édition
Debout dans
ma mémoire
Tourments et
tribulations d’un réprouvé de l’Algérie française, 2006 ; 2e édition
Vérités
tentaculaires sur l’OAS et la guerre d’Algérie
Stratégies
et tactiques, 2006 ; 2e Edition
Attaques et
Contre-attaques
Vérités
tentaculaires sur l’OAS et la guerre d’Algérie II, 2008
Editions Dualpha
Boite 37
16 bis rue d’Odessa
75014 PARIS
Tel. : 09 52 95 13 34 -
Fax : 09 57 95 13 34
Mail : infos@dualpha.com
Site internet : www.dualpha.com
Vous pouvez prendre connaissance des deux interview accordées par Jean-Claude PEREZ : - la première à Monsieur Olivier CAZEAUX : sur Internet tapez « OAS, le docteur PEREZ parle » ; - la seconde, à Monsieur BESSOU dans le cadre de la préparation d’un
film. Monsieur BESSOU a livré à Jean-Claude PEREZ tout le matériau de son
exposé visible sur le site www.jean-claude-argenti-sauvain.com.
Mis en page le 09/09/2013 par RP |