L’HISTRIONISME GAULLISTE 6

« histrionisme(1) : attitude théâtraliste en relation avec une pathologie profonde, durable et invalidante du cerveau et de la conscience [1] . »

 

 

« les faits parlent d’eux-mêmes »

Jacques Bainville : « Bismarck et la France » - Paris 1911

 

 

              Il serait d’une imprudence majeure de s’entêter dans la négation d’une évidence : notre pays, la France, a vu son identité et sa sécurité profondément altérées depuis le 19 mars 1962. Date officielle de la défaite historique d’une grande nation d’occident. Défaite subie devant l’arabo-islamisme fondamentaliste et conquérant que je ne confonds pas avec l’islam.

« Mais », comme l’écrit Bainville « d’où viennent nos défaillances ? Qui a créé les puissances dont nous sommes entourés et menacés ? ».

Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est évoqué aujourd’hui encore, à la manière d’une incantation un peu rengaine. Par ceux qui ont mis la main à l’agression dont la France fut victime le 1er novembre 1954, jour de la Toussaint Rouge.

« Vous voulez la France de Dunkerque à Tamanrasset, je vous prédis, moi, que vous aurez l’Algérie de Tamanrasset à Dunkerque » a déclaré le chef FLN Ben M’Hidi, peu de temps avant sa mort en 1957.

« La France de Dunkerque à Tamanrasset » exprimait à l’évidence une espérance raisonnable, une ambition logique, une perspective intelligente. Il n’est pas inutile, cependant, de rappeler que cette formulation était à porter au crédit des plus hautes autorités de la IVème République en novembre 1954. Mitterrand, ministre de l’intérieur, avait précisé avec vigueur et conviction qu’il fallait que « la force de la nation l’emporte quelles que soient les cruautés de la tâche ».

En disant cela, il ne faisait qu’appuyer les propos enthousiastes du président du conseil, Pierre Mendès France. Quand celui-ci soutenait, au même moment, que « l’Algérie c’est la France ! ».

C’était avant que lui-même, Pierre Mendès-France, ne devînt mendésiste !

Car le mendésisme, si on veut recourir à cette terminologie conventionnelle, fut dans la réalité des faits une création de Jacques Chevallier.

En 1954, celui-ci occupait les fonctions de maire du Grand Alger et de secrétaire d’état à la guerre, avant d’accéder au ministère de la guerre, pendant peu de temps, au début de l’année 1955. A propos de la guerre d’Algérie qui commençait, il agissait et s’exprimait, dès le mois de novembre 1954, en tant que représentant très secret des services spéciaux américains.

En 1943, alors qu’il résidait à Alger, il fut mobilisé dans l’armée américaine. Ce fut son choix, car il jouissait d’une double nationalité, sa mère étant texane. « Il fit la guerre » dans les services secrets américains, aux USA.

En 1954, tout logiquement, il influença le président du conseil Mendès France et obtint que celui-ci se soumît, comme plus tard Mitterrand, aux exigences du capitalisme financier. Celui-ci s’exprimait à travers la thèse révolutionnaire du « délestage économique du débouché algérien ».

C’était cela le mendésisme.

Ce n’était que cela : tuer la France en Algérie, dans la perspective d’une recherche de valeur ajoutée augmentée. De la valeur ajoutée produite par les investissements effectués par ceux qui, cependant, avaient éveillé à la vie des territoires en attente… d’un éveil à la vie justement.

Cette recherche d’une plus forte valeur ajoutée exigeait, soutenait-on, que l’on se débarrassât de la charge sanitaire et sociale du peuple algérien d’abord, des peuples africains de l’Union Française ensuite.

Nos investissements en Algérie étaient rentables certes. Mais d’après les comptables du grand argent, ils étaient insuffisants parce qu’ils étaient « routiniers ». Ils ajoutaient que leur rendement était médiocre pour une raison majeure : ces investissements étaient protégés, conventionnés, ont-ils écrit.

A partir de cette conviction, exclusivement économique, fut montée une conjuration dans laquelle s’était inscrit à un poste décisif, Jacques Chevallier, le fondateur réel du mendésisme.

Il s’agissait de la conjuration permanente contre l’Algérie française, contre la France en Algérie, dont Jacques Chevallier de 1954 à juillet 1962, fut un animateur fondamental, avec des collaborateurs de toutes origines : de Blachette à un transfuge de l’OAS à partir d’octobre 1961, grâce auquel il obtint le cessez-le-feu de l’OAS d’Alger.

 

           Cette conjuration avait été amorcée, en réalité, à partir de 1920. C’est l’année de la création des Cénacles d’Etudes à l’initiative du religieux berbère, Omar Smaïl. Celui-ci commanda, en riposte à la loi du 4 février 1919 qui offrait aux musulmans d’Algérie une possibilité simplifiée d’accéder à la citoyenneté française, de lutter, écrivait-il, contre « la francisation, l’assimilation et l’évangélisation ». Dans cette lutte, il imposa que les musulmans d’Algérie fissent un usage constant et surtout exclusif de l’arme majeure que constituait la langue arabe littérale, soutenait-il.

Par cette décision, il se pliait aux exigences formulées en 651 par le 3ème Calife Uthman [1] d’une part. Il entreprenait de cette manière, d’autre part, d’arabiser à outrance l’Algérie, comme l’avaient fait quelques siècles avant lui les Berbères almoravides arabophones par choix volontariste. Par cette exigence, Omar Smaïl donna vie à la phénoménologie arabo-islamiste qui se manifesta, dès lors, comme une donnée scientifique et politique dépourvue de tout fondement ethnique exigible.

A partir de cette année 1920, s’est élaboré et manifesté en Algérie, un dynamisme anti-français et anti-occidental, structuré à partir d’une volonté révolutionnaire arabo-islamiste arabophone et conquérante dont la perspective  stratégique lointaine fut illustrée historiquement par la formulation de Ben M’Hidi, en 1957 : « vous aurez l’Algérie de Dunkerque à Tamanrasset ».

Avant de mourir, ce combattant courageux formula ainsi un avertissement dont il serait à la fois ridicule et criminel de ne pas tenir compte. A Dunkerque, à Paris, à Madrid, à Moscou et aujourd’hui à Kiev, à Kharkov, en Crimée…

 

           Conseillé et guidé en permanence par le rothschildien Pompidou, De Gaulle fut propulsé en Algérie dans un but prioritaire, proclamé ou plutôt allégué, dont il s’est fait lui-même l’annonceur : protéger la France contre « des populations dont le destin est d’être miséreuses ». Ces termes, colorés d’une indiscutable nuance de mépris, ont enrichi son célèbre discours du 16 septembre 1959.

 

           Il est venu dans un premier temps en Algérie, en 1958, à la recherche des moyens de prendre le pouvoir en France. Tout en organisant secrètement la naissance de la république algérienne dont il était devenu un concepteur depuis 1943. A cette date, avec l’appui de Catroux, il avait apporté son soutien et sa caution personnelle à Ferhat Abbas. Celui-ci, fort de cet avantage, créa l’AML. C’est-à-dire l’association des Amis du Manifeste de la Liberté.

A partir de l’AML, naquit le MTLD en 1946 puis le FLN en juin 1954 qui dès le premier jour officiel de la guerre d’Algérie, déclara par l’intermédiaire d’Ibrahim Bachir, que le combat était engagé contre la France « pour le triomphe de l’arabisme et de l’islam ». C’était à partir du Caire que le président de l’association des ouléma inonda le monde de cette déclaration.

 

           Depuis lors, une pression idéologique et religieuse constante s’exerce en France sur notre territoire national. Sa vigueur révolutionnaire s’exprime tout naturellement par des attaques contre le christianisme, plus sélectivement contre le catholicisme apostolique et romain. A un point tel que certains hommes politiques charognards du gaullisme tueur de la France en Algérie, envisagent avec une sérénité, déconcertante pour les naïfs seulement, un retour sur la loi de « séparation des églises et de l’état du 9 décembre 1905 ». Loi dont ils prétendent supprimer l’observance, avant de l’abroger purement et simplement.

Cette loi, qui prétendait protéger la laïcité contre l’influence des églises, a vu sa signification évoluer.

De loi contraignante telle que l’avaient conçue ses promoteurs, cette loi est devenue aujourd’hui, à l’encontre de ce que recherchaient ces mêmes promoteurs, l’expression administrative et légale d’une garantie. La garantie de la liberté religieuse dans notre pays.

Cette loi, en effet, permet aux différents courants religieux de s’exprimer en France, dans la mesure où ces mêmes courants religieux ne prétendent pas contrevenir aux lois votées chez lui, par le peuple français souverain.

Certains notables musulmans ont manifesté, à maintes reprises, la volonté de faire abroger cette loi dans un avenir non précisé, car d’après eux, elle ne tient pas compte du message religieux musulman.

Il ne s’agit ni plus ni moins, que d’une volonté révolutionnaire, qui prétend remettre en question le code de la laïcité, telle que celle-ci est vécue en France.

 

           De Gaulle se situe à l’origine de l’agression qui, de nos jours, menace la France. Il est seul responsable, « les faits parlent d’eux-mêmes », de la soumission aux exigences dogmatiques et institutionnelles de l’islamisme fondamentaliste et conquérant, envisagée par les ennemis de notre pays,.

Dans cette étude, la dernière que je consacre à l’histrionisme gaulliste, je tiens à vous soumettre quelques réflexions et analyses que j’avais déjà exprimées dans mon livre « Vérités tentaculaires sur l’OAS et la guerre d’Algérie ».

J’ai donc recouru à ce livre, qu’avec timidité je vous recommande de lire, pour toucher du doigt, au mieux possible, le rôle actif et décisionnaire joué par De Gaulle dans la défaite de la France du 19 mars 1962.

De Gaulle, l’accélérateur majeur de la décadence occidentale.

 

 

                      En 1942, quelques jours avant le débarquement anglo-américain en Afrique du Nord, l’amiral Darlan était venu rendre visite à son fils malade. Celui-ci était soigné à l’hôpital militaire Maillot. Informé de l’imminence d’un débarquement allié sur nos territoires d’Afrique du Nord, l’amiral fit une déclaration que je me souviens avoir lue dans la presse algéroise, que j’évoque souvent et que d’autres ont repris fort à propos :

           « L’empire sans la France ce n’est rien,

             La France sans l’empire ce n’est rien ».

L’amiral exprimait une profonde angoisse pour le destin de la France. Curieusement, cette angoisse trouva un écho 15 ans plus tard, dans les propos d’un homme politique français. Il s’agit de Chaban-Delmas. En 1957, celui-ci occupait le poste de ministre des armées dans un gouvernement de la IVème République, dont le président du Conseil était Félix Gaillard. Cette année-là, ce ministre installa à Alger une antenne célèbre, qui joua un rôle majeur dans la préparation et le déroulement des évènements du 13 mai 1958. C’était l’Antenne de la Défense Nationale composée secrètement d’hommes très actifs comme Guy Ribaud, le commandant Pouget, Delbecque, Nouvion, Lhostis et mon camarade Jacques Laquière qui mit son cabinet d’avocat à la disposition de cette antenne.

Dans l’exercice de ses fonctions, Chaban-Delmas rendit visite au général Salan, commandant en chef des forces armées françaises en Algérie. Il inaugura, à Philippeville, une nouvelle école de guerre révolutionnaire. En réalité, une école de contre-guérilla. Cette école était installée au casino Beau-Rivage, tout près de cette belle ville du littoral constantinois, au pied du djebel Filfila. Il était accompagné du général Gilles, commandant du Corps d’armée de Constantine.

S’adressant aux 90 capitaines stagiaires qui allaient entamer le cursus de cette école, le ministre des armées leur tint ces propos, en substance :

« Sachez bien qu’il n’y aura plus d’armée française, parce qu’il n’y aura plus de France si par malheur nous manquons notre coup, ici, en Algérie ».

Il est donc logique d’affirmer que pour des hommes politiques et des hommes d’état de très haute responsabilité, il était banal et surtout logique d’affirmer, en 1957, que le sort de la nation française était intimement lié au destin que l’on s’apprêtait à élaborer pour ce qui était encore l’Algérie française. Il n’est pas inutile de rappeler que Chaban-Delmas avait un « maître à penser » : le général De Gaulle. L’esprit de la trahison gaulliste n’avait pas encore perfusé à travers toutes les consciences de ses partisans.

 

           L’année précédente, trois évènements graves étaient venus animer l’actualité algérienne et plus généralement, nord-africaine.

 

           Le 22 octobre 1956, un avion affrété par le sultan du Maroc fut intercepté par les services spéciaux français et obligé de se poser à l’aéroport de Maison Blanche à Alger. Officiellement, sur décision de Robert Lacoste qui représentait le gouvernement français en Algérie. A l’initiative secrète d’un spécialiste des services spéciaux ? Quoi qu’il en soit, six membres importants du FLN furent capturés ce jour-là. Ben Bella se trouvait parmi eux. J’ai connu personnellement un officier de gendarmerie qui a participé à cette opération et à l’arrestation de ces six responsables ennemis. Il m’a déclaré en substance : « Tu ne peux pas imaginer à quel point ils ont été heureusement surpris de ne pas être fusillés sur le champ ! ».

Un peu plus tard, Ben Bella s’est permis le luxe d’écrire à propos de cet évènement du 22 octobre 1956 : « Je n’aurais jamais cru les Français capables d’un coup pareil ! ». 

Ben Bella manifestait indiscutablement une agressivité méprisante à l’égard de notre pays. Peut-être était-il conforté dans ses convictions par un chèque dont il était en possession ce jour-là et qui émanait de l’ARAMCO. Ainsi, Ben Bella qui manifestait verbalement des convictions socialistes presqu’idéalistes, était en réalité subventionné pour mener la guerre contre la France, par une énorme société pétrolière dont les principaux actionnaires étaient des potentats très connus du capitalisme financier, américains en particulier.

Ces notables FLN seront incarcérés à la Santé où ils bénéficieront de conditions de détention très confortables, des conditions de détention « bourgeoises ». Je l’affirme d’autant plus que quatre ans plus tard, après les Barricades d’Alger, je fus de ceux qui bénéficièrent de ce confort bourgeois lors de mon séjour à la prison de la Santé, à partir du début février 1960, avec mes camarades d’infortune que nous connaissons tous.

 

Quelques jours plus tard, le 6 novembre 1956, se déroule la spectaculaire expédition de Suez. Les parachutistes anglo-français prennent le contrôle du canal de Suez et s’apprêtent à donner une leçon à Nasser. Mais dans des délais extrêmement rapides un cessez-le-feu est imposé aux forces anglo-françaises, conjointement par les USA et l’URSS. Cette opération, si elle avait été menée jusqu’au bout, aurait été peut-être l’occasion de mettre fin à la guerre d’Algérie en neutralisant l’appui militaire et politique que le FLN recevait à partir de cette base arrière. Il ne faut pas oublier que c’est à partir du Caire que, le 1er novembre 1954, le président en fonction de l’association des ouléma d’Algérie, Ibrahim Bachir avait déclaré que le combat était engagé « pour le triomphe de l’arabisme et de l’islam ». Mais il était contraire aux projets du capitalisme financier international que la France gagnât la guerre d’Algérie.

 

En réalité, ces deux opérations avaient été atténuées dans leur impact émotionnel, national et international, par le drame de Budapest. Le 23 octobre 1956, ce fut en effet l’insurrection hongroise contre le pouvoir communiste qui fut écrasée dans le sang par les blindés soviétiques et qui prit fin le 10 novembre 1956.

 

           A cette époque, De Gaulle vivait à Colombey-Les-Deux-Eglises. Au printemps de cette même année 1956, il est opéré de la cataracte. Il se déplace très souvent dans les bureaux de l’ancien RPF (Rassemblement du Peuple Français). Il suit de très près, « l’affaire d’Algérie ». Il veut surtout entamer un dialogue avec Ferhat Abbas. Même s’il lui est arrivé à maintes reprises de traiter Ferhat Abbas de « jean-foutre », à cette époque, son interlocuteur privilégié, celui qu’il a choisi, c’est Ferhat Abbas. De même que lui, De Gaulle, a été choisi par Ferhat Abbas et cela, depuis 1943. Nous nous sommes exprimés à maintes reprises sur le soutien que De Gaulle avait apporté à Ferhat Abbas pour contrer le général Giraud en 1943, à Alger, lors de la création de l’AML [2].

En 1956, il faut au général De Gaulle des moyens d’action bien structurés pour conduire des négociations secrètes vers le meilleur résultat possible : convaincre le FLN que lui, De Gaulle, est le seul interlocuteur valable de la République française pour aboutir à un cessez-le-feu favorable au FLN.

En tout premier lieu, il lui faut un cabinet privé. Animé par un personnel adéquat, trié sur le volet. Olivier Guichard, un fidèle du général, se charge d’organiser ce cabinet.

Mais surtout, il lui faut une équipe de transmissions qui satisfasse à toutes les garanties exigées : efficacité et surtout une discrétion totale, car le secret le plus absolu est nécessaire pour la conduite de ces négociations.

En effet, ces opérations de contact sont clandestines, illégales. De Gaulle est susceptible de tomber sous le coup d’une inculpation de complicité avec le FLN. C’est-à-dire, d’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat, si la justice est saisie. Voire même, d’intelligence avec l’ennemi. A cette époque-là, De Gaulle n’est pas  un homme d’état. C’est un particulier. Donc une impitoyable rigueur va commander au choix de ces « officiers de liaison » dont le général De Gaulle, dont le citoyen De Gaulle, a un besoin urgent en 1956.

Quatre officiers de liaison vont retenir notre attention.

 

           Tout d’abord, maître Boumendjel. C’est un avocat, de brillante culture. Avant 1954, il fait partie du MTLD [3]. Ce qui est parfaitement envisageable car jusqu’au 31 octobre 1954, ce mouvement est légal. Il a été fondé en 1946. Ces statuts sont déposés en préfecture. Après le 1er novembre 1954, la Toussaint Rouge, ce mouvement est dissous par le ministre de l’intérieur, François Mitterrand. Messali Hadj, fondateur du MTLD crée alors le MNA, Mouvement National Algérien qui, bien évidemment, est clandestin. Maître Boudmendjel est condamné à mort, nous dit-on, par des tueurs messalistes du MNA. Devant cette menace, Boumendjel se jette dans les bras du FLN. Celui-ci est tout heureux d’assurer la protection de ce célèbre avocat. Boumendjel connaît très bien Ferhat Abbas et ses intentions ne sont pas encore bien tranchées en ce qui concerne le destin de l’Algérie. Mais sa disponibilité, ses relations amicales avec le pharmacien de Sétif, son intelligence et sa culture, en font un officier de liaison de tout premier ordre. C’est la raison de son recrutement par le cabinet privé du général De Gaulle en 1956. Nous pouvons préciser que ce choix reçoit l’agrément de Ferhat Abbas. Agrément confirmé plus tard par le CNRA. Conseil National de la Révolution Algérienne qui siège à l’extérieur de l’Algérie et qui naît au mois d’août 1956 lors du Congrès de la Soummam. Précisons que Ferhat Abbas ne fait pas partie du CNRA. Il remplit une fonction importante au sein du CCE, le Comité de Coordination et d’Exécution qui a été créé lui aussi au mois d’août 1956, lors de ce célèbre Congrès. Ce qui signifie que Ferhat Abbas n’est pas encore un personnage des plus représentatifs du FLN. Mais il dispose d’un atout décisif : il est l’interlocuteur privilégié du général De Gaulle, « le plus prestigieux des Français », précise-t-il.

Boumendjel remplit donc, dans le secret le plus absolu, des missions de contact à Berne, avec Ferhat Abbas. Il sera reçu à maintes reprises par le général dans son bureau de la rue Solferino. Il se verra offrir l’indépendance de l’Algérie par son célèbre interlocuteur. En 1956. Je le rappelle avec insistance. « Car l’Algérie sera indépendante », déclare en substance l’ancien chef de la France libre à Boumendjel et à d’autres interlocuteurs.

 

Le deuxième officier de liaison mis en action par le cabinet privé du général De Gaulle, est un journaliste autrichien, écrivain de talent, décédé depuis les années 1960. Il s’agit d’Arthur Rosenberg qui jouit au plus haut point, d’un statut de persona grata auprès du FLN. Celui-ci en a fait  un attaché de presse privilégié, chargé de moduler l’information internationale pour le bénéfice exclusif des rebelles anti-français.

 

Le troisième de ces officiers de liaison est un brillant diplomate français, de la IVème république. Gaston Palewski est ambassadeur de France au Saint-Siège, auprès de sa sainteté Pie XII. Une valise diplomatique est ainsi utilisée pour nouer des contacts fructueux avec des représentants du FLN qui séjournent occasionnellement ou de façon permanente dans la capitale italienne. On évolue, ainsi, en pleine forfaiture. Car voilà un diplomate en fonction qui met la valise diplomatique française au service du FLN, parce que son maître De Gaulle le lui a ordonné et tout cela, permettez-moi de le souligner, encore et encore, en 1956.

 

Le quatrième officier de liaison recruté par le cabinet du général De Gaulle est Mohamed Masmoudi, l’ambassadeur de Tunisie à Paris. Un diplomate officiel, subordonné direct de Bourguiba, se met au service du FLN par l’intermédiaire de De Gaulle, à Paris, en 1956.

Ce diplomate passe son temps à déclarer que le plus célèbre des Français représente « la conscience de la France en Algérie ». Il est inutile de préciser que son excellence, monsieur l’ambassadeur de Tunisie à Paris, ne peut agir ainsi sans l’accord préalable de son président Bourguiba. Celui que l’on appelle le « Le Combattant Suprême ». Mégalomane avant tout, Bourguiba veut tirer profit de la situation précaire de l’Algérie. Il prétend devenir, lui, le promoteur d’une naissance : la naissance d’un état fédéral algéro-tunisien dont il serait le chef évidemment. Il veut faire apparaître ainsi une patrie nouvelle, avec une zone occupée par l’ennemi l’Algérie, une zone libre où siège le gouvernement du nouvel état, la Tunisie. Hostile à ce projet, Nasser essaiera de faire tuer Bourguiba. Donc, lorsque Masmoudi se met au service du général De Gaulle il le fait en obéissance intégrale aux exigences de Bourguiba. La Tunisie prend position dans l’histoire et Bourguiba va se compromettre d’une façon décisive dans l’accession au pouvoir du général De Gaulle.

 

 

           Au début de l’année 1958, Bourguiba accorde une interview à un journaliste français. Elle est publiée dans la Revue des Deux Mondes peu de temps avant le 13 mai 1958. Peut-être au mois de février ou mars de cette même année. Une fois de plus, mon cher correspondant, j’implore votre pardon car ma mémoire est exceptionnellement défaillante sur ce détail. En revanche, je me souviens très bien d’avoir lu le contenu de cette interview donnée par le « combattant suprême » à un journaliste appelé Guignoux. Bourguiba divisait les Français en deux catégories. Il ne disait pas « Français de gauche » ou « Français de droite ». Car ne l’oublions pas, Bourguiba tenait à atténuer sa réputation d’homme de droite, voire d’extrême droite, qu’il était fondamentalement. Il ne disait pas « Français partisans de l’indépendance de l’Algérie » ou « Français partisans de l’Algérie française ». Non, pour lui, les Français se scindaient en deux fractions. Les Sudistes et les Nordistes.

Les Nordistes acceptent la mort de l’Algérie française.

Les Sudistes ne l’accepteront jamais.

Chose curieuse à cette époque, le gouverneur général Lacoste, socialiste, se trouve inclus par Bourguiba, dans le clan des Sudistes.

Pourtant, nous avions combattu Robert Lacoste lorsqu’il avait présenté son projet de « loi-cadre » en 1957. Parce que cette loi se proposait de faire des musulmans d’Algérie des Français à part entière certes, mais en leur accordant cependant, sur le plan civil, le privilège de n’être soumis qu’à la seule législation du droit coranique. Nous considérions, quant à nous, que s’il fallait et il le fallait sous peine de mort pour l’Algérie française, accorder aux musulmans les droits inhérents à la citoyenneté française, il fallait aussi de la façon la plus impérative, affilier les musulmans d’Algérie aux mêmes règles et aux mêmes devoirs que ceux auxquels étaient soumis la majorité des autres citoyens français. A la même juridiction civile. Il n’était pas envisageable en effet, d’accorder aux musulmans d’être régis par une juridiction civile différente de la nôtre car la France est une république laïque. Laïcité régie en particulier par la loi du 9 décembre 1905, dite loi de séparation des Eglises et de l’Etat.

Nous entendons par « laïque » une administration et un gouvernement qui exercent le pouvoir en toute indépendance à l’égard des grands courants religieux.

Nous refusons de nous inscrire dans ce courant d’idées pervers qui prétend conférer au terme « laïque » un sens qui n’est pas le sien : celui de stigmatiser exclusivement le christianisme et tout particulièrement le catholicisme apostolique et romain, comme ennemi exclusif de la laïcité.

Donc, la France étant une république laïque, il était exclu, et aujourd’hui il est encore exclu, d’accepter ou de promouvoir une partition cléricalo-juridique de notre pays, c’est-à-dire une partition motivée par un impératif confessionnel.

Ce que proposait Robert Lacoste se situait à l’opposé de l’intégration. Car celle-ci, parce qu’elle s’appelait « intégration », parce qu’elle s’appelle encore « intégration », exigeait et exige au préalable, une sécularisation de tous les comportements religieux retardataires.

Les juifs, pour être Français, avaient renoncé en 1870, aux exigences du code mosaïque. Ils restent néanmoins fidèles à leur foi.

Nous, chrétiens, avons accepté  un grand nombre d’aggiornamentos à l’échelon de la planète. Nous n’avons pas renié notre foi pour autant.

Les musulmans devaient, et doivent, eux aussi, satisfaire à cette exigence pour accéder à la citoyenneté française.

Pour nous c’était et c’est toujours une condition sine qua non.

Dans cet article de la Revue des Deux Mondes de 1958, du premier trimestre 1958, Bourguiba détecte néanmoins chez Robert Lacoste une indiscutable conviction « Algérie française ». Il le range donc dans le camp des sudistes. Et il ajoute, je ne fais que citer ses propos de mémoire :

« Les sudistes sont prêts à tout, y compris à un coup de force militaire ».

Puis il précise, toujours en traduisant ses propos :

« Seul le général De Gaulle sera capable de les mâter en les contrôlant, d’autant plus facilement que ce sont ces mêmes Sudistes qui feront appel à lui et qui l’installeront au pouvoir ».

Quand Bourguiba disait « en les contrôlant », il voulait dire sans aucun doute : en les circonvenant, en les roulant, en les cocufiant.

Mais comment mettre la machine gaulliste en marche ? Comment va-t-il opérer, lui Bourguiba ?

 

 

             Pour répondre à cette question, nous allons aborder ce que j’appelle un chapitre « pourri » de notre histoire. Le chapitre de Sakiet-Sidi-Youcef de février 1958.

Voici la succession des évènements, que je vous propose schématiquement.

Le capitaine Allard commande un quartier tout près de la frontière tunisienne. Pas loin d’un cantonnement de fellagas, implanté en territoire tunisien, près de Sakiet-Sidi-Youcef.

Dans la nuit du 10 au 11 janvier 1958, il est instruit par ses supérieurs, d’une tentative de passage de la frontière par un détachement rebelle. Il reçoit l’ordre de monter une embuscade et d’intercepter ce détachement. Pour cet officier, ce n’est pas un problème. C’est un militaire aguerri qui dispose d’un effectif de soldats français du contingent, entraînés et expérimentés. Il réunit une troupe sélectionnée de 43 hommes. Pour ces combattants courageux et bien préparés, c’est un effectif suffisant pour monter une embuscade. Mais surprise ! Notre troupe tombe sur une force de 300 fellouzes. Pratiquement trois compagnies fortement armées. En réalité, le traquenard existe bien : mais ce sont nos soldats qui tombent dedans, car le renseignement qu’on leur a transmis, camoufle un piège. Un piège tendu par le FLN et la Tunisie. Dans quel but ?

Dans le but exclusif de faire du bilan, c’est-à-dire de provoquer des pertes parmi nos soldats.

Ces 300 fellouzes qui ont passé la frontière, jouissent d’une logistique digne d’une armée conventionnelle : liaisons radio et renseignements fournis par l’armée tunisienne. 300 hommes véhiculés par des camions de la garde nationale tunisienne jusqu’à la frontière. L’accrochage est dur. Des renforts sont demandés d’urgence par le commandement français. Ils parviennent sur place. Les « fells » sont repoussés avec de lourdes pertes mais ils sont protégés dans leur fuite vers la Tunisie par des tirs de mitrailleuses et de mortiers qui partent des crêtes tunisiennes. 14 de nos soldats sont tués et retrouvés horriblement mutilés.

Mais un élément anormal est enregistré : 4 hommes ont été emportés, prisonniers par le FLN. Citons 3 noms : Richomme, Decourtreix, Feuillebois.

Retenons les noms de ces 3 fils de France. Insistons sur cette anomalie opérationnelle : pourquoi ramener des prisonniers en Tunisie ? L’accrochage a été dur. Les « fells » ont eu le temps de massacrer, d’émasculer et d’éventrer 14 soldats français. Pourquoi s’encombrer de prisonniers ? Nous verrons l’usage tactique majeur qui sera fait de 3 de ces 4 malheureux soldats.

A la suite de ce drame, le colonel Duval, commandant l’aviation du corps d’armée de Constantine, ordonne un renforcement des opérations de reconnaissance sur la Tunisie. Il faut à tout prix préciser d’où viennent les assassins de nos soldats. Il faut si possible découvrir le lieu de détention de ces infortunés prisonniers. Précisons que durant ce mois de janvier 1958, les forces armées tunisiennes ont manifesté une agressivité anormale contre nos avions. Le 13 janvier, un de  nos appareils est abattu par un tir de DCA. Il faut préciser que ces tirs de DCA constituent une véritable provocation. Car en cas de survol d’un territoire national par des appareils étrangers, les tirs de défense aérienne devaient obéir à toute une procédure prévue par les Nations Unis. Or, les avions français n’étaient pas agressifs : ils relevaient les informations pour mettre nos soldats à l’abri d’embuscades.

Le général Jouhaud, commandant l’aviation en Algérie, demande à son supérieur, le général Salan, de solliciter du chef d’état-major général de l’armée, le général Ely, l’autorisation de déclencher un raid de riposte. Le général Ely ne peut transmettre un tel ordre sans l’accord préalable de son gouvernement. Il donne néanmoins et rapidement son feu vert pour un raid de représailles. Ce qui signifie que le gouvernement de la IVème république est d’accord.

Le raid contre la base ennemie de Sakiet-Sidi-Youcef, se déroule le 8 février 1958. Il est mené par une escadrille française composée de 11 B25, 6 Corvair, 8 Mistral. La base est détruite.

D’après le général Jouhaud, plusieurs dizaines de Fellagas sont tués.

D’après le service d’information de Bourguiba ne sont tués que des femmes, des enfants, et des combattants FLN blessés.

J’ai tendance à accorder plus de crédit à la relation de Radio-Tunis. En effet, ce raid étant le résultat d’une provocation montée de toutes pièces par une collusion FLN-Bourguiba, il paraît impensable de concevoir qu’un effectif de combattants valides ait été volontairement exposé aux bombardements et au mitraillage de nos avions. Ce que recherchaient nos ennemis, c’était exhiber des victimes innocentes. Des victimes sacrifiées par Bourguiba pour les besoins de cette conjuration. Cette opération connaîtra d’ailleurs de la part de Bourguiba, une exploitation démentielle. « Un crime contre l’humanité ! », « un crime contre l’honneur ! ». La France est mise en accusation ! Bourguiba appelle à la haine contre la France. Il réclame des sanctions contre cette agression impérialiste.

Cette opération de Bourguiba est immédiatement couronnée du succès espéré : les anglo-saxons osent proposer leurs « bons offices ! ».

Colère à Paris !

Colère en Algérie !

Cette intervention de l’étranger dans nos affaires est intolérable !

L’ambiance est telle qu’à Alger des manifestations s’organisent. Pour aboutir finalement au gentil défilé du 26 avril 1958. Un défilé qui regroupe les associations d’anciens combattants et des mouvements nationaux. Alger gronde. Alger gueule. Mais Alger « ne se déclenche pas ». Tout se déroule « dans le calme et la dignité ». Cette dernière expression connaîtra une fortune littéraire. Elle signifiera désormais qu’une manifestation se déclenche pour n’aboutir à rien. Elle évoque surtout une notion d’incapacité, d’impuissance, de ridicule.

Mais le plus déçu de tous, c’est le commandement FLN ! Il lui faut donner un coup d’accélérateur. Ces Algérois sont vraiment trop mous ! Quand vont-ils se décider à faire la révolution ? Car il faut absolument qu’un coup de force se déclenche à Alger. Le coup de force qui va permettre à la prévision de Bourguiba de s’accomplir : un coup de force déclenché pour De Gaulle qui, lui, se chargera de soumettre l’Algérie à la volonté du FLN.

Tout s’accomplit le 9 mai 1958. Le FLN publie à grand renfort de communiqués, la nouvelle de « l’exécution » de 3 soldats français : René Decourtreix, Robert Richomme, Jacques Feuillebois. L’exécution s’est déroulée le 30 avril 1958. 4 jours après la manifestation jugée trop molle du 26 avril. 4 soldats, qui avaient été faits prisonniers lors de l’accrochage du 11 janvier 1958, avaient été jugés par un tribunal militaire FLN. Celui-ci acquitta le quatrième prisonnier français. Ce qui permet au FLN, le plus sérieusement du monde, de démontrer son objectivité dans le jugement de ces « criminels de guerre ».

A Alger, un sentiment d’horreur nous étreint furieusement. Une douleur qui se transforme en bouffée de haine. Nous réclamons justice. Nous réclamons vengeance. Nous fonçons dans la rue. Alger explose. Alger se mobilise en masse pour venger nos soldats assassinés. Pour mettre à bas un gouvernement qui « baisse culotte » devant les terroristes !

 

           Il ne m’appartient pas, dans le cadre de cette étude, de revenir sur les évènements du 13 mai 1958. Mais ce qu’il faut souligner, c’est le potentiel de réaction en Algérie et en France, que va éveiller l’assassinat de 3 soldats français.

En 1958 il existait encore en France et en Algérie, une volonté de ne pas subir. Une volonté de faire payer les assassins de notre peuple. Une volonté de ne jamais accepter que des soldats prisonniers de guerre, fussent tués par nos ennemis FLN.

Mais tout évoluera très vite. Sous De Gaulle on verra comment fut accepté le lynchage des Pieds-Noirs à Oran, le 5 juillet 1962. Comment fut accepté l’assassinat de dizaines de milliers de harkis. Comment fut accepté, en toute bassesse l’assassinat de centaines de militaires français prisonniers de guerre qui ne furent jamais rendus par le FLN… après le cessez-le-feu.

En 2 ans de gaullisme, la combativité de la France et la réactivité des hommes de France ont été mises sous l’éteignoir pour satisfaire, sans la gêner, à une honteuse politique d’abandon.

« Le délestage économique du débouché algérien ».

 

 

                      Après le passage de De Gaulle à Alger, où il avait été appelé par la naïveté algéroise, le général peut donc reprendre ses anciens contacts à partir de l’hôtel Matignon, tout d’abord.

A l’Elysée, silence radio. Le président Coty n’a rien à dire.

En réalité, ce que je viens d’écrire n’est pas exact. Ce ne sont pas « des contacts » que l’on remet en route. Il s’agit cette fois « de négociations » que l’on entame. Au nom du gouvernement français, dont le président du conseil est De Gaulle.

Des négociations dans le but d’aboutir à un cessez-le-feu en Algérie. On s’emploie à « baisser culotte » devant le FLN. A hisser le drapeau blanc. En effet, comme l’a souligné Ferhat Abbas, c’est celui qui sollicite sans cesse l’arrêt des combats qui doit hisser le drapeau blanc.

Voici le modus operandi. De Gaulle contrôle un gouvernement. A partir de celui-ci des manœuvres silencieuses, clandestines, vont être planifiées dans un premier temps, puis mises en route. Le nouveau chef du gouvernement de la IVème république dispose de la compétence d’un excellent chef de cabinet. Georges Pompidou. Ancien fondé de pouvoir de la banque Rothschild. Pompidou, je le répète, en accord avec le secrétaire d’état aux affaires algériennes René Brouillet, dont l’adjoint est Bernard Tricot, « prépare l’exploitation d’un document rédigé depuis le mois de juin 1958 ».

Il s’agit du « document Pompidou ». Sont précisées toutes les étapes des négociations à entreprendre pour un cessez-le-feu. Un lieu géographique est prévu pour le déroulement de ces négociations. Il s’agit de Barcelone.

Rappelons que De Gaulle a été installé au pouvoir pour sauver l’Algérie française ! Nous sommes au début de l’été 1958. L’acte de décès de l’Algérie française est cependant tout prêt.

En Algérie, c’est toujours un gigantesque délire hallucinatoire. L’Algérie française est chantée partout. Les maquis FLN se tiennent cois. Les généraux Salan et Allard, obtiennent des ralliements spectaculaires.

J’essaie, à titre personnel, d’informer mes confrères, mes amis, mes patients de la réalité du piège mortel que les gaullistes sont en train de mettre en place. Je souffre de voir cette élite algéroise accepter son lynchage collectif avec la candeur idiote d’arriérés mentaux. C’est la force de l’amour qui me fait rester en Algérie. De l’amour de cette terre. L’amour que je porte à ce peuple pied-noir. Malgré la trahison que je ressens, que je vis dans la plus profonde intimité de ma personne, j’ai la prescience qu’un nouveau destin merveilleux peut s’élaborer encore pour la France à partir de l’Algérie française !

Et je ne peux rien faire d’autre que ce constat : trois outils majeurs sont en train d’être forgés ou mis en œuvre, pour rendre exécutoire l’assassinat de la France sud-méditerranéenne, voulu et programmé par De Gaulle.

 

           Le premier outil : c’est le document Pompidou qui veut atteindre un seul but : le cessez-le-feu. J’insiste, il s’agit ni plus ni moins que d’un acte de décès de la France en Algérie qui, dès le printemps 1958, mettra De Gaulle en action.

 

           Le deuxième outil : il s’agit de l’interlocuteur avec lequel on va discuter. Le partenaire de l’abandon. De qui s’agit-il ? De l’ennemi en exil : le FLN.

Depuis le mois d’août 1956, celui-ci est représenté par un commandement bicéphale :

  1. Le CNRA : Conseil National de la Révolution Algérienne,
  2. Le CCE : Comité de Coordination et d’Exécution.

Cela fait un peu brouillon ! De Gaulle réclame de l’ordre : « s’il-vous-plaît messieurs ! Devenez un gouvernement ! » C’est ainsi que le GPRA, Gouvernement Provisoire de la République Algérienne, voit le jour le 18 septembre 1958. 10 jours avant le referendum mortel du 28 septembre de la même année. En effet, comment ne pas relever la coïncidence historique, à quelques jours près, de la naissance de la Vème République d’une part, avec la naissance du Gouvernement Provisoire de la République Algérienne d’autre part !

Le GPRA est présenté officiellement à la presse internationale, au Caire, le 19 septembre 1958. Le général De Gaulle se fait représenter officieusement à cette cérémonie. Deux émissaires français sont présents effectivement : Jean Amrouche, écrivain et Abderrahman Farès. Tout semble en ordre. On peut négocier enfin avec un véritable gouvernement et surtout avec le chef de ce nouvel exécutif : le pharmacien de Sétif, Ferhat Abbas, qui s’exhibe devant le monde diplomatique, comme l’interlocuteur choisi par la totalité des protagonistes.

           De toute évidence, tout cela n’est pas suffisant. Il faut, d’urgence, forger un 3ème outil. Un officier de liaison, chargé du contact étroit entre le GPRA et le dernier gouvernement de la IVème République dont le président du conseil est encore le général De Gaulle. Cet officier de liaison doit être compétent, discret, fiable et surtout, convaincu de l’indépendance de l’Algérie. Un agent qui soit en même temps un partisan inconditionnel du FLN et soumis à l’allié majeur de celui-ci : le général De Gaulle.

« Mais ne cherchez plus mon général ! Cet homme vous l’avez ici à Paris. Il habite Porte de Vincennes, avenue Daumesnil, au n° 269. Il s’agit d’Abderrahman Farès ! ».

Farès, ancien notaire de Coléa, petite ville située tout près d’Alger, ancien président de l’Assemblée Algérienne, vit à Paris. Il veut se mettre au service du général De Gaulle. On occulte généralement, qu’il faillit faire partie du dernier gouvernement de la IVème République, au moment même où De Gaulle fut appelé à la présidence du Conseil par René Coty, sous la pression des Algérois décérébrés et des militaires chloroformés. En effet, Guy Mollet, que De Gaulle a nommé ministre d’état sans portefeuille, propose au nouveau chef du gouvernement de nommer aussi Farès ministre d’état sans portefeuille.

Mais Farès est discipliné. Il demande des instructions au FLN qui lui intime l’ordre de ne pas accepter. Farès obéit à ses chefs du FLN. De Gaulle ne lui en tient pas rigueur. Il en fait un chargé de mission officieux. Clandestin même. Le 3ème outil donc, dont la fonction unique mais capitale est d’assurer les pré-négociations entre De Gaulle, Pompidou et René Brouillet d’une part, Ferhat Abbas et le GPRA d’autre part, après la naissance de ce dernier, le 18 septembre 1958.

Ferhat Abbas, au début de l’été 1958, et le 18 septembre 1958, n’est pas encore chef du gouvernement algérien puisque celui-ci n’existe pas à cette date. Mais tout le monde sait qu’il est l’interlocuteur choisi par De Gaulle qui lui-même est l’interlocuteur choisi par le FLN. Donc celui-ci intronise tout logiquement Ferhat Abbas, certainement de mauvais gré, dans le but de mener ces négociations au meilleur résultat possible. Mais alors qu’en 1956 Ferhat Abbas rencontrait Boumendjel à Berne, durant l’été 1958 il rencontre Farès à Montreux, en Suisse. Farès, le troisième outil, va porter le titre dès cette période, du « pèlerin de Montreux ».

Farès fait partie de ces notables algériens qui ont su faire du double jeu un trait majeur de leur personnalité politique.

Nous savons cependant d’une source irréfutable et officielle puisque c’est lui-même qui l’écrit, que dès le début de la guerre d’Algérie il entretient des relations suivies avec les chefs terroristes. Je n’évoque pas ici des leaders de la révolution algérienne. Je fais référence à ceux qui commandent de tuer.

Il rencontre Ouamrane, le colonel Ouamrane, le chef de la Willaya 3. Il obtient un contact avec Sadek, le futur colonel Sadek qui tient un rôle important au sein de la Willaya 4. Il s’agit d’un cadre FLN qui dénonça l’implantation du maquis de Laban et de Maillot aux hommes du Bachaga Boualem et par voie de conséquence, aux forces de l’ordre. C’était au mois de juin 1956.

Il est en contact fréquent et répété avec Ibrahim Bachir de l’association des ouléma, ennemi mythique de la France. C’est lui qui, le 1er novembre 1954, rappelons-le, déclare au Caire que la lutte est déclenchée « pour le triomphe de l’arabisme et de l’islam ».

Il obtient une entrevue avec Larbi Ben M’Hidi, le chef de la ZAA [4] . Celui qui déclara avant sa mort : « Vous voulez la France de Dunkerque à Tamanrasset, je vous prédis, moi, que vous aurez l’Algérie de Tamanrasset à Dunkerque ». Nous voilà donc prévenus. Je sais que je rappelle cette phrase depuis des milliers de fois ! Mais il n’est pas inutile de s’en imprégner.

Farès tient à rencontrer personnellement, en pleine casbah, Yacef Saadi et Ali la Pointe, responsables d’attentats meurtriers dans la ville d’Alger.

Qu’on ne s’y trompe pas : ces contacts sont mis en route à la demande de Farès. Car il lui faut donner des gages à ceux qui sont capables de tuer ou de faire tuer.

Il leur explique qu’il se situe dans leur combat. Qu’il est aux ordres du FLN. Il leur démontre qu’il est en train de trahir la France. Il tient à s’assurer de leur appui. Pour cela, il fait allégeance à la terreur anti-française.

A Alger, il était très proche de Jacques Chevallier, le maire FLN d’Alger. Il était très près de celui-ci qui avait organisé, dans les locaux de la mairie d’Alger, un véritable bureau d’appui de la ZAA. Il était très près de cet autre qui, de la mairie d’Alger, alimentait en fausses cartes d’identité les tueurs du FLN. Il s’agit de Lebjaoui. Celui-ci, chef de service à la mairie d’Alger, sous les ordres du maire renégat, utilisait un appariteur, Rabah Adjaoui. Ce dernier transmettait de faux papiers parfaitement valables à Ben M’hidi et à ses agents. Sous la pression des évènements, Lebjaoui est obligé de plonger dans la clandestinité. Il quitte Alger. Le FLN lui commande alors d’organiser la Fédération de France du FLN. Curieux cursus professionnel de cet homme qui le conduira de la Mairie d’Alger à la Fédération de France du FLN !

Il rencontre Farès à Paris, dans le 17ème arrondissement, rue Legendre, tout près du Parc Monceau. Il est arrêté le lendemain de cette rencontre ainsi que tout le réseau qu’il venait de monter. Donc, « le bon Farès » ne reste pas les bras croisés. Il a choisi son camp.

Arrive le 13 mai 1958. Le général De Gaulle prend le pouvoir. Farès, à plusieurs reprises, va bénéficier de l’incroyable privilège d’entrer en contact personnel avec le général De Gaulle. Celui-ci, nous l’avons dit, l’utilisera comme son troisième outil, « le pèlerin de Montreux » chargé de maintenir des relations suivies avec Ferhat Abbas. Il se lance dans une recherche permanente de nouveaux contacts avec les leaders du FLN qui séjournent en Europe. Car, comme il le faisait à Alger en 1956, il lui faut donner des gages de sa fidélité au combat FLN. C’est ainsi qu’il rencontre Ben Tobal, un des co-responsables du massacre du 20 août 1955 à El Halia et aux mines d’Aïn Abid, dans le nord-est constantinois.

Pourquoi cette débauche de rencontres de la part d’un homme qui, plus tard, assumera les fonctions de président de l’Exécutif Provisoire en Algérie ?

Parce que Farès, le troisième outil de De Gaulle, éprouve le besoin de prendre des garanties. Il craint que ne lui arrive la mésaventure tragique que connut Benabylès, au lendemain du discours du 16 septembre 1959, prononcé par De Gaulle. Benabylès, ami de Farès et de Ferhat Abbas, a compris après ce discours que De Gaulle va irrémédiablement abandonner l’Algérie à l’ennemi FLN. Jusqu’à ce jour, Benaylès était un élu « Algérie française ». Convaincu de la volonté irrévocable de De Gaulle de tuer la France en Algérie, il sollicite de Ferhat Abbas, un poste dans le gouvernement en exil. Il s’apprête à remplir ses nouvelles fonctions et s’achemine vers l’étranger pour rejoindre Ferhat Abbas. Il est tué dans l’Allier.

Par qui ?

On a voulu imputer cette exécution aux services secrets français, qui l’auraient puni ainsi de sa volte-face. Mais le général Jacquin est formel. Il précise en substance :

« C’est faux ! C’est Ben Tobal qui l’a fait flinguer par un tueur qui, après l’opération, reste caché en France ». Caché ? Mais où donc ?

A Lyon, chez le Primat des Gaules, tout près de l’archevêché, au Prado.

Mais pourquoi l’exécution d’un homme d’une telle valeur qui, par-dessus le marché, s’est rallié aux ennemis de la France ?

Parce que le colonel Ben Tobal a pris ombrage de ces fonctions importantes qui commencent à être attribuées à des transfuges de l’Algérie française. Les places, c’est pour les combattants des premiers jours ! Et Farès… redoute pour lui, une tragédie identique.

 

           Parmi les promoteurs gaullistes de la nouvelle carrière de Farès, on redoute un drame :

« ils ne vont tout de même pas nous le tuer, celui-là aussi ! ».

Comment assurer 24 heures sur 24 une protection efficace de Farès contre un tueur ?

Mais c’est facile ! On va le foutre en taule !

On arrête Farès à son domicile, durant le premier trimestre 1962. On lui signifie, en s’efforçant de ne pas rire, une inculpation « d’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat ». On l’incarcère à Fresnes.

On le libère quelques jours plus tard, après le cessez-le-feu du 19 mars 1962. Après la défaite consacrée historiquement et officiellement par la capitulation d’Evian.

Il est reçu par De Gaulle :

« Alors mon cher président, bien reposé ? » lui demande en riant le général De Gaulle en évoquant le séjour à Fresnes de celui qui est déjà nommé Président de l’Exécutif Provisoire en Algérie. Voilà comment Farès réussit à survivre au danger dont il se croyait menacé. Il pourra venir encore une fois exercer ses talents en Algérie. Talents faits de duplicité et de roublardise.

 

 

           Evidemment dans cette relation que je vous transmets, on a noté que le général De Gaulle était passé de Matignon à l’Elysée. Entre temps, le projet Pompidou tel qu’il apparaissait dans le fameux document Pompidou de juin 1958, était tombé dans l’oubli car le FLN n’a pas accepté de se rendre à Barcelone, à cette date, pour amorcer une étude sérieuse des conditions d’un cessez-le-feu déjà sollicité par De Gaulle.

Farès apparut quelques fois découragé devant les difficultés que rencontrait apparemment De Gaulle pour perdre la guerre. Celui-ci, alors qu’il était encore président du conseil, se chargea de lui remonter le moral. Il lui aurait dit :

« Ne vous en faites pas Farès, bientôt je chanterai leur chanson ». A propos de cette anecdote, de cette « citation » on relève des disparités dans son évocation. J’ai lu qu’effectivement De Gaulle a déclaré à Farès ce que je viens d’écrire. D’après Farès lui-même, le président de la république aurait déclaré à l’écrivain Jean Amrouche : « alors, vous voulez que je la chante votre chanson ? ».

Il semble que le terme de « chanson » soit utilisé à maintes reprises quand De Gaulle évoque le destin qu’il réserve à l’Algérie française. Ce qui aujourd’hui reste indiscutable, c’est qu’il n’a jamais cessé de chanter la même chanson que le FLN. Il va la chanter avec conviction, avec enthousiasme, à la manière d’une action de grâce, d’un alléluia. Ce qui ne l’empêcha pas de déclarer pendant cette même année, au cours d’une émission télévisée : « quelle hécatombe connaîtrait l’Algérie si nous étions assez stupides et assez lâches pour l’abandonner ! »

 

 

Le 4 novembre 1960, De Gaulle n’hésite pas à prononcer les termes de République Algérienne.

Ce 4 novembre 1960 est un vendredi. Je précise même que c’est le week-end qui précède l’ouverture du procès des Barricades d’Alger. J’ai donc l’honneur d’écouter ce discours de l’intérieur de la prison de la Santé, avec mes autres camarades détenus, bien évidemment.

La surprise est très forte dans les sphères gouvernementales. Un véritable ébranlement.

Paul Delouvrier, délégué général du gouvernement en Algérie, convoque d’urgence ses quatre principaux collaborateurs, pour le lendemain 5 novembre à Alger. Qui sont les collaborateurs convoqués par Paul Delouvrier ce jour-là ?

 

  1. Tout d’abord Coup de Fréjac : il est directeur de l’information. Une brillante personnalité de la Vème République. Héros des opérations clandestines de la résistance. Coup de Fréjac est aux ordres de son idole, il est un inconditionnel du général De Gaulle. Quelles sont ses fonctions  réelles ? Museler l’information en Algérie, organiser la censure. Interdire aux Français d’Algérie de s’exprimer.  
  1. La deuxième personnalité convoquée est Jean Vaujour : c’est le chef de cabinet du délégué général du gouvernement. En 1954, il avait assumé les responsabilités de directeur de la sûreté nationale en Algérie. Il avait reçu des offres de services de la part d’un rebelle anti-français. Celui-ci, contre la somme d’un million de francs de l’époque, s’était proposé de lui livrer toute l’implantation FLN dans les Aurès. Mitterrand, ministre de l’intérieur, fut le destinataire principal du « rapport Vaujour du 23 octobre 1954 ». Document célèbre que les historiens évoquent avec fréquence. Ce rapport, dont Mitterrand ne tint pas compte, démontre que l’on s’est employé, avant tout, à ne pas interdire le déclenchement de la guerre d’Algérie. On aurait pu la tuer dans l’œuf, on ne l’a pas fait.
  1. Troisième personnalité, il s’agit de François Coulet : brillant personnage. Brillant officier de réserve réactivé. Pendant la guerre d’Algérie, il commande une prestigieuse unité : celle des parachutistes de l’air qui avaient été créée auparavant par le général de Maricourt. Ses convictions, sa formation auraient dû faire de lui un défenseur ardent, efficace, acharné même de l’Algérie française.

Il l’est effectivement jusqu’en 1958. Mais De Gaulle arrive ! Son dieu ! Ce dieu dont il a décidé d’être le prêtre ! Ses convictions vont subir une mutation radicale. Une obéissance inconditionnelle. Aveugle. Exclusive. Il participe avec enthousiasme à l’assassinat de la France en Algérie. Il quitte l’armée. Quelles fonctions peut exercer un homme de cette valeur auprès du grand commis de l’Etat qu’est Monsieur Paul Delouvrier ? Il est directeur des affaires politiques, c’est-à-dire qu’il exerce en réalité les fonctions d’un commissaire politique gaulliste.  

  1. Le quatrième personnage convoqué ce 5 novembre 1960 est André Jacomet. Conseiller d’état, il assume les responsabilités de secrétaire général de l’administration. Ce qui fait de lui le patron de tous les fonctionnaires d’Algérie. C’est un gaulliste. Mais ce samedi 5 novembre, André Jacomet semble frappé par la grâce. Il n’accepte pas le discours du 4 novembre. L’Algérie lui est-elle montée à la tête ? Le message « Algérie française » s’est-il manifesté soudain dans son esprit comme un impact de la lumière divine ? En tout cas il lâche une bombe. Il ose affirmer que le sort de la France ne peut pas être lié au sort d’un homme, fut-il le général De Gaulle !

« Pour moi la France ce n’est pas De Gaulle ! De Gaulle ce n’est pas la France ! » a-t-il le cran de déclarer en langage dépourvu d’ambiguïté.

Fureur noire à l’Elysée ! De Gaulle exige du conseil d’état qu’il se réunisse en commission pour statuer comme il se doit sur  ce qui reste de carrière à Monsieur André Jacomet. Le Conseil d’Etat siège en commission le samedi 12 novembre, sous la présidence de monsieur Parodi, monsieur Gazier, un notable socialiste, assumant les fonctions de secrétaire général. Le Conseil d’Etat refuse la révocation d’André Jacomet !

Nouvelle crise de colère à l’Elysée ! Le président va prendre l’initiative de révoquer lui-même un conseiller d’état. Le lendemain dimanche, 13 novembre à Alger, Paul Delouvrier convoque Jacomet. Il lui fait part de la décision présidentielle et le gratifie d’un redoutable commentaire :

« Vous avez obéi à votre conscience au lieu d’obéir à votre devoir ! C’est abominable ! »

La phrase est merveilleuse. Pour être gaulliste avant toute chose, il ne faut pas avoir de conscience ! Il faut obéir, un point c’est tout ! Un comportement régalien va plonger un capital intellectuel énorme de femmes et d’hommes politiques, dans une véritable déréliction idéologique. J’entends par là qu’ils vont se trouver amputés de leur idéal. Ils vont être coupés de leurs repères. Ils vont étouffer en eux-mêmes les enthousiasmes qui les avaient propulsés dans ce combat pour la patrie qui se déroulait en Algérie. On en fera des porte-bidons, des potiches de la Vème République. « Pour De Gaulle, par De Gaulle, avec De Gaulle ». Ils continuent, pour certains d’entre eux, aujourd’hui encore à se déclarer fidèles au gaullisme involutif et décérébrant.

 

           Ce comportement régalien outrancier était motivé chez De Gaulle par une exigence tactique. La sécession définitive des départements français d’Algérie et du Sahara. Cette exigence tactique s’inscrivait à son tour, nous l’avons souligné avec abondance, dans une stratégie.

Une stratégie dont il faut affirmer qu’elle est frappée aujourd’hui du sceau de l’interdit. C’est un tabou historique. On ne veut pas en parler.

Stratégie qui s’identifie au dessein d’une fraction dominante du capitalisme financier moderne. Fraction qui a décidé que la recherche d’une valeur ajoutée plus forte aux investissements, exigeait la mise en route d’un nouveau plan opérationnel. Accepter une guerre, la commanditer, quelles que fussent les conséquences dramatiques pour les populations qui allaient subir ces conflits.

Puis la perdre.

Comme sous l’effet de la fatalité historique.

Pour aboutir au délestage économique de l’Algérie, c’est-à-dire supprimer la charge financière imputable au coût social et sanitaire des populations d’Algérie de toutes confessions.

Il a donc fallu choisir un tacticien hors pair. Un exécuteur de prestige supérieur qui allait se charger de mener à bonne fin cette conduite opérationnelle. La mort d’un morceau de France, là-bas en Algérie. De Gaulle fut investi de ce pouvoir en exécution d’une conjuration internationale : celle qui avait détecté en lui l’homme indispensable à la mort de la France sud-méditerranéenne.

 

 

                      Plongé dans la défaite du 19 mars 1962, défaite voulue et accomplie par De Gaulle l’auxiliaire majeur et décisif du FLN, ou plutôt l’élu secret du FLN, notre pays semble souffrir aujourd’hui d’une mise en danger de son intégrité nationale.

Les « rothschildiens » à travers les « pompidoliens » ont installé De Gaulle au pouvoir en 1958. Pour l’accomplissement du délestage voulu par le Grand Argent.

Etape décisive de l’actuelle révolution mondiale : c’est ainsi que se concrétise historiquement l’assassinat de l’Algérie française.

Ces mêmes pompidoliens, totalement dépourvus d’états d’âme, n’ont pas hésité à mettre en œuvre, par eux-mêmes, le renvoi de De Gaulle, leur pion majeur. Son expulsion du pouvoir par l’intermédiaire du peuple français, en 1969, lors du referendum de cette année-là.

De Gaulle avait cependant tenu son rôle pendant 11 ans avec une redoutable efficacité : le rôle d’un prestigieux décisionnaire de l’assassinat de la France Sud-Méditerranéenne, en collaboration opérationnelle étroite avec l’ennemi FLN.

 

Il avait été détecté depuis 1943 au plus tard, comme « l’homme des circonstances » ont-ils écrit.

L’homme des circonstances qui réussit à convaincre les Français de subir et d’approuver une « décision paradoxale ». Car nombreux sont les gaullistes qui ont écrit en 1992 : « le paradoxe de la paix en Algérie est connu, cultivé même par certains partisans du général et de sa mémoire ». Propos curieux, s’il en fut, que je soumets à votre réflexion. La liquidation de l’Algérie française paraissait d’une finalité tellement incroyable, voire inimaginable, que seul De Gaulle était apparu en mesure de l’imposer aux Français ! Et que crèvent nos harkis, nos civils, nos femmes et nos enfants, et des centaines de nos soldats français prisonniers de guerre !

 

Ce n’est pas la haine qui m’anime. Ce n’est pas la préoccupation de glorifier notre combat livré envers et contre tout qui m’impose de connaître au mieux la signification réelle de la mort de l’Algérie française. De préciser à outrance l’identité du concepteur tactique, de l’organisateur opérationnel majeur, du responsable historique de l’assassinat partiel de la France. En effet, comme l’écrit Bainville, « les faits parlent d’eux-mêmes ». Il suffit de regarder et surtout, il suffit de voir. Encore faut-il être capable de voir.

L’islamisme conquérant, que je ne confonds pas avec la religion musulmane, tire tout logiquement un immense profit né de la décérébration gaulliste, qui a plongé certains hommes politiques, aujourd’hui encore, dans un comportement histrionique chronique.

La Croix et la France sont devenues les deux objectifs prioritaires à vaincre par les nouveaux envahisseurs de l’Occident.

 

Jean-Claude PEREZ

Nice,

Avril 2014

 


[1] Uthman ou Othman ou Otman….


[1] Histrionisme : cette définition est une définition médicale. Car depuis 20 ans au moins, en médecine on refuse d’employer le terme d’hystérie. Ce terme a été remplacé par histrionisme. La définition que je vous propose est une définition d’un aspect majeur de l’hystérie.

[2] AML : association des Amis du Manifeste de la Liberté

[3] MTLD : Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques

[4] ZAA : Zone Autonome d’Alger

 

Mis en page le 08/04/2014 par RP