FRAGMENTS
MORCELÉS DE
MÉMOIRES ÉVOQUÉS Ā L’EMPORTE-PIÈCE 6
Par
le docteur Jean-Claude PEREZ,
Le 24 janvier 1960 …. vu de Bab-El-Oued
« L’avertissement donné avenue de la Marne,
vers 10 heures du matin, ce jour-là »
Ce
24 janvier 1960, Alger gronde.
Surtout à l’ouest et à l’est de la ville. Depuis la veille, les unités d’action du FNF
[i]
ont été mobilisées le matin de ce 24 janvier, pour le déclenchement d’une
manifestation.
En théorie, cet évènement
est prévu en coordination avec :
-
l’ensemble
de ce que l’on appelle « les
mouvements nationaux ». En particulier le MP13
[ii]
et les associations d’anciens combattants réunies dans une entente ;
-
les
commandements des unités territoriales de l’Algérois et des environs ont été
contactés ;
-
tout ce
qui aime la France et l’Algérie française est en émoi.
Le jour précédent, s’était déroulée dans les
locaux de la Compagnie Algérienne, rue Charles Péguy, tout près de la Grande
Poste, l’assemblée générale constitutive
de la Fédération des Unités Territoriales d’Algérie.
Cette assemblée générale se tint sous l’autorité du colonel Gardes,
commandant le 5ème Bureau à l’état-major du général Challe.
La présidence de cette nouvelle fédération fut confiée au commandant
Sapin-Lignières, chef d’un bataillon UT, dont le PC se situait dans la casbah
d’Alger.
Un secrétaire général fut élu, le capitaine Marcel Ronda, membre du
Bureau directeur du Front National Français.
La décision d’une manifestation pour le dimanche 24 janvier fut adoptée
dans le but de protester solennellement et en masse contre le rappel
autoritaire du général Massu à Paris par le Président de la République De
Gaulle. Cette décision s’illustrait à l’évidence comme une provocation
gouvernementale. Elle nous imposait de relever le défi qui était lancé contre
la France. Effectivement :
ou bien nous subissions ce défi sans réagir : il nous
appartenait alors de préparer nos valises dans des délais rapprochés ;
ou bien nous relevions le défi et c’était… l’aventure.
Le
principe de cette manifestation fut majoritairement accepté lors de l’assemblée
générale constitutive de la Fédération des UT.
Cependant, une réserve fut formulée par le commandant A, chef du
bataillon des UT d’Alger-centre :
« en aucun cas les chefs de bataillons et les
commandants de compagnies de la Territoriale ne feront usage de leur autorité
militaire pour convoquer leurs hommes à la manifestation ».
C’était en substance l’exigence formulée par le commandant A.
J’étais présent quand ce chef de bataillon, héros de la dernière guerre
mondiale, compléta cette restriction par une autre exigence qui se révéla
mortelle pour l’Algérie française. D’après cet officier, les effectifs UT
pouvaient s’incorporer à la manifestation, mais
en civils.
Interdiction absolue d’apparaître en uniforme et en armes.
C’était une désertion : car priver nos hommes de leur uniforme
c’était porter atteinte à l’unanimité espérée et rassembleuse des soldats de la
réserve militaire d’Algérie. Unanimité que tous avaient besoin de constater
pour foncer au secours de la France.
Leur uniforme se révélait nécessaire, indispensable, pour alerter les
secteurs militaires d’active. Il
symbolisait leur engagement. C’est justement cet engagement de la masse civile
militarisée, que voulaient voir nos soldats de l’armée d’active. Ceux-ci attendaient
l’occasion d’intervenir. Pour sauver l’Algérie française, pour sauver la
France, pour porter secours à l’Occident en péril.
Le
général Faure, partisan déjà éprouvé de l’Algérie française, commandait un
énorme effectif en Kabylie.
Les
colonels Vaudrey et Romain des Fossés, dans leurs secteurs respectifs de Collo
et de Philippeville, étaient prêts à s’incorporer à la manifestation du 24
janvier, à partir du Constantinois.
Le
colonel Bigeard s’apprêtait à bondir en Oranie, à partir du secteur de Saïda.
Le
Sud-Algérois, les Territoires du Sud, la Légion Etrangère, l’aviation avec
Jouhaud comme chef d’état-major national, tous attendaient une prise de
position du général en chef Challe, pour le sauvetage de la France
Sud-Méditerranéenne.
A
Paris, les partisans de l’Algérie française, ils étaient nombreux, laissaient espérer un mouvement
coordonné avec Alger. Dans le but de contrer la volonté du Général De Gaulle. Celui-ci prétendait rendre rapidement
effective la décision pompidolienne : c’est-à-dire la décision du
capitalisme financier d’accomplir le délestage
économique du débouché algérien. De manière, croyaient-ils, à faire
progresser la valeur ajoutée de l’argent. En se « libérant » de la charge économique, sociale et surtout
sanitaire, du peuple algérien.
Dans la capitale « ils » ne connaissaient pas Ortiz, Pérez, Ronda et les autres. A cette époque, le 23
janvier 1960, en revanche, ils connaissaient le député Lagaillarde. Celui-ci,
dans les 48 heures qui ont précédé le déclenchement du 24 janvier, était resté prudent.
Concentrer quelques effectifs sérieux et déterminés dans les locaux de la Faculté,
attendre les évènements, sans participer à
l’élaboration puis au déclenchement de la manifestation, telle fut sa toute
première attitude.
Il
faut revenir, en insistant, sur la décision du commandant A, chef de bataillon
des UT d’Alger-centre, d’interdire le port de leurs uniformes aux territoriaux
de son bataillon. Cette interdiction aura pour effet de constituer un prétexte
pour des milliers d’hommes du Grand Alger d’être absents de la manifestation
principale. Celle qui précéda la
fusillade.
Si s’étaient présentés 20.000 territoriaux en uniforme, en formations
et en armes, vers 12 heures, au Plateau
des Glières, c’est une foule énorme qui se serait ralliée à notre
manifestation et Delouvrier n’aurait pas eu le cran ni la possibilité, de faire
charger les gendarmes.
Je rappelle que cette désertion
première n’affecta pas la périphérie ouest et est d’Alger.
Le peuple du Champ de Manœuvres, de Belcourt, du Hamma, et du Ruisseau,
répondit en ordre à cet appel à travers la mobilisation de nos effectifs du
FNF.
C’est surtout à l’ouest d’Alger que s’est mobilisé un peuple.
Un peuple dont je tiens à évoquer la marche en avant, telle que je l’ai vécue.
Ce
n’est pas motivé par une nostalgie geignarde que je vous invite à réfléchir sur
un épisode méconnu du 24 janvier 1960, dans la matinée, avenue de la Marne à
Alger.
Cet évènement fut mal vécu par un capitaine parachutiste. Celui-ci,
bien des années plus tard, n’a pas encore digéré l’échec de son régiment :
le célèbre et valeureux 3ème RPIMA, dans sa mission du 24 janvier au
matin, d’interdire la progression du cortège des patriotes de Bal-El-Oued. C’était
l’ordre que ce régiment avait pour mission d’exécuter.
A travers les regrets formulés plus tard dans sa carrière par ce
capitaine, on peut sans effort y trouver paradoxalement une tentative de justification militaire au crime
ultérieur et majeur du 26 mars 1962 à Alger-centre. Nous évoquons la tuerie de
dizaines de patriotes algérois qui, dans une progression inverse de celle du 24
janvier 1960, voulaient porter soins, secours, et ravitaillement à leurs
compatriotes de Bab-El-Oued, encerclés par les forces gaullistes devenues, entre-temps,
complices du FLN.
Nous retrouverons ce capitaine un peu plus loin dans cette étude.
Revenons au 24 janvier 1960.
Je souligne que devant la lenteur de la réponse du peuple d’Alger à l’appel
du 24 janvier, lenteur consécutive à l’absence des UT en uniforme et en armes,
il m’a fallu prendre des décisions d’urgence pour donner vigueur à cette
manifestation.
Dès le matin, je l’ai déjà évoqué, j’avais conduit les
effectifs FNF de l’est Algérois, vers le centre d’Alger. Des hommes et des
femmes courageux, malgré quelques barrages agressifs montés par la gendarmerie,
ont réussi à rejoindre la Grande Poste et la place du Plateau des Glières.
Devant l’immeuble de la Compagnie Algérienne. Immeuble qui, dans les heures qui
allaient suivre, devint le PC Ortiz, dans lequel s’installa l’état-major de la
manifestation, ce dimanche 24 janvier en fin de matinée.
Dès mon arrivée au pied de cet immeuble je fus violemment choqué de
constater une absence : les hommes, la foule de Bab-El-Oued et de
l’Ouest-Algérois n’étaient pas là !
Personne !
Je précise que j’avais eu le temps antérieurement de faire un autre constat,
positif et encourageant celui-là : j’avais noté et surtout apprécié les
évolutions d’un effectif de territoriaux en uniforme et armés en guerre. Il
s’agissait des hommes de la Compagnie opérationnelle des UT qui, théoriquement,
étaient sous les ordres suprêmes du chef de bataillon, le commandant A. Celui qui
s’était signalé le 23 janvier 1960 par sa volonté de ne pas participer à la
manifestation.
C’est à l’initiative du capitaine Ronda, magistralement relayé par le
capitaine Serge Jourdes, que cette compagnie s’est déployée dès les premières heures
de la matinée. Serge Jourdes fut le commandant cette compagnie opérationnelle
jusqu’à la fin de la semaine des Barricades d’Alger.
Mais il manquait le principal. Il manquait le peuple.
Je suis allé le chercher.
Je l’ai trouvé.
Ils attendent…
Qui ? Quoi ?
Ils
m’attendent moi !
En
plein centre de Bab-El-Oued, place des Trois Horloges.
Dès
mon arrivée je regroupe en tête de ce rassemblement, 200 territoriaux armés et coiffés
de casques lourds. Un geste…. Un cri…
« En
avant ! » et tous se mettent en mouvement.
A ce
moment, interviennent deux individus en civil qui m’interpellent.
Le
chef de bataillon D commandant les UT de B.E.O, accompagné d’un avocat d’Alger,
le capitaine DB, chef d’état-major de ce bataillon, me demande de faire retirer
leurs uniformes à ces hommes qui se situent en tête de la manifestation.
Je tiens,
à ce stade de mon récit, apporter une précision quant à l’origine de cet
effectif des UT intervenant à Bab-El-Oued, ce matin du 24 janvier 1960.
Cet
effectif provient de deux bataillons. Du bataillon de B.E.O. proprement dit d’une
part et d’autre part, du bataillon des UT dit de la Casbah, commandé par
Sapin-Lignières. Celui-ci attend son bataillon avec espoir et impatience, dans
les locaux de la Compagnie Algérienne avec Ortiz et les autres.
Je
reviens à l’intervention du chef de bataillon des UT de B.E.O., le commandant
D. Je lui réponds ceci :
« Aujourd’hui
est un jour fondamental de l’histoire de l’Algérie française. Ou bien vous vous
engagez avec nous ! Ou bien vous désertez ! Mais rassurez-vous. Si
l’affaire tourne mal ce n’est pas vous qui serez condamné ! Je sais que je
joue ma vie aujourd’hui mais retirez-vous mon commandant,
s’il-vous-plaît ! »
Aussitôt
est entreprise la marche en avant du peuple de Bab-El-Oued,
guidé par ses UT et … par moi-même.
Permettez-moi de vous donner une précision géographique.
De la place des Trois Horloges jusqu’à la Grande Poste, c’est
long ! C’est un trajet très long ! Il faut prendre soin de conserver
un effectif en ordre, il faut lui conserver « de la gueule » pendant tout ce trajet. Il faut l’alimenter de
l’enthousiasme nécessaire pour parvenir au point de rassemblement et de s’y
présenter en formations. Il faut
avoir la foi. Et du courage.
Et …. nous arrivons avenue de la Marne.
C’est une sortie géographique de Bab-El-Oued, à l’est, vers le centre
d’Alger.
Avenue de la Marne !
Dès notre arrivée dans cette artère importante de la ville d’Alger,
nous bondissons de joie ! En face de nous, échelonnés en profondeur tout
le long de l’avenue depuis le Square Guillemin jusqu’à la caserne Pélissier,
sont déployés les paras du 3ème RPIMA !
Un glorieux régiment que nos amis de Zéralda, de Staoueli et de
Sidi-Ferruch connaissent bien. Un régiment qui fut commandé par Bigeard puis
par Trinquier. Le capitaine Renaud y exerçait un commandement en 1958 lorsqu’il
fut désigné par l’autorité militaire pour assurer la liaison entre l’armée et les
patriotes d’Alger, après le 13 mai.
Un régiment qui s’était illustré par son enthousiasme et son efficacité
dans la défense de la Patrie en Algérie. Un régiment de frères d’armes !
Mais…. que se passe-t-il ?
Ce régiment prétend nous interdire le passage ! Sa mission,
apparemment, c’est de nous empêcher de rejoindre le centre d’Alger.
Bab-El-Oued, avec son peuple, est tout à coup exclu de la manifestation. On ne
veut pas de nous !
Attitude qui nous paraît incompatible avec ce que le colonel Argoud, chef
d’état-major du corps d’armée d’Alger avait certifié la veille : « les unités parachutistes de la Xème
DP se déploieront en tampon entre les manifestants et la gendarmerie de manière
à éviter les heurts et favoriser ainsi la progression des cortèges ».
Manifestement le colonel Bonnigal commandant ce régiment, le 3ème RPIMA, n’a pas enregistré les ordres ! A moins qu’il n’ait décidé d’obéir
à d’autres ordres venus d’ailleurs ….
Pour nous, il n’est pas question de nous soumettre. Sans l’apport du
peuple et des militants de B.E.O., la manifestation prévue ce 24 janvier, est
morte !
C’est un malentendu ! C’est un simulacre ! Voilà ce que nous
pensons en toute naïveté.
On va se présenter devant les paras en chantant la Marseillaise, les
Africains, en brandissant le drapeau de la France et tout va se dénouer. Ils
vont nous escorter jusqu’à la Grande Poste !
Animés d’une totale sincérité, en toute innocence, c’est ce que nous
espérons. Ce régiment valeureux, qui fait partie de l’élite de notre armée, ne
peut pas s’inscrire dans le camp de l’abandon ! Dans le camp de ceux qui
ont décidé de tuer la France sud-méditerranéenne !
De tuer la France sud-méditerranéenne, oui, mais pourquoi ?
« Pour le triomphe de
l’arabisme et de l’islam ».
On fonce.
Et …. on prend des coups. Il faut se battre.
Enfoncer les barrages successifs qui se succèdent Avenue de la Marne, en
attaquant le long des murs. Mais … personne ne tire. On garde son sang-froid.
Et nous passons.
C’est
justement ce « nous passons » qui aujourd’hui encore n’est pas accepté par le brillant capitaine de ce
régiment, que j’ai évoqué précédemment.
Oui, nous sommes passés malgré le 3ème RPIMA qui, ce
jour-là, a connu la particularité unique dans son histoire, de s’opposer par la
force à des hommes et à des femmes qui criaient « vive la France » et « vive
l’Algérie française ». Pour nous c’est monstrueux. C’est faux. Ce ne
peut pas être vrai !
En réalité, c’est le machiavélisme satanique de De Gaulle qui, ce 24
janvier 1960, en faisant donner ce régiment pour nous interdire le passage, a
officialisé la volonté du chef de l’état : une volonté mortelle même. Car
cette volonté se propose ni plus ni moins que de décérébrer notre armée.
Celle-ci désormais ne soutiendra plus les patriotes français d’Algérie. A
partir de ce jour, elle interviendra pour le bénéfice du FLN.
Mais, je l’ai déjà lourdement évoqué, ce capitaine n’a jamais supporté notre
passage. Notre passage, malgré l’opposition de son régiment, le 3ème RPIMA.
Plus tard, il fut cité comme témoin à charge lors du Procès des
Barricades. J’étais dans le box des accusés. C’était à l’automne 1960. Dans sa
déposition il évoqua avec colère mais surtout avec amertume, cet évènement
qu’il n’avait toujours pas digéré. L’évènement …. que nous étions passés ! Il a cru bon
de préciser, en substance :
« Nos hommes étaient armés
de pistolets-mitrailleurs, de carabines. Ce n’est pas commode pour arrêter des
manifestants. Il nous aurait fallu disposer de fusils. C’est plus efficace pour
matraquer des manifestants.»
Il avait raison.
Les fusils, nous les avons rencontrés une heure plus tard. Quand les
gendarmes ont tenté de nous interdire l’accès à la Grand Poste. Rue Alfred
Lelluch, nous les avons subis les coups de crosse. Nous sommes passés néanmoins
et nombreux étaient ceux d’entre nous qui saignaient de leur cuir chevelu.
Le sang-froid cependant, ne nous avait pas abandonnés. Nous n’avons pas
tiré. Ils n’ont pas tiré eux non plus. C’était encore l’heure loyale. L’heure
noble du 24 janvier.
Nous avons pris des coups de crosse mais, j’insiste : nous sommes
passés. Ce n’est pas mal pour ce peuple de Bab-El-Oued dont on veut mépriser le
rôle qui fut le sien dans ce combat pour la France et l’Algérie française.
Ce capitaine exhiba sans retenue l’amertume qu’il éprouvait devant ce
constat. Il savait que si notre cortège s’était disloqué devant la volonté des
paras de nous interdire le passage, c’en était fini de la manifestation du 24
janvier. Il a précisé alors devant les juges du haut tribunal militaire
qui nous jugeaient :
« il aurait fallu tirer pour les arrêter ! ».
Il aurait fallu massacrer des hommes et des femmes qui glorifiaient la
France. Oui il aurait fallu en « coucher » quelques dizaines, voire
quelques centaines.
Pourquoi rappeler aujourd’hui cet évènement que j’ai évoqué
des dizaines de fois ? Episode que nos commentateurs et historiens de la
guerre d’Algérie ne veulent pas retenir.
Pour la raison suivante :
ce capitaine n’a toujours pas accepté cet évènement du 24 janvier, avenue de la
Marne, vers 10 heures du matin. Il évolua dans sa carrière. Au moment du 26
mars 1962, il intervint parmi les organes de commandement des forces de l’ordre
qui avaient reçu la mission d’interdire la progression du cortège de nos
compatriotes d’Alger-centre. Et il explique, aujourd’hui encore dans quelques interviews
la logique du drame qu’il a vécu :
« Je savais et j’ai
expliqué aux autres que si on voulait interdire la progression de la
manifestation, il fallait tirer. C’était le seul moyen de leur interdire le
passage ».
Il exprime cela comme une fatalité.
On se rend compte, au travers de ce commentaire, qu’au fur-et-à-mesure
de l’évolution de la guerre d’Algérie, au fur-et-à-mesure de la volonté
gaulliste de tuer la France sud-méditerranéenne, le peuple d’Alger fut victime
d’une résignation. La résignation capitularde des cadres de notre armée qui ont
accepté de se soumettre à la volonté gaulliste. Quitte à laisser massacrer le
peuple français d’Algérie, pourvu que l’on en terminât avec l’Algérie
française.
Le 26 mars 1962 : la Grande Poste, la rue d’Isly
Le 5 juillet 1962 : Oran.
Il fallait bien que s’effectuât le délestage économique du débouché
algérien.
Par quelque moyen que ce fût.
En complément de cette étude, j’estime utile de vous rappeler la
conclusion de mon livre « ATTAQUES ET CONTRE ATTAQUES ». Lisez ces
quelques lignes… après tout, pourquoi pas ?
« Je
me suis permis d’évoquer ces pages d’histoire, en m’y impliquant parfois
intensément. C’était inévitable. Au moment où ce livre s’achève, au moment où
sans amertume je me rends compte que tout va s’arrêter pour moi aussi, dans un
délai relativement proche, je devais m’imposer cette réflexion.
Celle-ci
me confirme dans ma conviction. L’Algérie, territoire immense, aurait dû
logiquement rester française pour devenir européenne ensuite. Elle symbolisait,
pour la France et pour l’Europe, un territoire de continuité nécessaire entre
le monde occidental et le continent africain. Elle représentait donc un site de
rencontre providentiel entre l’Occident et le monde musulman.
Le
peuple Pieds Noirs, par son enracinement sur cette terre de prédilection, était
tout particulièrement qualifié pour conférer à cette rencontre, sous l’égide de
la mère-patrie française, une richesse et un fondement humains qui auraient
contribué à structurer d’abord et à consolider ensuite la convivialité
nécessaire entre le monde musulman d’une part et l’Occident d’autre part.
Le
refus obstiné de l’Algérie française est révélateur, en réalité, d’une volonté
stratégique ; créer tout au contraire les conditions d’une confrontation
inéluctable entre le monde musulman et le monde non musulman.
Pour
atteindre ce but, avant toute chose, il a fallu vaincre le christianisme en
Algérie française. On l’a effectivement vaincu, là-bas, en attendant de le
vaincre ici, au nord de la Méditerranée.
Les
hommes politiques contemporains, tout particulièrement les Occidentaux,
refusent d’enregistrer cette identité réelle de la guerre d’Algérie. Ils
côtoient, ils subissent la révolution islamiste fondamentaliste sans faire
l’effort de l’analyser. Ils ne sont pas en mesure de l’affronter parce que,
selon toute vraisemblance, ils ne jouissent pas de la richesse intellectuelle
et spirituelle nécessaire pour la comprendre. Ils
exhibent, tout au contraire, une carence d’information, une carence
d’inspiration, qui les situent en permanence « à
côté » de cette révolution.
Leur
comportement, nous l’avons souligné dans ce travail à maintes reprises, évoque
une pathologie autistique chronique. On les voit développer parfois des projets
ambitieux, des initiatives brillantes, des perspectives de gestion capitaliste
momentanément efficaces. Ils sont en réalité, tout le temps hyperactifs, mais
ils stagnent « à côté » du normal, « à côté » du
fondamental, « à côté » de la réalité de la vie.
Nous,
les anciens du combat pour l’Algérie française, tirons encore profit de la
lumière générée par cet astre à jamais éteint que fut l’Algérie française.
C’est cette lumière qui nous permet d’éviter une plongée dans l’autisme
politique ambiant et actuel.
Nous
sommes capables d’identifier historiquement et spirituellement l’identité de
cette révolution. Parce que nous l’avons affrontée « là-bas ».
C’est
sans doute pour cette raison que nous restons l’objet d’un ostracisme forcené,
de la part de ceux qui ne voient rien. Parce qu’ils ne disposent pas des moyens
intellectuels de voir. Il nous est donc imposé, en conséquence de leur carence,
de refuser le silence auquel on prétend nous soumettre.
Dans
quel but ?
Ne
soyez pas surpris de la réponse que j’ose vous proposer.
Dans
le but d’éviter à tout prix la naissance d’une nouvelle OAS. Une OAS
européenne, occidentale, supranationale et universelle. Une OAS qui se
structurerait en vue d’un combat ultime.
Celui
de protéger notre Occident tout entier contre la conquête idéologique et la
mutation spirituelle qui le menacent.
Que
l’on se serve de notre vécu. Nous vous le racontons pour vous le faire
connaître. Nous vous l’offrons en toute sincérité et en toute humilité. Ce fut
un combat symbole, un combat avertisseur…. C’était le
temps de l’Algérie française.
Une
grande page d’histoire qu’il faut connaître au mieux possible. Une page
d’histoire que je refuse de tourner à jamais. Car elle est riche
« d’hier » mais surtout riche « de demain ».
Aujourd’hui, « on » évoque la guerre
d’Algérie avec une désinvolture perpétuellement capitularde. L’œuvre de la
France, la participation pendant des décennies du peuple pied-noir à la volonté
de donner vie à cette terre, la participation des Pieds-Noirs, des Algériens de
toutes confessions et des Africains à la défense de la mère-patrie, tout cela
ne compte pas !
Nous avons subi en Algérie une guerre terroriste de 94 mois. La guerre
terroriste que nous a fait subir le FLN, il est indécent d’en parler
aujourd’hui !
Ce qu’ils retiennent ce sont les 4 mois de guerre terroriste que l’OAS
fut dans l’obligation de conduire dans le souci majeur et exclusif de protéger
notre peuple contre le génocide qui l’attendait. Nous refusions de nous
soumettre à la solution définitive à laquelle l’on nous destinait.
On persiste aujourd’hui encore à évoquer, avec une complaisance parfois
éloquente, le rôle joué par Jacques Chevallier, ancien maire du Grand Alger.
En 1954, celui-ci, alors qu’il était pour peu de temps encore ministre
de la guerre dans le cabinet de Mendes-France, informa le sénateur de Batna,
Ben Chenouf, des opérations qu’allait tenter de mettre en œuvre le commandement
militaire d’Algérie contre les forces ennemies regroupées dans les Aurès.
Le sénateur de Batna avisa Ben Boulaïd, commandant du FLN dans les Aurès.
Celui-ci grâce à cette trahison, fut en mesure de mettre à l’abri un effectif
important de forces ennemies.
Jacques Chevallier à partir du mois d’octobre 1961 bénéficia de l’appui
d’un cadre majeur de l’OAS. Celui-ci réussit à neutraliser un effectif
important de l’OAS avec la complicité active de Farès, président de l’Exécutif
provisoire.
Le 3 juillet 1962, Chevallier, escorté de son comparse, participa à la
manifestation de l’indépendance à Alger, où il a crié :
« Je salue ma jeune
patrie ! ».
C’est ainsi que fut sacrifiée sur l’autel des exigences du capitalisme
financier cette position majeure de la France, de l’Europe et de l’Occident au
sud de la Méditerranée.
L’Algérie, on l’avait oublié, c’était la terre possible de la Sainte Rencontre telle que l’avait
définie Ramon LLull
[iii]
à partir de Bougie, ma ville natale, avant qu’il n’y fût lapidé en 1315.
Terre de rencontre entre l’islam que
nous n’avons jamais combattu en tant que tel, et le monde chrétien qui,
libéré de ses « anathèmes » depuis
1959, était prêt à ouvrir un dialogue constructif avec l’islam.
La mort de l’Algérie française, la fragilité des frontières
sub-sahariennes, les drames du Moyen-Orient, la djihadisation intérieure et progressive de nos sociétés
occidentales, la voilà douloureusement schématisée l’illustration majeure de la
décérébration gaulliste.
Du must gaulliste.
Jean-Claude PEREZ
Nice, le 2 décembre 2014
[i] Unité d’action du FNF : effectif de militants du Front National Français, mouvement fondé par Joseph Ortiz à la fin de l’année 1958. Ces unités étaient regroupées à partir de volontaires qui jouèrent le rôle de « fer de lance » de l’action « Algérie française ». [ii] MP13 : Mouvement Populaire du 13 mai fondé par Robert Martel. [iii] Ramon Llull en catalan ou Raymond Lulle en français.
L’assassinat
de l’Algérie française, terreau de la conquête islamiste actuelle. 2012
Un des livres du cinquantenaire, à lire et à
faire lire.
Vérités
tentaculaires sur l’OAS et la guerre d’Algérie
Stratégies
et tactiques, 2006 ; 2e Edition
Cet
ouvrage a été d’un grand recours dans la rédaction de cette étude
L’islamisme
dans la guerre d’Algérie
Logique de
la Nouvelle Révolution Mondiale, 2004
Le sang
d’Algérie
Histoire
d’une trahison permanente, 2006 ; 2e édition
Debout dans
ma mémoire
Tourments et
tribulations d’un réprouvé de l’Algérie française, 2006 ; 2e édition
Attaques et
Contre-attaques
Vérités
tentaculaires sur l’OAS et la guerre d’Algérie II, 2008
Editions Dualpha
Boite 37
16 bis rue d’Odessa
75014 PARIS
Tel. : 09 52 95 13 34 -
Fax : 09 57 95 13 34
Mail : infos@dualpha.com
Site internet : www.dualpha.com
Vous pouvez prendre connaissance des deux interview accordées par Jean-Claude PEREZ : - la première à Monsieur Olivier CAZEAUX : sur Internet tapez « OAS, le docteur PEREZ parle » ; - la
seconde, à Monsieur BESSOU dans le cadre de la préparation d’un film. Monsieur
BESSOU a livré à Jean-Claude PEREZ tout le matériau de son exposé visible sur
le site www.jean-claude-argenti-sauvain.com.
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