FRAGMENTS MORCELÉS DE MÉMOIRES ÉVOQUÉS Ā L’EMPORTE-PIÈCE  6

 

Par le docteur Jean-Claude PEREZ,

 

 

Le 24 janvier 1960 …. vu de Bab-El-Oued

 

 

« L’avertissement donné avenue de la Marne,

vers 10 heures du matin, ce jour-là »

 

 

            Ce 24 janvier 1960, Alger gronde.

Surtout à l’ouest et à l’est de la ville. Depuis la veille, les unités d’action du FNF [i] ont été mobilisées le matin de ce 24 janvier, pour le déclenchement d’une manifestation.

En théorie,  cet évènement est prévu en coordination avec :

-       l’ensemble de ce que l’on appelle « les mouvements nationaux ». En particulier le MP13 [ii] et les associations d’anciens combattants réunies dans une entente ;

-       les commandements des unités territoriales de l’Algérois et des environs ont été contactés ;

-       tout ce qui aime la France et l’Algérie française est en émoi.

Le jour précédent, s’était déroulée dans les locaux de la Compagnie Algérienne, rue Charles Péguy, tout près de la Grande Poste, l’assemblée générale constitutive de la Fédération des Unités Territoriales d’Algérie.

Cette assemblée générale se tint sous l’autorité du colonel Gardes, commandant le 5ème Bureau à l’état-major du général Challe.

La présidence de cette nouvelle fédération fut confiée au commandant Sapin-Lignières, chef d’un bataillon UT, dont le PC se situait dans la casbah d’Alger.

Un secrétaire général fut élu, le capitaine Marcel Ronda, membre du Bureau directeur du Front National Français.

La décision d’une manifestation pour le dimanche 24 janvier fut adoptée dans le but de protester solennellement et en masse contre le rappel autoritaire du général Massu à Paris par le Président de la République De Gaulle. Cette décision s’illustrait à l’évidence comme une provocation gouvernementale. Elle nous imposait de relever le défi qui était lancé contre la France. Effectivement :

            ou bien nous subissions ce défi sans réagir : il nous appartenait alors de préparer nos valises dans des délais rapprochés ;

            ou bien nous relevions le défi et c’était… l’aventure.

 

            Le principe de cette manifestation fut majoritairement accepté lors de l’assemblée générale constitutive de la Fédération des UT.

Cependant, une réserve fut formulée par le commandant A, chef du bataillon des UT d’Alger-centre :

« en aucun cas les chefs de bataillons et les commandants de compagnies de la Territoriale ne feront usage de leur autorité militaire pour convoquer leurs hommes à la manifestation ».

C’était en substance l’exigence formulée par le commandant A.

J’étais présent quand ce chef de bataillon, héros de la dernière guerre mondiale, compléta cette restriction par une autre exigence qui se révéla mortelle pour l’Algérie française. D’après cet officier, les effectifs UT pouvaient s’incorporer à la manifestation, mais en civils.

Interdiction absolue d’apparaître en uniforme et en armes.

C’était une désertion : car priver nos hommes de leur uniforme c’était porter atteinte à l’unanimité espérée et rassembleuse des soldats de la réserve militaire d’Algérie. Unanimité que tous avaient besoin de constater pour foncer au secours de la France.

Leur uniforme se révélait nécessaire, indispensable, pour alerter les secteurs militaires d’active. Il symbolisait leur engagement. C’est justement cet engagement de la masse civile militarisée, que voulaient voir nos soldats de l’armée d’active. Ceux-ci attendaient l’occasion d’intervenir. Pour sauver l’Algérie française, pour sauver la France, pour porter secours à l’Occident en péril.

 

            Le général Faure, partisan déjà éprouvé de l’Algérie française, commandait un énorme effectif en Kabylie.

            Les colonels Vaudrey et Romain des Fossés, dans leurs secteurs respectifs de Collo et de Philippeville, étaient prêts à s’incorporer à la manifestation du 24 janvier, à partir du Constantinois.

            Le colonel Bigeard s’apprêtait à bondir en Oranie, à partir du secteur de Saïda.

            Le Sud-Algérois, les Territoires du Sud, la Légion Etrangère, l’aviation avec Jouhaud comme chef d’état-major national, tous attendaient une prise de position du général en chef Challe, pour le sauvetage de la France Sud-Méditerranéenne.

            A Paris, les partisans de l’Algérie française, ils étaient nombreux, laissaient espérer un mouvement coordonné avec Alger. Dans le but de contrer la volonté du Général De Gaulle. Celui-ci prétendait rendre rapidement effective la décision pompidolienne : c’est-à-dire la décision du capitalisme financier d’accomplir le délestage économique du débouché algérien. De manière, croyaient-ils, à faire progresser la valeur ajoutée de l’argent. En se « libérant » de la charge économique, sociale et surtout sanitaire, du peuple algérien.

Dans la capitale « ils » ne connaissaient pas Ortiz, Pérez, Ronda et les autres. A cette époque, le 23 janvier 1960, en revanche, ils connaissaient le député Lagaillarde. Celui-ci, dans les 48 heures qui ont précédé le déclenchement du 24 janvier, était resté prudent. Concentrer quelques effectifs sérieux et déterminés dans les locaux de la Faculté, attendre les évènements, sans participer à l’élaboration puis au déclenchement de la manifestation, telle fut sa toute première attitude.

 

                       Il faut revenir, en insistant, sur la décision du commandant A, chef de bataillon des UT d’Alger-centre, d’interdire le port de leurs uniformes aux territoriaux de son bataillon. Cette interdiction aura pour effet de constituer un prétexte pour des milliers d’hommes du Grand Alger d’être absents de la manifestation principale. Celle qui précéda la fusillade.

Si s’étaient présentés 20.000 territoriaux en uniforme, en formations et en armes, vers 12 heures, au Plateau des Glières, c’est une foule énorme qui se serait ralliée à notre manifestation et Delouvrier n’aurait pas eu le cran ni la possibilité, de faire charger les gendarmes.

Je rappelle que cette désertion première n’affecta pas la périphérie ouest et est d’Alger.

Le peuple du Champ de Manœuvres, de Belcourt, du Hamma, et du Ruisseau, répondit en ordre à cet appel à travers la mobilisation de nos effectifs du FNF.

 

C’est surtout à l’ouest d’Alger que s’est mobilisé un peuple.

Un peuple dont je tiens à évoquer la  marche en avant, telle que je l’ai vécue.

 

                       Ce n’est pas motivé par une nostalgie geignarde que je vous invite à réfléchir sur un épisode méconnu du 24 janvier 1960, dans la matinée, avenue de la Marne à Alger.

Cet évènement fut mal vécu par un capitaine parachutiste. Celui-ci, bien des années plus tard, n’a pas encore digéré l’échec de son régiment : le célèbre et valeureux 3ème RPIMA, dans sa mission du 24 janvier au matin, d’interdire la progression du cortège des patriotes de Bal-El-Oued. C’était l’ordre que ce régiment avait pour mission d’exécuter.

A travers les regrets formulés plus tard dans sa carrière par ce capitaine, on peut sans effort y trouver paradoxalement une tentative de justification militaire au crime ultérieur et majeur du 26 mars 1962 à Alger-centre. Nous évoquons la tuerie de dizaines de patriotes algérois qui, dans une progression inverse de celle du 24 janvier 1960, voulaient porter soins, secours, et ravitaillement à leurs compatriotes de Bab-El-Oued, encerclés par les forces gaullistes devenues, entre-temps, complices du FLN.

Nous retrouverons ce capitaine un peu plus loin dans cette étude.

 

Revenons au 24 janvier 1960.

Je souligne que devant la lenteur de la réponse du peuple d’Alger à l’appel du 24 janvier, lenteur consécutive à l’absence des UT en uniforme et en armes, il m’a fallu prendre des décisions d’urgence pour donner vigueur à cette manifestation.

Dès le matin, je l’ai déjà évoqué, j’avais conduit les effectifs FNF de l’est Algérois, vers le centre d’Alger. Des hommes et des femmes courageux, malgré quelques barrages agressifs montés par la gendarmerie, ont réussi à rejoindre la Grande Poste et la place du Plateau des Glières. Devant l’immeuble de la Compagnie Algérienne. Immeuble qui, dans les heures qui allaient suivre, devint le PC Ortiz, dans lequel s’installa l’état-major de la manifestation, ce dimanche 24 janvier en fin de matinée.

Dès mon arrivée au pied de cet immeuble je fus violemment choqué de constater une absence : les hommes, la foule de Bab-El-Oued et de l’Ouest-Algérois n’étaient pas là !

 

Personne !

 

Je précise que j’avais eu le temps antérieurement de faire un autre constat, positif et encourageant celui-là : j’avais noté et surtout apprécié les évolutions d’un effectif de territoriaux en uniforme et armés en guerre. Il s’agissait des hommes de la Compagnie opérationnelle des UT qui, théoriquement, étaient sous les ordres suprêmes du chef de bataillon, le commandant A. Celui qui s’était signalé le 23 janvier 1960 par sa volonté de ne pas participer à la manifestation.

C’est à l’initiative du capitaine Ronda, magistralement relayé par le capitaine Serge Jourdes, que cette compagnie s’est déployée dès les premières heures de la matinée. Serge Jourdes fut le commandant cette compagnie opérationnelle jusqu’à la fin de la semaine des Barricades d’Alger.

Mais il manquait le principal. Il manquait le peuple.

Je suis allé le chercher.

Je l’ai trouvé.

Ils attendent… Qui ? Quoi ?

Ils m’attendent moi !

En plein centre de Bab-El-Oued, place des Trois Horloges.

Dès mon arrivée je regroupe en tête de ce rassemblement, 200 territoriaux armés et coiffés de casques lourds. Un geste…. Un cri…

« En avant ! » et tous se mettent en mouvement.

 

A ce moment, interviennent deux individus en civil qui m’interpellent.

Le chef de bataillon D commandant les UT de B.E.O, accompagné d’un avocat d’Alger, le capitaine DB, chef d’état-major de ce bataillon, me demande de faire retirer leurs uniformes à ces hommes qui se situent en tête de la manifestation.

Je tiens, à ce stade de mon récit, apporter une précision quant à l’origine de cet effectif des UT intervenant à Bab-El-Oued, ce matin du 24 janvier 1960.

Cet effectif provient de deux bataillons. Du bataillon de B.E.O. proprement dit d’une part et d’autre part, du bataillon des UT dit de la Casbah, commandé par Sapin-Lignières. Celui-ci attend son bataillon avec espoir et impatience, dans les locaux de la Compagnie Algérienne avec Ortiz et les autres.

Je reviens à l’intervention du chef de bataillon des UT de B.E.O., le commandant D. Je lui réponds ceci :

« Aujourd’hui est un jour fondamental de l’histoire de l’Algérie française. Ou bien vous vous engagez avec nous ! Ou bien vous désertez ! Mais rassurez-vous. Si l’affaire tourne mal ce n’est pas vous qui serez condamné ! Je sais que je joue ma vie aujourd’hui mais retirez-vous mon commandant, s’il-vous-plaît ! »

Aussitôt est entreprise la marche en avant du peuple de Bab-El-Oued, guidé par ses UT et … par moi-même.

 

Permettez-moi de vous donner une précision géographique.

De la place des Trois Horloges jusqu’à la Grande Poste, c’est long ! C’est un trajet très long ! Il faut prendre soin de conserver un effectif en ordre, il faut lui conserver « de la gueule » pendant tout ce trajet. Il faut l’alimenter de l’enthousiasme nécessaire pour parvenir au point de rassemblement et de s’y présenter en formations. Il faut avoir la foi. Et du courage.

Et …. nous arrivons avenue de la Marne.

C’est une sortie géographique de Bab-El-Oued, à l’est, vers le centre d’Alger.

Avenue de la Marne !

Dès notre arrivée dans cette artère importante de la ville d’Alger, nous bondissons de joie ! En face de nous, échelonnés en profondeur tout le long de l’avenue depuis le Square Guillemin jusqu’à la caserne Pélissier, sont déployés les paras du 3ème RPIMA !

Un glorieux régiment que nos amis de Zéralda, de Staoueli et de Sidi-Ferruch connaissent bien. Un régiment qui fut commandé par Bigeard puis par Trinquier. Le capitaine Renaud y exerçait un commandement en 1958 lorsqu’il fut désigné par l’autorité militaire pour assurer la liaison entre l’armée et les patriotes d’Alger, après le 13 mai.

Un régiment qui s’était illustré par son enthousiasme et son efficacité dans la défense de la Patrie en Algérie. Un régiment de frères d’armes !

 

Mais…. que se passe-t-il ?

Ce régiment prétend nous interdire le passage ! Sa mission, apparemment, c’est de nous empêcher de rejoindre le centre d’Alger. Bab-El-Oued, avec son peuple, est tout à coup exclu de la manifestation. On ne veut pas de nous !

Attitude qui nous paraît incompatible avec ce que le colonel Argoud, chef d’état-major du corps d’armée d’Alger avait certifié la veille : « les unités parachutistes de la Xème DP se déploieront en tampon entre les manifestants et la gendarmerie de manière à éviter les heurts et favoriser ainsi la progression des cortèges ».

Manifestement le colonel Bonnigal commandant ce régiment, le 3ème RPIMA, n’a pas enregistré les ordres ! A moins qu’il n’ait décidé d’obéir à d’autres ordres venus d’ailleurs ….

Pour nous, il n’est pas question de nous soumettre. Sans l’apport du peuple et des militants de B.E.O., la manifestation prévue ce 24 janvier, est morte !

C’est un malentendu ! C’est un simulacre ! Voilà ce que nous pensons en toute naïveté.

On va se présenter devant les paras en chantant la Marseillaise, les Africains, en brandissant le drapeau de la France et tout va se dénouer. Ils vont nous escorter jusqu’à la Grande Poste !

Animés d’une totale sincérité, en toute innocence, c’est ce que nous espérons. Ce régiment valeureux, qui fait partie de l’élite de notre armée, ne peut pas s’inscrire dans le camp de l’abandon ! Dans le camp de ceux qui ont décidé de tuer la France sud-méditerranéenne !

De tuer la France sud-méditerranéenne, oui, mais pourquoi ?

« Pour le triomphe de l’arabisme et de l’islam ».

On fonce. 

Et …. on prend des coups. Il faut se battre. Enfoncer les barrages successifs qui se succèdent Avenue de la Marne, en attaquant le long des murs. Mais … personne ne tire. On garde son sang-froid.

 

Et nous passons.

 

            C’est justement ce « nous passons » qui aujourd’hui encore n’est pas accepté par le brillant capitaine de ce régiment, que j’ai évoqué précédemment.

Oui, nous sommes passés malgré le 3ème RPIMA qui, ce jour-là, a connu la particularité unique dans son histoire, de s’opposer par la force à des hommes et à des femmes qui criaient « vive la France » et « vive l’Algérie française ». Pour nous c’est monstrueux. C’est faux. Ce ne peut pas être vrai !

En réalité, c’est le machiavélisme satanique de De Gaulle qui, ce 24 janvier 1960, en faisant donner ce régiment pour nous interdire le passage, a officialisé la volonté du chef de l’état : une volonté mortelle même. Car cette volonté se propose ni plus ni moins que de décérébrer notre armée. Celle-ci désormais ne soutiendra plus les patriotes français d’Algérie. A partir de ce jour, elle interviendra pour le bénéfice du FLN.

Mais, je l’ai déjà lourdement évoqué, ce capitaine n’a jamais supporté notre passage. Notre passage, malgré l’opposition de son régiment, le 3ème RPIMA.

Plus tard, il fut cité comme témoin à charge lors du Procès des Barricades. J’étais dans le box des accusés. C’était à l’automne 1960. Dans sa déposition il évoqua avec colère mais surtout avec amertume, cet évènement qu’il n’avait toujours pas digéré. L’évènement …. que nous étions passés ! Il a cru bon de préciser, en substance :

« Nos hommes étaient armés de pistolets-mitrailleurs, de carabines. Ce n’est pas commode pour arrêter des manifestants. Il nous aurait fallu disposer de fusils. C’est plus efficace pour matraquer des manifestants.»

Il avait raison.

Les fusils, nous les avons rencontrés une heure plus tard. Quand les gendarmes ont tenté de nous interdire l’accès à la Grand Poste. Rue Alfred Lelluch, nous les avons subis les coups de crosse. Nous sommes passés néanmoins et nombreux étaient ceux d’entre nous qui saignaient de leur cuir chevelu.

Le sang-froid cependant, ne nous avait pas abandonnés. Nous n’avons pas tiré. Ils n’ont pas tiré eux non plus. C’était encore l’heure loyale. L’heure noble du 24 janvier.

Nous avons pris des coups de crosse mais, j’insiste : nous sommes passés. Ce n’est pas mal pour ce peuple de Bab-El-Oued dont on veut mépriser le rôle qui fut le sien dans ce combat pour la France et l’Algérie française.

Ce capitaine exhiba sans retenue l’amertume qu’il éprouvait devant ce constat. Il savait que si notre cortège s’était disloqué devant la volonté des paras de nous interdire le passage, c’en était fini de la manifestation du 24 janvier. Il a précisé alors devant les juges du haut tribunal militaire qui nous jugeaient :

« il aurait fallu tirer pour les arrêter ! ».

Il aurait fallu massacrer des hommes et des femmes qui glorifiaient la France. Oui il aurait fallu en « coucher » quelques dizaines, voire quelques centaines.

 

Pourquoi rappeler aujourd’hui cet évènement que j’ai évoqué des dizaines de fois ? Episode que nos commentateurs et historiens de la guerre d’Algérie ne veulent pas retenir.

Pour la raison suivante :

ce capitaine n’a toujours pas accepté cet évènement du 24 janvier, avenue de la Marne, vers 10 heures du matin. Il évolua dans sa carrière. Au moment du 26 mars 1962, il intervint parmi les organes de commandement des forces de l’ordre qui avaient reçu la mission d’interdire la progression du cortège de nos compatriotes d’Alger-centre. Et il explique, aujourd’hui encore dans quelques interviews la logique du drame qu’il a vécu :

« Je savais et j’ai expliqué aux autres que si on voulait interdire la progression de la manifestation, il fallait tirer. C’était le seul moyen de leur interdire le passage ».

Il exprime cela comme une fatalité.

On se rend compte, au travers de ce commentaire, qu’au fur-et-à-mesure de l’évolution de la guerre d’Algérie, au fur-et-à-mesure de la volonté gaulliste de tuer la France sud-méditerranéenne, le peuple d’Alger fut victime d’une résignation. La résignation capitularde des cadres de notre armée qui ont accepté de se soumettre à la volonté gaulliste. Quitte à laisser massacrer le peuple français d’Algérie, pourvu que l’on en terminât avec l’Algérie française.

Le 26 mars 1962 : la Grande Poste, la rue d’Isly

Le 5 juillet 1962 : Oran.

 

Il fallait bien que s’effectuât le délestage économique du débouché algérien.

Par quelque moyen que ce fût.

 

En complément de cette étude, j’estime utile de vous rappeler la conclusion de mon livre « ATTAQUES ET CONTRE ATTAQUES ». Lisez ces quelques lignes… après tout, pourquoi pas ?

 

« Je me suis permis d’évoquer ces pages d’histoire, en m’y impliquant parfois intensément. C’était inévitable. Au moment où ce livre s’achève, au moment où sans amertume je me rends compte que tout va s’arrêter pour moi aussi, dans un délai relativement proche, je devais m’imposer cette réflexion.

Celle-ci me confirme dans ma conviction. L’Algérie, territoire immense, aurait dû logiquement rester française pour devenir européenne ensuite. Elle symbolisait, pour la France et pour l’Europe, un territoire de continuité nécessaire entre le monde occidental et le continent africain. Elle représentait donc un site de rencontre providentiel entre l’Occident et le monde musulman.

Le peuple Pieds Noirs, par son enracinement sur cette terre de prédilection, était tout particulièrement qualifié pour conférer à cette rencontre, sous l’égide de la mère-patrie française, une richesse et un fondement humains qui auraient contribué à structurer d’abord et à consolider ensuite la convivialité nécessaire entre le monde musulman d’une part et l’Occident d’autre part.

Le refus obstiné de l’Algérie française est révélateur, en réalité, d’une volonté stratégique ; créer tout au contraire les conditions d’une confrontation inéluctable entre le monde musulman et le monde non musulman.

Pour atteindre ce but, avant toute chose, il a fallu vaincre le christianisme en Algérie française. On l’a effectivement vaincu, là-bas, en attendant de le vaincre ici, au nord de la Méditerranée.

Les hommes politiques contemporains, tout particulièrement les Occidentaux, refusent d’enregistrer cette identité réelle de la guerre d’Algérie. Ils côtoient, ils subissent la révolution islamiste fondamentaliste sans faire l’effort de l’analyser. Ils ne sont pas en mesure de l’affronter parce que, selon toute vraisemblance, ils ne jouissent pas de la richesse intellectuelle et spirituelle nécessaire pour la comprendre. Ils exhibent, tout au contraire, une carence d’information, une carence d’inspiration, qui les situent en permanence « à côté » de cette révolution.

Leur comportement, nous l’avons souligné dans ce travail à maintes reprises, évoque une pathologie autistique chronique. On les voit développer parfois des projets ambitieux, des initiatives brillantes, des perspectives de gestion capitaliste momentanément efficaces. Ils sont en réalité, tout le temps hyperactifs, mais ils stagnent « à côté » du normal, « à côté » du fondamental, « à côté » de la réalité de la vie.

Nous, les anciens du combat pour l’Algérie française, tirons encore profit de la lumière générée par cet astre à jamais éteint que fut l’Algérie française. C’est cette lumière qui nous permet d’éviter une plongée dans l’autisme politique ambiant et actuel.

Nous sommes capables d’identifier historiquement et spirituellement l’identité de cette révolution. Parce que nous l’avons affrontée « là-bas ».

C’est sans doute pour cette raison que nous restons l’objet d’un ostracisme forcené, de la part de ceux qui ne voient rien. Parce qu’ils ne disposent pas des moyens intellectuels de voir. Il nous est donc imposé, en conséquence de leur carence, de refuser le silence auquel on prétend nous soumettre.

Dans quel but ?

Ne soyez pas surpris de la réponse que j’ose vous proposer.

Dans le but d’éviter à tout prix la naissance d’une nouvelle OAS. Une OAS européenne, occidentale, supranationale et universelle. Une OAS qui se structurerait en vue d’un combat ultime.

Celui de protéger notre Occident tout entier contre la conquête idéologique et la mutation spirituelle qui le menacent.

Que l’on se serve de notre vécu. Nous vous le racontons pour vous le faire connaître. Nous vous l’offrons en toute sincérité et en toute humilité. Ce fut un combat symbole, un combat avertisseur…. C’était le temps de l’Algérie française.

Une grande page d’histoire qu’il faut connaître au mieux possible. Une page d’histoire que je refuse de tourner à jamais. Car elle est riche « d’hier » mais surtout riche « de demain ». 

 

 

                       Aujourd’hui, « on » évoque la guerre d’Algérie avec une désinvolture perpétuellement capitularde. L’œuvre de la France, la participation pendant des décennies du peuple pied-noir à la volonté de donner vie à cette terre, la participation des Pieds-Noirs, des Algériens de toutes confessions et des Africains à la défense de la mère-patrie, tout cela ne compte pas !

 

Nous avons subi en Algérie une guerre terroriste de 94 mois. La guerre terroriste que nous a fait subir le FLN, il est indécent d’en parler aujourd’hui !

 

Ce qu’ils retiennent ce sont les 4 mois de guerre terroriste que l’OAS fut dans l’obligation de conduire dans le souci majeur et exclusif de protéger notre peuple contre le génocide qui l’attendait. Nous refusions de nous soumettre à la solution définitive à laquelle l’on nous destinait.

 

On persiste aujourd’hui encore à évoquer, avec une complaisance parfois éloquente, le rôle joué par Jacques Chevallier, ancien maire du Grand Alger.

En 1954, celui-ci, alors qu’il était pour peu de temps encore ministre de la guerre dans le cabinet de Mendes-France, informa le sénateur de Batna, Ben Chenouf, des opérations qu’allait tenter de mettre en œuvre le commandement militaire d’Algérie contre les forces ennemies regroupées dans les Aurès.

Le sénateur de Batna avisa Ben Boulaïd, commandant du FLN dans les Aurès. Celui-ci grâce à cette trahison, fut en mesure de mettre à l’abri un effectif important de forces ennemies.

Jacques Chevallier à partir du mois d’octobre 1961 bénéficia de l’appui d’un cadre majeur de l’OAS. Celui-ci réussit à neutraliser un effectif important de l’OAS avec la complicité active de Farès, président de l’Exécutif provisoire.

Le 3 juillet 1962, Chevallier, escorté de son comparse, participa à la manifestation de l’indépendance à Alger, où il a crié :

« Je salue ma jeune patrie ! ».

C’est ainsi que fut sacrifiée sur l’autel des exigences du capitalisme financier cette position majeure de la France, de l’Europe et de l’Occident au sud de la Méditerranée.

L’Algérie, on l’avait oublié, c’était la terre possible de la Sainte Rencontre telle que l’avait définie Ramon LLull [iii] à partir de Bougie, ma ville natale, avant qu’il n’y fût lapidé en 1315.

Terre de rencontre entre l’islam que nous n’avons jamais combattu en tant que tel, et le monde chrétien qui, libéré de ses « anathèmes » depuis 1959, était prêt à ouvrir un dialogue constructif avec l’islam.

 

La mort de l’Algérie française, la fragilité des frontières sub-sahariennes, les drames du Moyen-Orient, la djihadisation intérieure et progressive de nos sociétés occidentales, la voilà douloureusement schématisée l’illustration majeure de la décérébration gaulliste.

Du must gaulliste.

 

Jean-Claude PEREZ

Nice, le 2 décembre 2014

 

 



[i] Unité d’action du FNF : effectif de militants du Front National Français, mouvement fondé par Joseph Ortiz à la fin de l’année 1958. Ces unités étaient regroupées à partir de volontaires qui jouèrent le rôle de « fer de lance » de l’action « Algérie française ».

[ii] MP13 : Mouvement Populaire du 13 mai fondé par Robert Martel.

[iii] Ramon Llull en catalan ou Raymond Lulle en français.

 

  BIBLIOGRAPHIE

 

 

L’assassinat de l’Algérie française, terreau de la conquête islamiste actuelle. 2012

Un des livres du cinquantenaire, à lire et à faire lire.

Vérités tentaculaires sur l’OAS et la guerre d’Algérie

Stratégies et tactiques, 2006 ; 2e Edition

            Cet ouvrage a été d’un grand recours dans la rédaction de cette étude

L’islamisme dans la guerre d’Algérie

Logique de la Nouvelle Révolution Mondiale, 2004

Le sang d’Algérie

Histoire d’une trahison permanente, 2006 ; 2e édition

Debout dans ma mémoire

Tourments et tribulations d’un réprouvé de l’Algérie française, 2006 ; 2e édition

Attaques et Contre-attaques

Vérités tentaculaires sur l’OAS et la guerre d’Algérie II, 2008

 

Editions Dualpha

Boite 37

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Tel. : 09 52 95 13 34 - Fax : 09 57 95 13 34

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Vous pouvez prendre connaissance des deux interview accordées par Jean-Claude PEREZ :

- la première à Monsieur Olivier CAZEAUX : sur Internet tapez « OAS, le docteur PEREZ parle » ;

- la seconde, à Monsieur BESSOU dans le cadre de la préparation d’un film. Monsieur BESSOU a livré à Jean-Claude PEREZ tout le matériau de son exposé visible sur le site www.jean-claude-argenti-sauvain.com.

 

 

Mis en page le 02/12/2014 par RP