Un nouveau cycle d’études : chapitre 4
LE CYCLE
DE L’ADIEU
CHAPITRE IV
LA DEUXIEME FAUTE D’ACHARD
Celle qui aboutit à l’arrestation
du général SALAN
Le 20 novembre 1961, le président
d’une section locale de la SFIO algéroise, William Lévy, est tué à Bab-El-Oued.
Sur ordre d’Achard le responsable du secteur OAS de B.E.O.
Poste auquel je l’avais personnellement
affecté lors de la première réunion « d’état-major » de l’OAS.
Réunion tenue après l’échec d'une
esquisse de « putsch » des généraux en avril 1961.
Il est important de souligner
qu’au tout début de notre structuration, ma proposition d’une segmentation-OAS de
l’Algérie, superposable à celle de l’armée, avait été entérinée par le colonel Godard.
Lors de cette réunion, il fut
convenu que le « sous-secteur » allait constituer la structure territoriale de base
de notre organisation.
J’espérais que, grâce aux officiers
qui avaient refusé de se soumettre au pouvoir gaulliste le 26 avril 1961, l’adhésion
du « peuple pied-noir » au combat de l’OAS, n’allait pas souffrir de difficultés
majeures. Tout au moins dans le domaine de la structuration.
Une adhésion sans réserve de
sa part à notre implantation et à la discipline que l’OAS imposait d’observer, nous
paraissait un minimum à espérer et à obtenir de la part de notre peuple.
Mais, nous connûmes des désillusions.
Si l’on excepte le colonel Gardes,
il est important de souligner que dans le domaine de l’action de l’OAS, la majorité
des officiers supérieurs et généraux tinrent un rôle que l’on doit qualifier de
théorique. Il est important de se libérer de tout comportement inutilement révérencieux
dans ce domaine.
Pour nous les décideurs et les
exécuteurs de l’action, à part le prestige lié à leurs noms, ils nous ont offert
un concours doté d’une efficacité opérationnelle particulièrement réduite.
Oui, insistons : c’était des
noms célèbres et prestigieux.
A part Le Pivain et De Gueldre,
dès les tous débuts de notre structuration, aidés par les capitaines qui nous ont
rejoints ultérieurement, à part Château-Jaubert qui finit par se décider à l’action,
bien tardivement cependant, il est important de ne pas oublier que leur rôle fut
extrêmement modeste.
J’avais été affecté, après quelques
semaines d’activisme collectif, brouillon, à la limite de l’anarchique, à un poste
de responsabilité nationale bien précis. Celui de mettre sur pied et de commander
en Algérie et en Métropole, l’Organisation du Renseignement et des Opérations (ORO)
de l’OAS.
Dès le début de ma prise de fonction,
je fus confronté, en silence, à deux obstacles internes d’une gravité extrême.
Obstacles porteurs théoriquement, l’un et l’autre, d’un danger de mort pour l’OAS.
De Gueldre s’est empressé d’aviser
Godard par écrit, qu’il « refusait d’être aux ordres ».
Une attitude qui ne m’a pas surpris.
Depuis les journées de décembre
1960, qui ont vu la livraison officielle du peuple musulman au pouvoir FLN par De
Gaulle et ses complices, De Gueldre connaissait les exigences bien particulières
de la clandestinité.
Devenu un correspondant opérationnel
privilégié, mais clandestin, des services spéciaux français, de ceux qui combattaient
encore le FLN à cette époque-là, il avait mis sur pied une excellente structure
opérationnelle. Dans son effectif se comptaient des hommes qui avaient fait partie
de mes équipes lors des premières interventions anti-terroristes que j’avais mises
en oeuvre dès 1956. Ils tinrent à m’exprimer qu’ils gardaient à mon égard la vieille
camaraderie que nous avions connue et m’assuraient de leur fidélité en toutes occasions.
« En cas de nécessité » précisions-nous.
Ces détails vous sont fournis
pour vous faire bien capter que De Gueldre ne voulait pas partager le commandement
d’une formation clandestine, « les Delta » dont il était le créateur. Parce qu'il
voulait en garantir l’homogénéité par le moyen de son autorité exclusive.
Il n’était pas question de perdre
du temps en ouvrant une polémique avec De Gueldre sur ce sujet délicat. Je souligne
simplement deux notions importantes.
La première : De Gueldre ne m’a
jamais déclaré, à moi personnellement j'insiste, qu’il refusait d’être aux ordres.
La seconde : Il prit soin de
suivre mes suggestions opérationnelles au fur et à mesure de nos rencontres, suggestions
imposées par le combat. Rencontres qui devinrent très rapidement quotidiennes.
Je l’informais, comme s’il était
officiellement intégré à mon dispositif, des opérations que je déclenchais à l’échelon
des zones, des secteurs et des sous-secteurs. Opérations exécutées par un effectif
qui était directement sous mon commandement par l’intermédiaire de mes responsables
de l’ORO.
En quelques semaines, tout logiquement, l’unité d’action finit par s'établir. Contrairement à ce que certains avaient vainement espéré, il n’y eut jamais de conflit entre De Gueldre et moi.
Il ne m’a pas tué : c’était pourtant
à sa portée.
Je ne l’ai pas tué : c’était
pourtant à ma portée.
Dans la réalité quotidienne de
l'OAS, De Gueldre a fait partie de l’ORO.
Le budget mensuel que je lui
attribuai, était de 20 millions d’anciens francs par mois. Cette somme correspondait
à 50 % du budget mensuel de l’ORO, qui avait été fixé par Godard sur ma demande
à 40 millions de francs de l’époque. Il s’agissait d’un budget mensuel, je le souligne
encore. J’étais seul juge et responsable de l’utilisation de ces fonds. Je n’avais
de comptes à rendre, éventuellement, qu’à mes collaborateurs et subordonnés directs.
De Gueldre jouissait d’une autonomie
d’action facilitée secrètement par des officiers de renseignement professionnels,
encore en fonction officielle, qui l’alimentaient en précieuses informations et
qui furent à l'origine d'opérations bien précises.
Ces informations étaient transmises
simultanément par ces mêmes officiers, au chef du BCR national de l’ORO. C’est-à-dire,
je le rappelle, le Bureau Central de Renseignement qui était la deuxième branche
de l’ORO. La première étant le BAO, Bureau d’Actions Opérationnelles commandé par
De Gueldre.
Le chef du BCR était « un ancien
de la maison » comme on le disait. Celui-ci était sous ma responsabilité. Sa mission
était d’organiser tout l’appareil de renseignement de l’OAS, à l’échelon national.
J’avais pris soin d’être d’une
rigueur particulièrement constante dans le montage d’un autre dispositif. Un dispositif
ultra secret dont la fonction était d’assurer ma propre sécurité et celles de mes
subordonnés de l’ORO, à l’égard de tous. Ce qui me conduisit, tout logiquement,
à espionner, donc à connaître, l’intimité de ceux qui rêvaient de jouer les « ayatollahs
».
Cet aspect de notre action n’est
pas agréable à évoquer. Mais il est facile à comprendre, quand on connaît les risques
courus par ceux qui assurent le commandement d’un appareil clandestin.
Lorsque les armes font partie
du dialogue, il est souvent vital de ne pas être imprudemment… naïf.
En résumé : De Gueldre ne fut pas un écueil. Je confirme : il ne fut pas un obstacle.
Dès la première réunion « d’état-major
», un évènement grave s’est produit. J’ai flairé immédiatement le danger de mort
pour notre structure de combat que véhiculait « cette gravité ».
Leroy, un ancien cadre de « Jeune
Nation » fit savoir par l'intermédiaire de Susini, qu’il « refusait de s’intégrer
avec son effectif dans la nouvelle structure de l’ORO, que j’avais proposée à Godard
». Structure qui fut acceptée par tout le monde. Ou plutôt qui ne fut rejetée par
personne.
Susini se chargea de nous éclairer
sur ce que prétendait Leroy. Faire de son effectif qu’il avait définitivement étiqueté
« Front Nationaliste », une structure de combat alliée de l'OAS.
Mais non intégrée aux organes
de commandement de l’OAS.
Susini, devant Leroy tout le
temps silencieux, s’est chargé de présenter la requête de celui-ci comme raisonnable
et surtout nécessaire.
Il aurait été naïf à cet instant
même, de ne pas comprendre le but réel de la manoeuvre Leroy-Susini.
Elle était motivée par la volonté
de faire échapper ce Front Nationaliste à mon influence.
Je ne cède pas au ridicule de
dire, à mon autorité.
Mais je n’étais pas dupe. Ce
« Front Nationaliste » de Leroy était en réalité une force de frappe qui était mise
à la disposition directe de Susini. Par l’intermédiaire de Leroy donc, qui ne flairait
pas le danger de mort auquel il se soumettait dès lors, de la part du chef qu'il
avait choisi.
Ce jour-là j’ai enregistré une
confirmation limpide de ce qui concrétisait la volonté constante et sous jacente
de Susini. Pour arriver à ses fins, quelles qu’elles fussent, il lui fallait m’éliminer
par quelque moyen que ce fût.
Mais je disposais d’un effectif
redoutable de couverture et surtout de représailles immédiates.
S’attaquer à moi…. c’était risqué.
La conséquence de cette ambiance
fut qu’elle m’imposa dès cette minute, d’intervenir dans mon action à la manière
d’un prétorien. Il me fallait être fort tout le temps et surtout très attentif au
comportement de « chefs » que stimulait l'ambition de tout diriger.
Je n’avais pas compris, à Paris,
le but poursuivi par Susini pendant le Procès des Barricades.
Il avait décidé de rejoindre
Madrid pour ne pas laisser à Lagaillarde seul, le rôle de vedette auquel l'ancien
député d'Alger croyait avoir accédé après son départ, lors de l’interruption du
procès pendant les vacances de la Toussaint.
A l’évidence, le but prioritaire
de Susini, dès la mise en place de l’OAS à Alger, était de m’écarter. Il rêvait
de prendre le pouvoir en France et il me traitait comme si j’étais un obstacle majeur
à l’accomplissement de son ultime ambition.
Il refusait de voir qu'à Paris
comme partout, ce qui m’animait c’était la volonté exclusive du combat. Tout tenter
pour sauver l’Algérie française. Avec des hommes, des chefs de guerre comme Lauzier,
Descaves, Jourdes Sergent, Jacques Dupont et d’autres, nous avions pris l'initiative
de monter un appareil de combat dès ma sortie en liberté provisoire de la Santé,
en novembre 1960.
Ce fut à partir de ce premier
appareil que s'est structurée d’ailleurs l'OAS-métro.
Je venais d’une position sociale
bien établie et responsable.
Mon ambition était de retrouver
mes fonctions de médecin-praticien une fois le combat terminé par la victoire de
la France en Algérie.
Victoire illustrée par la confirmation
historique de l’Algérie-française, qui n’était pas une utopie mais une nécessité
primordiale pour l’Occident
Je ne m’étais pas rendu compte
à quel point tout était envisageable pour celui qui était convaincu d’être un leader
politique d’exception.
En particulier, faire tuer ceux
de ses premiers amis d’Alger et d’Espagne qui selon ses fantasmes, risquaient de
lui faire de l’ombre.
L’ambition névrotique est la
mère de tous les crimes.
De tous les reniements.
De toutes les compromissions
et finalement, nous l'avons constaté, de tous les changements de camp.
A partir de 1961, en application
de cette attitude, il essaya de porter atteinte à mon autorité en Algérie, à l’échelon
des zones et des secteurs. En réalité, il échoua partout et cette attitude fut sans
conséquence.
Sauf dans le secteur Orléans-Marine,
c’est-à-dire le secteur de Bab-El-Oued et du Port d’Alger.
Il intervint en exerçant son
influence personnelle sur celui que j’avais fait nommer, après l'échec du putsch
d'avril 1961, comme responsable du secteur OAS de Bab-El-Oued : Jacques Achard.
Je savais qu’à B.E.O. existait
une structure opérationnelle de base, prête à l'action. Je l’avais mise en place
moi-même, en 1959, dès la création du FNF par Joseph Ortiz cette année-là. Structure
opérationnelle que j’avais bâtie en partant du réseau anti-terroriste qui avait
été mis sur pied, par mes soins, en octobre 1955.
J'ai rappelé le rôle que joua
le service d’ordre mis en place le 19 décembre 1959 à Saint-Eugène, lors de la visite
de Georges Bidault, l’ancien président du Conseil National de la Résistance.
Après l’échec du Putsch d’avril
1961, il me fallut d’urgence mettre à la tête de ce secteur un chef compétent certes,
mais surtout un chef étranger au peuple de Bab-El-Oued.
De manière à éviter les réactions
d’hostilités locales, les jalousies de terroirs et de quartiers, qui risquaient
d’être nocives pour notre action.
Quand j’ai demandé à Godard d’entériner
ma décision de nommer Achard comme chef du secteur de Bab-El-Oued, j’ignorais que
ce même Achard était déjà, depuis l’Espagne, sous l’influence majeure de Susini.
Ajoutons qu’Achard, depuis l’Indochine, évoluait très près de Salan. C’était un
opérationnel de grande valeur technique et surtout…. j’insiste….
Il était un homme de confiance de Salan.
J’ignorais aussi qu’il était
un alcoolique chronique et dépendant. Je n'ai pas tardé à me rendre compte de cette
particularité.
Nous avons eu l’occasion de nous
heurter, parfois sévèrement, et je l’avais en surveillance prioritaire.
Achard commit au moins deux fautes décisives.
Permettez-moi, pour rester en
conformité avec ce qu’annonçait le titre de ce chapitre, d’évoquer en tout premier
lieu, les contacts désastreux qu’Achard et Ferrandi ont établis avec un dénommé Géromini et d’autres acteurs.
Je tiens à être laconique sur
ce chapitre très connu de notre histoire.
Géromini et d’autres, étaient
tenus en mains par le pouvoir gaulliste dont l’objectif était de monter un traquenard
contre Salan.
Un piège fut tendu avec la complicité
très active de Ferrandi. Celui-ci, porte-bidon de Salan, s’est rendu coupable de
trahison, même si le piège qui fit tomber Salan doit être attribué à son incroyable
imprudence. Une imprudence criminelle en tout état de cause.
Une trahison, j’insiste.
Ce piège aboutit, on le sait,
à l’arrestation de notre chef. J’attribuai à cette époque, et j’attribue encore
de nos jours, une responsabilité majeure à l’action d’Achard et de Ferrandi dans
le montage de cette opération. Dont l’imprudence, je le répète, équivalait à une
trahison.
Après l’arrestation du général,
j’ai pris la décision de sanctionner Achard. Je lui ai transmis un ordre par écrit
:
« je te donne 24 heures pour foutre le camp ou je lâche les chiens ! »
Je pèse aujourd’hui le caractère
odieux de ce message. D'autant plus qu'il n’était pas nécessaire. Ce que j’aurais
dû prendre comme décision, c'était celle de faire exécuter Achard.
Motif : avoir provoqué des contacts
entre le général Salan et des agents du pouvoir dont la mission était de parvenir
à l’arrestation de notre chef.
Achard et Ferrandi s'étaient
refusé à me tenir informé des contacts qu’ils avaient eu l’indigence intellectuelle
de mettre en route.
Dans n’importe quelle structure
de combat, digne de ce nom, il n’y aurait pas eu d’hésitation.
Achard méritait la mort (Ferrandi
aussi, mais il avait été arrêté en même temps que Salan).
Achard se soumit à mon ultimatum.
Il prit un bateau dans les 24 heures.
C’était l’OAS.
Engagée dans un combat ultime.
Autour d’Achard évoluaient des
hommes de valeur. Patriotes, persuadés qu’Achard était des nôtres. Ils ignoraient
que ce dernier agissait pour Susini avec le renfort de Ferrandi.
Je tiens à souligner qu’Achard
n’a pas réagi à mon message.
Il s’est soustrait, par son départ,
à une sanction dont il savait qu’elle était méritée.
Nous nous sommes revus dix ans
plus tard. En 1972. Il rentrait du Mexique. Il avait été opéré d’une tumeur cérébrale.
C’était près de Versailles, au cours d’une cérémonie du souvenir, sur la tombe de
Roger Degueldre. Il est venu vers moi et m’a embrassé sans un mot.
La mort n’était pas éloignée.
Il décéda peu de temps après.
C’était donc la deuxième faute
d’Achard.
Jean-Claude PEREZ
Nice, le 13 janvier 2016
En prévision : le chapitre V
de ce cycle d’études, intitulé «La première faute d’Achard », vous sera proposé
début dans la première quinzaine de février.
N’hésitez-pas à consulter le
site du Cercle Algérianiste de Nice et des Alpes Maritimes et tout particulièrement,
la classification et études de Raphaël PASTOR et Hervé CUESTA.
L’assassinat
de l’Algérie française, terreau de la conquête islamiste actuelle. 2012
Un des livres du cinquantenaire, à lire et à
faire lire.
Vérités
tentaculaires sur l’OAS et la guerre d’Algérie
Stratégies
et tactiques, 2006 ; 2e Edition
Cet
ouvrage a été d’un grand recours dans la rédaction de cette étude
L’islamisme
dans la guerre d’Algérie
Logique de
la Nouvelle Révolution Mondiale, 2004
Le sang
d’Algérie
Histoire
d’une trahison permanente, 2006 ; 2e édition
Debout dans
ma mémoire
Tourments et
tribulations d’un réprouvé de l’Algérie française, 2006 ; 2e édition
Attaques et
Contre-attaques
Vérités
tentaculaires sur l’OAS et la guerre d’Algérie II, 2008
Editions Dualpha
Boite 37
16 bis rue d’Odessa
75014 PARIS
Tel. : 09 52 95 13 34 -
Fax : 09 57 95 13 34
Mail : infos@dualpha.com
Site internet : www.dualpha.com
Vous pouvez prendre connaissance des deux interview accordées par Jean-Claude PEREZ : - la première à Monsieur Olivier CAZEAUX : sur Internet tapez « OAS, le docteur PEREZ parle » ; - la
seconde, à Monsieur BESSOU dans le cadre de la préparation d’un film. Monsieur
BESSOU a livré à Jean-Claude PEREZ tout le matériau de son exposé visible sur
le site www.jean-claude-argenti-sauvain.com.
Mis en
page le 14/01/2016 par RP |