Un nouveau cycle d’études : chapitre 9
LE CYCLE DE L’ADIEU
CHAPITRE IX
« TROISIEME EXIL VOLONTAIRE EN 1865 DES JUIFS D’ALGERIE »,
SUIVI D’UN
« QUATRIEME EXIL THEORIQUE DES JUIFS D’ALGERIE EN 1870 »
I - Opposition rabbinique au Sénatus-Consulte de Napoléon III du 14 juillet 1865
« National français ? » oui.
« Citoyen français ? » non
II – Cette opposition rendit nécessaire en 1870 le Décret Crémieux.
Celui-ci incorpora les juifs d’Algérie dans la citoyenneté française.
Ce décret, curieusement, est interprété comme générateur d’un quatrième exil évoqué par l’accusateur perpétuel de la France.
Je ne m’attribue pas le droit de juger la politique ou plutôt les politiques de Napoléon III, qui devint empereur des Français après avoir été le premier président d’une république française élu au suffrage universel.
On peut retenir, dans la limite restreinte de nos connaissances, je parle des miennes évidemment, qu’il est resté pendant longtemps esclave d’une obsession.
Celle-ci faillit être mortelle pour la France. On oublie en effet qu’elle s’est située à l’origine de drames horribles aux dépens des peuples européens vers la fin du XIXème siècle et durant la première moitié du XXème siècle.
Le drame des guerres franco-allemandes.
Cette obsession, celle du carbonaro qu’il avait été et qu’il continuait d’être, s’est principalement exprimée à travers sa volonté de détruire l’Empire des Habsbourg.
Ce qui nous conduisit à la bataille de Solferino en 1859. Victoire française illustrée par des pertes humaines tellement horribles qu’elles furent à l’origine de la naissance de la Croix Rouge internationale.
Ce fut une défaite pour les Habsbourg.
Obsédé par l’empire austro-hongrois, Napoléon III n’a pas prêté l’attention adéquate qu’il eût été nécessaire de prêter à l’évolution ascendante de la Prusse sous la conduite de son chancelier Bismarck. Celui-ci sut profiter de la faiblesse de l’empire des Habsbourg consécutive à la guerre précédente contre la France, pour écraser l’armée austro-hongroise à Sadowa, le 3 juillet 1866.
La suite logique de cette victoire prussienne fut Sedan : le 1er septembre 1870. Défaite pour la France, avec les conséquences gravissimes que connut notre Patrie. Illustrées par l’annexion à la Prusse de l’Alsace et d’une partie importante de la Lorraine, en exécution des exigences formulées au traité de Francfort.
Malgré cet aboutissement européen finalement catastrophique des aspirations politiques de Napoléon III, celui-ci ne pouvait cependant pas faire l’impasse sur l’Algérie.
Il a donc formulé un diagnostic sur l’identité qu’il fallait conférer à cet immense territoire algérien, situé à 800 kilomètres de Marseille seulement. Il le fit par le relais d’affirmations qui ont été retenues et souvent commentées.
En 1851.
Il déclare : « l’Algérie est un boulet attaché à la France ».
Dès le début de son règne, il veut avoir les mains libres en Europe. Dans la perspective de libérer l’Italie de l’emprise des Hasbourg. C’est sa mission ou plutôt celle qu’il a choisi de remplir en toute priorité.
L’Algérie lui pose un problème, selon toute apparence. Elle le gêne. Car il préférerait se consacrer, en exclusive priorité, à l’affaiblissement définitif de la puissance austro-hongroise. Il déclare donc d’une manière imprudemment laconique : « l’Algérie, est un boulet attaché à la France ».
Il veut se libérer de ce boulet.
Néanmoins, il estime nécessaire de réfléchir. Pendant un an.
En 1852.
Son opinion sur l’Algérie s’était apparemment enrichie. Il fit alors usage d’un vocabulaire bien particulier. Celui-ci connut le prestige d’avoir fait délirer un grand nombre de commentateurs historiques modernes.
Il déclara en 1852 :
« l’Algérie est un royaume arabe que la France doit assimiler ».
Apparemment en une seule année, Napoléon III a réussi à prendre conscience d’un phénomène historique particulier à l’Algérie.
« Un phénomène arabe ».
Il savait cependant que l’Algérie, ethniquement, n’était pas arabe.
Il ne savait peut-être pas, il n’était pas le seul d’ailleurs, que l’Algérie n’avait jamais été conquise, au sens militaire du terme, par les Arabes.
Mais il avait constaté à quel point s’était développée sur cette terre, une emprise religieuse exprimée à travers une arabité ou plutôt un arabisme. Celui-ci s’était implanté puis déployé à partir du sud-ouest algérien, à partir de la zone-frontière qui jouxte la Mauritanie, le Mali et plus loin le Sénégal.
Nous évoquons en réalité l’arabisme almoravide dont nous connaissons le rôle qu’il joua, dans un premier temps, sur l’apparition et le développement d’une « phénoménologie arabe spécifiquement numidienne et ibérique».
Cette phénoménologie exerça son effet grâce à un peuple ethniquement non arabe. Un peuple majoritairement berbère, qui avait intégré naturellement et dans une forte proportion, l’islam à l’arabisme.
Celui-ci illustrant l’expression culturelle de celui-là.
Un peuple qui sut faire de la langue arabe littérale, le support fondamental, le support opérationnel exclusif de la survie d’abord, puis du rayonnement conquérant de la religion musulmane à partir de l’ouest nord-africain.
Nous évoquons une fois de plus « l’onde de retour islamique » qui s’est développée à partir de l’ouest numidien et sur laquelle j’ai souvent insisté.
La langue arabe littérale devint l’outil conceptuel de l’islam, comme l’avait exigé le 3ème calife Otman (ou Utman).
Cet arabisme intrinsèque de l’Algérie, que nos ennemis n’ont pas manqué d’évoquer et de « rénover » à l’occasion de la guerre d’Algérie, conféra à ce territoire, une homogénéité conceptuelle que certains ont assimilé à l’homogénéité d’un royaume.
Un royaume arabe donc, défini par son contenu philosophique et doctrinal certes, mais certainement pas défini par une structure de gouvernement propre au concept de royauté.
Ce fut un brillant artifice de vocabulaire suffisant néanmoins pour illustrer dans l’esprit de Napoléon III, une difficulté majeure dans la perspective d’administrer l’Algérie. D’assimiler l’Algérie.
Car c’était bien l’arabisme constaté par Napoléon III et qu’Ibrahim Bachir évoqua le 1er novembre 1954, lors de la Toussaint Rouge, qui conférait à ce pays l’identité d’un royaume arabe.
Royaume arabe qui a fait délirer et qui fait encore délirer beaucoup de commentateurs modernes.
Puis, un long silence impérial a suivi.
Jusqu’en 1865
Napoléon III prit le risque de formuler une identification synthétique de l’Algérie. Selon lui, celle-ci s’était identifiée, en fin de compte, à :
un royaume arabe
une colonie européenne
un camp français
Un royaume arabe
Lorsqu’il déclara en 1865 que : « l’Algérie, c’est un royaume arabe », alors qu’il n’existait pas de roi d’Algérie, il voulait exprimer une conviction qu’il est fondamental de rappeler une fois de plus :
« l’Algérie est un territoire porteur d’un arabisme tel que celui-ci suffit à conférer à ce même territoire, l’homogénéité d’un royaume ».
L’arabité linguistique ou plus globalement l’arabisme culturel et religieux, est en effet imposée partout où l’on prétend transmettre le message du Prophète.
En application de la volonté du 3ème calife, Othman. Celui-ci fut le rédacteur ultime et principal du Coran.
Cet arabisme linguistique explique l’homogénéité qu’a revêtue l’intégration à l’islam des collectivités arianistes, ou ariennes, quand celles-ci découvrirent dans le message du Rasoul une confirmation divine de leurs propres convictions. Confirmation que l’archange Gabriel, Jibril, fut chargé de transmettre au Rasoul, de la part du Seigneur : ainsi nous l’enseigne l’histoire.
Une colonie européenne
Mais ce « royaume arabe », ainsi défini ou plutôt constaté par Napoléon III, exigeait pour vivre, la compétence d’un peuple. Ce peuple ne pouvait être à cette époque, qu’une « colonie européenne ».
Celle-ci se singularisa avant tout par son aptitude à générer une vie sur une terre très difficile à éveiller à la vie justement.
Donner la vie à la terre algérienne, c’était avant tout donner la vie à la population autochtone, qui trouva dans le génie de cette colonie européenne la condition de sa survie d’abord, puis d’un développement prodigieux par la suite.
La mission de cette collectivité, de cette colonie européenne fut toutefois compromise par deux facteurs.
Le premier facteur :
ce furent les guerres européennes : des guerres de Napoléon III aux conflits génocidaires que connurent les républiques françaises. Des millions de jeunes hommes européens furent massacrés sur les champs de bataille européens et le peuplement non musulman du sud de la Méditerranée fut définitivement compromis… dans sa densité. Par voie de conséquence, il fut compromis dans sa nature, je veux dire dans son identité. Et surtout dans son potentiel d’agent majeur et nécessaire d’une rencontre intercommunautaire évolutive et profitable.
Le deuxième facteur :
ce fut le comportement d’inspiration antichrétienne dominant qui inspira progressivement l’attitude des administratifs français de l’Algérie.
De Louis Philippe à la Vème République, l’oeuvre de nos missionnaires et de nos prêtres fut freinée et sabotée.
Au nom d’une interprétation dépravée du principe de la laïcité.
Une laïcité qui exprimait avant tout, pour ceux qui assumaient l’évolution de l’Algérie, la volonté de ralentir à outrance la diffusion du message chrétien. L’oeuvre chrétienne, malgré cet obstacle administratif, fut néanmoins immense en Algérie. Mais elle était privée, au nom de la laïcité, de l’appui de l’appareil de l’Etat.
Le « respect des musulmans » prioritairement prescrit et institutionnalisé, fut en réalité structuré à la manière d’un obstacle opérationnel efficace à opposer au rayonnement chrétien qui était en puissance de se déployer en Algérie.
Les anticléricaux d’Algérie exercèrent leurs effets contre les chrétiens, soulignons-le, mais contre les chrétiens seulement. Ils sont allés jusqu’à considérer l’expansion du culte musulman algérien comme un moyen privilégié de lutter contre la Croix. Tout fut mis en oeuvre, en toute priorité, pour éviter la conversion volontaire de musulmans au christianisme.
Le dialogue inter-religieux devint logiquement et très rapidement une utopie.
Tout au contraire, à partir de 1925, à partir de la naissance des cénacles installés par le religieux berbère, Omar Smaïl, fut définie et proclamée une résolution d’organiser le combat islamiste en Algérie. Un combat :
- contre l’assimilation française,
- contre la francisation,
- contre l’évangélisation.
Comme si en 1925 la IIIème République avait été animée de la volonté d’évangéliser les musulmans algériens ! Mais il fallait officiellement ou plutôt solennellement désigner l’ennemi que les musulmans devaient combattre en priorité : la Croix !
L’antichristianisme administratif, non exprimé mais réel, facilita tout logiquement un renforcement de l’expression publique du culte musulman.
Cette colonie européenne s’est donc trouvée amputée d’une possibilité : celle de développer un contact intercommunautaire et interconfessionnel qui fût générateur d’unité par le moyen à la fois prioritaire et exclusif de la tolérance religieuse réciproque et partagée.
Rien ne fut entrepris en particulier pour faire naître en Algérie « un esprit provincial algérien », inspiré avant tout par la volonté d’accéder à une véritable convivialité interconfessionnelle organisée dont le monde est encore tragiquement privé de nos jours.
Nous nous sommes laissés enfermer, tout au contraire et à notre insu, dans une dialectique permanente de confrontations religieuses.
Confrontations religieuses particulièrement illustrées en Algérie avec fanatisme et violence, dans le domaine du sport. On accepta d’opposer des clubs laïques à des clubs qui revendiquaient et qui exhibaient en même temps leur identité religieuse.
On accepta qu’un club appelé « mouloudia », « widad », « musulman » c’est-à-dire un club qui brandissait son identité religieuse comme un acte de foi publiquement exprimé, fût opposé à un « racing », une « association », un « football-club », un « gallia », c’est-à-dire à un club qui exhibait tout au contraire une identité dépourvue de tout esprit religieux.
Chaque rencontre devenait symboliquement un mini-conflit de religions, opposant des infidèles à des fidèles de la foi islamique. Ce favoritisme administratif, qui allait à l’encontre des principes les plus élémentaires de la laïcité, fut vécu par les islamistes fondamentalistes comme des occasions de faire hurler parfois : « Katlan », « tuez-les » avec souvent une précision apportée par le terme de : « n’sarra », « les chrétiens ». « Katlan n’sarra », « tuez les chrétiens ».
Un camp français
Napoléon III enregistra que la force armée allait devoir intervenir nécessairement parfois pour contrôler les manifestations religieuses mises en oeuvre par ceux que l’on désignait, trop commodément par le terme de fanatiques.
C’est ainsi que l’Algérie se devait d’être aussi, en plus d’un « royaume arabe », en plus d’une « colonie européenne », un « camp français ». C’est-à-dire un camp militaire français où seront regroupés progressivement les effectifs d’un corps d’armée. Celui-ci devint plus tard le XIXème Corps d’Armée.
Des unités de ce XIXème corps ont payé, à maintes reprises, le prix du sang pour la défense de la Mère Patrie. A Solferino, à Sedan, à Verdun, jusqu’à Cassino, et plus loin encore, quand la France attaquée était décidée à se défendre. Pour la sauvegarde de la Patrie, « l’armée d’Afrique », « les Africains », ont payé le prix du sang.
De toute évidence, Napoléon III, un peu plus tard, voulut concrétiser toutes ces interprétations de la réalité algérienne d’une manière plus nette, plus officielle.
En attribuant, peut-être à son insu, un rôle prépondérant sinon majeur, à l’identité religieuse des hommes qui y vivaient.
Car ce fut en fonction de celle-ci, ou plutôt en fonction des exigences de celle-ci, que fut proposée aux musulmans et aux juifs d’Algérie la voie de leur intégration dans la citoyenneté française.
Ce fut sans aucun doute, un des objectifs majeurs du Sénatus-Consulte du 14 juillet 1865.
Dans ce texte nous est livrée une double constatation, clairement formulée par Napoléon III.
Première constatation
« L’indigène algérien de confession musulmane est Français ».
Deuxième constatation
« L’indigène algérien de confession juive, est Français ».
Ce Sénatus-Consulte n’offre rien.
Précisons : c’est une constatation de la part de Napoléon III et pas autre chose. Il constate, il veut faire constater, il affirme, que l’identité religieuse juive ou musulmane n’est pas incompatible avec la nationalité française.
Celle-ci est une conséquence logique d’une part, de la présence française en Algérie, avec l’accord de la communauté internationale.
Elle est aussi une conséquence d’autre part, d’une vérité majeure que l’on néglige constamment de souligner.
Vérité sur laquelle Pierre Fabiani a insisté dans l’excellent travail qu’il a rédigé, lorsqu’il exerçait les fonctions de Secrétaire général du Cercle Algérianiste de Nice et des Alpes-Maritimes.
Cette vérité majeure est la suivante : avant l’arrivée des Français, l’immense majorité des indigènes algériens musulmans et juifs ne jouissait d’aucune nationalité.
Car ils étaient apatrides sur la terre de leur naissance.
Pour l’immense majorité d’entre eux en effet, ils ne jouissaient pas de la qualité de « sujets de la Porte Ottomane ».
La première identité nationale officielle qu’a connue la majorité du peuple de confession juive comme la totalité du peuple de confession musulmane d’Algérie, fut la nationalité française.
Celle-ci fut constatée d’abord puis officialisée par Napoléon III le 14 juillet 1865 par le Sénatus-Consulte que nous évoquons à partir de ces lignes.
Rappelons qu’avant 1830, les Juifs d’Algérie se divisaient en deux catégories :
- la catégorie de ceux qui, originaires de cette terre, n’étaient pas considérés comme des hommes libres. Une collectivité de dhimmis, apatrides, soumis dans tous les domaines de la vie au pouvoir des féodaux et des potentats locaux ;
- la catégorie des Livournais, juifs algériens qui étaient devenus les sujets du duc de Toscane et qui jouissaient à Alger, d’un statut consulaire. Leur représentant spirituel était le grand rabbin de Livourne, port italien et ville toscane, dont le rôle fut majeur dans le rayonnement du culte juif dans l’ouest méditerranéen.
Napoléon III dans ce même Sénatus-Consulte de 1865, certifie donc que les membres de ces deux collectivités juive et musulmane, jouissent de la nationalité française.
Oui, mais en 1865, le Second Empire a évolué. Ce n’est plus « l’Empire autoritaire » des premières années. Une notion est devenue dominante dans l’identification du peuple français.
C’est la notion de citoyenneté française qui est à la fois différente et surtout complémentaire, de la notion de nationalité.
Napoléon III, en 1865, formule donc une précision majeure pour chacune des deux collectivités concernées :
- l’indigène algérien de confession musulmane est citoyen français : il est soumis au Code civil français ;
- l’indigène algérien de confession juive, est citoyen français : il est soumis au Code civil français.
Dans ces deux propositions parfaitement limpides, il manque néanmoins une conjonction de coordination.
Il manque le mot « donc ».
Ce qui aurait dû être écrit c’était ceci :
- l’indigène algérien de confession musulmane est citoyen français : il est donc soumis au Code civil français ;
- l’indigène algérien de confession juive, est citoyen français : il est donc soumis au Code civil français.
L’avantage offert par ce Sénatus-Consulte est illustré par une double précision.
- La nationalité est acquise par la naissance sur un territoire français. Elle est inaliénable.
- La citoyenneté : elle exige une soumission au Code civil français ou plutôt une acceptation sans réserve du Code Napoléon.
Refuser le Code civil français, c’est tout simplement rejeter la citoyenneté française.
Tout ce que nous venons d’écrire était vrai jusqu’à l’ordonnance perverse de De Gaulle en 1944.
Ordonnance qui fut à l’origine de l’article 82 de la loi d’octobre 1946, qui prévoyait que le statut personnel des musulmans ne pouvait constituer un motif à limiter leurs droits et libertés attachés à la qualité de citoyen français.
Donc, en fonction de sa religion, en s’appuyant sur elle, on pouvait violer le code civil français tel qu’il est prescrit dans notre constitution républicaine. On mettait en œuvre dans cette éventualité, un dédoublement possible et officiel de la citoyenneté française.
Dédoublement accepté, officialisé, voire imposé, qui suffisait à faire naître, pouvait-on redouter, une évolution dangereusement schizophrénique de cette même citoyenneté.
A partir de ce stade de notre rédaction, permettez-moi de me consacrer au retentissement qu’eut le Sénatus-Consulte de 1865 sur le comportement de la collectivité juive d’Algérie, jouissant de la nationalité française certes depuis 1830, mais ne jouissant pas, avant le 14 juillet 1865, de la citoyenneté française.
Ce que Napoléon III propose aux nationaux français de confession juive d’Algérie, c’est d’accepter tout banalement, ce que les juifs italiens et européens avaient accepté en 1807 à Paris, lors du Sanhédrin dit de Napoléon Ier.
Les rabbins, lors de ce Sanhédrin, réunis solennellement pour résoudre ce problème, renoncèrent au code mosaïque.
En particulier à la polygamie.
Pour obtenir l’adhésion de leurs coreligionnaires, ces mêmes rabbins n’ont pas lésiné sur les moyens : ils ont cité Dieu comme témoin.
Ils ont déclaré en effet qu’ils avaient reçu « l’inspiration du Seigneur ».
C’est-à-dire qu’ils avaient bénéficié du secours de l’Esprit de Sainteté. Celui-là même qui permit à Moïse d’imposer les Tables de la Loi.
Ils ont eu recours ainsi à un argumentaire fondamentalement religieux : ils prirent soin dans cet esprit, de souligner que les opposants à cette décision du Sanhédrin seraient en infraction avec la volonté « du Seigneur Dieu d’Israël ».
C’était en 1807.
En 1865 lors du Sénatus-Consulte de Napoléon III, il n’existait, pour les juifs d’Algérie, aucune raison majeure, aucune raison dogmatique, aucune raison religieuse de rejeter l’offre de Napoléon III.
Pourtant, quelques dizaines de personnalités juives « seulement », accédèrent à l’offre de Napoléon III et devinrent citoyens français.
La quasi-totalité, nous l’avons dit, se soumit à la pression du rabbinat qui refusa de renoncer au Code mosaïque à Alger. Se soumettant ainsi, insistons, à un troisième exil volontaire.
Il fallut attendre le Décret Crémieux du 24 octobre 1870 pour que les juifs d’Algérie, déjà nationaux français par la naissance, comme les musulmans, accédassent à la citoyenneté française par le moyen d’une loi.
D’un décret.
Le Sénatus-Consulte de Napoléon III s’illustre historiquement et à l’évidence pour les juifs d’Algérie, comme tout le contraire d’un exil imposé au peuple juif.
Ce fut en premier lieu, une constatation officielle de leur nationalité.
Celle de leur nationalité française.
Nationalité qui fut complétée en 1870 par leur accession à la citoyenneté française par le moyen d’un décret.
Ce Sénatus-Consulte ne fut en rien un exil imposé à nos concitoyens juifs d’Algérie.
Ce Sénatus-Consulte de Napoléon III en 1865 avait clairement offert aux juifs d’Algérie la possibilité d’accéder à la citoyenneté française.
Ils sont les uniques responsables d’avoir été astreints pendant 5 ans au statut restrictif de national français non citoyen, par un exil volontaire dans lequel ils avaient décidé, eux-mêmes, de persister. Jusqu’à leur intégration lors du Décret Crémieux de 1870.
Leur intégration dans la citoyenneté française.
Tout démontre aujourd’hui à quel point l’abandon de l’Algérie française n’a pas provoqué « le grand renouvellement » annoncé par De Gaulle. Celui-ci, instrument occasionnel du capitalisme financier, a cru trouver dans la défaite française d’Algérie du 19 mars 1962, le moyen d’un accomplissement « génial » qui allait établir et pérenniser sa gloire.
En réalité il ne fit que se ranger, en subalterne, aux perspectives opérationnelles d’un capitalisme financier, riches de projets économiques espérés fructueux à court terme.
Il n’a pas répugné à se rallier, ou plutôt à se soumettre à la volonté de ceux, « les pompidoliens », qui ne reconnaissent comme doctrine, comme base politique et philosophique de leur action, que la valeur ajoutée des investissements.
En 1960, Valéry Giscard d’Estaing avait déclaré à l’écrivain Jacques Laurent : « la France n’a aucun intérêt économique à rester en Algérie ».
C’est une citation que je fais de mémoire, elle est donc approximative peut-être. L’Algérie ne rapportait pas assez selon ces théoriciens.
Pour cette raison « majeure » il fallait assassiner l’Algérie française et éventuellement prendre le risque d’un génocide du peuple pied-noir.
Giscard confirmait dans cette formulation ce que Jacques Marseille écrivit plus tard dans sa thèse de doctorat d’Etat et que j’ai souvent citée :
« Tout semble s’être passé comme si le capital financier avait dû attendre la décolonisation pour effectuer sa percée ».
La percée du capital financier s’est peut-être effectuée grâce à la décolonisation. Au bénéficie de qui ? Au bénéfice de quoi ?
Certainement pas au bénéfice économique et humain des peuples africains décolonisés.
Ni au bénéfice des peuples européens officiellement et théoriquement délivrés de la charge des peuples africains.
Ce fut une banale opération de gangsters, de piraterie, mise en oeuvre par ceux qui avaient jugé urgent de s’affranchir de la charge sanitaire, sociale et humaine, évidemment très coûteuse des peuples dits coloniaux.
La décolonisation s’identifie à une désertion mise en oeuvre par des potentats financiers, qui ont camouflé la finalité financière et capitaliste de leur action, derrière une expression socialiste.
Derrière un comportement dit « de gauche ».
Un comportement de libérateur !
La colonisation ne fut pas parfaite. C’est vrai.
Mais la décolonisation s’illustre historiquement comme un crime contre l’humanité dont les conséquences révolutionnaires africaines, médio-orientales, américaines et européennes s’annoncent dans un avenir relativement proche, par des drames dont on ne mesure pas encore la dimension apocalyptique… possible.
Le 13 novembre 2015 à Paris et Saint-Denis, nous avons pu apprécier les drames avant-coureurs des conséquences de la défaite consentie à Evian en 1962 par le général De Gaulle.
Jean-Claude PEREZ
Fait à Nice
Le 2 mars 2016
En prévision
: le chapitre X de ce cycle d’études, intitulé «DOUBLE FAUX EXIL DES JUIFS
D’ALGERIE», vous sera proposé dans la première quinzaine d'avril.