Quand la repentance traque le patrimoine national

   « Derrière le masque de la beauté, la question des restitutions invite à mettre le doigt au coeur d'un système d'appropriation et d'aliénation, le système colonial, dont certains musées européens, sont aujourd'hui les archivistes ». Ainsi débute le rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain commandé par Emmanuel Macron à l'historienne de l'art Bénédicte Savoy et à l'universitaire sénégalais Felwine Sarr.

   Tout à son plaisir de plaire aux chefs d'États africains, Emmanuel Macron avait en effet, en novembre 2017, ouvert la boite de Pandore en évoquant à Ouagadougou, sa volonté d'œuvrer pour que d'ici 5 ans, soient réunies les conditions de restitution à l'Afrique du patrimoine africain « présent » dans les musées français.

   Dans le sillage d'une pensée repentante qui considère qu'il s'agit la d'un moyen pour l'Europe de réparer la faute commise envers ses anciennes colonies, les auteurs du rapport n'y sont pas allés de main morte. Ainsi est-il suggéré de restituer de manière définitive les objets saisis dans certains contextes militaires avant 1899, mais aussi le fruit des missions scientifiques ou même les dons des agents de l'administration coloniale ou de leurs descendants.

   Ce ne sont pas moins de 46 000 objets entrés dans les collections de musées français pendant la période coloniale qui pourraient être restitués à des pays africains qui n'apportent, pour la plupart, aucune garantie ni de préservation scientifique ni de probité liée à un éventuel trafic d'œuvres d'art.

   Mais après tout, les auteurs militants de ce rapport considèrent que la demande présidentielle s'inscrit dans le droit fil des déclarations d'Emmanuel Macron, assimilant la colonisation à un crime contre l'humanité.

   Alors pourquoi retenir sa plume? d'autant plus que le même Emmanuel Macron avait estimé que le patrimoine africain « ne pouvait plus être prisonnier de musées européens ».

   Bien évidemment, les esprits éclairés auront conscience qu'entrebailler la porte incitera, à terme la Grèce, l'Egypte, le continent asiatique, à réclamer à leur tour le bénéfice de ces restitutions. De quoi vider nos musées au nom d'une repentance aveugle.

   D'ores et déjà, des bruits du côté d'Alger laissent entendre que le pays pourrait réclamer des centaines d'objets appartenant, soi-disant, au patrimoine mémoriel de l'Algérie, au premier rang desquels le mythique canon « Baba Merzoug », plus communément appelé « la Consulaire ».

   Monsieur Macron plutôt que d'être le « bradeur » du patrimoine national pourrait faire œuvre utile en demandant à l'Algérie de nous restituer les 157 tableaux et les 136 dessins signés Degas, Matisse, Sisley Monet, Renoir, Pissaro, Gauguin laissés par la France au musée des Beaux-Arts d'Alger, et qui n'appartiennent en rien, chacun pourra le comprendre, au patrimoine algérien. Mais là, c'est une autre histoire.

Thierry Rolando
président national du Cercle algérianiste

Mis en page le 27/12/2018