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Monsieur le Président de la
République
55, rue du faubourg Saint-Honoré
75008 Paris |
Monsieur le Président,
Du 19 au 20 décembre prochain, vous effectuerez votre premier
voyage officiel en Algérie. Les Français d’Algérie seront, vous vous en doutez,
particulièrement attentifs aux gestes que vous accomplirez, aux paroles que
vous prononcerez.
L’amitié avec l’Algérie ne se décrète pas, elle ne dépend pas d’un
quelconque traité entre les deux Etats. Elle repose avant tout sur la
réciprocité et dans le champ mémoriel de l’histoire de la présence française en
Algérie, il est indispensable que toutes les souffrances et tous les drames
soient reconnus.
Nous attendons, Monsieur le Président, de vous du courage pour ne
pas tomber dans le piège d’une repentance que vous avez malheureusement
commencé à amorcer par vos reconnaissances des journées du 17 octobre 1961 et
du 19 mars 1962, sans que les victimes Pieds-Noirs et
Harkis ne fassent l’objet d’un mot de compassion de votre part.
Ce courage doit vous amener à exiger de l’Algérie qu’elle accomplisse,
aussi, son chemin de vérité, qu’elle fasse, pour l’histoire mais aussi pour
elle-même, la lumière sur le massacre, dans des conditions indescriptibles, de plus
de 100 000 Harkis, sur l’enlèvement et l’assassinat de plusieurs milliers de
Français d’Algérie, hommes, femmes et enfants qui ont vécu le martyre.
L’histoire ne s’écrit pas en noir et blanc. Nous, nous voulons toute
l’histoire et rien que l’histoire, tant nous sommes convaincus qu’une société
qui prend des libertés avec certains faits historiques incontournables commet
une injustice fondamentale.
Nous vous demandons de ne pas céder à la facilité d’une repentance qui
consacrerait une injustice infligée aux dizaines de milliers de victimes,
Harkis et Pieds-Noirs, condamnées à une seconde mort
dans l’espace symbolique de la mémoire, ainsi qu’une forme de double peine à
notre pays, en lui imposant un passé qui n’est pas le sien et un avenir incertain,
car on ne construit rien de bon sur le mépris de soi-même.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la République,
l’expression de notre considération.
Thierry Rolando
Président national du
Cercle algérianiste