Discours de Robert Saucourt, Président de l'A.M.E.F .
lors de la cérémonie de présentation des vœux.

 

Aix-en-Provence, le18 janvier 2007

     

Madame le député-Maire,

C'est toujours avec plaisir que nous vous accueillons dans cette maison, et en ce début d'année je tiens à vous souhaiter au nom du Collectif des Rapatriés nos meilleurs vœux de réussite dans toutes vos entreprises, et de bonheur pour tout ce qui touche à vos proches.

L'année écoulée nous a apporté beaucoup de satisfactions dans les différentes manifestations organisées par les associations que ce soit des conférences ou des expositions et je citerai parmi celles-ci :

La première soirée des associations en septembre dernier, soirée festive qui a permis aux membres des différentes composantes de la maison de se retrouver.

Le concert de Jean-Pax Méfret organisé le 16 novembre en collaboration avec l'Union Nationale des Parachutistes et grâce à l'aide de la municipalité.

L'originale exposition de peinture de Shoïchi Hazegawa a permis de faire connaître la maison Maréchal Juin à environ 300 personnes qui n'étaient pas habituées à y venir.

Et pour clôturer l'année, le réveillon de la Saint Sylvestre fut, une soirée très conviviale, réunissant une centaine de participants qui ont joyeusement fêté le passage vers 2007.

Mais, pour nous, Français d'Afrique du Nord et plus particulièrement Français d'Algérie, cette année qui commence sera chargée de douloureux souvenirs. Ce sera tout d'abord celle marquant le 45ème anniversaire de l'exode, année noire dont nous nous souviendrons.

Nous nous souviendrons que le 23 mars 1962, les troupes françaises aux ordres du gouvernement ont attaqué à Alger le quartier de Bab el Oued avec leurs chars et leurs avions; que les gardes mobiles ont tué des femmes et des enfants innocents. Qu'ils ont saccagé, pillé, dévasté les appartements qu'ils étaient censés perquisitionner, que les blessés et les morts de ces journées ne pouvaient être évacués du quartier martyr. Je ne citerai pour mémoire qu'un nom, celui de Ghislaine Grès âgée de 10 ans, tuée sur son balcon, une dangereuse terroriste sans doute.

Nous nous souviendrons du 26 mars 1962 où, à Alger, rue d'Isly et devant la grande poste, les forces dites de l'ordre ont, sur ordre des plus hautes autorités militaires, ouvert le feu à bout portant sur une foule désarmée qui défilait derrière le drapeau tricolore en chantant la Marseillaise. Ce jour là sont tombés sur le pavé algérois 80 morts et 200 blessés, et contrairement à ce qu'affirment nos détracteurs, dont le ministre Mekachera, ce n'est pas l'OAS qui a tiré sur cette foule et je peux en porter témoignage, car ce jour-là j'étais place de la poste et j'ai vu, de mes yeux vu, à quelques mètres de moi, les tirailleurs ouvrir le feu sur la foule, tirer sur les ambulances qui tentaient de porter les premiers secours, achever des hommes et des femmes couchés sur le sol, et après la fusillade on pouvait lire dans leurs regards la satisfaction du devoir accompli, et ils ne savaient pas encore que l'autorité militaire leur donnerai son satisfecit pour ce travail si bien fait.

Nous nous souviendrons aussi que les morts de ce massacre ont été enlevés nuitamment de l'hôpital pour être enterrés à la sauvette sans la présence de leurs proches. Macabre cérémonie nocturne qui nous ramenait à l'époque de la terreur, mais n'était-ce pas là ce que le chef de l'Etat de l'époque souhaitait pour les populations françaises d'Algérie ?

Nous nous souviendrons qu'après le soi disant cessez le feu du 19 mars 1962 plusieurs milliers de Pieds-noirs et de Musulmans fidèles à la France ont été enlevés et tués par le FLN, que des hommes ont été envoyés dans des camps de l'intérieur pour servir d'esclaves aux nouveaux maîtres de l'Algérie, que des femmes ont été internées dans les bordels de l'ALN, sans que les autorités françaises essaient de les retrouver. Leur martyr qui commençait, durera sžrement plusieurs années, peut-être qu'aujourd'hui certains d'entre eux sont encore là-bas dans les goulags du FLN.

Nous nous souviendrons qu'après cette date de la honte du 19 mars, 150 000 harkis ont été massacrés, torturés sans que le gouvernement tente de les sauver, préférant les désarmer pour mieux les offrir à la vengeance de l'ALN et des résistants de la dernière heure. On ne leur a même pas laissé le choix de finir les armes à la main, ce qui leur aurait au moins permis d'avoir une fin digne de leur engagement.

Nous nous souviendrons encore que le 7 juin 1962 près de Paris, au lieu dit le Trou d'Enfer furent fusillés sur ordre des magistrats aux ordres de l'Elysée, le Pied-noir de Castiglione Claude Piegts et le sergent légionnaire parachutiste Albert Dovecar.

Nous nous souviendrons de tous ces Français d'Algérie qui en ce début du mois de juillet 1962 rejoignaient celle qu'ils croyaient malgré tout être la Mère Patrie, une Patrie bien ingrate et parfois peu désireuse de les voir s'installer chez elle, qui avait oublié que 18 ans auparavant ces Pieds-noirs et ces Français musulmans l'avait délivrée de l'oppression nazie. Les combattants de l'époque, frères d'armes de toutes confessions, tous indigènes du Maroc, de la Tunisie et de l'Algérie française, n'attendaient pas que l'on fasse des films pour dire ce qu'ils avaient fait. Ils l'avaient fait uniquement parce qu'ils aimaient la France et n'avaient besoin d'aucun festival pour faire leur devoir.

Nous nous souviendrons qu'une majorité de français de métropole partaient en vacances la joie au cțur sans voir sur les bancs des villes du sud de la France cette foule désemparée qui pour un temps avait cessé de se battre, et que le maire de Marseille voulait envoyer se réadapter ailleurs. Alors que là-bas, à Oran, le 5 juillet, 3000 de nos compatriotes se faisaient massacrer sans que l'armée française encore présente n'intervienne pour les sauver. Tout simplement parce que le gouvernement l'avait interdit, parce que la vengeance du locataire de l'Elysée était terrible et que ceux qui avaient osé s'opposer à lui devaient payer, même au prix de leur vie.

C'est pour cela que le 6 juillet 1962 un officier au courage et au dévouement exemplaires fut assassiné dans les fossés de la République. Et quand je dis assassiné, je pèse mes mots. Car comment qualifier la mort d'un homme qui ne fut atteint que par une seule balle du peloton, et massacré par six coups de grâce. Cet homme, ce soldat s'appelait Roger Degueldre. Il était lieutenant mais pour certains d'entre nous il sera pour toujours Delta.

Mais nous nous souviendrons aussi de tous ces métropolitains qui comprenant notre désarroi et notre douleur, nous ont tendu une main charitable, nous ont aidé à relever la tête, à avancer, à nous rebâtir sur cette terre de France sans pour cela oublier notre passé et nos provinces perdues.

Voilà, ce dont nous allons nous souvenir tout au long de cette année au cours de laquelle nous organiserons des manifestations pour montrer nos réussites et nos espoirs. Mais que l'on ne s'y trompe pas, cette année noire de 1962 a forgé notre volonté de continuer à résister et à nous opposer à tous ceux qui tenteront de falsifier notre Histoire. Que ceux-là sachent que nous ne ferons jamais repentance de notre Résistance, que notre Mémoire et notre Honneur qui nous ont guidés tout au long de ces 45 années d'exil seront à jamais la raison d'être de nos engagements.

Mis en page le 24/01/2007 par RP