Chaire Algérianiste

Le Carrefour Universitaire Méditerranéen de Nice est en France l'endroit privilégié où débattre du passé et de l'avenir. Le C.U.M a en effet été fondé en 1933 par Paul Valéry qui avait exprimé son admiration profonde dans son cours au Collège de France, en ces termes " Milieu qui attire, fixe et modifie l'homme..., action qui s'exerce à une profondeur inconnue".

Les Algérianistes ont été les témoins du rôle éminent joué par l'instruction, la coopération, la recherche du progrès durant plus d'un siècle de cohabitation Franco-Africaine. La mémoire de ce passé est une réalité. Cette foi Algérianiste est autre chose qu'un comportement matérialiste, elle est fondée sur des motivations ("Valoriser une population, c'est développer son Histoire avec raison et passion") pour exprimer l'oeuvre civilisatrice de la France.

 

 


Samedi 24 avril 2004, au Séminaire.

Abd el Kader

1808-1883

Abd el kader est né en 1808 (1223 de l’Hégire) de Mahi Eddin chef de zaouia et de Zohra. Il est Chérif (un arbre généalogique le dit descendant de Fatma). Il épouse sa cousine germaine. C’est dans la zaouia paternelle que le fils préféré de Mahi Eddin étudie le Coran, la théologie avec assiduité puis avec passion. Sa vive intelligence s’exalte à l’étude du livre sacré, dans la prière et la foi.

Son portrait : Taille moyenne, un visage pâle aux traits fins, souligné d’une barbe noire, de grands yeux bleus, impassibles pénétrant d’un seul coup le fond des consciences ; un front large, marqué entre les sourcils par un minuscule tatouage des Hachems (tribu à laquelle appartient sa famille originaire dit-on de Médine). C’est un mélange d’énergie guerrière et d’ascétisme religieux. Il a la parole brève et rapide. Son seul luxe : les belles armes et les chevaux.

Sa vie est réglementée par sa foi : sobriété, abstinence, les cinq prières de la journée ; le petit chapelet noir dans la main droite qu’il égrène.

"  Prince des croyants " il va se lancer dans la Guerre Sainte " Djihad " contre l’infidèle chrétien (en l’occurrence les français) pour libérer l’Algérie : infatigable, avec une énergie farouche, il va arpenter le territoire jusqu’à l’hallali final.

Les guerres :

Une première campagne se termine le 28 juin 1835 par le désastreux (pour les français) combat de la Makta où les arabes restent maîtres du champ de bataille.

Puis le Général Bugeaud, victorieux sur les bords de la Sikka, signe le fameux traité de la Tafna (30 mai 1837) qui consacre la domination d’Abd el Kader sur toute l’Algérie (laissant aux français, Alger et une étroite bande littorale)

Ses immenses territoires l’Emir les divise en provinces gouvernées par des Khalifas, subdivisées en aghaliks, et groupées en tribus obéissant à des caïds, chefs responsables chargés de maintenir l’ordre et de percevoir les impôts.

Véritable Sultan, il sillonne l’Algérie pour asseoir son pouvoir, construit, fortifie… " La paix avec les infidèles est une trêve pendant laquelle on doit se préparer à la guerre " dit-il. C’est l’époque où Léon Roches (1837-1839) devient son secrétaire et son ami.

28 octobre 1839 : passage des " Portes de Fer "  par l’armée française, estimant le traité rompu par la France, l’Emir envahit la Mitidja, massacre les colons,.. il déclare la Guerre Sainte ; c’est une flambée de violences contre nos troupes et contre les tribus alliées.

Craignant un embrasement général, le Gouverneur Général rappelle Bugeaud.

22 février 1841 : le Général Bugeaud revient en Algérie, ses idées ont changé. Il va faire la guerre comme Abd el Kader, avec des équipements plus légers, une mobilité continuelle, quelques points de ravitaillements aux endroits stratégiques.

C’est la politique de la terre brûlée : razzias, incendies, attaques surprises par des corps d’armée qui quadrillent le territoire. Les places fortes de l’Emir sont rasées ou saccagées, les tribus insoumises châtiées.

Reste à Abd el Kader une ville " mobile " aux maisons de toile : la Smala (environ 60 000 personnes, 7 000 tentes, quelques milliers de bêtes).

C’est une capitale nomade composée de quatre enceintes circulaires concentriques groupées autour de la tente de l’Emir.

Mais le 23 mai 1843, le Duc d’Aumale prend la Smala près de Tagguin (3 000 prisonniers plus des troupeaux). Abd el Kader est parti chercher l’appui du Sultan du Maroc. Il se réfugie à plusieurs reprises sur le territoire marocain pour échapper à l’armée française.

C’est alors que le Général Bugeaud se rapproche de la frontière et défait l’armée marocaine sur l’Isly (14 août 1844) malgré un rapport de force inégal (6 500 français contre 45 000 marocains)

Lâché par le Maroc, abandonné de tous, le 23 décembre 1847 Abd el Kader demande l’aman au Général Lamoricière. Son souhait : partir à Alexandrie en Orient.

L'après guerre

Le gouvernement français tergiverse : l’interne à Toulon, puis au château de Pau, enfin à Amboise avec tous les siens. La captivité et le climat humide altèrent sa santé. Lui reste, résigné, force l’admiration de tous.

16 octobre 1852 : Louis Napoléon libère l’Emir.

21 décembre 1852 : il part pour Brousse (Turquie) d’abord, puis pour Damas (1855) où il se fixe définitivement.

9 juillet 1860 : émeute en Syrie. Les Druzes massacrent les chrétiens. Abd el Kader s’interpose, sauve 12 000 chrétiens de la mort.

En reconnaissance Napoléon III le fait Grand Croix de la Légion d’Honneur et augmente sa pension (150 000 frs).

Abd el Kader est devenu un religieux accompli. Passe toutes ses journées en prières et méditations.

En juin 1864 il est reçu franc-maçon par la loge des Pyramides

Il décède dans la nuit du 25 au 26 mai 1883.

Léon Roches a dit :  

" Quand il prie, c’est un ascète.
Quand il commande c’est un souverain.
Au combat, c’est un soldat. "

Bibliographie : N. Faucon - L. Roches – Général Azan.




   Le conférencier

Professeur Fernand DESTAING


Elève au lycée d'Alger et contemporain d'Albert CAMUS, Fernand DESTAING est l'auteur de près de deux cents publications médicales et d'un livre sur les antibiotiques.

Professeur de maladies infectieuses et tropicales à Alger puis à Dijon, Fernand DESTAING a créé une deuxième activité de Médecine et Histoire sur les thèmes de la souffrance, la maladie et la mort des personnages célèbres. D'où un nouveau module universitaire, une trentaine de publications, une vingtaine de thèses et cinq livres sur la fin des hommes illustres, ces maladies qui ont changé le monde, la souffrance et le génie, le pouvoir et la folie et le crépuscule des princes.

Conférencier au Cercle Algérianiste de Nice, il est actuellement Président de la Chaire Algérianiste et vient de terminer son livre sur L'Algérie heureuse