lundi 10 octobre 2005, au C.U.M.
CAMUS
" La chute "
Une nuit de novembre, J.B. Clamence, traversant
un pont de la Seine, entend le cri d'une femme qu'il vient de dépasser
et qui se noie. Il ne fait rien pour la sauver. C'est trop tard, trop
loin, trop froid.
Cette chute est la métaphore de celle de
cet avocat, brillant, complaisant et modeste à l'excès.
Il se retire dans un bar à matelots d'Amsterdam où il
devient juge-pénitent.
Inspiré des Possèdés de Dostoïevski
et du Requiem pour une Norme de Faulkner, ce monologue de 170 pages
consacre la rupture d'Albert Camus avec Jean Paul Sartre commencée
avec l'Homme Révolté ou Camus refusait le collectivisme
révolutionnaire.
Gallimard
publie LA CHUTE D'ALBERT CAMUS EN 1956. CAMUS vient de rendre sa carte
au Parti Communiste et de rompre avec Jean-Paul Sartre qu'il juge
trop complaisant à l'égard de l'Union Soviétique.
La Chute, apparaît comme un livre
à part dans l'Ïuvre de Camus. Une rupture. Il n'a cessé
de poser un problème à ses lecteurs, d'autant plus qu'au
même moment, le style de l'écrivain semblait atteindre
un point de perfection. Jamais Camus n'avait si bien écrit.
C'est un pur joyau, nous dit le professeur Destaing. Un des
rares ouvrages de Camus qui ne se déroule ni fait référence
à l'Algérie. La CHUTE n'est ni un récit, ni un
pamphlet, ni un roman, ni une pièce de théâtre.
C'est un long dialogue intérieur, un soliloque. Un dialogue
sans interlocuteur, procédé narratif déjà
employé par Victor Hugo dans « Le dernier jour d'un
condamné » et par Dostoïevski dans « Le
sous-sol ». Il décoche cependant des flèches
à ses confrères parisiens, à ses chers compatriotes.
Ce ne sont pas les collègues avocats de l'avocat Clamence qui
sont visés mais ceux de Camus, les intellectuels parisiens,
bien que l'auteur ait supprimé de son texte définitif
tous les sarcasmes qu'il dirigeait contre les intellectuels de gauche.
Comme dans « Le sous-sol » un homme s'accuse
et règle son compte au reste du genre humain.
Clamence, réfugié
dans ce tripot du port d'Amsterdam, Mexico-City, se baptise Juge-pénitent,
qui, comme les existentialistes s'accusaient eux-mêmes pour
mieux accuser les autres. Il attend des auditeurs complaisants et
s'il fait son propre procès, il le fait pour mieux juger les
autres. Il se juge coupable, lâche et misérable, lui
l'ancien brillant avocat qui donnait des leçons à ses
adversaires dans le prétoire. Car, en fait, nous sommes tous
lâches et misérables. L'homme a ainsi deux faces :
il ne peut aimer sans s'aimer.
Alors que dans « l'Etranger »,
Meursault se juge parfaitement innocent, Clamence dans « La
Chute » se juge entièrement coupable.
Accessoirement
La Chute est un véritable traité de donjuanisme quand
Clamence parle des femmes. Camus-Clamence a toujours réussi
avec les femmes sans grands efforts. Ils n'ont pas réussi à
les rendre heureuses ou à se rendre heureux avec elles. On,
ils ont réussi tout simplement.
Nombreux
critiques se sont aussi demandé si la Chute n'était
pas pour Camus un retour au dogme de l'Eglise. Pour Clamence le Christ
est si humain qu'il est comme tous les hommes pas totalement innocent.
Le Christ ne se sent il pas coupable de tous les enfants de Judée
massacrés quand ses parents tentaient de le mettre à
l'abri ?