Chaire Algérianiste

Le Carrefour Universitaire Méditerranéen de Nice est en France l'endroit privilégié où débattre du passé et de l'avenir. Le C.U.M a en effet été fondé en 1933 par Paul Valéry qui avait exprimé son admiration profonde dans son cours au Collège de France, en ces termes " Milieu qui attire, fixe et modifie l'homme..., action qui s'exerce à une profondeur inconnue".

Les Algérianistes ont été les témoins du rôle éminent joué par l'instruction, la coopération, la recherche du progrès durant plus d'un siècle de cohabitation Franco-Africaine. La mémoire de ce passé est une réalité. Cette foi Algérianiste est autre chose qu'un comportement matérialiste, elle est fondée sur des motivations ("Valoriser une population, c'est développer son Histoire avec raison et passion") pour exprimer l'oeuvre civilisatrice de la France.

 

 


lundi 10 octobre 2005, au C.U.M.


CAMUS " La chute "

Une nuit de novembre, J.B. Clamence, traversant un pont de la Seine, entend le cri d'une femme qu'il vient de dépasser et qui se noie. Il ne fait rien pour la sauver. C'est trop tard, trop loin, trop froid.

Cette chute est la métaphore de celle de cet avocat, brillant, complaisant et modeste à l'excès. Il se retire dans un bar à matelots d'Amsterdam où il devient juge-pénitent.

Inspiré des Possèdés de Dostoïevski et du Requiem pour une Norme de Faulkner, ce monologue de 170 pages consacre la rupture d'Albert Camus avec Jean Paul Sartre commencée avec l'Homme Révolté ou Camus refusait le collectivisme révolutionnaire.


Gallimard publie LA CHUTE D'ALBERT CAMUS EN 1956. CAMUS vient de rendre sa carte au Parti Communiste et de rompre avec Jean-Paul Sartre qu'il juge trop complaisant à l'égard de l'Union Soviétique.

La Chute, apparaît comme un livre à part dans l'Ïuvre de Camus. Une rupture. Il n'a cessé de poser un problème à ses lecteurs, d'autant plus qu'au même moment, le style de l'écrivain semblait atteindre un point de perfection. Jamais Camus n'avait si bien écrit. C'est un pur joyau, nous dit le professeur Destaing.  Un des rares ouvrages de Camus qui ne se déroule ni fait référence à l'Algérie. La CHUTE n'est ni un récit, ni un pamphlet, ni un roman, ni une pièce de théâtre. C'est un long dialogue intérieur, un soliloque. Un dialogue sans interlocuteur, procédé narratif déjà employé par Victor Hugo dans « Le dernier jour d'un condamné » et par Dostoïevski dans « Le sous-sol ».  Il décoche cependant des flèches à ses confrères parisiens, à ses chers compatriotes. Ce ne sont pas les collègues avocats de l'avocat Clamence qui sont visés mais ceux de Camus, les intellectuels parisiens, bien que l'auteur ait supprimé de son texte définitif tous les sarcasmes qu'il dirigeait contre les intellectuels de gauche. Comme dans « Le sous-sol » un homme s'accuse et règle son compte au reste du genre humain.

Clamence, réfugié dans ce tripot du port d'Amsterdam, Mexico-City, se baptise Juge-pénitent, qui, comme les existentialistes s'accusaient eux-mêmes pour mieux accuser les autres. Il attend des auditeurs complaisants et s'il fait son propre procès, il le fait pour mieux juger les autres. Il se juge coupable, lâche et misérable, lui l'ancien brillant avocat qui donnait des leçons à ses adversaires dans le prétoire. Car, en fait, nous sommes tous lâches et misérables. L'homme a ainsi deux faces : il ne peut aimer sans s'aimer.

Alors que dans « l'Etranger », Meursault se juge parfaitement innocent, Clamence dans « La Chute » se juge entièrement coupable.

Accessoirement La Chute est un véritable traité de donjuanisme quand Clamence parle des femmes. Camus-Clamence a toujours réussi avec les femmes sans grands efforts. Ils n'ont pas réussi à les rendre heureuses ou à se rendre heureux avec elles. On, ils ont réussi tout simplement.

Nombreux critiques se sont aussi demandé si la Chute n'était pas pour Camus un retour au dogme de l'Eglise. Pour Clamence le Christ est si humain qu'il est comme tous les hommes pas totalement innocent. Le Christ ne se sent il pas coupable de tous les enfants de Judée massacrés quand ses parents tentaient de le mettre à l'abri ?

 



   Le conférencier

Professeur Fernand DESTAING


Elève au lycée d'Alger et contemporain d'Albert CAMUS, Fernand DESTAING est l'auteur de près de deux cents publications médicales et d'un livre sur les antibiotiques.

Professeur de maladies infectieuses et tropicales à Alger puis à Dijon, Fernand DESTAING a créé une deuxième activité de Médecine et Histoire sur les thèmes de la souffrance, la maladie et la mort des personnages célèbres. D'où un nouveau module universitaire, une trentaine de publications, une vingtaine de thèses et cinq livres sur la fin des hommes illustres, ces maladies qui ont changé le monde, la souffrance et le génie, le pouvoir et la folie et le crépuscule des princes.

Conférencier au Cercle Algérianiste de Nice, il est actuellement Président de la Chaire Algérianiste et vient de terminer son livre sur L'Algérie heureuse