Hommage aux "morts pour la France"
pendant la guerre d'Algérie et les combats
du Maroc et de la Tunisie .
Intervention
de M. Hubert Falco Secrétaire d'Etat à
la Défense et aux Anciens Combattants
Samedi 5 décembre 2009
Monument aux morts du Quai Branly
PARIS
Je suis venu aujourd'hui rendre l'hommage de la République
aux 25 000 soldats français tombés pendant la guerre
d'Algérie, les combats du Maroc et de la Tunisie.
Appelés du contingent, militaires, harkis, membres des
forces supplétives, ils ont répondu à l'appel
de la Nation.
Ils ont servi la France à l'un des moments les plus douloureux
de son histoire.
Quand tout semblait vaciller, quand le pays semblait succomber
aux pires divisions et aux troubles les plus graves, quand la
République elle-même semblait défaillir, ils
ont tenu.
Nous n'oublions pas leur sacrifice, nous n'oublions pas leur
mémoire. Nous voulons que plus jamais un tel conflit ne
puisse se reproduire. Nous voulons poursuivre l'țuvre de réconciliation
des mémoires, nous voulons construire un avenir de paix,
de compréhension, de confiance et d'amitié avec
nos voisins du Sud de la méditerranée.
Je suis venu aujourd'hui dire la reconnaissance de la République
à tous les anciens combattants d'Afrique du Nord.
De 1952 à 1962, ils ont été plus d'un million
et demi venus de toutes les régions de France et appelés
à servir par-delà la Méditerranée,
sur cette terre, si belle et si proche, qui resterait à
jamais gravée dans leur cțur et leur mémoire.
Ils y ont appris le devoir, le courage, la fraternité
des armes. Ils ont appris combien être français exigeait
de sacrifice. Ils ont vu leurs camarades tomber.
Dans le bled, le désert ou le djebel, ils ont traversé
les plus terribles épreuves, celles qui vous marquent à
jamais et font de vous des hommes.
Je veux leur dire, aujourd'hui, à tous, notre respect
et notre reconnaissance.
Je suis venu, aussi, rendre l'hommage de la Nation à la
mémoire des civils français tombés pendant
la guerre d'Algérie.
Ils aimaient la France et ils aimaient cette terre algérienne
à laquelle ils avaient, depuis des générations,
tant donné : leur travail, leur joie et leur peine, leur
vie toute entière.
Le président de la République l'a dit avant moi
: oui, le système colonial était injuste par nature.
Mais nous n'oublions pas tous ces Français d'Algérie
qui ont donné le meilleur d'eux-mêmes : ils ont soigné,
ils ont éduqué, ils ont cultivé la terre,
ils ont construit et modelé l'Algérie contemporaine.
Non, l'immense majorité d'entre eux n'était pas
des colons arrogants. C'étaient des braves gens !
Je suis venu, enfin, dire, aux harkis et aux rapatriés,
qu'en ce jour où la France commémore les victimes
de la guerre d'Algérie nous nous souvenons de ce que fut
leur tragédie. Nous savons qu'elle ne s'arrêta pas
le jour du cessez-le-feu, mais qu'elle se poursuivit, avec combien
de douleurs et, parfois, d'horreurs.
Ils durent tout quitter : les paysages qui les avaient vus grandir,
les maisons qu'ils avaient construites, tout ce qu'ils aimaient
et dont ils seraient, désormais, privés.
Ils ont droit au respect.
Mais le respect et la reconnaissance ne se satisfont pas de mots.
Il leur faut des preuves. C'est pourquoi, avec le président
de la République et le Premier ministre, nous avons choisi
de traduire la reconnaissance du pays en décisions et en
actions.
La première, c'est la création effective de la
Fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie.
Cette fondation est destinée à mener à bien
le travail de réconciliation des mémoires en particulier
entre la France et l'Algérie. Elle recueillera la parole
de tous ceux qui ont été impliqués dans cette
période sombre de l'histoire. C'est un long travail qui
s'ouvre dès aujourd'hui. Un travail pour honorer la mémoire
de tous ceux qui ont souffert, un travail pour l'avenir.
Parce qu'un peuple qui n'a pas de mémoire, un peuple qui
ne regarde pas son passé avec le regard exigeant de la
vérité, c'est un peuple qui se ment sur lui-même,
sur ce qu'il est, c'est un peuple sans avenir.
La seconde décision que nous avons prise, c'est de ne
plus permettre que les harkis puissent être insultés,
aujourd'hui, en 2009, dans notre pays, sans que les tribunaux
ne puissent intervenir. Ils bénéficieront de la
même protection face aux insultes que d'autres groupes sociaux.
Eux aussi doivent pouvoir se défendre par le droit contre
la haine, le racisme et le mépris, comme des faits récents
l'ont montré.
Les harkis, notre pays en est fier. Ils ont tout donné,
ils ont tout quitté, parce qu'ils avaient fait le choix
de notre pays.
Et si l'on veut savoir aujourd'hui ce qu'est l'identité
nationale, alors écoutons les harkis. Leur histoire nous
dit : être français, c'est choisir la France et l'aimer
par-dessus tout.
Enfin, nous avons décidé d'inscrire sur la colonne
centrale du monument national du quai Branly le nom des civils
français, victimes innocentes de la guerre d'Algérie.
Les premiers noms seront ceux des femmes et des hommes tués
lors de la tragédie de la rue d'Isly. Puis, nous instruirons,
avec méthode, au fur et à mesure des demandes, l'inscription
des noms de toutes les victimes civiles innocentes de cette guerre.
Ainsi, sur ce monument, la nation rendra hommage à ses
soldats, comme aux Français morts rue d'Isly à Alger
le 26 mars 1962 et à tous nos compatriotes, victimes civiles
de la guerre d'Algérie.
Nous le devons aux familles des victimes. Nous le devons à
ces femmes et à ces hommes, morts parce qu'ils n'avaient
qu'un seul rêve et un seul espoir : continuer à vivre
là où ils étaient nés.
La guerre d'Algérie fut une guerre terrible. Elle a eu
ses morts, civils et militaires, dont nous honorons aujourd'hui
le souvenir. Elle a eu ses blessés. Elle a causé
d'immenses souffrances, chez les Français et chez les Algériens.
Elle a laissé, dans notre mémoire nationale, des
cicatrices profondes.
Aujourd'hui, ce que nous voulons, c'est construire
un avenir meilleur, de paix définitive, de compréhension
et d'amitié entre les deux peuples.
N'oublions pas ce que fut la guerre d'Algérie. Non pas
pour raviver les plaies d'un passé douloureux, mais pour
construire une mémoire réconciliée, une mémoire
sereine, une mémoire apaisée.