Les Disparus

 

Ils étaient innocents, et ils ne savaient pas

Qu'au détour du chemin l'horreur les attendait.

Ils étaient innocents, mais firent encore ce pas,

Ultime coup de dé.

Ils étaient innocents, et furent sacrifiés,

Sur l'autel souillé de la raison d'Etat,

Ravis par les barbares, auxquels ils furent confiés,

Comme des renégats.

Ils furent tous enlevés sous les yeux de la France,

Qui ne voulut rien voir, lorsqu'ils furent happés,

Emmenés en troupeau, ils n'eurent pas la chance,

De pouvoir s'échapper.

Certains furent égorgés, crochetés à des esses,

Jetés en fosses communes et brulés à la chaux,

D'autres, comme des esclaves, furent promenés en laisse

Par d'infâmes bourreaux.

Ils furent saignés à blanc par des moudjahidines

Immondes assassins, sans pitié ni honneur,

Ils furent expédiés sur des grands champs de mines

Sonnant leur dernière heure.

Elles furent violentées et traitées en putains,

Jetées dans des bordels pour soudards affamés,

Réduites en servitude, comme des filles de rien,

Ces femmes tant aimées.

Elles étaient des jeunes filles, des épouses, et des mères

Elles étaient plus que tout des créatures de Dieu.

Ils leur ont refusé la paix des cimetières,

Ces lâches reitres odieux.

Ils furent plus de trois mille, enlevés au hasard,

Subissant la torture, avant de trépasser,

Victimes aléatoires, à l'instant du départ,

Fuyant notre passé.

Ils furent plus de trois mille, ignorés du pouvoir,

Tous, victimes du traître et ses sbires serviles.

Croupissant dans des camps, que ne voulaient pas voir

Des félons aussi vils

Ils furent plus de trois mille propulsés en enfer,

Sans l'ombre d'un espoir de retrouver la vie,

Appelant de leurs voeux une fin mortifère,

Devenue seule envie.

On les abandonna aux mains de charognards,

Bestial ramassis de hordes sanguinaires,

A qui, sans état d'âme, on confia les poignards

Qui trouèrent leurs chairs.

Ils étaient innocents et furent abandonnés,

La nation toute entière détourna son regard,

De ses fils méritants, qui avaient tant donné,

A ce pays avare.


Février 2008

Jean-Pierre Méneroud