Lettre
ouverte au directeur de France 3
J'ai regardé hier au soir,
mercredi 3 décembre, votre émission « Droit
d'inventaire » présentée par Marie Drucker
et plus particulièrement la séquence consacrée
à la guerre d'Algérie, guerre à laquelle
j'ai participé.
Après « Les porteuses
de feu », véritable apologie du terrorisme,
ma conclusion est que ce n'est pas encore cette fois-ci que nous
avons quelque chose de véritablement objectif présenté
sur une chaine de télévision française.
Comme toujours, les images et les
intervenants sont particulièrement choisis : antimilitaristes,
hommes de gauche pour lesquels la torture Ð côté
Armée française, bien sûr - se banalise (« certains
y prenaient même du plaisir »), avec « des
hommes privés d'idéal » ( ?) qui
ne sont pas fiers de cette période, etc.
Certes c'est un point de vue, mais je peux vous
dire que d'autres appelés Ð nombreux Ð sont fiers de ce qu'ils
ont accompli en Algérie :
-fiers d'avoir construit des routes, des ponts,
des écoles, des dispensaires ;
-fiers d'avoir appris à lire et à compter à des
milliers de petits écoliers ;
-fiers d'avoir apporté des soins à ceux qui en
avaient besoin : femmes, enfants, vieillards ;
-fiers d'avoir protégés Français de souche nord-africaine
et Français de souche européenne des exactions du FLN ;
-et fiers aussi d'avoir gagné la guerre militairement,
sans pour cela être des tortionnaires.
Personnellement, vous l'aurez compris,
je suis de ceux qui sont fiers de leur passage en Algérie.
Officier de réserve, j'y suis resté quelque quatre
années et j'ai appris à aimer ce pays et ses habitants,
tous ses habitants. Et face à tout ce qui se dit ou s'écrit
à propos de la guerre d'Algérie, j'ai même
souhaité témoigner en écrivant deux ouvrages
(*).
Je peux dire que la torture n'est
pas l'apanage de l'Armée française et elle ne l'a
généralement employée que pour faire avouer
où se cachaient des bombes, ou encore où se préparaient
des attentats ou embuscades, sauvant ainsi de nombreuses vies
et le plus souvent de civils, où les femmes et les enfants
n'étaient pas épargnés. L'émission
n'a pas trop insisté, en revanche, sur les tortures des
hommes de l'ALN qui, par exemple, enterraient vivantes leurs victimes
en plein soleil avec du miel sur la figure laquelle seule dépassait,
ou encore qui pratiquaient le supplice de l'hélicoptère
qui brûlait les bronches. Les gorges tranchées, les
ventres ouverts, les nez ou sexes coupés, les corps dépecés
ne sont, quant à eux, bien évidemment que de gentils
amusements. Harkis, musulmans francophiles et Pieds-noirs ont
pourtant payé un lourd tribut face à la sauvagerie
du FLN.
L'émission a mis en valeur
le rôle des femmes dans le conflit de 14-18, j'aurai de
la même façon aimé, par exemple, entendre
parler du rôle des EMSI, ces équipes médico-sociales
itinérantes composées de jeunes femmes de toutes
confessions, à la fois assistantes sociales, infirmières,
puéricultrices qui sillonnaient l'Algérie pour prodiguer
soins et conseils.
L'« inventaire »
de Mme Marie Drucker n'est donc qu'un inventaire bien léger
et partial de la guerre d'Algérie. C'est dommage, mais
peut-on s'attendre à autre chose dans une France décadente
et repentante, qui ne pense qu'à renier son passé,
qu'à battre sa coulpe et s'accuser de tous les « péchés
colonialistes » du monde ?
Je vous prie d'agréer, Monsieur
le Directeur, l'expression de mes salutations distinguées.
Roger SONCARRIEU
(*) auteur de « Ma vérité
sur la guerre d'Algérie » et « Guerre
d'Algérie : j'en ai assez » (Éditions
Dualpha) |