N°321 Mars-avril 2009

Éditorial : non au 19 mars !

Dans la contrariété et une douleur souvent tue, chacun peut constater une reprise des initiatives de communes, d'élus, et bien sûr de la FNACA (Fédération nationale des anciens combattants d'Algérie), visant à célébrer cette date infâme ; où, la France victorieuse sur le terrain a capitulé devant les représentants du FLN.

2008 : Le secrétaire d'état aux Anciens Combattants, Jean-Marie Bockel, s'est montré assez favorable à cette date qui, a-t-il dit, “doit garder toute sa place”. Notre ministre de l'éducation dite “nationale”, Xavier Darcos, a cru gagner les élections locales à Périgueux en inaugurant un lieu affublé de ce nom. Il y a quand même eu une justice : il a été battu !

2009 : En mars le maire de Valence va inaugurer une place du 19 mars. Il sait que le Cercle algérianiste va rassembler une manifestation de protestation, mais il maintient sa position pour, semble-t-il, “honorer une promesse de campagne”. Tiens donc ! C'est nouveau : un homme politique soucieux de tenir ses promesses électorales. Bien évidemment, nous ne sommes pas dupes... Dans l'édition Pays Basque du journal Sud-Ouest du 17 janvier 2009, le journaliste invité (c'est curieux, ils ne répondent presque jamais à nos invitations !) rapporte que “la FNACA reste fidèle au 19 mars qui marque le cessez-le-feu en Algérie... etc.”

Ne baissons pas les bras et usons d'une argumentation que nul ne peut contester.

1°) Tout à fait légalement en 2003, un texte de loi a fixé au 5 décembre l'hommage aux morts pour la France en AFN. Or en droit français seule la loi peut défaire la loi. Point ! C'est curieux comme en France, la “représentation nationale” est incontestable quand cela arrange et remise en cause quand cela ne convient pas à certains... Éternel débat entre la légalité et la légitimité. En 1940 la désobéissance militaire pour illégale qu'elle fût de la part d'un général à titre provisoire s'avéra en 1944 légitime. En 1961 la désobéissance militaire pour légitime qu'elle fût de la part de nos généraux (non à titre provisoire mais par leurs états de services) fut condamnée lourdement comme illégale.

2°) Si le secrétariat aux Anciens Combattants considère que le 19 mars marque la “fin de la guerre d'Algérie”, pourquoi alors continue-t-il d'accorder des cartes du combattant pour des périodes allant jusqu'au 4 juillet 1962 ?

3°) Plusieurs présidents de la République se sont déclarés ouvertement opposés aux commémorations à cette date. Ainsi :

- Valery Giscard d'Estaing le 19 mars 1980 : “L'anniversaire des accords du 19 mars 1962, mettant fin à la guerre d'Algérie, n'a pas à faire l'objet d'une célébration”.

- François Mitterrand le 24 septembre 1981 : “S'il s'agit de marquer le recueillement national et d'honorer les victimes de la guerre d'Algérie, je dis que cela ne peut pas être le 19 mars.”

- Nicolas Sarkozy : “Il n'est pas question que le 19 mars soit une date officielle de commémoration. Il est arrogant de condamner et de mépriser la douleur qui fut la vôtre et celle de vos familles lorsque vous fûtes chassés de vos terres, de vos maisons, et séparés de vos amis. Je le répète, c'est par respect pour vous que je n'accepterai pas que la date officielle de la commémoration des morts de la guerre d'Algérie soit celle du cessez-le-feu, qui de surcroît, n'a pas été respecté.”

4°) Les victimes d'après le 19 mars 62 constituent l'argument majeur : civils européens et musulmans, harkis et autres auxiliaires, et (la FNACA l'oublie) les dizaines de militaires réguliers abattus ou enlevés. Inutile d'énumérer, chacun de vous est au courant... Il est sans doute unique dans l'Histoire de France qu'une communauté ait eu plus de morts et de disparus après la fin proclamée d'un conflit que pendant toute la durée dudit conflit. Un jour, Ben Bella a écrit que dans une Algérie indépendante il ne pouvait se permettre la présence de plus d'un million de chrétiens et juifs. Il est maintenant devenu incontestable que des dizaines de milliers de gens non favorables au FLN ont disparu et ont été massacrés. La preuve la plus évidente de cette sorte de reconnaissance, c'est que nos ennemis cherchent maintenant des prétextes à ces massacres d'après mars 1962, par exemple en accusant l'OAS ! Le journaliste attentif aux propos de la FNACA de Biarritz, cité plus haut, ajoute : “en dépit de la controverse historique qui ne ramènera pas les victimes des massacres perpétrés après cette date par le FLN” Il semble donc que même auprès de la FNACA on comprend que le cessez-le-feu n'en fut pas vraiment un.

5°) Pour l'Algérie du FLN, le 19 mars marque la “défaite” de la France. Où a-t-on vu (à part dans une nation à tendance masochiste ou collabo !) un pays qui commémorerait ce que l'ennemi d'hier célèbre comme une victoire ? Même l'Allemagne qui a pourtant renié à juste titre le nazisme ne commémore pas sa défaite ! D'autre part, au moment où on prétend enseigner la citoyenneté et le sens national à des “jeunes issus de l'immigration” il est hautement improbable (quand on connaît le respect du musulman pour l'autorité réelle et la force) que ceux-ci, majoritairement d'origine algérienne, aient du respect pour une France qui commémore sa défaite...

La FNACA campe sur une position de principe dictée par les doctrinaires qui l'animent ou au moins la noyautent. Ces positions de principe sont dictées par une certaine tendance qui est derrière la FNACA, et qui reçoit aujourd'hui le renfort idéologique d'autres mouvances qui croient acheter la paix sociale par une capitulation rampante et le rejet en bloc de la colonisation, rejet érigé en dogme comme l'a dénoncé Évelyne Joyaux dans un éditorial du Cercle Algérianiste. Cette tendance oublie pourtant que, lors des émeutes de Sétif en 45, le délégué local du PC a eu les deux bras tranchés à coups de hache par les émeutiers et que, dans les jours suivants, parmi “les milices d'Européens participant à la répression” se trouvaient nombre de communistes. Ces mêmes communistes qui oublient que leur organe officiel d'expression condamnait alors des troubles fomentés par l'Étranger sur une terre française. Ce parti qui loue le déserteur Maillot ! Ce parti dont un membre écrivait à l'un des nôtres en 1997 qu'on devait aujourd'hui à De Gaulle “la France algérienne” !.. Hypocrites, et mal placés pour nous donner des leçons !

Il faut savoir que la FNACA a été déclarée indésirable dans les casernes dans les années quatre-vingt sous l'autorité du ministre socialiste Charles Hernu. En effet, les délégués locaux de cette association faisaient le “forcing” auprès des commandants de garnisons et des Chefs de Corps pour impliquer les militaires dans leur cérémonie et y obtenir la participation de troupes, tentant ainsi de grignoter du terrain pour rendre le 19 mars inévitable et finir par l'officialiser. Au-delà de ces positions doctrinaires ou de principe, il y a aussi une réalité bien peu glorieuse : le prétendu “cessez-le-feu“, c'était avant tout pour certains, “la quille” et la fin du danger, tout au moins pour ceux qui n'étaient pas planqués. C'était la fin du risque pour eux ; pas pour les autres, ils s'en moquaient ! Cela relevait tout simplement de l'égoïsme, le même qui a caractérisé “l'accueil” de la métropole quelques semaines plus tard...

Ne nous démobilisons pas, même si le découragement nous saisit parfois. Nous avons la loi pour nous. Ne nous lassons pas d'utiliser tous ces arguments en écrivant aux élus, à la presse, sans nous retrancher derrière nos responsables d'associations. Pour cela Internet offre de nouvelles possibilités d'expression qu'il serait dommage de négliger. Même si la date du 5 décembre n'a objectivement pour nous pas de réelle signification, il faut y adhérer en y participant plus nombreux encore, afin de marginaliser quantitativement le 19 mars. Que ceux qui le peuvent se rendent à Valence dans quelques semaines. Il en va de la lutte contre la commémoration du 19 mars comme de celle pour notre mémoire en général : nous le devons précisément à nos morts d'après le 19 mars 1962.

Dans un livre de photos du 3e RPC paru en 1957, le Colonel Bigeard concluait par ces mots :

“La piste est sans fin (...) Nous continuons parce qu'il faut continuer. Ceux qui nous ont quittés nous regardent et ils ne nous ont pas encore dit de nous arrêter”.

L'Echo de l'Oranie