N°364 Mai-Juin 2016

19 mars : « no pasarán ! »

En ces jours où notre pays a commémoré le centenaire de la bataille de Verdun, se remémorant la perte d’une génération sur l’autel de la patrie, rappelons à ceux qui nous offensent par leur oubli du passé, que nos grands-parents ont pris leur part aux combats terribles des tranchées. Ainsi, sur l’ossuaire de Douaumont figurent notamment, parmi les blasons en pierre des villes de France, les blasons des villes d’Oran et d’Alger, témoignages de la participation de l’Algérie à la Grande Guerre et du sacrifice de ses enfants morts pour la France.

Indignons-nous alors de ce que l’esprit de Verdun, comme le sens de la dignité et le respect de la vérité historique, soient absents, hélas, de la commémoration nationale qui, depuis le 19 mars 2013, a lieu chaque année à la date bien mal choisie, par la loi du 6 décembre 2012 pour être la « journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc » !

Or, chacun sait bien qu’après la signature des Accords d’Évian du 19 mars 1962, dont la violation a été passivement tolérée, et même admise, par les autorités françaises de l’époque, des milliers et des milliers de personnes ont été torturées, massacrées, enlevées en Algérie durant la période allant de cette date au 5 juillet 1962.

Il nous appartient, tout comme aux combattants des Aurès et d’ailleurs, de dénoncer à nouveau l’inacceptable stratégie de l’oubli qui voudrait qu’après le cessez-le-feu proclamé le 19 mars 1962, le sang n’ait plus coulé en Algérie.

Que cette année à Paris, au monument du quai Branly, l’actuel chef de l’État doive se prêter en personne à une commémoration illégitimement datée, de même qu’en province les préfets accompagnés d’élus de tous bords s’y livreront, voilà encore et toujours les témoignages inacceptables pour nous des errements de ceux qui aujourd’hui représentent la France !

La méconnaissance perpétuée des terribles évènements qui ont ensanglanté la fin de la présence française en Algérie doit encore une fois être dénoncée comme l’exemple même du mauvais sort qui, depuis notre exode, nous est réservé par un grand nombre de nos compatriotes de Métropole condamnant aveuglement 132 ans de l’Histoire de leur pays et demeurant sourds à la compréhension de notre révolte contre la trahison dont nous fûmes victimes, symbolisée par la fusillade du 26 mars à Alger et la passivité de Katz, le boucher d’Oran, responsable de milliers de disparitions en ayant obéi servilement à des ordres manifestement illégaux venus de Paris.

Les tenants de la commémoration du 19 mars, inspirateurs, auteurs ou défenseurs de la loi contestée, ignorent délibérément le bilan accablant de l’après cessez-le-feu, révélateur d’une imposture sans précédent :

- 100.000 soldats musulmans, harkis et leurs familles, massacrés ou disparus avant et après l’indépendance, morts pour leur fidélité à la France,

- 3.000 civils tués ou disparus le 5 juillet à Oran, 200 personnes tuées ou blessées le 26 mars à Alger,

- 350 militaires tués.

Dans les colonnes de notre revue, nous nous sommes élevés à de nombreuses reprises dans plusieurs numéros contre le mauvais choix de cette date que le Sénat, passé à gauche, a adoptée le 8 novembre 2012, dans les mêmes termes que l’Assemblée nationale l’avait votée, le 22 janvier 2002, alors que Lionel Jospin était Premier Ministre.

Dénonçant son caractère inique pour les victimes des massacres perpétrés par le FLN après ce funeste jour du 19 mars 1962, nous nous sommes plaints de ce que le Conseil Constitutionnel ait pu admettre la régularité juridique d’une loi votée à dix années d’intervalle par les deux assemblées, en méconnaissance du règlement du Sénat et alors qu’entre temps était intervenue une première loi mémorielle, celle du 23 février 2005 toujours en vigueur, qui avait fixé au 5 décembre la date de commémoration des morts civiles et militaires de la guerre d’Algérie (1).

Cette « incohérence législative », unique dans l’histoire parlementaire, est le triste produit d’une représentation nationale croupion, soumise à l’influence d’un organisme gauchisant qui s’est érigé, avec la bénédiction du pouvoir en place, en unique représentant des anciens combattants d’Algérie. Plus encore que ses auteurs, cette loi scélérate du 6 décembre 2012 discrédite ceux qui la mettent en application et à la tête desquels se place l’actuel président de la République qui ne sait plus où aller pour ne pas passer pour ce qu’il est.

Dans nos épreuves, bien tristement de jour en jour, nous continuons à enterrer nos morts et nous voici les derniers gardiens d’une flamme qui s’éteint peu à peu dans une indifférence que nos cris n’atteignent pas.

Au cours de ces dernières années, les décès des nôtres, annoncés dans le Carnet de notre Écho, se sont multipliés.

La grande famille des Amitiés oraniennes a déploré la perte des plus influents de ses membres : ainsi de Claude Raymond puis Gérard Navarro qui l’ont présidée avec dévouement, de ses fidèles administrateurs Henri Bastiani, et tout récemment, Germain Clauzier et André Bernard.

Nos morts se succédant, un sentiment d’inquiétude nous gagne, fruit de la crainte grandissante du manque de relève.

Alors, pour éviter que notre inquiétude ne tourne à la résignation, il devient urgent de pouvoir compter sur une nouvelle garde se préparant à prendre, dans un avenir plus ou moins proche, notre succession pour porter nos couleurs et perpétuer la mémoire d’un passé dont ils doivent, à leur tour maintenant, se sentir davantage dépositaires.

Pour cela, L’Écho de l’Oranie en appelle à vous tous, chers abonnés et lecteurs, dans le but d’éveiller autour de vous, autant que possible, le désir de poursuivre notre combat jusqu’à ce que l’État, par ses plus hauts représentants, reconnaisse enfin ses fautes et sa responsabilité pour les crimes commis dans la mise en oeuvre de la politique d’abandon de l’Algérie française, menée par la volonté d’un parjure, dressée contre celle des enfants du peuple de pionniers que nous formions.

Notre combat pour la mémoire a quelque chose de comparable au combat de tranchées dans lequel, bien malheureusement, nous perdons désespérément des positions face à cette monstrueuse stratégie de l’oubli développée à tout-va par l’anti-France et dont le meilleur exemple, assez récent, a été la métamorphose en musée de l’Immigration du musée de la France d’Outre-mer installé de longue date à Paris, porte Dorée, et consacré au passé colonial de notre pays.

Ce renversement unique de la vocation d’un musée, qui n’a pas suscité la moindre levée de bouclier, a procédé de cette volonté destructrice de faire table rase d’un passé aboli, au nom du même esprit de repentance que celui qui pousse au reniement de ce que la France a été en Algérie.

Alors, devant pareille mentalité honteuse, pour rétablir la vérité historique et obtenir réparation d’avoir été martyrisés pour beaucoup d’entre nous et aujourd’hui traités par le mépris, il est de notre devoir de compter sur nos jeunes et de les exhorter à nous relayer.

Lève-toi donc, à ton tour, jeunesse de chez nous car il t’appartiendra bientôt de continuer le combat légitime contre ceux qui caricaturent notre Histoire et ignorent toutes les souffrances que nous avons dû endurer !

L’Écho de l’Oranie

Note

(1) L’Écho de l’Oranie n°345 de mars/avril 2013