N°365 Juillet-Août 2016

Nos dates tragiques...

 

Le mois de mars s’en est allé avec ses dates maudites du 19 et du 26 mars 1962.

Revenir là-dessus, alors que le 5 juillet est déjà là, lui aussi avec son poids de tragédie dans la suite des « événements » d’Algérie, n’est-ce pas tourner et retourner sans cesse le couteau dans la plaie toujours béante laissée par la perte tragique de nos beaux départements de là-bas ? N’est-ce pas donner chaque année une nouvelle vie à cette journée du 19 qu’il conviendrait d’effacer à tout jamais de nos mémoires ? N’est-ce pas faire preuve d’une sénilité précoce à passer en boucle, encore et encore, la signature d’un chiffon de papier qui a fait tant de mal aux Français d’Algérie ?

Sénilité précoce avez-vous dit ? Allons donc, vous savez bien que les femmes et les hommes de notre génération, celles et ceux qui ont vécu les tragiques péripéties de la guerre d’Algérie, ont atteint dans la fuite inexorable du temps, sinon une sénilité profonde, à tout le moins une sénilité « confortable » et qu’ils ont besoin qu’on vienne sans cesse rafraîchir une mémoire défaillante qui commence à vaciller dans l’évocation de certains souvenirs.

Aussi laisserons-nous Gérald Léger, dans son rôle de président pour Nice du Centre

de Documentation Historique de l’Algérie, nous rappeler ce que fut l’histoire des journées tragiques du 19 et du 26 mars.

Pour une fois, nous espérons faire plaisir - si l’on peut dire, en rappelant le souvenir de tant de victimes innocentes - à nos frères Algérois qui nous reprochent, si gentiment parfois, de ne penser qu’à Oran et aux Oraniens. Quant aux autres, aux éternels râleurs de tous bords, qu’ils sachent bien que L’Écho de l’Oranie reste fidèle à sa ligne de conduite : publier tout ce qui contri bue à la vérité de l’Histoire - de notre Histoire - ne sera jamais verser dans la politique politicienne.

« Évoquons donc les 19 et 26 mars 1962 à Alger. Comme chacun sait, les soit-disant « accords d’Évian » furent signés le 18 mars par les représentants du gouvernement de la France, à savoir Joxe, de Broglie et Buron et par l’Algérien Krim Belkacem. Mais ils ne furent pas signés par les représentants officiels du GPRA, Gouvernement Provisoire de la République Algérienne, installé à grands frais par la France dans une véritable ville nouvelle, le Rocher Noir, non loin d’Alger.

Et donc, après le 19 mars 1962, l’armée française ne devait plus intervenir en Algérie. Le FLN, qui lui n’avait pas signé les accords d’Évian, avait un alibi rêvé et pouvait impunément et lâchement accroître ses forfaits.

C’est ainsi que, après le 19 mars 1962, il y a eu plus d’enlèvements et d’assassinats en sept mois qu’il n’y en avait eu en sept ans et demi de guerre en Algérie. Aussi, jusqu’à l’élection du président Hollande, aucun président de la République n’avait-il considéré que le 19 mars 1962 marquait la fin de la guerre d’Algérie.

Le président François Mitterrand avait déclaré : « S’il s’agit de marquer le recueillement national et d’honorer les victimes de la guerre d’Algérie, je dis que cela ne peut pas être le 19 mars ».

Le président Sarkozy, quant à lui, s’est adressé à nous de la façon suivante : « Il n’est pas question que le 19 mars soit une date officielle de commémoration.

Il est arrogant de condamner et de mépriser la douleur qui fut la vôtre et celle de vos familles, lorsque vous fûtes chassés de vos terres, de vos maisons, et séparés de vos amis. Je le répète, c’est par respect pour vous que je n’accepterai pas que la date officielle de la commémoration des morts soit celle du cessez-le-feu qui, de surcroît, n’a pas été respecté. »

Bon nombre de personnalités politiques, amies des Pieds-Noirs ou non, se sont clairement exprimées sur ce sujet.

Hélas ! En 2012, les Français ont élu un nouveau président, et celui-ci s’est rendu le 19 mars sur le quai Branly pour commémorer la signature des accords d’Évian, qui, pour lui, marque la fin de la guerre d’Algérie. Nous considérons que ceci est une provocation, une offense faite à nos morts, Français de l’hexagone, Pieds-Noirs, Harkis, tous combattants de l’armée française, à tous ceux qui se sont battus dans l’espoir de garder l’Algérie à la France.

Venons-en maintenant au 26 mars 1962, date de la fusillade dite fusillade de la rue d’Isly à Alger. Il y a trois ans, nous avions montré la liste « officielle » des personnes assassinées à Alger, ce funeste 26 mars. Elle ne portait que 64 noms. D’autres étaient plus étoffées : on parlait de 77 à 87 morts.

Sachant que rien que dans la rue d’Isly, on a relevé plus de 150 blessés, le nombre de morts est sans doute plus élevé, car certaines personnes n’ont pas survécu à leurs blessures. Hélas ! Il nous faut avouer aussi que ce jour-là, c’est « l’armée française » qui a tiré sur des Français. La dernière fois que l’armée française avait tiré sur des Français, c’était lors de la Commune, en 1870.

Comment en est-on arrivé à cette horrible tuerie ?

Depuis une semaine, le quartier populaire de Bab-el-Oued était isolé du reste de la ville d’Alger par un cordon militaire infranchissable. Ainsi la population de ce quartier n’était plus approvisionnée en denrées alimentaires indispensables.

D’autre part, aucune hospitalisation n’était possible, malgré les besoins, les blindés de la gendarmerie mobile tirant sur les immeubles et les T6 mitraillant les terrasses, faisant de nombreuses victimes.

Pourquoi ce blocus ?

Parce que le pouvoir considérait que Bab-el-Oued abritait un grand nombre de membres de l’OAS. Or, à cette date, l’OAS était partout en Algérie, et donc pas seulement à Bab-el-Oued. Les habitants des autres quartiers d’Alger, consternés de ce qui se passait là-bas, décident d’apporter leur soutien à leurs concitoyens en se rassemblant le 26 mars après-midi, au plateau des Glières, puis de se rendre pacifiquement en cortège vers Bab-el-Oued, par la rue d’Isly, drapeaux tricolores en tête.

Et c’est dans cette rue d’Isly que le piège infâme va se refermer. Le pouvoir veut donner une leçon forte aux Français d’Algérie. Pour ce faire, il a posté dans la rue d’Isly, non pas des parachutistes – il n’y aurait pas eu de massacre - mais deux sections du 4e régiment de tirailleurs, lourdement armées. Le choix n’était pas anodin : il faut savoir que ce 4e régiment de tirailleurs avait déjà été programmé pour constituer l’ossature de la future armée algérienne. Les uniformes étaient français, mais pour l’honneur de la France, nous voulons croire que ce n’était vraiment pas l’armée française qui était rue d’Isly.

À 14h50, alors que le cortège pacifique était bien engagé dans cette artère, « l’armée » ouvre le feu pendant douze longues minutes sur ces hommes, sur ces femmes, sur ces enfants ainsi que sur les services de secours, achevant même les blessés.

Ce n’était pas un massacre improvisé.

La preuve qu’une intervention manu militari était programmée pour ce 26 mars 1962, c’est que d’autres assassinats ont été perpétrés par certains « militaires » dans d’autres quartiers d’Alger, loin de la rue d’Isly.

Faut-il des exemples concrets ?

- Marc Maury, 29 ans, tué rue Charles Peguy,

- Jean Vengut, 64 ans, tué rue Alfred Lelluch,

- Paul Zelphati, 40 ans, croix de guerre 39/45, tué avenue Pasteur plus d’une heure après la fusillade,

- Jean Galiéro, 35 ans, tué rue Alexandre Ribot.

Tous abattus par des armes de guerre, appartenant à l’armée.

Arrêtons là cette tragique énumération.

Les preuves de la collusion de « l’armée de l’abandon » sont évidentes.

Aujourd’hui, 54 ans après, nous nous recueillons dans le souvenir de ces compatriotes assassinés. Ils sont dans nos mémoires, certes, mais ce massacre d’Alger, même s’il fait tache pour l’Histoire de France, est également gravé dans les annales de notre pays ».

Que peut-on ajouter après cette évocation de la fusillade de la rue d’Isly ?...

Oui ! Tous ces morts demeurent et demeureront à jamais dans nos mémoires, de façon lancinante, comme le demeure et le demeurera toujours le martyr de nos morts du 5 juillet à Oran.

Tous, Algérois, Constantinois, Oranais, métropolitains, Harkis, tombés pour l’Algérie française, vous ne serez jamais oubliés et l’hommage reconnaissant de la postérité vous sera rendu, lorsque le temps, comme il commence à le faire, fera tomber un à un les mensonges, une à une les hypocrisies, les forfaitures et les trahisons. Alors, un soleil nouveau illu - minera pour toujours votre gloire, la gloire de « ceux qui, pieusement, selon le mot du poète, sont morts pour l’Algérie ».

L’Écho de l’Oranie

 

Mis en page le 27/10/2016 par RP.