N°315 Mars-Avril 2008

 

De l'Incompréhension au Racisme

 

Depuis de trop longues années maintenant, nos compatriotes, exilés de l'Oranais, de l'Algérois et du Constantinois ou obligés de quitter le Maroc et la Tunisie et nos compagnons d'armes, les Harkis, chassés de leur terre natale, abandonnés par une armée qu'ils avaient pourtant adulée et souvent servie, parfois avec héroïsme, toujours avec fidélité, après avoir laissé leurs villes, leurs villages, leurs douars, leurs maisons, dans des conditions dramatiques, quelques fois tragiques  à cause d'une politique aberrante, machiavéliquement orchestrée par qui vous savez, dont pratiquement jamais cessé de se heurter à l'incompréhension, si ce n'est aux préjugés du bon « Français de France », du bon métropolitain moyen.

Combien d'entre nous, lorsque nous sommes arrivés sur l'Hexagone, ont eu à affronter, non pas l'indifférence - c'eût été un moindre mal - mais l'hostilité non déguisée de ceux qui considéraient notre présence en France comme celle de parasites inopportuns dont il valait mieux se débarrasser au plus tôt. Ne-disait-on pas à la mairie et dans les rues de Marseille : « Voilà les criquets et les sauterelles qui arrivent » ? Les reproches qui nous étaient journellement adressés étaient nombreux et ne manquaient pas de susciter quelques révoltes dans nos rangs  mains de ces reproches doivent êtres considérés aujourd'hui comme les éléments d'un catalogue de la bêtise, et de la mauvaise foi de ceux qui les prononcent. On ne sait ce qu'il faut souligner davantage, de leur ignorance, de leur stupidité ou de leur volonté de nuire.
Au chapitre de ces absurdités malveillantes, attardons-nous sur l'histoire du verre d'eau, dont on nous a rebattu les oreilles et qui aurait été refusé à un pauvre petit soldat par un riche et gros colon, dans  le djebel algérien.
« Oui, Monsieur, c'est arrivé à un garçon qui habite près de chez nous... », nous dit-on. Quand ce n'est pas le « héros » lui-même de cette affaire - triste Tartarin - qui vous l'affirme, les yeux dans les yeux, sans sourciller.
Le malheur, c'est que cette histoire, nous l'avons entendue au cours de nos pérégrinations de rapatriés à la recherche d'un emploi dans le Nord et le Pas-de-Calais, en Bretagne et dans le Limousin, en Poitou et en Dauphiné, quand ce n'est pas avec une surenchère de detail, dans Paris, et l'île de France. A tel point que l'on est en droit de se demander si l'addition de tous cm verres d'eau refusés n'aurait pas permis de remettre à flot un de ces barrages algériens, aujourd'hui ensablés, envasés où asséchés

Mais, à côté de ces stupidités, il est d'autres attaques beaucoup plus incisives et beaucoup plus cruelles, qui nous obligent à en contester l'injustice.
Le reproche, par exemple, d'avoir été une invasion « étrangère » sur le sol métropolitain, venue enlever le « pain de la bouche » à ceux qui pourtant avaient eu la chance de ne pas se voir spoliés et continuaient à vivre, chez eux, bien au chaud d ans leur égoïsme. Il est vrai que certains ai  de nos concitoyens considèrent comme « étrangers », les Français qui viennent des provinces voisines. Que dont-il pas dit, à fortiori, de ces Pieds-Noirs et ces Harkis, qui se voulaient Français à tous crins, alors qu 'ils parlaient avec un drôle d 'ac­cent et émaillaient leur langage d'expressions espagnoles, italiennes ou arabes. Fallait-il s'étonner dans ces conditions que bon nombre d'entre-nous, aux premiers temps du « rapatriement », se soient vu refuser un logement à la dernière minute lorsque l'on découvrait qu'ils étaient Pieds-Noirs. Et les reproches dont pas manqué de gagner en intensité...
Depuis, la classique de intellos de gauche Ð encore une fois pardonnez le pléonasme - « Vous êtes des capitalistes... Vous avez fait suer le burnous... » apportant la preuve de leur ignorance totale, mais certainement voulue de conditions de  vie de l'immense majorité des Français d'Algérie, jusqu'au reproche d'avoir coûté très cher à la France, sur le plan économique, à cause d'une guerre inutile. Ne l'oublions pas, c'était là un argument massue de De Gaulle. Et tous les « Godillots » reprenant la voix de leur maître, se plaisaient à le répéter...
A tous ceux-là, nous poserons seulement une question: combien l'abandon des départements français d'Algérie, a coûté et coûte aujourd'hui au pays et à son économie

Et le dernier reproche ! Celui d'avoir contraint la France à mobiliser de Jeunes métropolitains et à Ies sacrifier inutilementdans les plaines et les djebels d'Algérie. Certes trop nombreux sont ceux qui sont tombés, et nous voulons être les premiers à nous incliner devant leur mémoire. Mais qu'il nous soit permis de rappeler d'une part, que l'inutilité des combats, malgré la victoire de l'armée française n' jamais été de la responsabilité des Pieds-Noirs, mais de qui a voulu imposer cette fin à l'Algérie Française. Et d'autre part, que  c'était un juste retour des choses, si douloureux fut-il, au regard des immenses sacrifices imposés aux unités de Pieds-Noirs et de Nord-Africains, et acceptés avec enthousiasme pour la libération de la France.
« Tout cela est du passé » direz-vous. Les jugements et les sentiments ont évolué... Pas sûr, votre honneur, et nous en voulons pour preuve l'affaire jugée par le Tribunal Correctionnel de Toulon. il y a à peine  quelques semaines

De quoi s'agit-il ? D'un différend entre deux voisins. Mais voilà! L'un des deux est Pied-Noir. Alors, l'autre plein d'une  animosité devenue de là haine, se croit autorisé à  traiter notre notre compatriote d' « enc.... de pied-noir». Et, comme si cela ne suffisait pas, à se permet de porter un jugement historique sur les « conneries » (c'est lui qui le dit) - faites par de Gaulle. Nous le citons : « La plus grande  connerie  que De Gaulle a faite (sic), c'est de faire entrer les Pieds-Noirs - Deferre avait raison de vouloir vous jeter à la mer - je suis allé en Algérie pour vous défendre.. Vous,  les Pieds-Noirs, n'êtes pas des Français ».Tout est résumé là.
A sa décharge, bien que nous interdisant toute généralisation, il semble évident qu'il a affirmé tout haut ce que d'autres individus, trop nombreux encore, moins courageux ou peut-être moins en colère, pensent tout bas.
Heureusement, notre Pied-Noir n'a pas hésité à porter l'affaire devant la justice sur le fondement de la loi Gayssot, loi qui condamne toute forme de racisme.
Il est regrettable que cette loi Gayssot, réclamée par un ministre communiste, n'ait pas existé quand les dockers de Marseille se réclamant sans doute d'une même idéologie mettaient à mal les maigres biens que les rapatriés avaient pu sauver.
Quoi qu'il en soit, même si notre malveillant personnage n'a rien voulu dire sur les raisons de cette haine de Pieds-Noirs, le tribunal sous la présidence de Madame Isabelle Deforge l'a considéré comme coupable et a accordé à notre ami plaignant, outre l'euro symbolique de dommages et intérêts, une indemnité de 1000€ au titre de l'article 475-l du code de procédure pénale.
En outre, le tribunal a ordonné la publication du jugement dans la presse et vous pensez bien que l'Echo de l'Oranie ne pouvait manquer dette occasion de raconter ce qui, finalement, n'est qu'un témoignage de plus de la bêtise et de la mauvaise foi de certains « personnages » à notre égard.
D'aucuns diront comme toujours, que nous répétons nos amertumes et nos rancoeurs à satiété ; qu'il serait bienvenu de changer de sujet. D'autres diront encore qu'il serait grand temps d'enterrer la hache de guerre...
« Que demande le peuple! » avait-on coutume de dire chez nous. Oui! nous sommes prêts à enterrer la hache de guerre, et même, malgré la loi antitabac, à fumer publiquement le calumet de la paix.
Mais exemple de La Garde montre à l'évidence que d'autres continuent et sont loin de vouloir lâcher leur os ; que les relents nauséabonds et maléfiques des préjugés, que les subtils poisons de la calomnie la plus sordide, continuent de nourrir « cette bête immonde » de l'intolérance, du mépris, voire de la haine de l'autre qui n'est rien d'autre - le tribunal correctionnel de Toulon l'a compris - qu'une des formes les plus hypocrites et les plus sournoises d'un racisme qui refuse de s'avouer.

L'Echo de l'Oranie