De l'Incompréhension
au Racisme
Depuis de trop longues années
maintenant, nos compatriotes, exilés de l'Oranais,
de l'Algérois et du Constantinois ou obligés
de quitter le Maroc et la Tunisie et nos compagnons d'armes,
les Harkis, chassés de leur terre natale, abandonnés
par une armée qu'ils avaient pourtant adulée
et souvent servie, parfois avec héroïsme,
toujours avec fidélité, après avoir
laissé leurs villes, leurs villages, leurs douars,
leurs maisons, dans des conditions dramatiques, quelques
fois tragiques à cause d'une politique aberrante,
machiavéliquement orchestrée par qui vous
savez, dont pratiquement jamais cessé de se heurter
à l'incompréhension, si ce n'est aux préjugés
du bon « Français de France », du bon
métropolitain moyen.
Combien d'entre nous, lorsque
nous sommes arrivés sur l'Hexagone, ont
eu à affronter, non pas l'indifférence -
c'eût été un moindre mal - mais l'hostilité
non déguisée de ceux qui considéraient
notre présence en France comme celle de parasites
inopportuns dont il valait mieux se débarrasser
au plus tôt. Ne-disait-on pas à la mairie
et dans les rues de Marseille : « Voilà les
criquets et les sauterelles qui arrivent » ? Les
reproches qui nous étaient journellement adressés
étaient nombreux et ne manquaient pas de susciter
quelques révoltes dans nos rangs mains de
ces reproches doivent êtres considérés
aujourd'hui comme les éléments d'un catalogue
de la bêtise, et de la mauvaise foi de ceux qui
les prononcent. On ne sait ce qu'il faut souligner davantage,
de leur ignorance, de leur stupidité ou de leur
volonté de nuire.
Au chapitre de ces absurdités malveillantes, attardons-nous
sur l'histoire du verre d'eau, dont on nous a rebattu
les oreilles et qui aurait été refusé
à un pauvre petit soldat par un riche et gros colon,
dans le djebel algérien.
« Oui, Monsieur, c'est arrivé à un garçon
qui habite près de chez nous... », nous dit-on.
Quand ce n'est pas le « héros » lui-même
de cette affaire - triste Tartarin - qui vous l'affirme,
les yeux dans les yeux, sans sourciller.
Le malheur, c'est que cette histoire, nous l'avons entendue
au cours de nos pérégrinations de rapatriés
à la recherche d'un emploi dans le Nord et le Pas-de-Calais,
en Bretagne et dans le Limousin, en Poitou et en Dauphiné,
quand ce n'est pas avec une surenchère de detail,
dans Paris, et l'île de France. A tel point que
l'on est en droit de se demander si l'addition de tous
cm verres d'eau refusés n'aurait pas permis
de remettre à flot un de ces barrages algériens,
aujourd'hui ensablés, envasés où
asséchés
Mais, à côté
de ces stupidités, il est d'autres attaques beaucoup
plus incisives et beaucoup plus cruelles, qui nous obligent
à en contester l'injustice.
Le reproche, par exemple, d'avoir été une
invasion « étrangère » sur le
sol métropolitain, venue enlever le « pain
de la bouche » à ceux qui pourtant avaient
eu la chance de ne pas se voir spoliés et continuaient
à vivre, chez eux, bien au chaud d ans leur égoïsme.
Il est vrai que certains ai de nos concitoyens
considèrent comme « étrangers »,
les Français qui viennent des provinces voisines.
Que dont-il pas dit, à fortiori, de ces Pieds-Noirs
et ces Harkis, qui se voulaient Français à
tous crins, alors qu 'ils parlaient avec un drôle
d 'accent et émaillaient leur langage d'expressions
espagnoles, italiennes ou arabes. Fallait-il s'étonner
dans ces conditions que bon nombre d'entre-nous, aux premiers
temps du « rapatriement », se soient vu refuser
un logement à la dernière minute lorsque
l'on découvrait qu'ils étaient Pieds-Noirs.
Et les reproches dont pas manqué de gagner en intensité...
Depuis, la classique de intellos de gauche Ð encore une
fois pardonnez le pléonasme - « Vous êtes
des capitalistes... Vous avez fait suer le burnous...
» apportant la preuve de leur ignorance totale,
mais certainement voulue de conditions de vie de
l'immense majorité des Français d'Algérie,
jusqu'au reproche d'avoir coûté très cher
à la France, sur le plan économique, à
cause d'une guerre inutile. Ne l'oublions pas, c'était
là un argument massue de De Gaulle. Et tous les
« Godillots » reprenant la voix de leur maître,
se plaisaient à le répéter...
A tous ceux-là, nous poserons seulement une question:
combien l'abandon des départements français
d'Algérie, a coûté et coûte
aujourd'hui au pays et à son économie
Et le dernier reproche ! Celui
d'avoir contraint la France à mobiliser de Jeunes
métropolitains et à Ies sacrifier inutilementdans
les plaines et les djebels d'Algérie. Certes trop
nombreux sont ceux qui sont tombés, et nous voulons
être les premiers à nous incliner devant
leur mémoire. Mais qu'il nous soit permis de rappeler
d'une part, que l'inutilité des combats, malgré
la victoire de l'armée française n' jamais
été de la responsabilité des Pieds-Noirs,
mais de qui a voulu imposer cette fin à l'Algérie
Française. Et d'autre part, que c'était
un juste retour des choses, si douloureux fut-il, au regard
des immenses sacrifices imposés aux unités
de Pieds-Noirs et de Nord-Africains, et acceptés
avec enthousiasme pour la libération de la France.
«
Tout cela est du passé » direz-vous. Les jugements
et les sentiments ont évolué... Pas sûr,
votre honneur, et nous en voulons pour preuve l'affaire
jugée par le Tribunal Correctionnel de Toulon.
il y a à peine quelques semaines
De quoi s'agit-il ? D'un
différend entre deux voisins. Mais voilà!
L'un des deux est Pied-Noir. Alors, l'autre plein d'une
animosité devenue de là haine, se croit
autorisé à traiter notre notre compatriote
d' « enc.... de pied-noir». Et, comme si cela
ne suffisait pas, à se permet de porter un jugement
historique sur les « conneries » (c'est lui
qui le dit) - faites par de Gaulle. Nous le citons : «
La plus grande connerie que De Gaulle a faite
(sic), c'est de faire entrer les Pieds-Noirs - Deferre
avait raison de vouloir vous jeter à la mer - je
suis allé en Algérie pour vous défendre..
Vous, les Pieds-Noirs, n'êtes pas des Français
».Tout est résumé là.
A sa décharge, bien que nous interdisant toute
généralisation, il semble évident
qu'il a affirmé tout haut ce que d'autres individus,
trop nombreux encore, moins courageux ou peut-être
moins en colère, pensent tout bas.
Heureusement, notre Pied-Noir n'a pas hésité
à porter l'affaire devant la justice sur le fondement
de la loi Gayssot, loi qui condamne toute forme de racisme.
Il est regrettable que cette loi Gayssot, réclamée
par un ministre communiste, n'ait pas existé quand
les dockers de Marseille se réclamant sans doute
d'une même idéologie mettaient à mal
les maigres biens que les rapatriés avaient pu
sauver.
Quoi qu'il en soit, même si notre malveillant personnage
n'a rien voulu dire sur les raisons de cette haine de
Pieds-Noirs, le tribunal sous la présidence de
Madame Isabelle Deforge l'a considéré comme
coupable et a accordé à notre ami plaignant,
outre l'euro symbolique de dommages et intérêts,
une indemnité de 1000€ au titre de l'article
475-l du code de procédure pénale.
En outre, le tribunal a ordonné la publication
du jugement dans la presse et vous pensez bien que l'Echo
de l'Oranie ne pouvait manquer dette occasion de raconter
ce qui, finalement, n'est qu'un témoignage de plus
de la bêtise et de la mauvaise foi de certains «
personnages » à notre égard.
D'aucuns diront comme toujours, que nous répétons
nos amertumes et nos rancoeurs à satiété
; qu'il serait bienvenu de changer de sujet. D'autres
diront encore qu'il serait grand temps d'enterrer la hache
de guerre...
« Que demande le peuple! » avait-on coutume
de dire chez nous. Oui! nous sommes prêts à
enterrer la hache de guerre, et même, malgré
la loi antitabac, à fumer publiquement le calumet
de la paix.
Mais exemple de La Garde montre à l'évidence
que d'autres continuent et sont loin de vouloir lâcher
leur os ; que les relents nauséabonds et maléfiques
des préjugés, que les subtils poisons de
la calomnie la plus sordide, continuent de nourrir «
cette bête immonde » de l'intolérance,
du mépris, voire de la haine de l'autre qui n'est
rien d'autre - le tribunal correctionnel de Toulon l'a
compris - qu'une des formes les plus hypocrites et les
plus sournoises d'un racisme qui refuse de s'avouer.
L'Echo de l'Oranie