Supplément du n° 122 de l'Algérianiste (juin 2008)

Editorial de Thierry Rolando

Le temps de la dénégation des crimes du FLN va-t-il enfin cesser?

   Les ambassadeurs se suivent et se ressemblent, pourrait-on conclure à la lecture des derniers propos de l'ambassadeur de France en Algérie, Bernard Bajolet, tenus à Sétif le 27 avril 2008.
   Après son prédécesseur, Hubert Colin de Verdière, qui qualifiait de « tragédie inexcusable » la repression des massacres­ d'Européens à Sétif en 1945, son successeur se charge d'enfoncer en quelque sorte le clou en soulignant « la très lourde responsabilité des autorités françaises de l'époque dans ce déchaînement de folie meurtrière faisant des milliers de victimes innocentes presque toutes algériennes ».
 « Aussi durs que soient les faits, avait conclu l'intéressé, la France n'entend plus les occulter, le temps de de la dénégation est terminé ».
   Ces propos qui jalonnent à l'évidence le parcours d'une repentance qui ne dit pas son nom pourraient paraître inhabituels voire inexcusables de la part de diplomates français, si l'on ne savait pas qu'ils s'inscrivent dans une véritable démarche du président de la République qui, en fait, les a inspirés et autorisés.
   Comment ne pas se rappeler, en effet, que la déclaration de M. Bajolet intervient cinq mois à peine après le fameux discours tenu par Nicolas Sarkozy, à l'Université de Constantine, dans lequel il avait évoqué les «fautes et les crimes du passé colonial de la France en Algérie» qualifiés d'impardonnables? Certes, pour faire bonne mesure on rappelle toujours opportunément qu'il ne saurait être question de laisser à penser que condamner le système colonial c'est aussi condamner les Français nés en Algérie. Mais l'Algérie, elle, ne s'y trompe pas, elle qui se satisfait peu de ces demi-aveux et de cette repentance honteusement proclamée.
   Il faut aller plus loin et reconnaître, une fois pour toutes, les crimes de la France et de sa stratégie génocidaire en Algérie de 1830 à 1962, exige le président Bouteflika et ses commensaux.
   Alors, si nous n'en sommes pas tout à fait encore à ce stade ultime, il nous faut bien reconnaître que, Union méditerranéenne oblige, le président de la République a effectué une vraie rupture depuis son discours de Toulon, mettant en exergue l'Ďuvre française Outre-mer. Tous ses actes, toutes ses déclarations, tous ses pas menés en direction de l'Algérie visent en fin de compte à reconnaître ce qu'il nous avait dit ne jamais vouloir accepter, à savoir la responsabilité de la France et de ceux qui l'ont servie Outre-mer. Il serait bon de rappeler au président de la République qu'il n'est jamais porteur de tourner le dos à ceux auxquels on a tant promis ; qu'il n'est jamais bon pour l'amitié entre les peuples d'être exigeant pour soi-même et de ne rien exiger de l'autre; qu'il n'est jamais bon de donner à croire que l'on refusera toute repentance alors qu'en un an seulement cette idée a fait un pas de géant. Alors, M. le président de la République, en politique étrangère comme en politique nationale, il faut du courage.
   Celui-ci dans vos relations avec le président Bouteflika et avec l'Algérie vous a singulièrement fait défaut à la grande déception de l'immense majorité de la communauté pied-noire, de ceux, en particulier, qui ont laissé un être cher assassiné ou disparu de l'autre côté de la Méditerranée.
    Alors, en leur nom, pouvons-nous aujourd'hui vous demander de répondre tout simplement à cette question: le temps de la dénégation des crimes du FLN va-t-il enfin cesser?

Mis en page le 10/07/2008 par RP