Lettre ouverte à Mr El-Kabbach

   Vous avez, lors de deux émissions sur France 2, en compagnie de Michel Barnier et M. Delanoë, maire de Paris, avec le sourire complice de M. Drucker, repris les chiffres fantaisistes des victimes de la répression des événements du 8 mai 1945 à Sétif à l'instar de vos copains FLN, communistes et autres intellos gauchistes.
   Cette attitude qui est celle de la propagande totalitaire en usage depuis longtemps sur les ondes soi-disant françaises ne saurait nous étonner. Vous parlez sans savoir, vous répétez comme un perroquet. Vous n'y étiez pas et les ouvrages de Maurice Villars, de Francine Dessaigne, du Dr J.-C. Pérez et mon propre travail sans parler des historiens de métier honnêtes - oui, oui, il y en a...- vous sont inconnus.
   Votre présence médiatique est celle d'un histrion non d'un historien. Bon, passe encore : répéter une ânerie n'en fait pas une vérité. Mais lorsque vous affirmez que des barbelés étaient installés sur les plages d'Algérie pour empêcher les arabes d'y aller et que vous les avez vus, c'est un mensonge flagrant et un faux témoignage.
Seriez vous le seul pied-noir, car vous l'êtes, quoique renégat, à avoir vu cette barrière ? Et quand ? Et où ?
   Demandez donc à Yves Saint-Laurent dont la villa était voisine de celle de mes parents à Trouville, sur la corniche oranaise, si cette ségrégation matérielle existait. Seuls, les Américains ont installé des barbelés sur les plages d'Oranie pour protéger les zones où se baignaient les Gi's entre 42 et 44. Ils ont été vite ôtés et non replacés. Il est vrai que les femmes arabes venaient se baigner tout habillées, au coucher du soleil (les hommes ne s'y mêlaient pas, par respect de leurs coutumes.) Elles ne savaient pas nager et criaient de peur lorsque leurs gosses plongeaient des rochers et riaient en s'éclaboussant. Oui, cela, je l'ai vu et c'était beau.
   Des grenades FLN ont mis bon ordre à cette insouciance : leur ordre de mort. Vous me faites penser à un de mes bons amis de Saïda qui m'affirmait que, lorsqu'il était enfant, on lui avait rasé le crâne parce qu'il était juif. Je lui expliquais qu'à la même époque c'était l'épidémie de typhus qui avait imposé cette tonsure radicale que mon frère, mes cousins et amis non juifs avaient subie également. Le pou était l'ennemi le plus terrifiant, il ne faisait pas de quartier et n'était pas raciste. L'arme dérisoire contre lui : le peigne fin ! Et puis la chasse aux « lentes » et « la Marie-Rose, la mort parfumée des poux », surtout une hygiène rigoureuse et... la tête rasée pour les garçons, les nattes serrées, serrées pour les filles : le martyre !
   Voyez comme les souvenirs s'interpénètrent et se déforment. Cela n'a que peu d'importance dans la sphère privée. C'est grave lorsque des personnalités médiatiques répandent ces mensonges et alimentent la haine.
   Pour en revenir à vous, M. Elkabbach qui semblez n'avoir agi toujours que par opportunité et sans scrupule et dont toute la carrière s'est faite dans le reniement de vos frères malheureux, pouvez-vous m'expliquer à quoi vous sert aujourd'hui de mentir ? Quel intérêt y trouvez-vous ? Au soir de nos vies, car vous avez à peu près mon âge, la vérité vous fait-elle si mal ?

Geneviève de Ternant
Avril 2005