Deux dates qui sont
la représentation de faits marquants du XX ième siècle.
1962, j’y étais.
Un drame ! Une année où le peuple fut pris dans
les étaux de mensonges d’Etat entre Paris et le Rocher noir, aux environs d’Alger,
un véritable camp retranché interdit aux Pieds-noirs. Le fief d’un représentant
du gouvernement gaulliste et futur exécuteur des basses œuvres du pouvoir central.
Il s’appelait Christian Fouchet ! Haut commissaire en Algérie française,
il était un des laquais du général, celui qui agissait sous la volonté d’un De
Gaulle d’en finir avec le peuple rebelle des Français d’Algérie. Je me souviens
de son visage, de son regard noir et du ton menaçant qu’il employa pour nous
parler, nous menacer, à la télévision d’Alger. Lui qui, lorsque très rarement il
venait au gouvernement général - le G.G. - se faisait précéder d’une armada de CRS chargée de faire fermer les fenêtres des balcons
sous la menace des armes, car il avait peur d’un attentat sur sa route, lui qui
vivait terré dans son fief du Rocher noir, avait à la télévision le courage du
pleutre et il nous narguait, sûr de son impunité devant les hommes, devant un
peuple aux abois, mais certainement pas devant Dieu !
C’était en 1962, au mois de mars.
Il y avait eu pour ce peuple
pied-noir bien des « Avant ». 1958, le 13 mai : un espoir...
déçu ! 1960, janvier : les barricades, fors l’honneur... et
l’emprisonnement des héros. 1961, avril : le putsch des généraux. Zeller,
Jouhaud, Salan, Challe. Un instant de liesse, puis la fin d’un peuple qui se
dessine, au fil des décisions et des ordres parisiens accompagnés des barbouzes
téléguidés par le Ministre de l’intérieur Louis Joxe pour détruire par la
torture et la mort les défenseurs de ce qui nous appelions l’Algérie française.
Bien entendu, il était certainement possible d’envisager une autre solution que
de tenir une population en désespérance sur un avenir à reconstruire autrement,
mais les ordres de De Gaulle étaient à l’intransigeance. Il en voulait à ce
peuple du sud de la Méditerranée de se souvenir du sauveur de la France, en
1918 ; il en voulait à ces Pieds-noirs qui l’accusaient de la mort des
marins français (1297) de Mers el-Kebir par la flotte anglaise, le 3 juillet
1940. Il savait que Giraud était dans leur cœur beaucoup plus que lui. De plus,
les algérois au pied du G.G. l’avaient sans doute oublié, il avait promis aux
alliés, en vendant son âme au diable pour un fauteuil sur la place
internationale, la fin des colonies... mais l’Algérie était-elle une colonie,
cette partie de la France avec ses départements ?
Rien ne comptait pour le général, sinon la
fin d’un monde et il a été au bout de ses idées, de ses mensonges avec la mort
des innocents : civils européens et musulmans fidèles au drapeau... Pour
« asseoir » sa décision, il y a eu le 26 mars, sous l’orchestration
diabolique de Christian Fouchet et du général Charles Ailleret.
Ce dernier
n’avait-il pas dans un ordre du jour n° 11 adressé à toutes les forces de
l’ordre, indiqué entre autres, (paragraphe 4) : « (l’armée)... Elle doit par sa présence et,
si cela est nécessaire par son action, contribuer à empêcher que le désordre
l’emporte quels que soient ceux qui tenteraient de le déchainer à nouveau ».
C’est ainsi
que le 26 mars, au cœur de la ville, entre la Grande poste et le Monument aux
Morts, c’est le fusil mitrailleur qui a tonné. Le ton rageur de ses balles a résonné
à travers la ville. Il tuait, accompagné des rafales d’armes automatiques qui
surprenaient un peuple sans arme. Des militaires en tenues françaises
assassinaient et achevaient les survivants au carnage. C’était le plus infâme
déni du drapeau français, des trois couleurs honteuses d’être bleue, blanche et
rouge !
Ce jour du 26 mars, il y avait du sang sur les trottoirs,
du sang d’innocents qui n’avaient eu qu’un espoir, garder l’Algérie à la
France. Ils étaient morts pour rien car De gaulle avait l’obsession de les
éliminer, de brader un territoire plus grand que la Métropole pour le plaisir de
s’imposer par le mensonge et le déshonneur : celui de faire tuer des Français
par des français... Ce n’était pas, je crois, sa première fois ! Liquider
une province, liquider des vies et des souvenirs, liquider 132 ans de présence
française sur une terre de razzias devenue un monde
moderne, ce fut son œuvre ! Pourtant, cette terre ne fut pas seulement une
conquête guerrière mais elle apporta la fin des maladies endémiques gale,
typhus, paludisme ; l’éducation et l’instruction ; la construction de
toute une infrastructure : villes, ports, routes, barrages et une
agriculture moderne.
En 1962,
les accords d’Evian furent signés avec le sang de l’Algérie française, mais les
survivants aux massacres d’Alger, d’Oran ou du Bled, se souviennent. Ils se
souviennent et leurs armes aujourd’hui ne sont pas la nostalgie mais la volonté
d’espérer qu’un jour la Vérité éclate au grand jour.
Un rêve
impossible ? Non ! Le temps de la Vérité viendra quand le drame et
l’Exode des Français d’Algérie seront enseignés dans les écoles sans rien oublier
du passé ; sans occulter que pendant plus d’un siècle deux peuples
vivaient ensemble, souvent en amitiés, jusqu’à ce que le douk-douk du
terrorisme tue des innocents et que le gaullisme donne raison aux meurtriers du
FLN.
26 mars
1962 à Alger, 5 juillet à Oran. La honte d’un Etat coupable de haute
trahison ! Alors, il a fallu fuir. Quitter la terre natale pour ce que
nous pensions être la Mère Patrie, mais ce fut longtemps des moments de
désillusions. Nous n’étions pas les « bienvenus ». Nous n’étions que
des étrangers et parler « Français » étonnait ce peuple de la Métropole.
Il nous reprochait tout ! De « voler » des emplois... de rendre
la vie plus chère et de faire monter le prix des loyers ... d’être des intrus
que la peau blanche étonnait, mais dont il savait cependant profiter, comme au
temps d’un autre temps, celui de la France dans les griffes nazies.
C’est pour cette raison que je veux souligner à
partir de deux dates si éloignées l’une de l’autre les différences entre notre
Exode en 1962 et l’accueil que firent les Allemands de l’Ouest à leurs frères
de l’Est en 1989, quant le mur qui séparait une Nation en deux s’écroula.
En 1962, ce
fut l’angoisse et l’effroi d’un départ précipité pour les Pieds-noirs
survivants, quand les terroristes du FLN, sous le regard statique de l’armée française
et les ordres de Paris, kidnappaient, violaient, assassinaient des Français
d’Algérie... Ce fut un Exode dans la peur et la tragédie... Tout quitter, tout abandonner
pour ne retrouver rien, aux portes de la France ! Pas de main tendue, pas
de bras accueillants. Les drames, les pleurs, le gouvernement gaulliste s’en
est foutu ! Comme Louis Joxe chargé des « affaires algériennes »
et parrain des barbouzes tueurs de patriotes ou le ministre de l’intérieur,
Roger Frey, qui ordonna par message aux militaires français de ne pas intervenir
lors des exactions FLN dans les villes ou encore les propos de Gaston Deferre
« renvoyant » les Pieds-noirs dans les pays de leurs ancêtres.
Souvent le mensonge, la haine, parfois l’indifférence accompagnèrent ces
déracinés d’Algérie sous la huée des groupes communistes qui interdisaient aux
rares bateaux pleins de désespérés d’accoster à Marseille ou à Port-Vendres.
C’est sur
ce sujet que la différence est impitoyable, profonde, toujours aussi désolante
entre ces deux dates : juillet 1962 / novembre 1989 !
Lorsque
l’Allemagne de l’Est en novembre 1989 a enfin ouvert ses frontières, en
libérant le peuple du joug du communisme, je me souviens d’images de joie et de
bonheur d’une population brimée, espionnée, surveillée qui passait la frontière
et la « Brandenburger Tor », symbole de la
division de Berlin. Elle était accueillie à bras ouverts par les allemands de
l’Ouest. Le mur était tombé et la réconciliation entre l’Est et l’Ouest était palpable,
enthousiaste, sans à priori.
Novembre
1989, en Allemagne ! Un peuple sans haine accueillait son frère de l’Est. Juillet
1962, en France ? Ce fut l’inverse. Pas d’état de grâce pour accueillir
les Pieds-noirs. Que des mensonges, du mépris et un certain rejet à nous recevoir.
Nous étions les intrus, les indésirables et pourtant les seuls à saluer le
drapeau de la Nation et à chanter la Marseillaise.
Je me souviens de cette différence entre ces deux
façons d’accueillir une partie des siens ! Le résultat, aujourd’hui, est
hélas visible. Un peuple allemand qui montre les voies de l’économie, de la
puissance financière et qui domine l’Europe, tandis que la France, aigrie,
étouffée par son complexe des colonies, toujours imprégnée de ce rejet d’une
vraie réconciliation avec ses Africains, ses Français d’Algérie, se trouve à la
traîne de cette Europe depuis des décennies.
Robert
Charles PUIG /février 2016
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