Juillet 1962 / Novembre 1989

Deux dates qui sont la représentation de faits marquants du XX ième siècle.

1962, j’y étais. Un drame ! Une année où le peuple fut pris dans les étaux de mensonges d’Etat entre Paris et le Rocher noir, aux environs d’Alger, un véritable camp retranché interdit aux Pieds-noirs. Le fief d’un représentant du gouvernement gaulliste et futur exécuteur des basses œuvres du pouvoir central. Il s’appelait Christian Fouchet ! Haut commissaire en Algérie française, il était un des laquais du général, celui qui agissait sous la volonté d’un De Gaulle d’en finir avec le peuple rebelle des Français d’Algérie. Je me souviens de son visage, de son regard noir et du ton menaçant qu’il employa pour nous parler, nous menacer, à la télévision d’Alger. Lui qui, lorsque très rarement il venait au gouvernement général - le G.G. - se faisait précéder d’une armada de CRS chargée de faire fermer les fenêtres des balcons sous la menace des armes, car il avait peur d’un attentat sur sa route, lui qui vivait terré dans son fief du Rocher noir, avait à la télévision le courage du pleutre et il nous narguait, sûr de son impunité devant les hommes, devant un peuple aux abois, mais certainement pas devant Dieu !

C’était en 1962, au mois de mars.

Il y avait eu pour ce peuple pied-noir bien des « Avant ». 1958, le 13 mai : un espoir... déçu ! 1960, janvier : les barricades, fors l’honneur... et l’emprisonnement des héros. 1961, avril : le putsch des généraux. Zeller, Jouhaud, Salan, Challe. Un instant de liesse, puis la fin d’un peuple qui se dessine, au fil des décisions et des ordres parisiens accompagnés des barbouzes téléguidés par le Ministre de l’intérieur Louis Joxe pour détruire par la torture et la mort les défenseurs de ce qui nous appelions l’Algérie française. Bien entendu, il était certainement possible d’envisager une autre solution que de tenir une population en désespérance sur un avenir à reconstruire autrement, mais les ordres de De Gaulle étaient à l’intransigeance. Il en voulait à ce peuple du sud de la Méditerranée de se souvenir du sauveur de la France, en 1918 ; il en voulait à ces Pieds-noirs qui l’accusaient de la mort des marins français (1297) de Mers el-Kebir par la flotte anglaise, le 3 juillet 1940. Il savait que Giraud était dans leur cœur beaucoup plus que lui. De plus, les algérois au pied du G.G. l’avaient sans doute oublié, il avait promis aux alliés, en vendant son âme au diable pour un fauteuil sur la place internationale, la fin des colonies... mais l’Algérie était-elle une colonie, cette partie de la France avec ses départements ?

Rien ne comptait pour le général, sinon la fin d’un monde et il a été au bout de ses idées, de ses mensonges avec la mort des innocents : civils européens et musulmans fidèles au drapeau... Pour « asseoir »  sa décision, il y a eu le 26 mars, sous l’orchestration diabolique de Christian Fouchet et du général Charles Ailleret.

Ce dernier n’avait-il pas dans un ordre du jour n° 11 adressé à toutes les forces de l’ordre, indiqué entre autres, (paragraphe 4) : « (l’armée)... Elle doit par sa présence et, si cela est nécessaire par son action, contribuer à empêcher que le désordre l’emporte quels que soient ceux qui tenteraient de le déchainer à nouveau ».

C’est ainsi que le 26 mars, au cœur de la ville, entre la Grande poste et le Monument aux Morts, c’est le fusil mitrailleur qui a tonné. Le ton rageur de ses balles a résonné à travers la ville. Il tuait, accompagné des rafales d’armes automatiques qui surprenaient un peuple sans arme. Des militaires en tenues françaises assassinaient et achevaient les survivants au carnage. C’était le plus infâme déni du drapeau français, des trois couleurs honteuses d’être bleue, blanche et rouge !

Ce jour du 26 mars, il y avait du sang sur les trottoirs, du sang d’innocents qui n’avaient eu qu’un espoir, garder l’Algérie à la France. Ils étaient morts pour rien car De gaulle avait l’obsession de les éliminer, de brader un territoire plus grand que la Métropole pour le plaisir de s’imposer par le mensonge et le déshonneur : celui de faire tuer des Français par des français... Ce n’était pas, je crois, sa première fois ! Liquider une province, liquider des vies et des souvenirs, liquider 132 ans de présence française sur une terre de razzias devenue un monde moderne, ce fut son œuvre ! Pourtant, cette terre ne fut pas seulement une conquête guerrière mais elle apporta la fin des maladies endémiques gale, typhus, paludisme ; l’éducation et l’instruction ; la construction de toute une infrastructure : villes, ports, routes, barrages et une agriculture moderne.

En 1962, les accords d’Evian furent signés avec le sang de l’Algérie française, mais les survivants aux massacres d’Alger, d’Oran ou du Bled, se souviennent. Ils se souviennent et leurs armes aujourd’hui ne sont pas la nostalgie mais la volonté d’espérer qu’un jour la Vérité éclate au grand jour.

Un rêve impossible ? Non ! Le temps de la Vérité viendra quand le drame et l’Exode des Français d’Algérie seront enseignés dans les écoles sans rien oublier du passé ; sans occulter que pendant plus d’un siècle deux peuples vivaient ensemble, souvent en amitiés, jusqu’à ce que le douk-douk du terrorisme tue des innocents et que le gaullisme donne raison aux meurtriers du FLN.

26 mars 1962 à Alger, 5 juillet à Oran. La honte d’un Etat coupable de haute trahison ! Alors, il a fallu fuir. Quitter la terre natale pour ce que nous pensions être la Mère Patrie, mais ce fut longtemps des moments de désillusions. Nous n’étions pas les « bienvenus ». Nous n’étions que des étrangers et parler « Français » étonnait ce peuple de la Métropole. Il nous reprochait tout ! De « voler » des emplois... de rendre la vie plus chère et de faire monter le prix des loyers ... d’être des intrus que la peau blanche étonnait, mais dont il savait cependant profiter, comme au temps d’un autre temps, celui de la France dans les griffes nazies.

 

C’est pour cette raison que je veux souligner à partir de deux dates si éloignées l’une de l’autre les différences entre notre Exode en 1962 et l’accueil que firent les Allemands de l’Ouest à leurs frères de l’Est en 1989, quant le mur qui séparait une Nation en deux s’écroula.

En 1962, ce fut l’angoisse et l’effroi d’un départ précipité pour les Pieds-noirs survivants, quand les terroristes du FLN, sous le regard statique de l’armée française et les ordres de Paris, kidnappaient, violaient, assassinaient des Français d’Algérie... Ce fut un Exode dans la peur et la tragédie... Tout quitter, tout abandonner pour ne retrouver rien, aux portes de la France ! Pas de main tendue, pas de bras accueillants. Les drames, les pleurs, le gouvernement gaulliste s’en est foutu ! Comme Louis Joxe chargé des « affaires algériennes » et parrain des barbouzes tueurs de patriotes ou le ministre de l’intérieur, Roger Frey, qui ordonna par message aux militaires français de ne pas intervenir lors des exactions FLN dans les villes ou encore les propos de Gaston Deferre « renvoyant »  les Pieds-noirs dans les pays de leurs ancêtres. Souvent le mensonge, la haine, parfois l’indifférence accompagnèrent ces déracinés d’Algérie sous la huée des groupes communistes qui interdisaient aux rares bateaux pleins de désespérés d’accoster à Marseille ou à Port-Vendres.

C’est sur ce sujet que la différence est impitoyable, profonde, toujours aussi désolante entre ces deux dates : juillet 1962 / novembre 1989 !

Lorsque l’Allemagne de l’Est en novembre 1989 a enfin ouvert ses frontières, en libérant le peuple du joug du communisme, je me souviens d’images de joie et de bonheur d’une population brimée, espionnée, surveillée qui passait la frontière et la « Brandenburger Tor », symbole de la division de Berlin. Elle était accueillie à bras ouverts par les allemands de l’Ouest. Le mur était tombé et la réconciliation entre l’Est et l’Ouest était palpable, enthousiaste, sans à priori.

Novembre 1989, en Allemagne ! Un peuple sans haine accueillait son frère de l’Est. Juillet 1962, en France ? Ce fut l’inverse. Pas d’état de grâce pour accueillir les Pieds-noirs. Que des mensonges, du mépris et un certain rejet à nous recevoir. Nous étions les intrus, les indésirables et pourtant les seuls à saluer le drapeau de la Nation et à chanter la Marseillaise.

Je me souviens de cette différence entre ces deux façons d’accueillir une partie des siens ! Le résultat, aujourd’hui, est hélas visible. Un peuple allemand qui montre les voies de l’économie, de la puissance financière et qui domine l’Europe, tandis que la France, aigrie, étouffée par son complexe des colonies, toujours imprégnée de ce rejet d’une vraie réconciliation avec ses Africains, ses Français d’Algérie, se trouve à la traîne de cette Europe depuis des décennies.

                                                                      Robert Charles PUIG /février 2016

Mis en page le 11/02/2016 par RP